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TUBI TUBA

TUBI TUBA

Sélia Louise Château

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Transcription

The narrator is waiting for Gilles to arrive with two wooden chairs. Gilles is late, but eventually shows up in an orange rental car. They have a conversation about an artist named Bankochi/Bankouksi. The narrator feels uneasy, thinking they might be kidnapped or have an accident. They arrive at a storage facility where Gilles finds four chairs instead of two. The narrator declines Gilles' offer for a ride back and watches him leave. The evening ends with the narrator reflecting on the meaning of life. Rue de l'Evangile, 20h, j'attends Gilles et ses deux chaises en bois achetées sur le bon coin. 20h30, toujours rue de l'Evangile et mon Gilles n'est pas là. Je me dis dans 10 minutes top chrono, je me tire, il fera pour qui lui à me faire attendre dans le froid ? Au téléphone, je n'ai pas cette verve. Allo, oui bonsoir monsieur, je suis là et j'ai froid. Oh là là, pardon, pardon, je suis à 5 minutes à pied, rejoignez-moi. Je marche. Au loin, un homme aux cheveux longs, un bonnet vissé sur le crâne me fait des signes. Il a une tronche à la Jonathan Cohen mais avec une perruque de cheveux, comment on dit ? Poivre et sel, les deux. De toutes les voitures garées, il choisit la voiture de location orange, dont l'un des rétroviseurs s'est fait la malle en même temps que la caution. On n'est pas les seuls, tu vois, à porter nos échecs au milieu du visage. Cette bagnole, c'est pareil. Elle aura beau faire semblant, on le voit bien qu'elle a connu son eau d'or sombre et que ça l'empêche de voir clair. Il entre, il allume le chauffage, me demande de m'installer et il ressort. Je me dis, les mecs, ils n'ont peur de rien. Et si je décidais de me tailler dans sa caisse, il n'aurait pas l'air con, gilou. Au tribunal, on me dirait quand même, monsieur, ce n'est pas très malin d'avoir laissé les clés sur le moteur. Et puis, vous étiez habillé comment ? Et je serais condamné à 0,9%. Non, pardon, je profonde, c'est les gueules. Bon, mais évidemment, je vais rester le cul vissé sur le siège passager à l'attendre bien, sagement, avec le chauffage qui me crachait ses excuses en pleine face. Il entre dans la voiture. On discute. Il me parle d'un artiste qu'il admire. Bankochi ou Bankouksi, un truc dans le genre. J'ose un Banksy, timide. Il me dit oui. Il est fasciné par cet homme connu que personne ne connaît. Il a deux grands yeux ouverts comme une bouche au goûter. Je me dis, c'est sûr, je vais mourir ce soir. Si ce n'est pas un kidnapping, ce sera un accident. Et encore, pour l'instant, il n'a pas cherché frénétiquement la vidéo qu'il a tournée au Yémen, où il s'est fait embarquer par des militaires qui apparemment là-bas ne rigolent pas, en ponctuant ces fouilles archéologiques dans la barre de recherche de... Non mais t'y crois toi, Célia ? Ma vidéo a disparu, c'est pas possible ? On freine. On entre dans un parking. Je me demande si ma gourde est assez lourde pour l'assommer. Je me dis, si je m'y prends bien, bim, dans les temples, ça devrait suffire. Il ouvre son hangar. Et là, il découvre quatre chaises au lieu des deux qu'il m'avait promis. Mais... J'en ai quatre. Je me dis, je vais être le studio le mieux fourni en chaises pliables de tout Paris. A chacune ses victoires, bébé. Il tient absolument à se faire pardonner pour son retard, alors il déterre tout ce qui est à portée de main, c'est-à-dire pas grand-chose, parce que c'est un vrai foutoir. Si tu t'es pas gaze, tu risques de finir empalé dans une lampe ou une trottinette ou un tabouret. On y perdrait père, mère et frère et tous ses problèmes avec. Je jute le tabouret. Je me dis, j'aimerais bien manger une plante comme les vieux cactus que j'arrose trop. C'est fou parce qu'en amour, je suis plutôt du genre frileux. J'imagine que le jardinage d'intérieur, c'est ma catharsis. J'y fous un vrac tout l'amour que j'ose pas donner aux êtres humains. Il m'arrête en pleine réflexion. Non, non, ça c'est le tabouret de Patrick pour quand il fait les brocantes. Il me fait visiter son deuxième hangar, qui est encore pire que le premier. C'est comme un mur d'objets moches et cassés dont même un musée d'art contemporain ne voudrait pas. Je suis là, entre un bec à magazine féminin et une télévision. Il est 22h30 et j'ai bientôt les larmes aux yeux. La soirée se finit. Presque. Je décline son aide au retour. Je le regarde s'éloigner pour toujours. Comme Otubituba, quand c'est l'heure de rentrer, il convient pile poil de rencontrer sa meilleure amie. Et que la vie n'aurait plus de sens maintenant sans elle. Et pourtant, il va bien falloir lui en donner un.

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