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Comment savoir ce qu’on ne sait pas?
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Comment savoir ce qu’on ne sait pas?
The transcription is a passage from a book called "Le journal d'un homme de Trot-Tourguegnef." The narrator recalls his time in the city of Eau, where he meets a man named Eau Jogine and falls in love with his daughter, Elisabeth-Cyrilovna. They spend three happy weeks together, but the narrator knows that something will soon change. He remembers a pleasant walk through a nearby forest with Eau Jogine, Elisabeth, and another man named Besmienkoff. These memories bring him joy, but also a sense of sadness and anticipation. Le journal d'un homme de Trot-Tourguegnef Achetez ce livre, il est dans la collection Le Livre de Poche. L'homme de Trot-Tourguegnef est sur son lit de mort et il se souvient de quelques passages de sa vie pendant lesquels il était en bonne santé. Alité écrit ceci en date du 24 mars. 24 mars, gelée aiguë. Le jour même de mon arrivée dans la ville d'Eau, les affaires de services dont j'ai parlé plus haut me forcèrent de me rendre chez un certain Eau Jogine Cyril Matevic, un des plus importants fonctionnaires du district, dont je ne fis la connaissance ou plutôt dont je ne me rapprochais qu'au bout de deux semaines. Sa maison était située dans la principale rue et se distinguait de toutes les autres par un toit coloré et les deux lions qui gardaient la porte. Ces lions étaient de l'espèce de ceux qu'on voit aux portes cochères à Moscou et qui ressemblent même à des chiens fantastiques. Ces lions seuls suffisaient à prouver l'opulence d'Eau Jogine et il avait en effet quatre sans-âmes, recevait la meilleure société d'Eau et passait pour être hospitalier. Le préfet de la ville, homme d'une obésité peu commune et qui semblait avoir été taillé dans un balot avarié, se rendait chez lui dans un large drojki à deux chevaux. Il recevait aussi les autres employés, le procureur, créature bilieuse et méchante, l'arpenteur, grandiseur de bons mots, d'origine allemande et à figure tartare, l'officier des ponts et chaussées, âme tendre, bon chanteur mais mauvaise langue, l'ex-chef du district, individu à cheveux teints, à chemise fripée et à pantalons étroits. Celui-ci était doué de cette expression grandiose de physionomie particulière aux jambes qu'un jugement a convaincu de Pécula. On trouvait encore chez Eau Jogine deux propriétaires amis inséparables, tous les deux vieux et cassés, dont le plus jeune cherchait constamment à amuser l'autre en lui fermant la bouche à tout propos avec ce seul et même reproche. — Allons, Serge Sergeïvitch, finissez donc ! Où voulez-vous en venir, vous qui écrivez Bouchon avec un P ? — Oui, messieurs, continuait-il en s'adressant avec indignation à ceux qui l'écoutaient. Serge Sergeïvitch n'écrit pas Bouchon mais Pouchon, et tous les assistants de rire, quoique aucun d'eux probablement ne fût très compétent en fait d'orthographe, tandis que le malheureux Serge Sergeïvitch se taisait, baissait la tête et souriait d'un air résigné. Mais j'oublie que mes jours sont comptés et que je me lance dans une description trop détaillée. Ainsi donc, sans plus long détour, Eau Jogine était mariée. Il avait une fille nommée Élisabeth-Cyrilovna, et je m'épris de cette jeune fille. Eau Jogine n'était ni bon ni mauvais. C'était un homme comme on en voit tant. Sa femme, j'oserais la nommer une vieille volaille, mais la fille ne tenait nullement de ses parents. Elle était jolie de figure, d'un caractère enjoué et modeste. Ses yeux gris regardaient avec bonté et candeur sous des sourcils constamment relevés comme ceux des enfants. Elle souriait presque toujours et riait fort souvent. Sa voix fraîche avait un timbre agréable. Ses mouvements étaient libres et rapides. Elle rougissait facilement et joyeusement. Ses toilettes n'étaient pas toujours de bon goût. Il n'y avait guère que les robes simples qui lui halassent bien. J'étais en général peu prompte à faire connaissance. Je n'avais surtout aucune habitude du commerce des femmes, et quand il m'arrivait de me trouver en leur présence, je me mettais à froncer le sourcil et à prendre un air farouche, ou bien je bégayais niaisement et tournais avec embarras ma langue dans ma bouche. Ce fut le contraire qui eut lieu avec Elisabeth Cirilovna. Je me sentis à mon aise dès la première fois. Voici comment la chose m'arriva. J'allais un jour chez Ojogine avant l'heure du dîner et demandai s'il était chez lui. — Il y est, me répondit-on, mais il s'habille. Veuillez passer dans le salon. J'y entrais. En regardant autour de moi, j'aperçus près de la fenêtre une jeune fille en robe blanche qui me tournait le dos. Elle tenait une cage dans ses mains. Je me sentis troublé comme à l'ordinaire. Je me remis cependant et toussé pour avoir une contenance. La jeune fille se retourna si vivement que ses boucles de cheveux lui frappèrent le visage. Elle m'aperçut, s'inclina et me montra, en souriant, une petite boîte à moitié remplie de graines de chenève. — Vous permettez ? me dit-elle. Moi, tout naturellement, et comme cela se fait en pareille occurrence, j'inclinai d'abord la tête, puis je souris, levai la main en l'air et l'agitai deux fois avec grâce. La jeune fille se détourna aussitôt, enleva la petite planchette de la cage, se mit à la gratter fortement avec un couteau et, sans changer de place, elle prononça les paroles suivantes. — C'est le bouvreille de papa. Aimez-vous les bouvreilles ? — Je préfère les sereins, répondis-je, non sans un certain effort. — Ah ! moi aussi, j'aime les sereins. Mais regardez donc comme il est gentil. Voyez, il n'a pas peur. J'étais surpris de n'avoir pas peur moi-même. — Approchez-vous, il s'appelle Popka. Je m'approchai et me penchai sur la cage. — Il est gentil, n'est-ce pas ? Elle se tourna vers moi. Nous étions si près l'un de l'autre qu'elle fut obligée de renverser un peu la tête pour me regarder avec ses yeux brillants. Je la contemplai. Tout son visage vermeil s'illumina d'un sourire si affectueux que je souris à mon tour et faillis même rire de plaisir. La porte s'ouvrit. M. Ogigine entra. Je me mis aussitôt à causer très librement avec lui et, je ne sais comment cela se fit, je restai à dîner et passer toute la soirée chez eux. Le lendemain, le lac est d'Ogigine. Pauvre diable efflanqué et presque aveugle, me souriait déjà comme à un ami de la maison en me débarrassant de mon manteau. Trouver un refuge, se faire un nid même temporaire, connaître le charme tranquille des habitudes et des rapports journaliers, c'était un bonheur que moi, homme de trop et sans souvenir de famille, je n'avais jamais éprouvé jusqu'alors. S'il était possible que quelque chose en moi pût faire songer à une fleur, et si cette comparaison n'était déjà si usée, je pourrais me résoudre à dire que de ce jour mon âme s'épanouit. Un changement instantané sembla se faire en moi et autour de moi. Toute ma vie fut illuminée par l'amour, oui, ma vie entière, jusqu'aux moindres détails, ainsi qu'une chambre sombre et abandonnée dans laquelle aurait subitement pénétré la lumière. Je me levais et je me couchais, je déjeunais, je fumais ma pipe autrement que par le passé. Je sautais, même en marchant, oui, vraiment, je sautais, comme s'il m'était tout à coup possédé des ailes aux épaules. Je me rappelle que je n'eus pas un seul instant de doute au sujet du sentiment que m'inspirait Elisabeth Cirilovna. Je fus passionnément amoureux d'elle dès le premier jour, et je sus dès le premier jour que j'étais amoureux d'elle. Pendant trois semaines, je ne cessais de la voir. Ces trois semaines furent le temps le plus heureux de ma vie, mais c'est un souvenir qui me pèse. Je ne puis penser à ces trois semaines sans songer involontairement à ce qui arriva ensuite, et sans qu'une amertume empoisonnée ne pénètre ce cœur qui allait s'attendrir. Lorsqu'un homme heureux est complètement sain d'esprit de cœur, on sait que son cerveau travaille peu. Un sentiment calme et serein, le sentiment de la satisfaction, s'empare de tout son être. Il en est envahi. La conscience de sa personnalité lui échappe. Il nage dans la béatitude, disent les mauvais poètes, mais lorsque ce charme s'évanouit enfin, l'homme éprouve quelquefois un certain dépit, presque un regret de s'être si observé au milieu de son bonheur, de n'avoir pas appelé la réflexion et le souvenir à son aide pour prolonger et doubler ses jouissances, comme si dans la béatitude l'homme pouvait trouver qu'il valut la peine de réfléchir sur ses sentiments. L'homme heureux est comme une mouche au soleil. Aussi m'est-il presque impossible, lorsque je me rappelle ces trois semaines, de retenir dans mon esprit une impression exacte et définie. Cela me réussit d'autant moins qu'il ne se passa rien de particulièrement remarquable entre nous pendant ce temps. Ces vingt jours m'apparaissent comme quelque chose de chaud, de jeune et de parfumé, comme un rayon lumineux dans ma vie éterne et décolorée. Ma mémoire ne devient tout à coup inexorablement précise et sûre qu'à compter du moment où, pour employer encore les expressions de ces mêmes mauvais poètes, les coups du sort s'abattirent sur moi. Et pourtant, ces trois semaines ont laissé en moi quelques empreintes. Lorsqu'il m'arrive parfois de réfléchir longuement sur cette époque, certains souvenirs se dégagent soudain des ténèbres du passé, pareils aux étoiles que le regard fixement tendu découvre inopinément au milieu du ciel nocturne. J'ai conservé surtout le souvenir d'une promenade à travers le bois qui se trouve derrière la ville d'Eau. Nous étions quatre, la vieille Eau-Joguine, Lise, moi et un certain Besmienkoff, dont j'aurai encore à parler, employé inférieur, domicilier à Eau, petit homme, blondasse, paisible et bon. M. Eau-Joguine était resté chez lui, il s'était donné une migraine à force de dormir. La journée était magnifique, chaude et pure. Les Russes ne sont pas en général grands amateurs de jardins de plaisance ou de promenades publiques. Quelle qu'en soit la raison, on rencontre rarement âmes qui vivent dans ces soi-disant jardins publics. Une vieille femme vient de temps en temps s'asseoir en gémissant sur un banc de gazon bien rôti au soleil, près duquel s'élève un chétif arbuste. Si pourtant il se trouve aux environs de la ville un maigre petit bois de bouleau, les marchands, et quelquefois les employés, aiment ainsi transporter les dimanches et les jours de fête. Ils emportent avec eux des samovars, des gâteaux et des melons d'eau, et après avoir étalé toutes ses friandises sur l'herbe poussiéreuse qui borde la grande route, ils s'assoient tout à l'entour, boivent aimant jusqu'au soir à la sueur de leurs frots. Il existait justement un petit bois semblable à deux verstes de la ville d'eau, poussé à l'âme un peu après le dîner. Besnyankov offrit son bras à la vieille ojeguine. Je donnais le mien à Lise. Le jour était déjà sur son déclin. C'était le temps de la première ferveur de mon amour. Nous nous connaissions à peine depuis quinze jours. Je me trouvais dans cet état d'adoration passionnée et attentive, où toute notre âme suit innocemment et involontairement les moindres mouvements de l'être aimé, où nous ne pouvons nous rassasier de sa présence, ni assez entendre sa voix, où nous regardons autour de nous et sourions comme un enfant en convalescence, où tout homme quelque peu expérimenté doit reconnaître à cent pas et à première vue ce qui se passe entre nous. Il ne m'était pas arrivé jusqu'à ce jour de donner le bras à Lise. Nous marchions côte à côte, foulant doucement l'herbe verte. Une légère petite brise voltigeait autour de nous à travers les trompes blanchâtres des bouleaux, et je me jetais parfois le ruban du chapeau de Lise au visage. Je suivais obstinément son regard jusqu'au moment où elle se tournait enfin gaiement vers moi, et nous nous mettions à nous sourire l'un à l'autre. Les oiseaux semblaient nous gazouiller leur approbation. Le ciel bleu nous contemplait avec tendresse à travers le feuillage menu et transparent. L'excès du bonheur me donnait le vertige. Je me hâte de faire observer que Lise n'était aucunement éprise de moi. Je lui plaisais. Elle n'était pas sauvage de nature, mais ce n'est pas à moi qu'il était donné de troubler sa placidité enfantine. Elle se suspendait à mon bras comme à celui d'un frère. Elle venait d'entrer dans sa dix-septième année. Et cependant ce soir-là, même commença devant moi cette douce fermentation intérieure qui précède la transformation de la jeune fille en femme. Je fus témoin de cette transfiguration, de cette incertitude innocente, de cette méditation inquiète. Je fus le premier à remarquer cette subite mollesse du regard, cette inégalité dans les sons de la voix et, ô pauvre niais, homme de trop sur la terre, je n'eus pas honte de supposer pendant toute une semaine que j'étais moi la cause de ce changement. Il y avait longtemps que nous nous promenions. Le soir était venu. Nous nous parions peu. Je me taisais comme le font tous les amoureux qui ont peu d'expérience. Et elle faisait de même, probablement parce qu'elle n'avait rien à me dire. Mais elle paraissait absorbée par une pensée secrète et secouait la tête d'une façon toute particulière en mordiant d'un air rêveur une feuille qu'elle venait de cueillir. Elle se mettait par moments à marcher en avant d'une manière résolue, puis s'arrêtait tout à coup, m'attendait et regardait autour d'elle en souriant d'un air distrait. La veille, nous avions, l'ensemble, le prisonnier du Caucase. Avec quelle avidité elle m'avait écouté, tout en tenant son visage dans ses deux mains et sa patrine appuyée contre la table. Je me mis à lui parler de cette lecture. Elle rougit, me demanda si, avant de partir, j'avais donné de la graine de chenevis à son bouveuille. Antona a haute voix une romance et retomba subitement dans le silence. Le bois s'adossait d'un côté à un escarpement roide et élevé. Une petite rivière figneuse coulait en dessous, et au-delà de la rivière s'étendait une vaste prairie qui tantôt ondulait légèrement et tantôt devenait unie comme une nappe. Des raisins l'entrecoupaient, ça et là. Nous étions arrivés les premiers. Lisez-moi sur la lisière du bois. Despiencoff était resté en arrière avec la vieille Ogéguénie. Nous sortîmes du fourré. Nous nous arrêtâmes, et tous les deux nous fûmes forcés de cligner des yeux. Juste en face de nous, le soleil se couchait, fanglant et superbe au milieu d'un nuage incandescent. Une moitié du ciel était embrasé. Des rayons empourprés tombaient obliquement sur les prairies. Jetaient un reflet vermel jusque sur la partie des raisins déjà couvertes d'ombre, s'étendaient en jets de plomb fondus sur la petite rivière aux endroits où elle ne se cachait pas sous les arbustos penchés sur ses rives, et allaient donner d'aplomb sur le flanc de l'escarpement et sur le rideau serré du bois. Nous restions immobiles, enveloppés d'une lueur ardente. Je ne suis pas en état de rendre toute la solennité passionnée de ce tableau. On dit que, pour un aveugle, la couleur rouge correspond au son des trompettes. Je ne saurais dire à quel point la comparaison est exacte, mais il y avait réellement quelque chose d'impérieusement éclatant, comme un appel suprême dans ce torrent d'or flamboyant, dans ce vaste embrasement du ciel et de la terre. Je jetai un cri d'enthousiasme et me tournai aussitôt vers Lise. Elle tenait les yeux fixés droit sur le soleil. Je me rappelle qu'il se réflétait dans ses yeux en petits points lumineux. Elle était touchée et profondément émue. Elle ne répondit pas à mon exclamation, mais resta longtemps immobile, la tête baissée. Je lui tendis la main. Elle se détourna et se mit tout à quoi pleurer. Je la regardai avec une incertitude secrète et presque joyeuse. La voix de Besmiankov retentit à deux pas de nous. Lise échouait rapidement ses larmes et me regarda avec un sourire indécis. Madame Augeguine, sortie du bois, appuyait sur son cavalier. Ils s'arrêtèrent à leur tour pour admirer ce magnifique tableau. La vieille dame fit une question à sa fille et je me rappelle mon très saillement involontaire quand la voix de Lise résonna avec une vibration cristalline en répondant à sa main. Le soleil s'était couché pendant ce temps et l'incendie du soir commençait à s'éteindre. On retourna sur nos pas. Je repris le bras de Lise. Il faisait encore assez clair dans le bois et je pouvais distinguer ses traits. La rougeur qui s'était répandue sur tout son visage n'avait pas encore disparu. Elle semblait être encore enveloppée des rayons du soleil couchant. Son bras effleurait à peine le mien. Je fus longtemps avant d'oser parler, tant mon cœur battait fortement. Une voiture apparut dans le lointain à travers les arbres. C'était le cocher qui venait à notre rencontre au pas sur la route sourde et sablonneuse. — Elisabeth Sielovna ! dis-je enfin. — Pourquoi donc pleuriez-vous ? — Je ne sais, répondit-elle après un instant de silence. Elle fixa sur moi ses yeux encore humides de larmes. Son regard me parut transformé. — Je vois que vous aimez la nature ! repris-je. Ce n'était pas là du tout ce que je voulais dire et j'eus la peine à balbutier la fin de cette phrase. Elle secoua la tête. Je n'étais plus en état de prononcer une syllabe. J'attendais je ne sais quoi. — Était-ce un aveu ? allons donc. J'attendais un regard, confiant, une question. Mélise tenait les yeux baissés. Elle se taisait. Je répétai encore à demi-voix. — Pourquoi ? — Et restait sans réponse. Je voyais qu'elle était gênée et presque honteuse. Un quart d'heure après, nous étions assis tous les quatre dans la voiture et nous nous approchions de la ville. Les chevaux couraient d'un trou régulier. Nous roulions rapidement à travers l'air frais et obscur. Je me mis à causer, m'adressant toujours soit à Besmienkov, soit à Mme Rojiguin. J'évitais de tourner les yeux vers Mélise, mais je pouvais remarquer qu'enfoncés dans un coin de la voiture, ses regards erraient. Ça et là et s'arrêtèrent plus d'une fois sur moi. Arrivée à la maison, elle reprit son empire sur elle-même, mais elle ne voulut cependant continuer notre lecture et alla se coucher de bonheur. La crise, cette crise dont j'avais parlé, venait de s'accomplir en elle. Elle avait cessé d'être une enfant. Elle aussi commençait à attendre, comme moi. Elle n'attendit pas longtemps. Je rentrais ce soir là avec un enchantement dans le cœur, quelque chose de vague qui avait germé en moi comme un pressentiment, comme un soupçon, s'évanouit soudain. Je mis sur le compte de la pudeur virginale et de la timidité cette subite contrainte que j'avais remarqué dans la manière d'être de Lise vis-à-vis de moi. N'avais-je pas lu, mille fois, et dans beaucoup d'ouvrages, que la première apparition de l'amour trouble et effraie une jeune fille ? Je me sentais excessivement heureux et me livrais cependant à toutes sortes de projets. Si quelqu'un m'avait alors dit à l'oreille, « Tu fais fausse route, l'ami. Ce n'est pas là ce qui t'attend, frère. Ce qui t'attend, c'est la mort, dans l'isolement, sous le toit d'une vilaine maison délabrée, au bruit des gronderies insupportables d'une vieille mégère qui guette impatiemment ta dernière heure afin de te vendre tes vieilles bottes. » Oui, je me sens malgré moi porté à répéter avec un grand philosophe russe, « Comment savoir ce qu'on ne sait pas ? » Adeu.