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cover of L'INVENTAIRE
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The passage describes various elements of a house, such as a creaky staircase, a crack in the wall, measurements on the wall, and a missing wardrobe. It also mentions a stove, a juicer, and a television. The narrator explores the house at night, feeling the textures and navigating in the dark. The passage reflects on the passage of time and the narrator's emotions, mentioning joy, solitude, and moments of crying and laughter. The narrator hesitates to write because it requires honesty and self-examination. They question the origin and validity of their ideas and express a fear of finding nothing inside themselves. L'inventaire La porte qui s'ouvre à l'autre bout de la maison où on entre, les trois premières marches de l'escalier qui craquent et nécessitent une souplesse vive pour aller directement à la quatrième s'il faut ne pas annoncer sa présence à deux heures du matin. La fissure qui parcourt le mur entre le salon et la cuisine, qui va du sol au plafond, les plaintes violettes, les mesures de nos tailles au crayon sur le mur entre ta chambre et la mienne, carrefour où nos deux fronts se sont rencontrés un peu violemment, un soir où nous voulions tous les deux se faire peur, le lit-là où Guizemot fut enterré avec ses friandises favorites, l'armoire du palier dans laquelle j'espère encore me trouver alors qu'elle n'est plus là depuis longtemps, le poêle à bois en face duquel je faisais frire mes rétines, le bruit de la bouillard au milieu du film, la machine à jus d'orange qui dit je t'aime plus souvent que papa, maman qui s'assouplit invariablement devant la télé, qui garde de temps en temps un oeil ouvert et aussi, à quoi fait-il penser cet oeil brun, abandonné comme ça sur la rive entre la conscience et le rêve, témoin inutile du temps. Maman regarde les films par paire, la première moitié du premier, la fin du deuxième, le fil de l'interrupteur qui pendouille, celui qui est à notre portée, qui éteint la lumière la plus éloignée et celui qui est un peu plus loin, juste au-dessus du bois coupé, qui éteint la partie du garage où nous sommes. La nuit, je parcours la maison comme une voleuse, je sens soulever les textures qui s'enchaînent, le rebord sur lequel ne pas cogner, son pied avant d'atteindre la salle de bain, les 3,5 mètres jusqu'aux toilettes, la place exacte du papier, le virage entre le bar et le frigo quand j'estime que trois heures du matin c'est une bonne heure pour un goûter, le vent qui faisait claquer en quinconce toutes les portes de la maison, l'eau du bain qui refroidit quand quelqu'un d'autre utilise l'eau, à qui l'on doit crier je me lave. La porte-fenêtre et ses crottes de mouches centenaires, ou peut-être en cherchant bien, sont encore gravées les pattes de nos chats morts il y a quinze ans. La télé que je ne sais toujours pas allumer correctement, je me contente d'appuyer deux-trois fois, en espérant ne pas avoir tout cassé. Le garage à moitié posé, pour toujours. Le jardin qui a vu mes pieds grandir, prendre en poids, perdre en souplesse, de corps à l'esprit. Plus récemment, ma peut-être folie qui pourrait s'appeler joie, qui pourrait s'appeler solitude, mes dents à moitié nues. La nuit à pleurer, à rire, à me toucher sous la couette, tout faire, sauf écrire. Parce qu'écrire c'est se voir, qu'il faut de l'honnêteté, se regarder bien en face et dire voilà, voilà tout ce que je suis, pas plus. Pas plus que ces idées dont on ne sait pas si elles sont justes, qui nous les a léguées, et pour combien de temps. En attendant j'écume mes contours, je n'ose pas y plonger le bras, par peur de n'y trouver que ça, que le bras, et que tout soit égal à lui-même, qu'il n'y ait rien en dessous de la surface, rien à l'intérieur de moi.

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