In this radio show, the host introduces his guests, Stéphanie Billiou and Jacques Sautreau de Chaffes, who are adventurers and explorers. They discuss the life and adventures of Tintin, a fictional character known for his travels and discoveries. The host and his guests talk about how they followed in Tintin's footsteps, visiting places mentioned in the Tintin comics and trying to recreate his adventures. They mention Tintin's encounters with secret pyramids in Egypt, guerrillas in South America, and even extraterrestrial life. They also discuss the meticulous research and attention to detail done by Tintin's creator, Hergé. The guests talk about their own expeditions, including a trip to the moon and encounters with Tintin-related artifacts. Overall, they highlight the enduring appeal and universality of Tintin's adventures.
Chers auditeurs, bonjour. Merci d'être fidèles au Libre Journal de l'Aventure. Alors aujourd'hui, nous allons beaucoup voyager dans pratiquement tous les continents de cette planète, grâce à tous nos invités. Alors nous avons un plateau qui est très fourni aujourd'hui, mais pas complètement inconnu des auditeurs, puisque nous recevons entre autres Stéphanie Billiou. Bonjour Stéphanie. Bonjour. Avec Jacques Sautreau de Chaffes, qui est spéléologue. Alors nous allons à présent évoquer avec Jean-Fabien, qui est finalement arrivé. Nous allons évoquer un personnage qui est sans doute le plus grand aventurier de tous les temps.
Finalement, vous êtes tous des voyageurs, des explorateurs, des aventuriers autour de cette table. C'est votre père, c'est notre père spirituel à tous, absolument incontournable. Alors on peut essayer en quelques minutes de tracer quelques-uns de ces hauts faits qu'il a accomplis dans toutes les mers et sur tous les continents du monde. Alors par exemple, je vais vous livrer quelques-unes de ses aventures. Il a découvert des galeries secrètes de pyramides égyptiennes. Il a failli être transformé en cornet de bif dans une usine alimentaire des Etats-Unis.
Il a participé à des guérillers en Amérique du Sud, mais ce n'est pas régiste de vrai. On a voulu lui couper la tête en Chine, le fujiller au Sahara, le noyer en Écosse, le jeter d'un avion dans les Balkans, le torpiller au Moyen-Orient et l'empoisonner en Chine. Il a découvert des trésors, des civilisations précolombiennes oubliées, des puits de pétrole, des astéroïdes perdus et il a même eu des contacts avec des vies extraterrestres. Et bien on peut comme ça en jeter pendant des heures et ce qui est le plus étonnant, c'est que cette espèce de nouveau Sven Edin, de nouveau Monfreil de puissance 10, c'est quelqu'un qui avait à peine notre âge, une vingtaine d'années.
C'est Tintin, c'est lui et à côté de moi j'ai son descendant le plus direct, Jean-Fabien, qui est parti... Lourde responsabilité. Lourde descendance à supporter et à hériter. Alors vous êtes parti à 26 ans avec un ami d'école qui s'appelait Laurent Crignet. C'est 23 ans. On est parti à 23 ans, on est revenu, on approche de nos 26 ans. Vous approchez des 26, donc 3 ans d'expédition presque. 2 ans et demi. Donc vous êtes parti sur les traces de Tintin à la recherche de paysages, de pays, d'objets, d'hommes qui avaient côtoyé Tintin, donc qui avaient imaginé Hergé.
Alors d'habitude, et c'est un peu la grande mode en ce moment, on part sur les traces d'aventuriers qui ont bien existé en chair et en os. C'est les voyages de Tim Severine qui refait les traversées de Jonas, d'Ulysse, de Saint-Brandon, etc. Vous, vous avez choisi de partir sur les traces de carrière qui n'existent pas. Oui, non, mais quelqu'un qui n'existe pas, mais quelqu'un qui a vécu des aventures que tout le monde peut vivre. Et en fait, notre but, c'était d'essayer de revivre ces aventures, de rencontrer les personnages qu'il aurait pu rencontrer, de retrouver des objets.
Parce qu'en fait, tout est basé, toute l'expédition est basée sur le travail et un travail très méticuleux d'un homme. Nous, on est parti un peu, c'était une expédition spédélogique dans la documentation d'Hergé, parce que c'était quelqu'un de tellement pointilleux, tellement sérieux dans son travail qu'il passait, j'allais dire, des années. Mais c'est vrai qu'il passait six, sept mois avant de commencer simplement un album. Et quand on connaît le travail d'Hergé, il travaillait planche par planche et il avançait sans savoir comment ça allait se terminer.
Alors il y avait une équipe qui l'aidait. Au départ, il n'y avait pas d'équipe. Il a commencé dans un journal qui s'appelait Le Petit Vingtième, qui était dirigé par un prêtre catholique qui s'appelait Norbert Valaise. Et ensuite, bien sûr, il a eu autour de lui une équipe qui s'est constituée. Alors pour citer les plus célèbres, il y a Edgar P. Jacob, il y a le père de Plaque et Mortimer. Vous avez des gens comme Bob Demore.
Et si j'ai bien compris. Et Gilles Martin, qui n'est pas le présentateur du journalique. Et alors, Hergé renvoyait ses sbires de tout autour de la planète ? Non, pas du tout. La Belgique avait eu longtemps une histoire colonialiste et très aventureuse. Et ils ont ramené toutes les expéditions belges, toutes les colonies belges. Ils ont ramené tellement de documentations qu'en fait, ils n'avaient qu'à se plonger dans les archives et dans les papiers un peu poussiéreux du musée de Tervurenne, par exemple, qui se trouve à côté de Bruxelles, pour essayer de recréer un monde dans lequel ils pouvaient ensuite faire évoluer son petit personnage.
On va poser une colle à Stéphanie et à Jacques. Est-ce que vous connaissez l'album de Tata, où il y a une question de spéléologie ? Oui, on a marché sur la Lune. Ah, bravo ! On n'est pas en plein dans mes terlinques. A la fois la descente au centre de la Terre et la Lune. Vous n'êtes pas allé sur la Lune ? Non. Alors ça, c'est la grande question. Si tu me poses la question qui faisait le Yeti et Milou, on va couper court à toutes ces discussions.
Alors, la Lune, nous, on avait... Je ne vais pas commencer par la Lune, parce que la Lune, ça a été une belle expérience. Mais je vais commencer par Milou. Il est plus de 40 cm, qui est d'ailleurs resté en Amazonie, dans une tribu indienne, dans les bras d'une petite fille, on a eu du mal à la décrocher. Le Yeti, on ne l'a pas retrouvé. Et la Lune, donc, on a refait les trois sites qui sont à l'heure actuelle des lanceurs, qui sont des bases spatiales.
On a fait Cap Canaveral, où on est monté dans la navette Columbia qui partait un mois après, avec deux gros Yetis derrière nous. On est arrivé à la NASA en leur disant, nous, on aimerait bien partir sur la Lune. On a tellement insisté qu'on les a fait rigoler, qu'ils nous ont dit, repassez dans deux jours, on va voir à Washington si on peut vous faire monter dans la navette. Vous avez eu les autorisations ? Deux jours après, aussi étonnamment que ça puisse paraître, on a eu les autorisations pour monter.
On avait deux Yetis derrière nous, armés, etc., pour ne pas qu'on touche au bouton. Il y avait quelqu'un de la CIA, etc. On s'est retrouvé assis dans les fauteuils qui servent aux astronautes pour partir. Ensuite, on est allé à Kourou, en Colombie-Britannique, qui est le port spatial européen, et qui a pour particularité d'être un jardin d'enfants pour des cerveaux aussi brillants qu'aussi fous. Toutes les semaines, ils passent leur temps à travailler sur des fusées, et le week-end, ils font partir des fusées, des petites fusées.
Il y a toute une animation qui tourne autour de tous ces lancements de fusées. A savoir qu'on a rencontré quelqu'un qui s'appelle PV2V, qui est le directeur de la base de calcul de Kourou, et qui a, pour passion, une idée. Il nous a raconté un petit peu son histoire et comment il avait eu cette idée. C'était après un dîner un peu arrosé, et avec des amis d'Hergé, c'est un passionné de Tintin, et il a eu l'idée de construire la fusée Tintin.
Il a eu, je crois, 4 ou 5 ans pour construire cette fusée. Au bout du 17ème essai de lancement, il en a eu ras-le-bol, et il s'est dit que ce n'était pas possible, qu'elle ne partira jamais, etc. Et puis, à une autre rencontre de tous les Tintinophiles éminents, on lui a indiqué une piste pour aller chercher dans le 7ème volume d'un... C'était Asnafov, qui est un scientifique russe, qui avait imaginé et dessiné un moteur rotatif comme celui de la fusée d'Hergé.
Et dont Hergé s'était inspiré ? Dont Hergé s'était inspiré. Et il lui manquait cette pièce pour pouvoir faire voler sa fusée, et figurez-vous que cette fusée, nous on l'a vu partir, elle fait 1m60, c'est le projet Hergé 1, et après, pendant les 17 essais, on n'avait pas pris au sérieux ce projet de fusée. Quand cette fusée est partie, et ça a fait tout un rame-dame en Guyane, elle a été très couverte au niveau médiatique, le directeur de la base de Kourou a dit, écoutez, on va essayer d'en faire quelque chose de beaucoup plus sérieux, et on en est, je crois, à Hergé 3, qui doit faire environ une vingtaine de mètres maintenant, et qui inaugure un projet Hergé 5, qui sera une fusée de 60 mètres, donc un mètre plus grand qu'Ariane, si je me trompe, Ariane 4, et qui devrait être un lanceur de satellites de communication.
Alors, avant de partir, vous étiez tintinophiles ? Pas du tout, pas du tout. Non, l'idée, c'était de faire un bilan entre nos études et le début de notre aventure professionnelle, on va dire. C'était de faire un break et de se dire, on va partir. Qui peut nous emmener à traverser le monde, à faire un tour du monde ? Comment est-ce qu'on peut partir ? Quelle est l'idée géniale qui va nous permettre de partir, comme ça, à la découverte de cultures, de gens, de rencontres ? Et c'est tintin.
Et c'est tintin, parce que comme dans les albums de Tintin, dans les premières versions, vous aviez toutes les couvertures de Tintin, et quand on regarde cette planche de couverture d'albums, vous avez le Congo, l'Amérique, les Pharaons, la Chine, l'Amazonie. Et puis les éléments aussi. On a la montagne, la mer, l'air, la jungle. On a à peu près tous les milieux. Tintin est vraiment allé partout. Il est prodigieusement polyvalent. Il est prodigieusement polyvalent, oui, tout à fait.
Justement, Jean-Fabien, comment avez-vous décidé la décision des albums pour partir en voyage ? En fait, c'était une décision qui s'avérait logique. C'est comment faire un tour du monde sans être obligé de revenir tout le temps sur ses pas. Parce qu'il faut savoir que beaucoup d'albums de Tintin, et c'est toujours consécutif au travail énergé, beaucoup d'albums de Tintin sont un amalgame d'éléments. Juste un exemple, l'île noire qui a été notre prologue, il y a eu un an de travail sur cette expédition.
Il a fallu ramener un budget qui était assez conséquent puisqu'il y a eu un million d'euros de budget. Notre premier prologue, c'était l'Ecosse. C'était de se dire, on va partir en Ecosse, essayer de retrouver ce château, essayer de retrouver ces faux monnayers, essayer de se balader en kilte et essayer de vivre les mêmes aventures que Tintin dans l'île noire. On voulait voir si c'était réalisable et si ce qu'on allait ramener au niveau visuel, au niveau rencontre, au niveau atmosphère, correspondait à ce que Hergé décrit dans ses albums.
On se rend compte que ça a été notre mise en garde. Beaucoup d'albums d'Hergé sont un amalgame d'éléments et que le château de l'île noire représente deux styles d'architecture. Une anglaise du sud de l'île, du sud de la Grande-Bretagne et une beaucoup plus écossaise du nord de la Grande-Bretagne. C'est-à-dire qu'il se servait d'éléments réels, existants et puis ensuite il y avait une sorte de chimie personnelle qu'il retranscrivait dans ses albums et qui donnait finalement ses dessins avec sa patte et sa touche très particulière.
Oui, tout à fait, c'était un amalgame. Le plus difficile, c'était de retrouver ce château avec ses tours carrées et ses tours rondes qui sont deux signes distinctifs de deux architectures différentes. Alors, il faut que vous nous disiez en quelques mots quel était exactement votre but. En fait, vous aviez l'intention de refaire les itinéraires de Tintin ou alors de remettre en scène les images fameuses de ses albums ? Les deux, mon capitaine. L'idée, on a défini en fait un tintinéraire qui nous permettait de...
Un néologisme, oui. Oui, mais l'idée, c'était d'enchaîner, album sur album, par continent, toutes les aventures de Tintin. C'était un prétexte, bien sûr, pour voyager, pour vivre des aventures. En fait, l'idée de se retrouver dans ces situations d'albums, ça nous a mis dans des situations qu'on n'aurait pas pu vivre en tant que petits touristes classiques, je vais dire. Visitant des sites touristiques, étant entraîné dans un circuit touristique. Et là, on s'est mis dans des situations où, par exemple, la traversée du Congo en four de thé, c'était une situation que je souhaite à beaucoup de gens, parce que c'est passionnant de conduire une voiture comme celle-là.
Il faut savoir qu'elle bat largement beaucoup de 4x4 à l'heure actuelle. Et que c'est vraiment... Se remettre dans une situation avec les girafes qui viennent vous manger dans la main et des choses comme ça, c'est vraiment impressionnant. Combien de kilomètres en tout ? Je ne sais pas, on n'a pas calculé. Pour vous donner un exemple, on a fait 4600 kilomètres en Écosse. Mais combien de pays ? On a visité 170 châteaux, je crois, en 25 jours.
Oui, mais de pays en tout. Combien avez-vous traversé ? On a traversé, je crois, une trentaine, 39 pays. Ça correspond à combien de recherches d'albums ? Ça correspond à 19 des 23 albums de Tintin. C'est-à-dire presque les oeuvres complètes. Alors moi, il y a une question que je me pose. Quand on arrive... Parce que j'ai vu des photos, vous m'avez passé quelques photos de vos expéditions. Et on voit notamment une photo où vous êtes déguisé en Dupont, en plein milieu de l'Égypte.
Quand on arrive dans un pays musulman ou pas d'ailleurs, et qu'on se déguise en Tintin, en Milou, en Capitaine Haddock ou en Dupont, quelle est la réaction des gens ? Ça dépend, ça dépend. Il y a des réactions où... Il y a quelqu'un qui s'est mis à genoux devant nous et qui s'est mis à pleurer. C'était en Afrique, c'était à la sortie du lac Tanganyika, du lac Tanganyika qu'on avait traversé en bateau. Elle avait, je crois, une vision, une hallucination.
Elle voyait passer un petit colonial, c'était une vieille dame. C'est une vieille dame, c'est dans un petit village à côté du lac Tanganyika. Elle sortait de sa case, elle nous a vus, elle est tombée à genoux et s'est mise à pleurer. Elle est rentrée dans sa case et elle est ressortie habillée tout en blanc. C'était une ancienne infirmière du docteur Schweitzer. C'était des situations comme ça. On a eu des situations bien sûr bien plus extrêmes. On s'est retrouvé par exemple au macho chameau du Caire, habillé en Dupont.
Je vais vous faire une légère description, une rapide description des déguisements. On était en gel à barre avec des tarbouches sur la tête, des fausses moustaches, et avec des cannes, on se baladait dans le marché au chameau du Caire, qui est un endroit apocalyptique. On voit, il y a du son, il y a des chameaux dans des états déplorables, etc. On a été obligé de partir en courant parce que les chameaux venaient de Somalie. Comme on le sait, la Somalie est un haut lieu de l'intégrisme musulman.
Ils ne comprenaient pas, ils prenaient ça pour une atteinte. Alors qu'on a eu beau leur expliquer avec l'album, en fait notre visa d'approche de toutes ces personnes-là, parce que toutes nos rencontres ont été initiées par cet album, on leur montrait ce qu'on voulait. Et c'était une sorte de passeport. C'est vrai qu'il n'y a pas qui... Les auditeurs de Radio-Canada, ils connaissent bien Tintin, mais il faut dire que Tintin a quand même un crédit absolument universel. De Gaulle disait que c'était son seul concurrent international.
Il y a une très belle scène dans un Tintin, je ne me souviens plus de quel album il s'agit, où on voit un émir arabe sous sa tente, sans doute un pétrolier ou je ne sais quel émir, qui tient un album de Tintin, disant je connais bien... Oui, tout à fait. Et qui a déjà lu les aventures de Tintin. C'est dans Coquenstock, je crois. C'est dans Coquenstock, oui, tout à fait. Est-ce que vous avez retrouvé l'émir ? On a retrouvé, en fait, cette scène-là, on l'a refait dans le désert de Wadi Rum, à la limite de l'Irak.
On est ensuite rentrés avec l'émir, parce que les frontières là-bas, c'est chez ses seigneurs arabes, enfin berbères d'ailleurs, Bédouins plus exactement, pour être précis. On a été, je crois, il y a 13 familles importantes en Jordanie, et on a été reçus par un de ses princes jordaniens. Et vous avez, quand on lit Tintin, quand on a fini de lire Tintin, les 23 albums, on a une sorte de sélection de la mémoire qui se fait, et on se souvient de quelques images très caricaturales.
Moi, je trouve qu'il y a quelques planches de Tintin, quelques images de Tintin en situation, qui restent gravées. Alors, il y a des symboles, il y a la ford de Thé, vous en avez parlé, vous avez retrouvé, vous avez traversé des réserves avec la ford de Thé, avec les girafes, vous avez des photos extraordinaires. Et puis, les chameaux dans le désert, dans le crabe aux pinces d'or, vous avez reconstitué la scène. Oui, bien sûr, mais en fait, l'idée, c'était, on n'a pas reconstitué la scène, on s'est mis en situation pour voir ce qui pouvait nous arriver.
Et qu'est-ce qui t'est arrivé ? Sur les chameaux ? Rien, rien du tout. Non, le plus difficile, c'est que, on faisait partie d'une caravane de nomades, qui remontait, je crois, si j'ai bonne mémoire, de Mauritanie, et qui avait du sel, des différentes épices, et qui faisait le commerce de ça, à travers les pays qu'ils traversaient. Et on leur a dit, on aimerait partager un instant de votre vie avec vous, et partir avec votre caravane. On leur a montré les albums de Tintin.
Alors d'abord, ça les a fait un petit peu rigoler, parce que c'est vrai que les traits sont assez simplistes. Et puis, au bout d'un moment, confiance et palabre se faisant, on a réussi à se faire accepter par cette caravane, et on a vécu, comme ça, deux semaines dans le désert, à revivre ces aventures. Et alors, l'idée, le plus difficile, en fait, ce qu'on ne se rend pas compte, c'est se mettre dans la situation, faire ses rencontres, convaincre les gens, c'est facile, enfin c'est facile, c'est relativement facile.
Le plus difficile, c'est de retranscrire le dessin d'Hergé. Parce qu'il faut bien, la ligne claire qui fait partie de toute l'école belge qui a fait d'ailleurs toute la renommée d'Hergé, c'est quelque chose qui est très difficile à rendre en photo. Alors, par exemple, les photos où on voit la couverture du crabe aux pinces d'or, vous avez les deux chameaux. Nous, on s'est éloigné de la caravane, et on a fait, je crois, deux heures de caravane pour trouver exactement les mêmes dunes, les mêmes sillages, les mêmes traits de dunes, etc.
Et moi, je n'avais pas du tout une pratique du chameau d'école. Et le plus dur, il faut bien vous imaginer, c'était sous 40 degrés, il n'y avait pas d'ombre, c'était descendre du chameau, on avait un appareil photo sur un pied, c'était mettre le déclencheur, remonter sur le chameau en faisant un grand tour pour ne pas laisser de traces sur le sable. En dix secondes. En dix secondes, faire remonter le chameau, alors ça se fait, le chameau en trois mouvements, il remonte.
On a dû recommencer cette photo, je crois, une vingtaine de fois pour l'assurer, parce que dans toutes les photos, après, quand on revient, on regarde les photos, il y en avait où j'étais à moitié déséquilibré, il y en avait où le chameau n'était pas du tout levé, il y en avait où mon camarade Laurent, derrière, sur son chameau, n'était pas du tout en place, etc. Le chameau, à un moment, est parti. Moi, mon chameau, on avait ras-le-bol, il avait décidé d'arrêter cette séance photo, il est parti au triple yellow, moi accroché à la selle, comme je pouvais, mais impossible de l'arrêter.
Alors, continuons un peu les hauts lieux, les hauts moments de Tintin. Moulinsard, vous avez retrouvé le château ? Moulinsard, il faut vous dire que Moulinsard, il y a une petite énigme sur Moulinsard, on pense, et ça s'est avéré, vu les dires d'Hergé, que ça a été inspiré par le château de Chauverny. Or, le château de Chauverny, il y a deux espèces de tours, deux espèces d'ailes qui existent et qui font que ça ne ressemble pas à Moulinsard, mais c'est vrai que si on retire ces deux ailes, c'est vrai que c'est Moulinsard dans son architecture la plus précise.
Par contre, il y a une anecdote, c'est quand on est arrivé avec, là on avait la fourre de thé, Jean-Pierre Malthouse nous avait prêté une autre fourre de thé, sa fourre de thé, sa collection personnelle d'ailleurs, et on est arrivé à Moulinsard, et le conservateur du château nous a dit qu'en effet, c'était donc l'inspiration de Moulinsard, mais qu'il y avait une énigme, c'est qu'il y avait un numéro dans le village, dont je ne me rappelle plus le nom, mais dans le village, qui correspondait à un chiffre près à la boucherie du village, et que le nombre de fois où ce châtelain recevait le coup de fil d'un client de la boucherie qui voulait deux kilos de boeuf bien saignant pour faire un steak...
C'est exactement l'anecdote de tout ça... Les coïncidences n'ont pas arrêté de se troubler en fait, on s'en est rendu compte à force de voyager à travers ces albums, toutes les coïncidences étaient là, c'est ce qui nous a le plus marqué pendant 20 ans. Un autre moment fort, est-ce que vous avez attendu une éclipse en Amérique du Sud, pour refaire la scène du Temple du Soleil ? On n'a pas attendu une éclipse, ça fait partie du travail de recherche, c'est qu'il fallait se retrouver sous une éclipse, c'est un autre moment fort des aventures de Temple, et il fallait qu'elle soit en Amérique du Sud, et coïncidence encore, on s'est retrouvé au Machu Picchu, sous cette éclipse, avec une équipe de scientifiques américains qui, comme beaucoup d'ailleurs, ont été convaincus qu'on ne leur ferait pas concurrence, et que c'était simplement dans un but ludique et plus comédique que scientifique.
Donc ils nous ont acceptés dans leur expédition, et on est partis deux semaines sur les plus hauts sommets des Andes dominicaines, désert, chaotique, etc. Et puis, éclipse de soleil à 7h21 du matin, avec discussion toute la nuit sur la découverte des astres, avec ces scientifiques américains qui passionnaient, on les écoutait comme deux écoliers, on était vraiment deux écoliers face à des gens qui avaient un... Et à 7h21, vous étiez prêts, vous étiez déguisés ? On était déguisés, robe rouge, les chapeaux qu'on s'était fait faire à l'humain en mousse, oui, tout à fait.
Donc la photo a été prise ? Et donc la photo a été prise. Alors, vous êtes allé en Russie, tantôt chez les soviets, est-ce que vous avez botté les fesses d'un officier du GPO ? Comme tatin. Non, on n'a pas botté les fesses d'un officier du GPO, parce que... D'ailleurs, ils ne s'appellent plus comme ça, ils sont toujours bien présents. Mais... L'intérêt de Tintin au pays des soviets, c'est plus un intérêt d'actualité. A l'époque, quand RG écrit Tintin au pays des soviets, il s'inspire d'un livre qui a été écrit par un consul belge à l'ambassade de Russie, de l'ambassade de Belgique en Russie, à Moscou, et qui est un pamphlet contre la Russie, le bolchevisme, etc.
Donc l'intérêt de Tintin au pays des soviets, c'est tous les clichés qu'on se faisait sur la Russie avant la perestroïka. C'est un document d'archive. Oui, c'est un document d'archive. Le refaire... Il faut vous dire que Tintin au pays des soviets, ça a été quand même le lancement de toute la saga des albums de Tintin, puisque RG, qui était un fin stratagème, avait prévu un retour en train dans la gare de Bruxelles avec un petit garçon blond avec la houppette déguisé avec les culottes de golf, et c'était Tintin qui revenait de Russie.
Et je crois qu'il y avait 30 000 enfants pour accueillir Tintin. L'incarnation de Tintin. C'est impressionnant. Déjà à l'époque, ça motivait, comme nous dirait un de mes amis Zahiroua, ça motivait la jeunesse de l'époque. Mais ce qui prouve aussi qu'il y a quelques années, votre projet d'incarner, de personnifier Tintin avait déjà... Je crois qu'on l'a tous su, ce projet de partir sur les traces de Tintin. La découverte de l'aventure, quelque part, pour les jeunes garçons, commence dans les bibliothèques et commence dans les albums de Tintin.
Il y a une photo que j'ai sous l'illusion, aux prises avec un condor. Comment avez-vous fait ? Elle s'appelait Lévie. C'est dans un zoo ? Non, c'est un Péruvien qui a un couple de condors chez lui, qu'on a découvert dans les alpages des Andes Dominicaines, et qui, après même pas là, parce qu'il nous a raconté que c'était dangereux, nous a dit que c'était relativement dangereux. C'est comme un gros dindon qui doit faire entre 14 et 20 kilos, qui a des cerfs très, très, très aiguisés et qui n'est pas un animal domestique.
Je ne voulais pas me retrouver avec le mâle parce qu'il était un peu trop pesant et faisait facilement ses 3 m d'envergure. Je me suis retrouvé avec Lévie qui n'a pas été d'ailleurs si docile que ça puisque j'étais obligé de lui tenir le bec mais j'avais les cerfs sur le ventre et je peux vous garantir que les cerfs d'un condor sur le ventre, c'est pas du tout agréable. Surtout que c'est un animal sauvage, semi-domestiqué. Dans le Temple du Soleil, le condor attrape la tête de Tintin.
Il attrape la tête de Tintin et je me suis fait scalper par le condor. Vous avez évité la reconstitution trop fidèle. Elle était plus sur le ventre voire le bas-ventre et j'ai beaucoup plus eu peur pour mon nombril que pour ma tête. Il y a une image qui montre aussi le Temple de Petra. Vous avez reconstitué la scène. Arrivée de Tintin et du Capitaine Haddock sur des chevaux dans ce qu'on appelle le cycle. Il y a ce couloir qui fait près d'un kilomètre et demi de long et deux mètres de large et au bout duquel on débouche sur cet extraordinaire panneau.
Petra, c'est quelque chose qui a à peu près la même sensation que de rentrer dans un gouffre. Vous arrivez dans un gouffre, vous tombez sur cette caverne et vous rentrez à l'intérieur. Vous passez des siphons, des couloirs et derrière vous découvrez une vallée où il y a un temple gallo-romain. Vous découvrez une vallée où il y a une ville. Il y a complètement une ville. Vous avez les colonnes, vous avez tout ça taillé dans le stuc dans le...
Je ne sais pas quel est le... C'est du grès. Il y a des couleurs différentes. Rouge, jaune, bleu... Il y a des nuances absolument fantastiques. Est-ce que vous avez trouvé des pirogues pour descendre les fleuves ? Il y a beaucoup de fleuves dans lesquels Tata descend dans des pirogues aménagées de façon parfois un peu artisanale. Oui, oui. L'idée, c'était... Je pense que vous parliez de l'Amazonie. On a remonté toute l'Amazonie en pirogues. On entend au fond sonore un enregistrement de Patrick Kersalé pris au Congo et qui est au centre Afrique.
Au centre Afrique. On a remonté toute l'Amazonie en bateaux. On est parti de Belém au Brésil. On est arrivé... On a remonté jusqu'à Laetitia en passant par le Rio Negro en Colombie. Ça a été une succession de rencontres avec des trafiquants, avec des pêcheurs, avec des gens du cru, etc. Ils nous ont transportés sur des périodes de trois jours, de deux semaines, d'une semaine sur un bateau trafiquant pour arriver en Colombie. Trafiquants de bicarbonate de soule.
Je ne sais pas si je peux le dire. On dormait sur des sacs de cocaïne. On dormait sur des sacs de cocaïne. On avait nos hamacs, mais le sac de cocaïne est quand même moelleux et plus confortable. Parce qu'il faut bien vous dire que sur l'Amazonie, c'est 98% d'humidité. Le moindre geste, c'est... C'est assez difficile. Et donc, on a vécu... On a refait toute l'horrecassée en pirogue avec ces gens-là. Et vous n'avez pas traversé de conflits en Amérique du Sud.
Car certains dans l'horrecassée participent directement à une guerre de libération. Le général Tapioca... Oui, la guerre du Grand Chaco, du désert au Paraguay, etc. Non, les seuls conflits qu'on a rencontrés, c'est la lutte anti-narcotique. On a été hébergés à un moment... Je crois qu'on a été hébergés deux semaines avec les brigades anti-narcotiques du Pérou. On s'était fait... Ils nous ont emmenés dans des balades en hélicoptère au sud de la forêt amazonienne, dans le Madre de Dios, et on s'est fait tirer dessus au Tchignikov et au Bazookar.
Ce qui n'est pas très agréable. Mais c'est les seuls conflits qu'on a rencontrés. Les nouveaux dictateurs que Tintin aurait pu rencontrer à l'heure actuelle, ce sont les patrons de cette mafia. Les Escobars. Oui, les Escobars. Et le portrait type du nouveau dictateur, c'est un homme politique. Il a siégé à l'Assemblée nationale colombienne. Il a été maire. En Colombie, c'est un dieu. C'est vraiment un dieu. Il y a une masse ahurissante d'analyses de Tintin sous tous les angles.
Beaucoup se sont complus à essayer d'avoir une lecture psychanalytique plus ou moins fallacieuse de Tintin. Voire farfelue. Est-ce que vous, vous avez eu véritablement une lecture du voyage de Tintin ? En deux mots, est-ce que Tintin apprend à voyager ? Est-ce qu'à la suite d'un voyage sur des traces de Tintin, on voyage différemment ? Il y a toujours une chose qui m'a un petit peu agacé chez Tintin, c'est qu'il est vraiment trop parfait. Non, pas que ça vous pète blonde du tout, mais c'est qu'il est vraiment trop parfait.
Il est même plutôt antipathique. Il n'arrive pas à comprendre le succès de Tintin. C'est assez complexe. Vous avez mis le doigt dessus. Il est tellement lisse, il est tellement parfait que tout le monde peut se se replonger dans Tintin et croire et se visualiser dans les aventures de Tintin. Il est même un peu suspect parce que son espèce de courage face à la mort m'a toujours un petit peu déplu. C'est-à-dire qu'il est en train de se faire assassiner et il est en train de se faire fusiller, il est devant le poteau d'exécution et la seule chose qu'il trouve à dire c'est «Sapristi, voilà qui est embêtant».
Donc il y a une espèce de flègue comme ça extraordinaire face à la mort. Est-ce que vous avez acquis toutes ces qualités de Tintin ? Non, Tintin est belge. C'est le côté belge de Tintin qui est sympa, je trouve. Oui, c'est ça. La sèze... C'est ce flègue qu'on attribue toujours aux Britanniques. Je crois qu'en Belgique il existe aussi. Il est beaucoup plus... Je vais me faire des ennemis mais il est beaucoup plus sain que le côté britannique.
Il est beaucoup plus binaire, entre autres, que le côté britannique. Il est beaucoup plus bon enfant. Il faut savoir que ce qui était le plus difficile pour revivre ses aventures, c'était de rester dans le rythme de Tintin et c'est vrai que ça a été un de nos gros regrets parce qu'on n'a pas réussi à rester dans le rythme parce que le voyage ne permet pas l'enchaînement des strips comme dans les aventures de Tintin. Et Tintin n'arrête jamais.
C'est une boule de ping-pong. Tintin ne se nourrit pas. Voilà, ça c'est la conclusion de la fin de notre tour du monde. Tintin n'est pas humain. C'est pas possible. Nous on était fatigués. On était sur les rotules. Quand on a traversé toutes les ondes à pied, le trek qu'on a fait, on était marqué la fin. On l'a fait en courant parce que ça descendait mais on est arrivé complètement détruit. Justement, il y a une deuxième chose qui me déçoit un tout petit peu dans Tintin.
C'est la tournure qu'après Tintin au Tibet a pris les albums d'Hergé et le personnage de Tintin. Il y a une image dans le dessin d'Hergé et dans sa conception du Tintin peut-être sous des pressions de conformisme intellectuel, de politicalité correcte. Le Tintin des premiers temps avec ses culottes de golf est devenu un papin en pantalon d'éléphant mi-idéaliste, mi-anarchiste, mi-pacifiste, un tiers de chaque, allant davantage porter secours aux guérillas de type guévariste que pendant ses premières incursions en Amérique du Sud.
C'est totalement vrai. Mais il faut bien reprendre Tintin dans sa chronologie. Chacun des albums de Tintin, si on s'y réfère, ce sont des diapositives, des clichés de l'époque dans laquelle disait Hergé, Tintin au Congo et Tête a toujours été traité de raciste. Et ce n'est pas politicalement correct. Je ne sais pas. Quand je pense à Tintin au Congo et quand j'ai quelqu'un en face de moi qui me dit mais Tintin est un raciste, il va au Congo, il traite le noir comme un petit noir et il parle le petit nègre avec eux, etc.
Je me dis qu'on a longtemps accepté qu'il y ait un tirailleur sénégalais sur le pot de chocolat Banco, Banania plutôt et que ça faisait partie de l'époque. C'était un cliché actuel de l'époque. C'est une analyse de l'époque et c'est vrai qu'à l'époque de Tintin au Congo, c'était vraiment ça. Et quand on voit les Ayirois, moi justement l'ami africain Jean Koulouma Mpeka qui nous a raconté un peu ses aventures à travers les aventures de Tintin et sa vie, il nous disait ça fait vivre encore la jeunesse de notre époque.
Tintin n'est pas raciste du tout. Non, mais c'est une insulte qui court les rues un peu facilement. Jean-Fabien, est-ce que vous allez écrire un livre ? Est-ce que vous allez exploiter Zoya ? On a mis beaucoup de temps mais je pense qu'il faut le faire parce que c'est vrai qu'on a des pressions de gauche et de droite et c'est vrai que on ne va pas On va raconter bien sûr nos aventures mais on va surtout inciter les gens à partir sur les traces de Tintin.
C'est pour ça qu'il y aura 3-4 albums qui seront des parties de notre itinéraire, c'est-à-dire le travail que nous avons fourni qui pourront être faits en une quinzaine de jours par exemple la Chine, par exemple le Tibet, etc. Et qui pourront si les gens le veulent leur fournir un thème de voyage et un fil conducteur et je trouve que c'est quelque chose c'est une aventure à vivre. Vous avez une association sur les traces de Tintin est-ce qu'on peut vous contacter là-bas ? Bien sûr, oui, mais je ne vends rien du tout je n'ai pas de pull, je n'ai pas de chaussettes comme on me demande souvent un numéro de téléphone, une adresse éventuellement des auditeurs de radio courtoisie qui seraient tintinophiles et qui voudraient avoir plus de renseignements sur votre voyage et sur la façon peut-être de monter une expédition moi j'arrête pas de donner des conseils sur comment se faire sponsoriser, etc.
parce que c'est vrai qu'on a une belle réussite sur cette expédition Donnez l'adresse L'adresse, non, le téléphone je peux le donner et je le laisserai d'ailleurs ici c'est le 01 42 64 55 26 On peut vous joindre là-bas C'est perso, il n'y a aucun problème Donc voilà, les Tintinavis aux Tintinophiles de Radio Courtoisie Il faut savoir qu'on a autour de nous beaucoup de gens du style des Gregg des dessinateurs de Spirou, etc. qui nous soutiennent et qui seront aussi partants pour faire un dessin pour illustrer un dossier d'expédition par exemple.
On attend votre livre et en attendant, je me tourne vers Patrick Carcelet On a entendu une ébauche du travail de Patrick tout à l'heure quand vous racontiez votre descentre Jean Fabien de l'Amazonie Vous Patrick, vous êtes ethnomusicologue Alors d'abord, dites-nous c'est exactement comme pour le karst dites-nous ce que ça veut dire C'est quelqu'un qui est déjà musicologue c'est-à-dire qui a étudié la musique et en particulier la musique des minorités ethniques du monde c'est-à-dire toutes ces musiques qu'on peut appeler parfois traditionnelles ou folkloriques ou ethniques, il y a plein de terminologies avec des petites différentes, des petites écoles et puis ethno, parce qu'il y a une dimension ethnographique c'est-à-dire que on s'intéresse bien sûr à la musique mais la musique est forcément générée par quelque chose on ne fait pas de la musique pour de la musique dans les minorités du monde il n'y a pas de musique de concert il y en a bien sûr mais ce n'est pas la majorité de ces musiques ce sont des musiques qui sont générées par des actes de la vie, des actes sociaux des actes rituels et l'ethnomusicologie s'intéresse également aux musiques classiques extra-européennes comme par exemple la musique de l'Inde Et vous êtes musicien vous-même ? Je suis musicien je suis poly-instrumentiste je suis un ex-accordéoniste reconverti en organiste de jazz, classique, variété et qui s'est reconverti depuis 12 ans pour la flûte de Panroumen dont je suis un des principaux moteurs en France, et puis je joue une cinquantaine d'instruments traditionnels Avec un nom pareil, Kersalé, vous devez être au moins un peu breton, du moins un peu granitique, armoiricain Est-ce que vous ne jouez pas d'instruments celtes ? Je ne joue pas d'instruments celtes C'est mignon Je joue la guimbarde Je joue la guimbarde C'est un instrument d'ailleurs très intéressant Alors en quoi consiste votre passion et si j'ai bien compris, votre métier ? Alors mon métier est un métier en fait assez récent puisque je suis ancien ingénieur en télécommunication Donc télécommunication va vers communication, communication musique, il n'y a pas tellement loin J'ai créé il y a 6 ans une association qui s'appelle Syrinx Académie qui avait dans un premier temps comme objectif de promouvoir et enseigner la flûte de pan roumaine et puis je suis un grand voyageur depuis 17 ans et j'étais photographe et en fait la photographie est quelque chose qui ne permet pas de pénétrer certains milieux ou alors avec difficulté et j'ai découvert que le son les sons étaient un élément qui permettait de fixer un certain nombre de souvenirs que ne pouvait pas fixer la photographie et qui permettait aussi de pénétrer des endroits de rentrer dans des endroits où on ne rentre pas avec un appareil photo et qui permet aussi lorsque l'on veut faire un enregistrement et bien de rentrer dans une relation beaucoup plus profonde avec les gens donc c'est un voyage qui a commencé pour moi en Indonésie où je suis rentré un jour chez un sorcier et j'ai jamais rentré avec un appareil photo donc je suis rentré avec mon magnétophone on a fait un certain nombre d'enregistrements avec comme fil conducteur comment la religion les religions qui existent en Indonésie avaient influencé la musique et puis après je suis parti chez les Pygmées en Centrafrique alors là musique omniprésente et puis il y a les hommes qui font de la musique mais il y a aussi les oiseaux, les insectes le vent donc on peut également ramener des sons de la nature ça c'est ce qu'on appelle les enregistrements d'ambiance et c'est ce qu'on a entendu tout à l'heure avec le bruit des rames qui frappent contre les flancs de la pirogue et qui viennent cogner l'eau ça c'est pas ma tasse de thé mais disons que là-bas on ne peut pas passer outre et puis ensuite j'ai donc rencontré un éditeur qui s'appelle Sunset France qui a une collection de disques qui s'appelle Playasound et bien on a publié un premier disque sur l'Indonésie et puis ça m'a donné comme idée à force de côtoyer des gens sur le terrain on s'aperçoit que quand on est ethnomusicologue on travaille dans des ethnies qui sont généralement assez reculées des villes et évidemment des gens avec des tas de problèmes des tas de problèmes humains, des tas de problèmes avec la nature, des problèmes politiques etc souvent avec des problèmes d'argent ou des problèmes structurels donc on essaye d'associer le travail d'enregistrement de la musique avec des projets que l'on met en place, des projets culturels ou des projets humanitaires Quelles sont vos spécialisations géographiques ? Alors je travaille essentiellement sur le Burkina Faso actuellement dans plusieurs ethnies, j'ai travaillé un peu sur le Mali qui est une zone équivalente et puis je travaille également sur les minorités du Vietnam Je suis allé pour la première fois en 1993 au nord du Vietnam où j'ai fait une découverte ethnomusicologique importante puisque c'était une zone qui était fermée depuis 1945 donc c'est à dire grosso modo à peu près au moment de l'invention des magnétophones qui permettaient de faire du travail sur le terrain et c'est donc une minorité qui s'appelle les Nung An et c'est un endroit du monde où on a découvert une forme de polyphonie chantée qui était totalement inconnue jusque là et donc il a fallu que je prouve d'ailleurs au CNRS que c'était pas quelque chose de fallacieux on m'a dit oui ça c'est de la musique qui vient de Bulgarie donc heureusement j'avais quelqu'un avec moi qui avait fait un peu de vidéos, on a pu apporter une preuve tangible et aujourd'hui les gens du CNRS partent travailler sur ce terrain Comment ces ethnies se prêtent à votre enregistrement ? C'est pas évident d'être sur place et de pouvoir participer à la ville Alors en fait c'est relativement facile dans le sens où la manière dont je présente les choses, c'est à dire que on essaye bien entendu de faire un travail, de jumeler des projets humanitaires et culturels mais aussi l'objectif premier c'est d'essayer de sauver un certain nombre de ces musiques et lorsque on explique aux gens qu'ils ont eux aussi une culture parce que quand on arrive dans toutes ces ethnies un petit peu reculées les gens ont tendance à croire qu'eux n'ont pas de culture que la culture c'est la culture occidentale et lorsque l'on montre aux gens que nous sommes des occidentaux que nous intéressons à leur culture et bien ils découvrent leur culture et ils sont très fiers en fait de pouvoir la partager La question que je me pose et qui prolonge la question de Priscilla c'est les enregistrements que vous faites, que vous accomplissez est-ce que vous les faites à la sauvage c'est à dire presque clandestinement ou alors est-ce que les gens que vous enregistrez jouent et chantent pour vous Alors il n'y a jamais d'enregistrement sauvage si on fait les enregistrements sauvages par exemple ça va être sur un carnaval ce que je n'ai pas fait encore mais ce que je m'apprête à faire donc là effectivement c'est de l'enregistrement sauvage mais il n'y a jamais d'enregistrement sauvage alors la manière dont je travaille c'est un petit peu particulier parce qu'en fait j'essaye de rapporter des documents qui sont bien entendu des documents mais qui ont aussi une qualité technique qu'on essaye d'être irréprochable donc il est quasiment toujours obligatoire de demander aux gens de se replacer dans les conditions dans des conditions de funérail dans des conditions de fête, dans des conditions de certains rituels pour pouvoir rejouer ces musiques pour l'enregistrement il est bien évident que lorsque on est dans certaines fêtes où les gens ont bu énormément soit en Afrique de l'Ouest par exemple ou en Asie l'alcool de riz et bien on ne peut absolument pas faire des enregistrements de qualité parce que les gens ils dansent, ils bousculent les micros etc donc on recrée des conditions qui sont bien entendu pas complètement les conditions de la fête parce qu'il n'y a pas eu l'alcool mais on recrée des conditions qui pour sur un plan ethnomusicologique musicologique permet quand même de donner un document qui se rapproche de la réalité alors les comment procédez-vous c'est à dire que j'imagine qu'il faut que vous preniez des contacts au préalable avant de mettre en marche votre magnétophone donc qu'il y a tout un travail de recherche et de documentation et d'ethnologie pure avant de faire les enregistrements alors en fait je ne travaille pas du tout comme les gens du CNRS dans un premier temps parce que j'ai pour moi un gros avantage par rapport à tous ces gens là, c'est que j'ai une autonomie financière, une autonomie de décision une autonomie d'action et j'ai pas de patron donc tout ce que je fais c'est parce que je le décide.
Donc il y a une partie de mon travail qui consiste à partir un peu à l'aventure comme découvrir un siphon sur lequel on a pas de cartographie donc il y a un travail un petit peu aventureux qui n'a rien d'avoir, qui n'a rien de teintinesque mais on part dans un endroit, on essaye de voir ce qu'il y a dans cette zone nous avons donc des informateurs qui sont des autochtones et nous nous reposons beaucoup sur les autochtones pour obtenir ces informations pour se faire introduire.
Il est évident qu'on n'arrive pas dans un village dans un village africain sans avoir contacté le chef du village, sans avoir s'être soumis un certain nombre de protocoles donc là on se repose véritablement sur des gens du cru Et quelle est la réaction de gens qui s'entendent sans doute souvent pour la première fois ? Alors généralement il y a une chose très amusante quand on arrive moi je travaille avec du matériel miniaturisé et lorsqu'on arrive avec ce matériel les gens ils rigolent doucement donc on commence à enregistrer et puis lorsque les gens leur met le casque sur la tête alors là ils rigolent plus du tout parce que effectivement ils ne se sont jamais entendus comme ça et pour eux un enregistrement, un magnétophone c'est un machin qui fait la moitié de la taille d'une voiture avec des grosses bandes avec une manivelle donc quand on leur apporte le casque sur les oreilles ils n'ont qu'une envie, c'est de continuer Est-ce que parallèlement vous faites le système et la démarche inverse, c'est à dire est-ce que vous apportez des sons de musique occidentale traditionnelle ou pas est-ce que vous la faites écouter à ces ethnies, à ces populations pour voir leurs réactions et les connaître Alors il m'est arrivé effectivement de faire ça mais ce qu'il faut comprendre c'est que dans les ethnies, j'irais dans les peuples minoritaires traditionnels ce sont des gens qui sont véritablement à fond dans leur culture, dans leurs coutumes et lorsqu'on leur fait écouter quelque chose d'autre, c'est un petit peu extraterrestre.
Alors bien entendu, ils ont quand même très souvent entendu la radio mais les radios qu'ils écoutent généralement chez eux, ce sont des radios qui passent leur propre musique puisque les radios locales vont aussi enregistrer leur musique ethnique et pour moi, j'ai pas découvert un intérêt extraordinaire à faire ces expériences en plus, quand je suis sur le terrain, j'ai pas beaucoup de temps donc je travaille très fort Moi je pensais à ça parce que j'ai vu un très beau film que vous avez sans doute peut-être vu, La Vallée perdue de Patrick Franceschi, où on le voit avec un tout petit dictaphone mettre en marche, je ne sais plus quelle mer de jazz, de Scott Joplin, et les papous qui le prétendent avoir découvert pour la première fois qui n'avaient jamais vu d'occidentaux auparavant se prendre.
Merci beaucoup Patrick de nous avoir raconté un peu cette profession d'aller recueillir les sons de la Terre