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LBJdel'aventure_02_1997_Partie1_Speleologie_en_Patagonie

LBJdel'aventure_02_1997_Partie1_Speleologie_en_Patagonie

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LBJ de l'aventure réalisé par Sylvain Tesson, invités : - Stéphanie Billioud : journaliste - Jacques Sautereau de Chaffe : spéléologue et vice-président de la Fédération française de spéléologie - Patrick Kersalé : ethnomusicologue - Jean-Fabien de Sèlve : organisateur de rallyes d'aventure motorisés SUJETS : Une expédition spéléo en Patagonie ; sur les traces de Tintin

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Chers auditeurs, bonjour. Merci d'être fidèles au Libre Journal de l'Aventure. Alors aujourd'hui, nous allons beaucoup voyager, d'abord dans un premier temps aux Antipodes, et puis ensuite dans tous les continents, dans pratiquement tous les continents de cette planète, grâce à tous nos invités. Alors nous avons un plateau qui est très fourni aujourd'hui, mais pas complètement inconnu des auditeurs, puisque nous recevons entre autres Stéphanie Billiou. Bonjour Stéphanie. Bonjour. Vous êtes venue inaugurer le Libre Journal de l'Aventure en novembre 96 pour raconter votre voyage en Iran. Ensuite, on n'a pas arrêté de parler de vous dans ce studio, notamment en mentionnant les articles de journaux que vous aviez fait paraître dans grands reportages sur ce voyage en Iran. Et aujourd'hui, vous allez nous raconter l'expédition dont vous êtes revenue il n'y a pas longtemps, 3 jours ? Oui, il y a 4-5 jours. Voilà, vous êtes revenue non seulement sauve, mais visiblement saine de cette expédition en Patagonie. Et vous allez donc nous raconter cette expédition avec Jacques Sautreau de Chaffes, qui est spéléologue, et donc vous étiez membre de cette équipe qui comptait combien de personnes ? 10 personnes. 10 personnes, et qui a donc été explorer les cavernes karstiques, c'est-à-dire les grottes de calcaire du sud de la Patagonie. Vous étiez où exactement ? On était dans les canaux de Magellan, et l'idée c'était d'aller étudier une île qui s'appelle Diego de Almagro, et qui est donc située dans ces canaux de Magellan, qui sont en fait sur 12 degrés de latitude, coincés entre le Pacifique, finalement, et le continent américain. Alors vous allez nous raconter tout ça avec Jacques Sautreau de Chaffes, qui est spéléologue. Nous recevons aujourd'hui Jean-Fabien De Selve, qui n'est malheureusement pas là. Je ne sais pas si c'est une manie des aventuriers et des voyageurs d'être toujours en retard. Toujours est-il que Jean-Fabien doit être dans les embouteillages en train de rejoindre la radio. Il va arriver, et il va être sur ce plateau à deux titres. D'abord, c'est parce qu'il a réalisé il y a quelques années une grande expédition de deux ans sur les traces de Tintin, recherchant dans les albums de Tintin les images significatives qui pouvaient faire l'objet de photos, et parcourant ensuite, sillonnant les pays pour reprendre ces photos, reprend les objets et les personnages qui avaient inspiré Hergé. Et il est ici aussi parce qu'il me remplacera à la tête du Libre Journal à partir de la mi-mars, puisque je pars pour une expédition de six mois en Himalaya. Et donc je ne serai pas capable, une fois toutes les trois semaines, depuis les sommets de l'Himalaya, d'animer cette émission. Et puis nous recevons Patrick Kersalé, qui est ethnomusicologue. Ethnomusicologue, je le prononce bien. Alors sous ce vocable un peu compliqué et universitaire se cache en fait un homme qui va traquer les sons, traquer les musiques traditionnelles dans toutes les jungles, les montagnes du monde, mais particulièrement en Afrique et en Asie, puisque je crois que ce sont vos domaines de spécialité. Alors, on retourne à la Patagonie, on va ouvrir ce chapitre du Libre Journal, ce premier chapitre du Libre Journal de l'Aventure par la Patagonie. Donc, d'abord Stéphanie et Jacques, racontez-nous avec qui vous êtes partis. Combien étiez-vous pour cette expédition ? Donc on est partis à 10, sachant que la personne qui est à l'origine de cette expédition s'appelle Richard Maire, c'est un docteur en karstologie qui est directeur de laboratoire à Bordeaux au CNRS. Et en fait, il avait trouvé dans une petite notice d'un ouvrage, il avait lu qu'il avait la possibilité de trouver du calcaire dans certaines de ces îles, des canons de Magellan. Je vous interromps une seconde. Est-ce que Jacques, vous pourriez expliquer aux auditeurs de Radio Courtoisie et à moi par la même occasion ce que c'est que le karst ? Alors, c'est un vocable un peu curieux qui a eu une origine yougoslave. En fait, c'est en Slovénie que ce mot est apparu dans son utilisation et dans sa désignation pour désigner des zones calcaires au sein desquelles se forment des cavernes, des gouffres, des rivières souterraines. Parce que la première région où l'on a observé et étudié les phénomènes souterrains se trouvait dans cette région de Slovénie qui s'appelle le karst. Et on en a fait d'autres vocables, la karstologie, les karstologues. Et alors, mes vieux souvenirs d'études de géographie qui me remontent à la mémoire. Je me souviens que je crois, dans le milieu karstique, justement, la dissolution du calcaire par l'eau provoque toute une série de conduits de calcaire et c'est finalement très riche comme région pour les spéléologues. Exactement. Et l'eau profite de toutes les faiblesses qu'il y a au sein de la masse calcaire, les failles, les diaclases et toutes les faiblesses géologiques pour davantage s'infiltrer au sein de la masse calcaire et creuser les galeries. Alors, qui était à l'origine de l'expédition ? Je vais laisser Jacques en parler parce qu'il a fait partie de la première expédition de repérage il y a deux ans dans cette région du globe. Alors, c'est déjà presque une vieille histoire parce que nous sommes une équipe, une équipe d'amis aux âges un peu divers. Mais on a parcouru le monde, le monde karstique à la recherche toujours d'ozones vierges et de gouffres et de rivières souterraines à découvrir. Et petit à petit, il faut dire que bien que ce soit un des derniers endroits du monde où il y a de l'exploration vierge à faire, ça a tendance à se retracir quand même de plus en plus. Les cartes blanches sont... Alors, nous avons été notamment en Papouasie-Nouvelle-Guinée où il reste encore évidemment énormément à faire. Et puis avec Richard Maire, on s'est penché sur des cartes et on a dit mais où pourrait-on aller pour jouer encore les explorateurs souterrains. Et il y a quatre zones dans le monde qui restent encore vierges de toute prospection et de toute exploration. Et la Mongolie, une partie de l'Alaska, certains contreforts du massif de l'Himalaya notamment au Pakistan et l'archipel de Magellan au Chili. Et puis on a dit bon, on va choisir le plus loin, on se rassure... D'être seul. D'être seul. Et seul, nous l'avons été, ça je peux vous dire. Alors, nous sommes partis en reconnaissance, simplement quatre, Richard Maire, Jean-François Pernette, Michel Le Trône et moi-même, en mars 1995 pour faire déjà une reconnaissance et des repérages. Afin d'être certain qu'il y avait du calcaire dans cet archipel. Stéphanie m'a gentiment envoyé une carte postale depuis Punta Arenas et on voit un tout petit bateau perdu au milieu de chenots en Patagonie. Est-ce que c'était ce petit bateau qui ressemble à un espèce de chalutier un peu approximatif qui vous a servi à faire le repérage ? Un petit chalutier en bois qui avait à peu près une quarantaine d'années, qui était mis par un vieux moteur d'autobus récupéré, qui prenait l'eau tant et plus par-dessous et par-dessus. Et on a navigué comme ça pendant pratiquement une dizaine de jours dans des conditions un peu difficiles mais quand même sympathiques parce que l'équipage qui était trois vieux marins chiliens était vraiment à la hauteur de la situation. Et la photo que vous avez vue a été prise dans une des petites criques de l'île de Diego de Almagro qui était notre premier but pour cette reconnaissance car Richard Maire avait repéré à travers quelques très rares écrits qu'il y avait eu sur la géologie de l'archipel des Ultima Esperanza puisque c'est son nom. La dernière espérance était un petit peu la nôtre aussi et donc que cette île de Diego de Almagro est en grande partie constituée de marbre. Comme chacun le sait évidemment le marbre c'est du calcaire, un autre genre de calcaire mais c'est du calcaire donc il y a des formations possibles de cavernes à l'intérieur d'une montagne de marbre. Et on n'a pas été déçu du voyage, on a découvert le marbre de Diego de Almagro ce qui a motivé la seconde expédition qui vient de se terminer. Donc première expédition repérage, ensuite vous repartez sur les traces de vos anciens relevés et là vous explorez ce que vous aviez approché il y a quelques années. On prospecte surtout au départ parce que toute exploration spéléologique est d'abord précédée d'une prospection sur la montagne pour essayer d'abord de trouver les entrées de cavernes, les sorties d'eau. Donc on a d'abord marché sur les montagnes de Diego de Almagro et puis on a eu le bonheur de trouver assez rapidement une belle caverne qui nous a occupé un bon bout de temps. Avant de rentrer dans le vide du sujet, est-ce que vous pouvez nous dire qui sont les membres qui ont formé l'expédition 97 ? Alors déjà moi ce qui m'a frappé parce que je me suis rajoutée à cette expédition complètement au dernier moment, c'est que ce ne sont que des gens qui sont allés là pour aller au bout de leur passion. Ce ne sont pas des professionnels puisque on n'est pas professionnels spéléologues. C'est Ultima Passionata. C'est vraiment une passion des gens qui ont financé ça avec leurs propres sous et qui sont partis pour aller au bout de leurs rêves. Donc il y a ce fameux Richard Maire dont on a déjà parlé qui est docteur en cartologie et directeur d'un laboratoire du CNRS à Bordeaux. Il y a Michel Philips qui fait quelque chose qui est assez surprenant parce qu'il fait de la spéléo plongée. Donc déjà la spéléo c'est dangereux, la plongée n'en parlons pas, mais la spéléo plongée je vous laisse imaginer. C'est quelqu'un d'assez exceptionnel qui a fait pas mal d'expéditions un peu partout. Il y avait également Jacques qui est juste à côté de moi et puis Jérôme Tinguy qui était le plus jeune parce qu'il avait 24 ans. Lui il a trois passions, la montagne, le vin et la spéléo. Donc il est venu là pour assouvir l'une d'entre elles. Le vin au Chili ce n'est pas complètement absurde. Non seulement le vin au Chili ce n'est pas absurde, mais le vin en spéléo c'est encore moins absurde. On avait tous la passion du vin et on a mis beaucoup de bouteilles dans le bateau. On avait besoin de beaucoup de lait. Donc il n'y avait qu'un tonne de béton au fond de la cale plus un certain nombre de bouteilles de vin qu'on a dégusté pendant le trajet. Il y avait également Marc Teinturier qui lui est alpiniste et spéléologue également qui est venu sur la spéléo un petit peu sur le tard. Et puis il y avait Luc-Henri Sage qui a réalisé un film qui est réalisateur, photographe et spéléo et qui s'occupe du journal de spéléo, du seul journal indépendant de spéléo. Et puis je n'oublie personne Jacques. Luc-Henri Sage qui était dans le cinéma. On vient de le nommer. S'il y avait Jacques Renier et Jacques Durand qui sont deux médecins, donc un jeune et un vieux. On les avait appelés Baby Doc et Papy Doc parce qu'il y en a un qui a 28 ans et l'autre 68 ans. C'était vous là Stéphanie. La plus jeune de l'expé mais disons que lui était le jeune docteur et aussi passionné de spéléo. Et donc c'est vrai que c'était assez sympathique parce qu'il y avait des gens entre 24 et 68 ans. Et je vous assure que le Papy Doc en train de crapahuter sur les lapias ou dans la jungle qui mène aux lapias. Il a la forme, il a la pêche et c'est une belle leçon. Mais alors vous êtes en train de me dire Stéphanie qu'en plein milieu de ces chenots du canal, des canaux de Magellan, en plein sud de la Patagonie, dans les cinquantièmes angliciens, vous étiez la seule femme. Avec 9 hommes. Entre 9 hommes et quelques albatros. Et comment vous avez tenu le coup ? C'est formidablement agréable, on est tout à fait foufoutés et il n'y a aucun problème. Alors puisqu'on parle des cinquantièmes rugissants, parlons un peu du climat. L'image mentale, la caricature qu'on a de ces 2-3 de Magellan, de ces pointes de la Terre de Feu, c'est quand même la région la plus épouvantable du globe. On a les images des bateaux fracassés pendant les tempêtes, le Cap Horn, enfin toute la... C'est le plus grand cimetière marin du monde et est-ce que vous savez d'ailleurs pourquoi on appelle ça les cinquantièmes rugissants ? Bah parce que ça rugit sans doute. Oui mais tout simplement parce qu'en fait à cet endroit du globe, le vent fait le tour du globe sans être arrêté par aucune terre si ce n'est le bout, l'extrémité de l'Amérique du Sud. Donc finalement il passe, il tourne à une vitesse absolument démoniaque. Donc c'est pour ça qu'on l'appelle comme ça. Et alors vous avez ressenti le rugissement ? On a ressenti pas mal de rugissement. Pendant le mois des jours. Il faut dire que l'endroit où nous nous trouvions, c'est-à-dire la zone Ultima Esperanza, c'est l'endroit au monde où il pleut le plus. Il tombe à peu près, les années sèches 8 mètres d'eau, les années très mouillées 12 mètres. Donc entre 8 et 12 mètres d'eau, la pluviométrie est absolument incroyable. Ce qui explique d'ailleurs qu'il y ait autant de cavernes puisque l'eau de pluie qui tombe directement sur les massifs les a ciselées, les a modelées, les a sculptées et ensuite s'évacue à l'intérieur. Mais s'il y a quelque chose de vraiment débilitant, c'est cette pluie continuelle tous les jours. Et ce n'est pas de la petite pluie gentille, ce sont des trombes d'eau, c'est totalement diluvien. Et en l'espace d'une nuit, les rivières qui se forment sur les îles deviennent de véritables torrents furieux. Et ajouté à cela, le vent. Le vent est la composante indispensable au climat des archipels d'Ultima Esperanza. Un vent qui varie entre 50 km heure pour les vitesses les plus faibles jusqu'à 120, 130. Je peux vous dire qu'à 130 km heure, accroché sur une paroi de montagne, il faut vraiment bien s'accrocher pour ne pas être emporté comme un fétu de paille. Donc c'est le côté, disons, un petit peu embêtant de faire une expédition spéléo dans cette région-là, la pluie et le vent, et surtout la pluie. Et d'ailleurs pour le vent, le capitaine nous disait souvent qu'on a eu parfois des vents entre 150 et 200 km heure. Ah oui, il y a des rafales. Il y a vraiment des rafales, c'est complètement déroutant parce qu'en fait, avant d'aller en Patagonie, je crois qu'on ne sait pas ce que c'est que le vent, du tout. Et entre nous, on décrivait la Patagonie de trois façons avec un petit peu d'ironie. En fait, c'est tellement le pays de la démesure. C'est le pays où les pierres volent à l'horizontale. C'est le pays où les cascades remontent et se transforment en geysers. Sous l'action du vent. Sous l'action du vent. Et c'est le pays où lorsque les hommes essayent tant bien que mal au milieu de la forêt d'uriner en visant leurs pieds, ils se retrouvent trompés au niveau de la tête. Donc c'est vraiment le pays de la démesure. Et d'ailleurs, José Empereur, qui était un ethno-archéologue, qui a fait toute une étude dans les années 50 sur ce coin-là, le décrivait en trois phrases que je vais juste lire et qui donnent vraiment l'atmosphère avant d'y arriver. « L'ambiance des archipels est sinistre. Presque à longueur d'année, nagés dans des torrents de pluie et écrasés par la force agressive de la tempête, ils sont bien ces tristes solitudes où la mort, plus que la vie, semble régner en souveraine. » Ainsi que l'écrivait Darwin. « Une continuelle cape de nuages bas, un rideau de pluie qui efface tout contour, des ouragans du Pacifique austral, immenses glaciers austral patagoniens, des forêts compactes, des falaises dénudées. Quelques jours par an surgit le soleil, il crée alors un univers complètement nouveau. » Et c'est vrai que nous on avait calculé, Jacques, on a eu à peu près trois heures de soleil au total pendant toute cette expédition. Il y a une superbe littérature sur cette région que vous décrivez vraiment comme délicieuse. C'est « Qui se souvient des hommes » de Jean Rappal. Avec l'épopée des Alakalouf, qui sont ces peuples-là très primitifs qui habitent où exactement ? Dans ces chenots anatomaux. Ils habitaient en fait justement entre les cinquantièmes et cinquante-deuxièmes parallèles. Oui, ils habitaient là, mais ils habitaient très peu à terre, si je peux dire. Ils vivaient sur leurs canots, sur leurs bateaux en écorce, qu'ils confectionnaient eux-mêmes. Vivant du phoque et des... Absolument. C'étaient des nomades de la mer, comme ils appelaient José Ampéreur. Ils vivaient de pêche, essentiellement de pêche au phoque, à la baleine. Les femmes ramassaient des fruits de mer, plongeaient, ramassaient des fruits de mer. Oui, elles allaient ramasser des fruits de mer, des coquillages, gens en moule, ce qu'on appelle des cholkoas là-bas, des araignées de mer. Mais dans des conditions de survie que Raspaille... C'est effroyable. ... décrit comme véritablement effrayant. Déjà, ils vivaient nus en s'enduisant le corps de graisse de phoque, parce qu'il faut savoir que lorsqu'on est tout le temps trempé, c'est le meilleur moyen d'attraper le froid, c'est le meilleur moyen de mourir. Donc finalement, en étant nus et enduits de graisse de phoque, c'est la meilleure façon de se protéger de ces éléments complètement démoniaques. Ce que vous avez essayé, vous étiez équipés de Gore-Tex. Alors nous, on a vraiment compris que le Gore-Tex n'avait rien compris. Le Gore-Tex n'a jamais compris les notices, absolument, les notices techniques. Le Gore-Tex, c'est le vrai, le vrai bon ciré qu'on achète 50 francs dans n'importe quel... Le guicotin des coopératifs de droits menés. Absolument. Oui, mais c'est lourd. Oui, c'est lourd. Pour ne sera pas été, c'est lourd. Mais alors, revenons à la spéléologie. Vous décrivez les trompes d'eau qui s'abattent sur le pays. Est-ce que ce n'est pas dangereux, justement, quand on est en train de ramper dans un voyeau, passer un siphon, descendre en rappel un avène, de se prendre un déluge sur la tête ? C'est justement là où on a pris la mesure du problème que pouvait représenter l'exploration de ces rivières souterraines et de ces gouffres. On ne s'est pas tellement rendu compte lors de l'eradication de reconnaissance, parce qu'on n'a peut-être pas eu le temps. Et on s'est rendu compte quand on a trouvé cette énorme cascade qui dévalait le flanc de la montagne. Le jour où on l'a trouvée, on ne savait pas qu'elle sortait d'une caverne. Et elle débitait à peu près 2 m³ seconde. Vous voyez ce que ça donne. Mais il faut dire qu'il n'y avait plus pendant 3 jours et 3 nuits sans discontinuer. Alors, évidemment, les eaux étaient gonflées au maximum. Et puis, il s'est arrêté de pleuvoir pendant les 2 jours suivants. Et le débit est passé pratiquement à 200 litres par seconde. Vous voyez les grandes variations de débit des rivières. Et c'est là où on s'est rendu compte qu'il fallait vraiment qu'on observe 3 fois plus le ciel en Patagonie quand on va faire de la spélologie dans les archipels que dans les Alpes ou dans les Pyrénées. Mais à part l'observation du ciel, est-ce que vous disposez de moyens d'information météo ? Non, aucun. Il suffisait qu'on... Qu'on lève les yeux. Oui, qu'on lève les yeux et comme de toute façon... C'est pas très varié de toute façon. Le ciel est toujours gris avec des nuages qui roulent sans arrêt. De temps en temps, il se déchire. Il y a un petit coin de ciel bleu. Un rayon de soleil qui apparaît tel un projecteur poursuite qui course sur la montagne. A ce moment-là, elle s'illumine. Il y a les lumières australes qui arrivent. C'est un moment de grâce. Fabuleux. Un moment de grâce. Mais assez fugitif d'après ce que vous dites. Complètement. C'est comme le proverbe islandais qui dit que si on n'aime pas le temps en Islande, on attend 5 minutes. Et puis ça change. Alors, est-ce qu'il existe des cartes d'état-major ? Est-ce qu'il existe déjà des relevés spéléos ? Est-ce que vous étiez les premiers ? Est-ce que vous étiez pionniers dans la région en matière d'exploration spéléologique ? En fait, ma question c'est, y avait-il déjà des topos de cavernes, de grottes, de réseaux connus ? Jamais. Jamais. D'abord, la spéléologie n'existe pas au Chili. Ils ne savent pas ce que c'est parce que ça n'a jamais intéressé personne jusqu'à présent. Ça va peut-être changer. Et si ces îles sont connues sur leurs contours, il y a des cartes marines qui ont été faites. Il y a des repérages un peu par avion qui ont été faits il n'y a pas très longtemps d'ailleurs, à partir des années 70. L'intérieur des îles n'est pratiquement pas exploré. Mais même sur le plan géographique, les sommets les plus importants sont connus. On connait même l'altitude puisque c'est facile à déterminer sans l'avoir besoin de grimper dessus. Mais on a foulé certainement des parties, par exemple de l'île de Diego de Almagro, où aucun être humain n'avait été. Je parle là de la Suffrace. Alors à plus forte raison, évidemment, les cavernes. On était les premiers spéléos à explorer les cavernes sur ces îles. Est-ce que vous avez le chiffre du réseau de galeries que vous avez ouvert ? Alors ça va paraître modeste, surtout si des spéléologues nous écoutent. Mais il faut bien voir les difficultés qu'on a rencontrées. Et encore, on ne vous a pas parlé de la forêt, on va en parler. Vous allez voir, c'est autre chose encore ça. Oui, alors on a découvert essentiellement une série de petites cavités horizontales et verticales, plus une splendide cavité qu'on a appelée la perte de l'avenir. Rien que le mot résume beaucoup de choses. C'est métaphysique. Oui, complètement. Et c'est donc une puissante rivière qui elle-même est alimentée par deux lacs suspendus en altitude, qui se déversent l'un dans l'autre par des cascades. Et le second lac, lui, est à la limite de deux zones rocheuses. Il y a du schiste qui vient buter sur du marbre. Et à ce moment-là, il y a une faiblesse. Et l'eau a profité de cette faiblesse pour creuser un gouffre de 50 mètres de profondeur dans lequel se jette cette fameuse rivière qui passe entre 2 m³s et 200 litres secondes selon la pluviométrie du jour. Et au fond, un magnifique canyon dans le marbre blanc immaculé qui a été suivi sur à peu près 500 à 600 mètres. Et l'eau ressort à ce moment-là par une autre cascade et va rejoindre l'eau des canaux au bout de l'île. C'est super, pourquoi vous êtes remonté ? Les descriptions sont tellement belles, on se demande pourquoi vous n'y êtes pas resté. On voudrait bien y retourner. Mais ce n'est qu'un petit point qu'on a découvert qui est absolument extraordinaire. Et des cavernes comme ça, il doit y avoir des centaines et des centaines et des centaines. Alors vous avez cartographié ? On a adressé une topographie de chaque caverne que nous avons explorée. Alors il faut dire aussi qu'il a été découvert un siphon. Une caverne avec une rivière qui sort au bord de la mer et au bout de 50 mètres, un gros siphon. Et c'est Michel Philips qui a plongé le siphon. Et on faisait ce premier siphon austral qui était plongé. Et la plongée a été réussie puisqu'il est ressorti de l'autre côté du siphon dans une caverne. Évidemment, il était seul. Il a regardé, il a jeté un petit coup d'œil. La caverne continue. Bonjour aux successeurs, pourquoi pas. C'est-à-dire que le potentiel spéléologique de cette région est absolument incommensurable. Ahurissant. Et les plus beaux paysages karstiques du monde, on croyait les connaître, notamment dans les Pyrénées, sur le massif de la pierre Saint-Martin, qui est mon massif chéri et préféré, sur lequel j'ai traîné toutes mes bottes de spéléo. L'esthétique est supplantée par la Patagonie. Alors la question que je me pose, l'entrée de ces cavités, l'entrée de ces cavernes que vous aviez d'abord relevées et découvertes et commencées à explorer il y a deux ans, c'est ça ? Et que vous êtes retournées explorer cette année. Ces entrées sont-elles près du rivage, près de la rive ? Donc suffit-il d'accoster en bateau pour commencer à planter ses spits et à descendre en rappel dans les gouffres ? Ou alors faut-il marcher ? Faut-il en plus ajouter à la difficulté de la mer, du climat et de la spéléologie, la difficulté des marches d'approche ? Alors là, ça c'est complètement étonnant. Moi j'ai découvert la spéléo que je ne connaissais pas du tout. Et en fait, pour descendre, avant de descendre, il faut déjà monter. C'est-à-dire arriver au haut de la montagne d'où commencent ces cavités, du début de ces cavités. Et il faut savoir qu'à Diego de Almagro, finalement, vous avez deux parties. Vous avez une première partie qui est une jungle, qui est une jungle australe absolument déroutante parce qu'elle est à peu près similaire à la jungle qu'on peut trouver à 4000 mètres d'altitude en Papouasie-Nouvelle-Guinée. C'est une forêt qui se nourrit de sa propre décrépitude, une forêt avec des amas de troncs coagulés, des lichens extraordinaires, des mousses qui font plusieurs mètres de hauteur. On en est arrivé un jour à avoir à faire une cordée sur vertical végétal, ce qui est quand même plutôt original. Normalement, on fait une cordée sur de la roche. C'est-à-dire que si vous faites un pas travers, c'est assez difficile à décrire. On grimpe en haut des arbres et puis il y a des trous. Alors on tombe et puis on se relève et on ré-escalade un autre arbre. Un jour comme ça, on marchait et puis le papydoxe dont on vous a parlé tout à l'heure a disparu dans un trou d'une dizaine de mètres. Un trou végétal. Un trou végétal. C'est complètement, complètement déroutant. Au-dessus de vous, vous pouvez avoir 30 mètres, 40 mètres. Il y a un petit havène qui est recouvert de végétation ou comment ça se passe ? C'est un peu ça aussi, mais par moments, il y a des épaisseurs végétales incroyables qui sont d'espèce d'accumulation d'éponges, d'éponges de mousse, de lichens, d'arbustes. Et puis sur les arbustes, il y a de nouveau des lichens qui repoussent dessus, une espèce de liane gluante, quelques jolies fleurs qui ressemblent à des digitales un peu de toutes les couleurs, mais les fleurs sont assez rares. Et puis par-dessus ça, il y a des arbres qui se mettent à pousser et qui tombent. Et qui tombent parce qu'ils sont très abreuvés en eau, donc ils n'ont pas besoin de faire d'efforts pour aller se construire des racines extrêmement grandes. Ils sont fragilisés par nature et puis avec ces vents absolument délirants et leur propre poids, ils sont très très rapidement coupés. Et donc d'autres arbres vont rejaillir de là et rejaillir sur leur propre décomposition. C'est une espèce de magma verdâtre qui forme une ceinture autour pratiquement de chaque île et qu'il faut franchir. Alors la zone à franchir peut faire 2, 3, 4 kilomètres comme elle ne peut faire que 200 mètres de large. Et on programme à quelle vitesse ? On programme très lentement en taillant à la machette et il faut vraiment bien tailler et beaucoup tailler, donc la progression est très très très très lente. D'autant plus qu'il faut porter tout le matériel qui va servir à la suite à descendre. Tout le matériel spéléo, etc. Et les endroits où il n'y a pas de forêt, on appelle ça la super moquette. C'est une espèce de tapis qui peut faire entre 30 cm jusqu'à 3 m d'épaisseur, qui est une espèce d'énorme éponge. Et quand on marche dessus, c'est exactement comme quand on marche sur une serpillère ou sur une grosse éponge gorgée d'eau. L'eau remonte autour des bottes, autour des chaussures. On baigne dans l'humidité permanente dans l'archipel ou l'Ultima Espernza. Et il n'y a pas de saison sèche ? Il n'y a pas de saison sèche. On ne peut pas dire qu'il y ait d'été, on ne peut pas dire qu'il y ait d'hiver, bien que quand même les saisons soient un petit peu marquées. Mais l'uniformité dans la constante plus géométrique, c'est ça qui est... C'est le vent et la pluie qui font les 4 saisons à eux deux. Est-ce que cette luxuriance végétale donne lieu à une luxuriance animale ? Absolument pas. Est-ce qu'elle avait pu rencontrer de la faune ou est-ce que c'était totalement désert ? C'était presque drôle parce que je me souviens au bout de 4-5 jours, on était là, on calculait, on avait trouvé un petit ver de terre, un espèce de lombrique, on avait vu... Quelques petits oiseaux. Oui, quelques petits oiseaux, alors là c'est très très charmant parce qu'ils nous suivent, on avait quelques oiseaux. Bon, il y avait évidemment toute la vie faune et tous les mammifères marins. Et pas de faune casernicole ? On n'en a pas trouvé. Même des chauves-souris ? Non. Il n'y a rien, il n'y a rien, c'est impossible de vivre là-bas. Dans la mesure où il y a très peu d'insectes semble-t-il, il n'y a pas de chauves-souris. Oui, il ne peut pas y avoir la chaîne érompue des premiers maillons. Il y a des oiseaux, il y a pas mal d'oiseaux, on n'en a pas beaucoup vu mais il semble qu'il y en ait quand même pas mal. Mais ce sont pour la plupart des petits oiseaux. C'est gros comme des moineaux, il y en a de toutes les couleurs. Il y en a qui sont marrons, il y en a qui sont gris, il y en a qui sont belges, ils ne sont pas du tout farouches parce qu'ils n'ont jamais vu d'être humain, ils ne savent pas ce que c'est qu'un être humain. Et ils viennent à 30 centimètres. Pas cette fois-là, mais la première année, quand on a débarqué, la première fois je veux dire, j'ai débarqué sur Diego de Almagro et j'ai un oiseau qui est posé sur mon épaule et un autre sur le bout de ma chaussure. Ils commençaient à entamer une conversation, ils commençaient à chanter, je trouvais ça très sympathique. Et cette fois-ci, ça ne s'est pas renouvelé. Mais enfin bon, il y a également des sortes de petits rapaces qui ressemblent un peu à des buses. Et il y a le grand condor. Le grand condor, on en a vu avec 4 mètres d'envergure. Alors là, on se pose des questions, à savoir qu'est-ce qu'ils font au-dessus de ces îles ? Comment ils se nourrissent ? Puisqu'il n'y a rien à manger. Alors on pense qu'ils se nourrissent surtout de phoques qui viennent pourrir sur des cailloux, de baleines qui viennent s'échouer. En fait, ils mangent la charogne qui vient de la mer. Et ils attaquent peut-être aussi des oiseaux marins tels que Pétrelle, Albatros, Cormorant. Alors comment vous organisez-vous ? C'est-à-dire, vous étiez donc presque une petite dizaine à bord de ce bateau. Il faut toujours qu'il y ait quelqu'un qui reste sur le bateau, une équipe qui part... Il n'y a pas besoin de personne qui reste sur le bateau parce qu'en fait, il y a le capitaine et puis il y avait l'équipage. Donc tout le monde peut être disponible, les forces de vie spéléologiques peuvent être disponibles pour l'exploration. Vous descendiez tous les jours ? Oui. Ah oui, oui. Bon, certains jours, il y en a qui étaient un peu fatigués, qui avaient un peu la flemme, qui avaient envie plutôt de bouquiner ou de boire une bonne bouteille de vin. Non, ils restaient sur le bateau. Parce qu'il faut bien dire qu'il est impossible de faire du camping, de dresser un camp sur ces îles. Il pleut tellement, le sol est impropre au couchage. Donc c'est le bateau qui est le camp de base. Mais d'ailleurs, on avait une expérience assez drôle au début. On s'était donc scindé en plusieurs équipes de façon improspectée, de façon la plus rationnelle et rapide possible. Il y avait une équipe qui avait décidé de rester sur place pendant deux jours. Et on les a retrouvés. En fait, l'expérience, c'était la tente-piscine. Où il y avait même l'un des garçons qui avait pris son bain dans sa tente tellement il y avait d'eau partout. Donc c'est assez difficile de dormir dans des conditions de ce type et d'être efficace le lendemain pour travailler, craper, huter et grimper. Mais alors dans ces conditions, en aucun cas, les cavernes n'étaient sèches. Vous étiez sans cesse dans le ruissellement, la roche pongueuse, comment ça s'appelle ? De toute façon, même les cavernes les plus sèches sont toujours humides. Puisque de toute façon, l'hygrométrie souterraine, elle est toujours avoisinante pratiquement de 100%. Mais on se demande si les cavernes patagones, elles, ça ne dépasse pas les 100%. Bon, c'est vrai que toutes ces cavernes sont ruissellantes. Il y a toujours des écoulements d'eau. Quand ce n'est pas un ruisseau, un ruissellé ou une rivière, voire presque un fleuve, comme j'étais dans le Grand Canyon de la Perte de l'Avenir, il y aura toujours de l'eau qui coule, qui suinte le long des parois et au sol. Mais ça, c'est en conséquence de la pluviométrie. Parce que l'eau tombe directement sur ce sol calcaire qui absorbe tout de suite. Parce que les fissures sur les lapias, les lapias sont les grandes zones calcaires, c'est le mot pour désigner les grandes zones calcaires de la montagne, elles s'engouffrent immédiatement. Donc, aussitôt, les cavernes se mettent en fonctionnement aquatique. Vous êtes descendue, Stéphanie ? Je n'ai pas eu le droit. Si, tu as été dans la grotte du siphon. Oui, dans le canyon, j'étais dans la grotte du siphon. Disons que moi, je n'ai pas d'expérience pédologique. Il est vrai qu'il y a quelque chose qui est, moi, maintenu beaucoup à cœur, c'est que comme on était 10, on était une équipe, on était à l'autre bout du monde, c'était dangereux, on ne pouvait pas prendre des risques comme on aurait pu éventuellement faire en France, à proximité d'un hôpital, à proximité de choses de ce type. C'est vrai que ce n'est pas vraiment le lieu pour de l'initiation. Voilà, ce n'est pas forcément le lieu pour de l'initiation. Par contre, ça m'a donné envie de commencer absolument, parce que la façon dont ils en parlent, comme d'un sixième continent où il y a encore finalement pratiquement tout à explorer, c'est assez superbe. Et notamment, là, j'ai écouté un petit peu les bilans de Richard Maire, donc le docteur en cartologie, etc. Pour lui, aujourd'hui, les découvertes, Jacques, tu me diras si je me trompe, mais ce qu'on a vu, ce qu'on a découvert dans les canaux de Magellan, c'est comme si pour les alpinistes, d'un point de vue potentiel, ils découvraient aujourd'hui l'Himalaya. Ah oui, c'est un étonnant rapprochement de proportion. Par exemple, sur les archipels patagons, on ne battra pas un record du monde de profondeur, on ne battra pas un record du monde de longueur, très certainement en tout cas, mais on va découvrir des cavernes qui ont un autre faciès, un autre aspect, une autre physionomie que l'on ne connaissait pas jusqu'à présent, compte tenu du type de calcaire, le marbre, en tout cas pour Zygote et Almagro, et compte tenu de la pluviométrie, qui est la plus forte du monde, compte tenu également, à la surface, de l'action d'érosion du vent sur le calcaire, qui est quelque chose que l'on n'avait pratiquement pas observé ailleurs, et ça c'est extraordinaire. Mais vous qui avez une expérience, si j'en crois ce que m'a dit tout à l'heure Stéphanie, de spéléologie au Mexique, au Chili, enfin déjà au Chili, mais en Afghanistan, en Algérie, enfin à peu près sur tous les continents, vous n'avez jamais vu de constitution karstique pareille ? Non, c'est la première fois, et je me souviens très bien, la première fois, quand on a mis le pied sur l'île de Zygote et Almagro, il y a deux ans avec Jean-François Pernet, on était les deux premiers, les autres suivaient derrière, ils étaient encore dans le petit bateau, on a dit, mais où on est ? Mais c'est vraiment le karst le plus fabuleux du monde qu'on est en train de regarder, et pourtant Dieu sait si on a de l'expérience, Dieu sait si on a vu des montagnes de calcaire, et regarde ça, on dirait de la glace devant nous. Ce sont des glaciers de marbre, c'est extraordinaire. Et blanc à côté du vert, du vert presque fluo de la forêt, ça n'est qu'un rayon de soleil là-dessus, et là c'est trop fugace, alors là ça prend des teintes... Moi dans tous mes voyages, je me suis baladé à peu près plus d'une trentaine de pays, je n'ai jamais rien vu de similaire au monde. Il y a toujours dans un pays, finalement, quelque chose qui nous rappelle quelque chose d'autre. Et là, tout était complètement nouveau. Et puis il y a toujours dans un pays, un endroit où on se dit, ça y est, on a enfin trouvé le bout du monde, le trou du monde. Ah oui, là c'est définitif, c'est là. Et là vous l'avez trouvé ? Ah oui, là c'est vraiment le bout du monde, ce n'est pas le Cap Horn le bout du monde, c'est là, un peu au-dessus du Cap Horn. C'est fantastique. Et alors, je crois que c'est peut-être l'ouverture vers une série d'expéditions qu'on voudrait bien monter, mais ça c'est une autre histoire, parce que c'est loin, ça coûte cher, il faut affrêter un bateau, il faut s'organiser, parce que Diego de Almagro, c'est une chose, c'est tellement beau qu'on voudrait bien qu'il soit classé au patrimoine mondial, au patrimoine de l'humanité, parce que c'est unique au monde. Mais il y a des tas d'autres îles. On a vu l'île d'Alton, Madre de Dios, qui est grand comme trois départements français, et là, il semble que pas la forêt australe d'ailleurs sur Madre de Dios, c'est le désert calcaire qui monte, qui monte, qui monte, et à perte de vue, il y a des générations de spérologues qui vont explorer ça. Et le bateau partait de Punta Arenas ? Non, le bateau partait de Puerto Natales, qui donne donc dans le Señor Ultima Esperanza. Et combien de temps faut-il pour rejoindre les zones que vous avez explorées ? Alors, tout dépend de la tempête, ça dépense entre 3 et 5 jours. Oui, donc on peut dire que même les conditions d'approche, simplement pour aller en bateau dans la zone sont déjà difficiles, et ensuite les conditions sur place d'exploration sont, d'après ce que vous racontez, pas vraiment de tout repos. Donc vous pensez que l'exploration, avant qu'il n'y ait... Il faut vraiment être motivé. Il faut vraiment être motivé avant qu'il n'y ait un déferlement d'exploration sur ces régions. Il faut être complètement motivé, il faut avoir des sous et du temps. Parce qu'on est parti un mois et en fait on a été réellement efficace que 10 à 12 jours. Tout le temps, tout le reste du temps, je veux dire, a été occupé en déplacement, en voyage, en attente. Alors comment allez-vous exploiter, faire connaître, parler, partager ce voyage ? Déjà, moi je vais faire un article dans le magazine Grand Portage, donc présentant cette exploration, cette expédition. Vous avez des photos ? Oui, on a bien sûr des photos, il y a des autres photographes. Donc il y a beaucoup de photos, de tout. Et puis sinon, Luc Henri Fage a également réalisé un film, donc il va monter et essayer d'aller vendre à différentes chaînes. Voilà, donc il y a ces deux possibilités-là. Pas de conférence à la fédération de téléologie ? On va voir, ça on va voir. Il faut trouver les gens qui soient motivés pour faire la conférence, pour faire une tournée de conférences, qui aient le temps également. Mais par contre, il y aura des publications dans la presse spécialisée, d'abord dans Spelunka, qui est la revue de la Fédération Française de Spéléologie, également dans Spéléo, qui est une revue de spéléologie extrêmement vivante et dynamique, que dirige d'ailleurs Luc Henri Fage. Des articles dans d'autres presses spéléologiques d'autres pays. Et puis surtout, Richard Maynard fera des communications scientifiques par le biais du CNRS. Notamment dans Carstologia, qui est une revue dont il s'occupe, qui est une revue uniquement de carstologie, une revue française, et puis dans d'autres revues étrangères. Et alors vous pensez rester en contact tous les dix pour éventuellement, dans quelques mois ou quelques années, repartir ? C'est prévu ? Pourquoi pas ? Pourquoi pas ? Il n'y a encore rien de prévu. Il y a seulement une idée qui flotte dans l'air comme ça. Il y a un noyau dur qui sera certainement toujours le même. Et puis autour de ce noyau dur, à chaque expédition se greffent des nouvelles individualités. Alors ça c'est pour vous Stéphanie, puisque vous aimez bien les citations. En guise de conclusion, je vais vous en lire une, devinez de qui c'est. Il est probable qu'une descente au centre de la Terre nous révélerait sur la gravitation, noyau de toutes les énigmes, plus de secrets cosmiques qu'un voyage dans la Lune. Pas du tout Jules Verne. Alors ? Métérlinck. Métérlinck. Joli en tous les cas. C'est joli. Donc voilà, bravo pour ce voyage dans la Lune.

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