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Par Thierry Georges, émission Bravo et merci, RCF Radio Jerico Moselle.
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Par Thierry Georges, émission Bravo et merci, RCF Radio Jerico Moselle.
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Par Thierry Georges, émission Bravo et merci, RCF Radio Jerico Moselle.
Serge Rezvani, a painter, writer, author, composer, and performer, is known for his rich bibliography and discography. One of his songs, "Le Tourbillon," was sung by Jeanne Moreau in the film "Jules et Jim" by François Truffaut. Rezvani stopped painting when it no longer aligned with his artistic vision and the commercialization of the art world. His songs, featured in the album "Chansons pour Lula," were initially written for friends and family but gained popularity through Moreau and Truffaut. Rezvani expresses gratitude for their support and the impact of his songs, including "Le Tourbillon," on subsequent generations. Despite facing challenges with contracts and royalties, Rezvani continues to live off the success of his songs and is able to focus on his painting. R.C.F. Bienvenue à vous. Bravo et merci Serge Rezvani, peintre, écrivain, auteur, compositeur, interprète. Serge Rezvani est né le 23 mars 1928 à Téhéran. La bibliographie et discographie de Serge Rezvani sont particulièrement riches. L'une de ses chansons au moins est connue mondialement, chantée par Jeanne Moreau dans le film Jules et Jim de François Truffaut en 1962, "Le Tourbillon". Suite à l'invitation de l'association Ciné-Art à Metz, la sortie de projections et de lectures, concerts, Serge Rezvani m'a reçu chez lui à Paris. Les chansons de Serge Rezvani sont extraites de l'album "Chansons pour Lula", sorti en mars 2023. Bravo et merci Serge Rezvani, seconde partie. Bravo et merci. Thierry Georges. Je suis venu vous retrouver chez vous, Serge Rezvani, on est dans le quartier de Saint-Germain, Saint-Germain-des-Prés à Paris, mais on est à deux pas de Montparnasse. Montparnasse. On jouxte Montparnasse, mais c'est plutôt quand même le sixième arrondissement. Ah il y a le Luxembourg. À une époque donnée, vous avez donné un coup de pinceau final à votre vie de peintre, après il y en a eu une autre, mais vous ne le saviez pas au moment où vous avez décidé d'arrêter, dans les années 60, c'est ça ? Et est-ce que vous avez de la même manière, à un moment donné, mis un point final à l'écriture des chansons ? Non, non, non, et quant à la peinture je n'ai jamais arrêté... Mais je vous ai entendu dans une interview il y a dix ans dire que vous n'écririez plus de chansons par exemple. Vous savez, j'ai toujours dit que c'était la dernière, et il y en a toujours d'autres qui arrivent... Ah oui, c'est ça. Voilà, c'est elles qui décident, c'est pas moi. Et quant à la peinture, donc j'ai fermé mon atelier pendant une époque. Picasso disait "Je ne cherche pas, je trouve", moi j'ai beaucoup cherché et je n'ai rien trouvé. Donc il est arrivé un moment où la peinture ne correspondait plus à ma recherche, et surtout le milieu de la peinture qui est devenu une des bourses les plus folles d'aujourd'hui, avec les Chinois et les pays du Golfe, avec les retombées évidemment, les produits dérivés et tout ça, ça ne m'intéresse pas du tout, non. Tout le monde dit « Oh, Koons ». Mais pas du tout, Koons c'est du Walt Disney, on amuse le peuple, et pourquoi pas, c'est charmant. Jeff Koons. Mais il ne descend pas de Vinci. Revenons aux chansons. On a juste un peu évoqué, Serge Rezvani, les chansons, vous les avez d'abord écrites pour Lula et elles étaient destinées, pourrait-on dire, à une vie familiale et amicale. Il s'est trouvé que Jeanne Moreau était une grande amie, son mari aussi, Jean-Louis Richard, et puis Truffaut, et puis tout doucement le cercle s'est élargi. Et puis, une fois par semaine, on allait chez Jeanne Moreau, j'amenais mes dernières chansons, il y avait Francesca Solleville. On n'a pas parlé de Francesca Solleville, qui est ce qu'on appelle une chanteuse engagée. Très engagée, trop engagée, je dirais. Qui a beaucoup chanté Ferrat. Je lui ai toujours dit, Francesca, dès qu'il y avait une photo de Marchais, elle était à côté de Marchais. Et c'est dommage. Je suis d'accord qu'on soit engagé, pourquoi pas. Mais je pense qu'elle a restreint... Elle était étiquetée. Mais néanmoins, elle a quand même été la première, je crois, de Ferré à Aragon, c'était peut-être bien la première à les chanter. C'était une grande chanteuse, mais elle aurait pu faire une carrière très différente s'il avait été plus universelle, je dirais. Mais à l'époque, sa mère était une très grande résistante à Mussolini, très engagée, même au risque de sa vie. Et elle-même était très engagée à une époque où être communiste, ça ne menait pas à la fosse commune. A l'époque, on y croyait. On s'est connus On s'est reconnus On s'est perdus de vue On s'est retrouvés On s'est réchauffés Puis on s'est séparés Chacun pour soi est reparti Dans le tourbillon de la vie Donc, alors, ce cercle d'amis, les chansons, c'est François Truffaut finalement qui va faire sortir "Le Tourbillon". François Truffaut, c'est un grand admirateur de mes chansons, c'est vrai, un grand ami, c'est un homme très tendre. J'ai une très grande amitié pour lui, j'ai même écrit une chanson après sa mort. Truffaut, était quelqu'un de délicieux, et il a compris que j'avais un problème avec le marché de la peinture, parce que bon, j'ai quand même eu la chance d'inaugurer Beaubourg, j'ai exposé au Musée d'art moderne, j'étais dans des grandes collections. Bon, c'est pas pour me vanter, mais c'est pour dire à quel niveau j'étais arrivé dans la "réussite" dans la peinture, ce qui veut dire la banque. Et donc, ça marchait très bien. Mais Truffaut a très bien compris que ça ne marchait pas du tout pour moi, d'être le commerçant de mes créations. Et il a souhaité que "Le Tourbillon" soit un tube pour me délivrer du marché de la peinture, et il a réussi. C'était vraiment très très, je pense, très généreux, et surtout très amical, avec une certaine pointe d'humour. Et on vous voit, Serge Rezvani, dans le film, dans "Jules et Jim", avec Jeanne Moreau. Oui, bien sûr. C'est en prise directe, c'est pas en playback. Oui, oui, bien sûr. Vous avez tourné, et elle a chanté, et vous étiez à la guitare à ce moment-là. Et "Le Tourbillon" va vraiment devenir, mais c'est un vrai tourbillon, cette chanson, l'impact de cette chanson. Enfin, je pense que vous ne pouviez pas imaginer. Ah non, pas du tout. C'est inimaginable. Non, non, c'est une chanson de bonheur, de jeunesse, qui a été écrite assez rapidement d'ailleurs. Liée aux turpitudes parfois du couple Jean-Louis Richard - donc votre ami - et Jeanne Moreau. Oui, je me moquais de Jeanne Moreau et Jean pour leur anniversaire. J'avais écrit cette chanson pour me moquer de leur façon de s'aimer. Parce qu'ils se séparaient, revenaient, ils se séparaient. C'était absolument adorable. Et Jeanne s'est emparée de mes chansons, jusqu'à dire mes chansons. Bon, j'en suis ravi. Elle a été très généreuse, et en même temps, ça a été une voix particulière, nouvelle dans la chanson. Parce qu'elle a pris ça de manière très très sérieuse. Je veux dire, elle n'a pas chantonné. Elle a vraiment voulu. Quand Canetti, et François Truffaut, surtout, l'a poussé à faire un disque, deux disques, de mes chansons, elle a pris les choses très au sérieux, elle a beaucoup hésité. Elle l'a fait d'une manière très professionnelle. Ce n'était pas du tout comme ça, en l'air. Et donc, ça a été une réussite. Moi, ça m'a dépassé, puisque j'ai pris un pseudonyme, et je ne me suis pas préoccupé. Je ne les avais même pas déposés, mes chansons. Et l'âge SACEM ne m'a pas accueilli à bras d'ouvert. Je peux dire que je ne touche que les miettes de mes chansons, parce que j'ai signé des contrats. Donc là, je n'ai rien compris. Et grâce aux miettes de mes chansons, je vis, malgré tout. Oui, c'est ça. Et je vis surtout, sans être obligé de vendre ma peinture. Parce que j'ai continué à peindre, quand même. Effectivement, le tourbillon, moi je me souviens d'un très beau moment, c'était lors d'une cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes, quand Vanessa Paradis a chanté le tourbillon, face à Jeanne Moreau, qui elle-même est entrée dans la chanson. Oui, c'était très émouvant. Très émouvant, très très émouvant. Il y avait une passation. Qu'est-ce qui s'est passé avec le disque ? Ce qui est fantastique, c'est que justement, c'est les nouvelles générations qui s'emparent de mes chansons. Ça m'émeut beaucoup, parce qu'eux composent leurs propres chansons. Donc ils ont accepté de chanter les chansons de Dominique Varin, entre autres. Léopoldine, c'était très démocre. Avant, il y a eu Pat Monnaert. Ah oui, elle a fait un très beau disque. Après, il y a eu Helena Noguerra. Helena, bien sûr. Donc régulièrement, mes chansons ont toujours été chantées. Oui, c'est vrai. Oui, bien sûr. Oui, elles vivent. Elles vivent. Le point de départ de « J'ai la mémoire qui flanche », je me souviens un peu très bien. Vous vous souvenez très bien ? Absolument pas. Je l'ai écrit en m'amusant, sans penser qu'un jour, ces années après, la maladie d'Alzheimer viendrait dans ma vie, avec ce qui s'est arrivé à Lula. Non, j'ai écrit « J'ai la mémoire qui flanche » réellement, comme tout le reste. C'était ludique. Jean-Louis Richard, je le précise aussi, a été proche de François Tartrefaut, pas juste comédien, mais il a également écrit « J'ai la mémoire qui flanche ». Bien sûr, il a fait beaucoup de films. Il a été comédien également. Comédien ? Très bon comédien. Très bon comédien. J'ai joué. J'étais le jeune premier, je sais jouer. Je regardais tout à l'heure. Je cherchais quelques infos sur lui. Lui-même a été victime de la maladie d'Alzheimer, Jean-Louis Richard. Je ne savais pas. Avant, je ne savais pas. Oui. Parce qu'on s'est perdu de vue. Comme dans la chanson. Comme dans la chanson, effectivement. Et il y a eu autres bons moments, quand vous avez accueilli chez vous, Anna Karina et Jean-Luc Godard. Oui, c'est ça. Il est arrivé à l'improviste chez moi un matin en me disant « J'aimais beaucoup Godard. Je ne le connaissais pas encore, donc je l'aimais ». Quand je l'ai connu, c'est une autre histoire. Il est arrivé à l'improviste chez moi un matin en me disant « J'aimais beaucoup Godard. Je ne le connaissais pas encore, donc je l'aimais ». Quand je l'ai connu, c'est une autre histoire. Il est arrivé à l'improviste chez moi un matin en me disant « J'aimais beaucoup Godard. Je ne le connaissais pas encore, donc je l'aimais ». Quand je l'ai connu, c'est une autre histoire. Bref, il est venu chez moi à l'improviste. Il a pris plusieurs chansons pour son film. Je l'ai assisté au tournage, par contre. C'est Pierre Lefou, là. Ou Belmondo et Anna Karina. J'adore cette séquence. Quand ils chantent. C'est quelqu'un du haut, là. Oui, oui, vraiment. Ma ligne de chance, en sautant sur les arbres, sur les eucalyptus abattus. C'est très beau. Ma ligne de chance. Ma ligne de hanche. Exactement. Ça rappelle finalement un peu le dialogue du mépris aussi. Ma ligne de hanche. On vous a proposé aussi d'écrire pour Bardot. Non, à l'époque, mes chansons n'avaient pas eu tel succès. Toute la chanson française me demandait des chansons, mais je ne tenais pas du tout à ce que ça me suffisait comme ça avec Jeanne Moreau. Vous n'étiez pas un auteur professionnel. Je ne voulais pas entrer dans la profession. Du tout, du tout. Le showbiz ne m'intéresse pas. Je ne suis pas un amateur de la chanson. J'aime quand on chante. C'est très différent. Comme je suis des Russes, je suis des Italiens, où le chant est un lien entre les êtres. Je ne suis pas tellement intéressé par la chanson qu'il y a un sketch où les gens sont assis et puis quelqu'un qui chante un petit sketch comme ça, très bien fait. Ce n'est pas tellement ça. Mes chansons sont devenues ça presque malgré moi. Moi j'ai une toute petite ligne de chance Moi j'ai une toute petite ligne de chance Si je te chante dans la mer Ça me fait peur des lendemains Ma ligne de chance, ma ligne de chance Dis-moi chérie, qu'est-ce que t'en penses ? Ce que j'entends, quelle importance C'est tout ce que j'aime, ta ligne de danse Et parmi celles qui ont repris vos chansons, non pas en VF mais en version anglaise, Vanessa Redgrave. C'est magnifique. Tony Richardson a fait un film d'un premier chanson, Vanessa Redgrave, mais il ne l'a pas terminé. En tout cas, je n'ai jamais vu ce film. Il s'appelait Red on Blue. Mais le disque existe. Vanessa Redgrave chante dix ou quinze chansons en anglais. C'est très beau. Mise en musique par Duhamel, magnifique. Antoine Duhamel. Et en 2023, ce disque des chansons pour voulage, il y a un très très beau casting pour cet album. Moi je ne les connaissais pas. C'est très beau. Récemment, un maître, Paul Dean HH, quelqu'un qui travaille sur des chansons en ce moment, qui s'appelle Nathalie Hakoun, qui est en train d'écrire une pièce sur le testament amoureux et elle va créer une vingtaine de chansons en liant avec vos chansons. Parce que toutes n'ont pas été chantées. Il y a beaucoup de chansons qui sont chantées et qui seraient connues. Mais il y a un problème, c'est qu'il a fallu que Dominique chante mes chansons d'une façon divine. Je trouve. Parce qu'il a une part de féminité en lui. Mais les hommes, ils ne chantent pas tellement mes chansons. Il y a une grande part de féminin dedans, j'imagine. En tout cas, les femmes s'y retrouvent. Elles me chantent divinement et ça me va très bien. Loulin décède en 2004, c'est ça ? Oui. Et il y a presque une transmission, enfin une passation, finalement, en 2005. Vous retrouvez Marie-Josée Nath que vous aviez rencontrée mais plusieurs décennies avant. Décennies avant, on était deux couples, on s'est croisés 40 ans avant. Et puis bon, j'étais seul. Marie-Josée m'a pris par la main. Je l'ai rencontrée fortuitement. Je suis des amis. Elle m'a dit, viens écrire en Corse. Dans sa maison mythique. Et je me suis retrouvé en Corse pendant 15 ans avec elle, dans un lieu sublime. En plus, c'est un jardin magnifique. C'était une fille de paysan. Elle était vraiment une fille de bergère. Et finalement, elle a vécu une vie dans les paillettes. Je crois que son vrai bonheur, c'était d'avoir les mains dans la terre. Je l'ai ramenée en Corse. Et on a vécu 15 ans proche de la terre Corse. Et de la mer Corse. Et de cette maison mythique qui est à la pointe de la France, à Bonifacio. Et puis, en dessous, il y avait des friches où j'ai fait un sublime jardin, en effet. Et ça a été vraiment, entre nous deux, quelque chose de spécial. Ce jardin nous a unis dans une sorte de création. Bon, j'ai passé 15 années qui devait être des années de deuil que je n'ai perdu là. Mais qui ont été vivables. Plus que ça, j'ai vécu des années charmantes. Je l'ai épousée aussi pour des raisons précises. Parce que j'avais évidemment les prédateurs. Et elle m'a sauvé de ça aussi. C'est pas la peine d'entrer dans ce détail. Donc Marie-José Nath, elle avait arrêté de toute façon sa vie de comédienne. Juste avant votre rencontre. Exactement. Donc plutôt les mains dans la terre. Je l'ai ramenée à la Corse. Parce que les hommes qu'elle avait eu avant étaient plutôt dans les paillettes, dans la réussite. Ça marchait très bien pour elle. Puis un peu le métier l'a quitté, je dirais presque. Et puis elle était très malade. En fait, j'étais son infirmier pendant 15 ans. Mais pour la seconde fois, en quelque sorte. Je voulais juste rappeler à nos amis, Marie-José Nath, la vérité de Clouseau, Élise ou la vraie vie, le film de son mari, de Michel Drache. Elle a fait tous les films avec son mari. Elle a pris les grands succès des années 70. Les gens de Mogador, par exemple. Effectivement, vous avez vécu près de 15 ans ensemble. En vous disant au départ que ça n'allait pas durer longtemps. Elle était malade, déjà. Elle était très gravement diabétique. Et moi-même, j'étais arrivé, je ne sais pas à quel âge, je me disais, je ne pourrais pas vivre longtemps. Maintenant, je lui dis que j'ai 100 ans moins 5. Ça veut dire que mon objectif c'est d'aller au moins à 100 ans. Je suis très créatif, j'ai besoin de ça. J'ai la chance d'être toujours émerveillé. Vous ne souhaitez pas vivre autant d'années que vous avez écrit de chansons, disons, 100 ans, inaugurées. D'être Jeanne Calment, mais d'autant que Jeanne Calment, c'était deux, apparemment. Je ne sais pas. Il paraît qu'elle n'était pas belle à voir à la fin. Je veux bien vivre longtemps si je ne suis pas dégradée. Je ne suis pas un étranger et je peux prendre une fille. Je suis Jo Le Rouge, je m'occupe de mon refuge en voyant le monde. J'ai trouvé des jeunes filles qui n'étaient pas aussi bonnes que moi. J'aime mes filles qui sont libres, qui savent ce qu'est l'amour. Un tourbillon de souvenirs et d'histoires racontés à la maison entre Saint-Germain-des-Prés et Montparnasse. Bravo et merci ! Thierry Georges Je vous rencontre, vous avez, Serge, 95 ans. Oui, je vais sur le biais de 96. C'est ça. Alors, 100 moins 4, 100 moins 5. Mais nos amis qui vous écoutent et qui nous écoutent et qui ne vous voient pas, quand ils entendent votre voix, quel âge on peut vous donner à la moitié ? Ecoutez, l'âge, ça n'existe pas. Malheureusement, on sort des chiffres. Les gens qui vieillissent, au lieu de se dire que ce ne sont que des chiffres, anticipent et ils commencent à se courber à partir de 75 ans. Parce qu'on a 75 ans, il faut se courber. Oui, ils anticipent. Ils anticipent la vieillesse sur les chiffres. Quand en vérité, ça n'existe pas, ces chiffres. C'est une fiction. C'est la vie qui vous dit votre âge. Quand on fait la vie, on ne vieillit pas si on crée, si on est curieux, si on est heureux de vivre, si on rencontre l'amour. Je peux dire que je n'ai jamais été infidèle à Lula, quoi qu'on en pense. Sa mort, je la pleure encore aujourd'hui, tous les jours. Les gens qui ont plusieurs enfants, on les aime également. Moi, j'ai eu plusieurs amours dans ma vie. J'ai eu un grand amour de 50 ans, mais par la suite, j'ai aimé Marie-José Nath, le temps que j'ai vécu avec elle. Par la suite, j'ai rencontré une femme encore qui était une aventurière extraordinaire. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais proche de la famille royale d'Angleterre. Une femme incroyable qui est morte dans mes bras dans la rue, brusquement. Les femmes de votre vie meurent dans vos bras. Elle est morte dans mes bras en riant. On a vécu un an ensemble et puis le matin, on partait en riant au soleil. Elle meurt, place d'avent, dans mes bras. Par la suite, encore, j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un encore. Je suis quelqu'un qui a eu la chance d'être aimé et d'aimer. Mais surtout d'aimer. Il faut plutôt avoir la chance de pouvoir aimer. Je ne peux pas être heureux par moi-même. Je ne peux être heureux qu'en rendant une femme heureuse. Le reflet de son bonheur me donne des joies merveilleuses. C'est le cas encore aujourd'hui. Tout à l'heure, vous parliez de chiffres. Vous n'êtes pas un homme de chiffres, mais un homme de lettres. Oui, c'est très bien. C'est un joli jeu de mots. Quant à vos chansons, vous les avez enregistrées vous-même. J'ai enregistré, à l'époque, l'intégrale de mes chansons avec mon éditeur d'Actes Sud, Bertrand Pi, et puis c'est resté dans les tiroirs. Heureusement, François Fianetti a tout repris. C'est beaucoup de chansons que j'interprète moi-même. Je les ai toutes interprétées moi-même, pour les archiver. Je veux dire, voilà comment elles sont. Je les ai citées, six disques très beaux qui n'ont pas été divulgués, bizarrement, parce que c'était un éditeur de lettres et pas de chansons. Donc j'ai réussi à ce que François Fianetti les reprenne et qu'elle les mette, je crois, sur des plateformes. Je ne connais pas tout ça, mais bref, elles doivent avoir leur vie virtuelle. Je ne sais pas qui les écoute. Aujourd'hui, votre regard va plutôt vers l'avenir. Si vous pouviez revivre une journée de votre vie, laquelle souhaiteriez-vous revivre ? Je reviens à une journée qui a duré 50 ans. Si elle avait hâte avec Lula. Vraiment. Dès qu'on a vécu ensemble, ça a été une longue journée qui s'est fermée avec elle de 50 ans, vraiment. En fait, de vivre tous les jours le même jour, c'est toucher à l'éternel. J'ai vécu une éternité de 50 ans d'amour total, avec une femme particulièrement extraordinaire. Je t'ai donné mon corps, mon corps, contre ton corps. Sans te donner mon cœur, mon cœur, contre ton cœur. Je t'ai donné mon corps, du soir jusqu'à l'horreur. Ne me donne pas ton cœur, j'ai trop peur du bonheur. Caresse-moi, j'adore ça. Caresse-moi, caresse-moi, j'adore ça. Je te donne mon corps, sans que mon cœur se donne. Caresse-moi, j'adore ça. Caresse-moi, j'adore ça. Caresse-moi encore, encore. Pour terminer, si on n'a pas le tour de tout votre appartement, ici à Montparnasse, en face de vous, un piano, sur la table, vos livres, sur une petite table, juste à côté, les disques, avec un disque en format 33 tours des chansons pour Lula, un autre de Jeanne Moreau, et tous les murs sont remplis... Non, il y a des tableaux de Lula, mais des tableaux en tout cas, des tableaux murs, et sur cela, il y a tous ces petits tableaux, juste à poser, c'est un livre que je fais, qu'il va sortir au Bel-Est, sur Saint-Toré, et comme c'était trop cher pour acheter, les Italiens sont fous, on ne pouvait pas acheter des photos de l'oeuvre de Saint-Toré, j'ai peint les détails qui m'intéressent. Une interprétation, ce n'est pas une copie. Donc ce sera un livre qui sera très spécial, où j'ai fait beaucoup de dessins, et où j'ai fait des tableaux, d'après Saint-Toré, mais une interprétation, ce n'est pas des copies. D'ailleurs, concernant votre peinture, Serge Vesvani, de nombreux artistes sont passés de la peinture figurative à la peinture abstraite, c'est le chemin inverse, finalement. Mais oui, j'étais très jeune, dans la génération de ceux qui ont cru après la guerre, qui ne connaissaient pas Korninsky, qui ne connaissaient pas ce qu'il faisait. La guerre a été une telle coupure que juste après la guerre, à la libération, on s'est retrouvés des peintres comme Debréa, Leschensky, Arnal, Meskerenko, moi, on était des jeunes peintres, on a réinventé, sans le savoir, l'abstrait, et on a exposé à la Guerre des Marx, à la jeune génération, mais il y avait au-dessus de nous, évidemment, la génération des De Staal, Poliakov, qui étaient des amis. Qui étaient russes. Oui, c'est vrai, ils étaient en cousinage, qui jouaient la guitare ensemble. De Staal a été merveilleux avec moi. C'était adorable pour un jeune peintre. Il aimait beaucoup ce que je faisais. Et puis très vite, j'ai compris que l'abstraction... Quand je portais une toile abstraite dans la rue, j'étais agressé par les gens. Aujourd'hui, c'est le contraire. Les abstraits sont tranquilles, ils n'ont pas d'avis à donner, ça rentre dans le mur. Par contre, mes toiles figuratives, quand je suis revenu aux figuratives, ma première exposition à Bobo, ils n'aiment pas du tout, parce qu'une toile figurative, ils croient être obligés de donner un avis. Ils ont peur. J'ai fait ma vie génie, n'attendant même pas la mort. Car se figurer sa propre mort, c'est encore se situer en quelque sorte dans la vie. Non, je n'attendais plus que l'anéantissement. Sans cependant me sentir la force de le provoquer. Me répétant, avec l'ironie du désespoir, ces mots de Stendhal, je me suiciderais volontiers si je n'avais peur de me faire mal. Tout en songeant, aussi, avec la même ironie désespérée, à ces paroles... Pour le coup, vous n'avez pas un Marie-Josénath ? Oui, j'ai fait quelques portraits d'elle, oui, bien sûr, pour la rassurer. Mais bon, ça faisait partie de notre vie, du côté ludique. Dans votre quartier, vous passez beaucoup de temps chez vous, dans cet appartement, où vous sortez... Je vois quelques vieux peintres, encore, qui se traînent, comme ils peuvent. Mais c'est fini, notre génération. Tous mes amis sont morts. Ça, c'est très pénible, intellectuellement, je dirais, parce que j'écris des choses assez compliquées. Tous les amis que j'ai eu autour de moi sont morts. Mon dialogue devient un monologue. Je me souviens ce que disait Michel Legrand à la fin de sa vie. Il l'avait dit en concert. Mon carnet d'adresse est un cimetière. J'ai le cul de des amis qui ont disparu. C'est terrible, parce qu'on a partagé au départ tellement de difficultés. On a eu faim, froid. On dit que la France souffre, mais on ne se rend pas compte à quel point c'était difficile, avant la guerre et après la guerre. Et là, aujourd'hui, tous ces amis de jeunesse, ils sont morts. C'est la seule chose qui me fait penser que je ne suis pas l'âge, mais je suis d'un temps différent. J'ai des projets, je suis amoureux, j'ai des amis quand même. Beaucoup d'amis, eux, femmes. C'est deux civilisations différentes. Il y a la civilisation masculine et la civilisation féminine. Ce n'est pas complémentaire du tout. Je trouve que les femmes sont passionnantes. Je vous pose la question, comment est-ce d'être amoureux à 100 moins 5 ? Moins 4. On a la naïveté de sa jeunesse. On est d'abord ébloui par le féminin. Moi, je suis très ébloui parce qu'il se dégage une femme, pas de toutes les femmes, mais celle qui va l'imiter les hommes ne m'intéresse pas. Mais les femmes qui portent leur mystère en elles encore, qui n'ont pas toutes ces idées actuelles, je pense qu'elles sont un petit peu naïves à mon avis. Ce que disait Beauvoir, on ne naît pas forcément femme, on le devient. Je ne suis pas d'accord. On ne naît pas homme, on le devient. On naît du féminin. On devient les tueurs. Je ne suis pas d'accord avec Beauvoir et beaucoup de choses qui en découlent aujourd'hui. Je voulais vous demander, mais vous ne la portez pas. J'ai entendu une interview, c'était Rebecca Manzoni, qui disait que vous portiez une grosse bague à l'anniversaire. J'ai une bague très ancienne. Je voulais vous demander d'où vous venez-t-elle, mais là vous ne la portez pas. C'est une bague. Entre 3, on ne sait pas très bien, peut-être 5 000 ans. C'est une bague que mon frère a retrouvée dans un tombeau en Perse. Donc il l'a portée toute sa vie et puis j'en ai hérité. C'est une bague mystérieuse qui porte une effigie d'un roi. Elle est très précieuse pour vous. Non, parce que si je la perds, je la perds. Je n'ai aucun intérêt aux objets. Mais bon, elle est là. Elle a 5 000 ans, c'est déjà pas mal. Ça, ce n'est pas l'objectif pour vous. 5 000 ans, peut-être pas 5 000. Et vous ne portez pas des bagues à chaque doigt, mais une. Oui, bizarrement, je n'ai pas ce matin. Je vous remercie beaucoup pour votre accueil. Merci de m'avoir accueilli chez vous. Merci, merci. Vous êtes toute ma sympathie à cette ville merveilleuse qu'est Metz que j'ai découverte. Je trouve que c'est une ville extraordinaire. J'avais une amie qui vivait là-bas que j'aimais beaucoup, qui était belle comme un petit Chili. C'est une ville horizontale où la moindre rue, c'est les Champs-Élysées. C'est extraordinaire. J'étais très étonné par la ville de Metz et l'architecture, surtout les différentes architectures. La synagogue, par exemple. Et la gare, évidemment. Mais tout le reste, c'est très étonnant. C'est une ville très curieuse, très spéciale. Alors, saluez cette belle ville, pour moi. Allons enfants de toutes les patries, l'intelligence doit triompher. L'intelligence doit triompher contre nous de la tyrannie. Nous nous sommes jadis délivrés. Nous nous sommes jadis délivrés. Entendez-vous par la planète gémir tant de peuples opprimés, gronder tant de peuples entravés de leur liberté faire la conquête. Terminons avec l'hymne national, finalement. Comme dans les cérémonies officielles, passons la marseillaise, mais votre marseillaise. D'abord, la marseillaise, on la doit à Mozart. C'est quelques mesures merveilleuses. Je ne sais plus si... C'est très beau, la marseillaise est très belle. Les paroles, je ne sais pas comment les gens de droite peuvent les chanter. Ils ne savent pas ce que leur lèvre chante. Je pense que la marseillaise, ce n'est pas qu'il faut la changer. Il faut lui ajouter quelques couplets d'aujourd'hui. J'ai ajouté quelques couplets. Je voulais que ce soit une petite fille qui la chante. C'est très beau ce que fait Leopoldine HH. Récemment, une école m'a demandé de venir pour parler de ma nouvelle marseillaise. Ce n'est pas une nouvelle marseillaise, c'est la complémentaire. Je l'appelle la marseillaise Ami. J'ajoute à Rosé de Ville quelques paroles après tellement de siècles. Ça mérite bien de lui apporter quelque chose de nouveau, comme pour le reste. J'ai suggéré que les enfants des écoles de France ajoutent, écrivent, quelques couplets, chacun, quelques couplets d'une nouvelle marseillaise écrite par les enfants des écoles de France. Je le propose, mais personne ne veut m'entendre. Bizarrement, on n'ose pas toucher à la marseillaise. C'est dommage. Elle évolue, la France, quand même. Son hymne national doit évoluer aussi avec elle. C'est-à-dire qu'il est impossible de rester sur le sang impur, abreuve nos sillons, dans lequel on va planter nos patates. Si les jeunes savent qu'il faut rester sur ça, on va s'entretuer encore ? Je pense que la jeunesse a besoin de nouvelles paroles aussi. Je crois au pessimisme positif. La terre est peut-être foutue, mais elle n'est pas totalement foutue. Ou si on leur dit ça, les malheureux, c'est dommage qu'ils arrivent sur une terre où les vieux leur disent que tout est foutu. Donc que les jeunes écrivent des nouvelles paroles à la marseillaise, et la France se relèvera beaucoup mieux qu'avec toutes ces belles paroles dans la télé qui ne veulent plus rien dire. Sous-titrage Société Radio-Canada