Une certaine dose de peau, de peau, et une certaine dose de peau et, et, et, et, et vit ! Cette langue des feintes, la nôtre la plupart du temps, que les enfants et les psychotiques ressuscitent miraculeusement, est un linceul posé sur le réel, pour nous protéger, parce que l'avif du monde nous heurte trop fort, nous rend instables, désobéissants, inoccupés. La lecture est un laboratoire dont nous ne pouvons mesurer l'efficacité, lui supposant une placidité inoffensive qui vient seulement occuper notre temps libre, des morceaux de nuit, de sieste ou des matinées tranquilles, selon.
Or, c'est exactement le contraire. Pendant la lecture, ce qui en nous est mobilisé ne nous apparaît pas, du moins pas tout de suite. L'altération est continue, bien au-delà du moment où nos yeux se portent sur la page. C'est pourquoi à certains moments de l'existence, et dans certaines existences tout court, il est impossible de lire, de vraiment lire, c'est-à-dire d'entrer dans cette zone de ravissement où ce qui est affecté en nous nous échappe absolument. Anne du Fourmentel, Éloge du Risque, extrait Pour cette créature venue des forêts profondes, j'aimerais remplir et faire vibrer ma gorge de ces sons, de ces chants dont le tumulte concerté me fait penser à une nuée mouvante d'oiseaux frôlant les blés.
Jean-Michel Maubert, Le sacrifice du géomètre, extrait Il a dix ans. L'âge où on regarde les ombres se déplacer, est-ce par saccade ? Et la déchirure dans le papier des murs, et le clou planté dans le plâtre avec, autour, du métal rouillé, les infimes écaillements de l'incompréhensible matière. C'est-il perdu ? En fait, il avance depuis longtemps parmi de grandes énigmes. Il a toujours été seul. Il s'est assis sur l'arbre tombé, il pleure. Perdu, c'est comme si l'au-delà que scelle le point de fuite, venait se pencher sur lui et le toucher à l'épaule.
Levez les yeux alors, qu'en deux directions sollicite également à un carrefour. Le cœur bat plus fort et plus sourd, mais les yeux sont libres. Ce soir à la maison, qu'il place des bûches sur le feu, comme on lui permet de le faire, il les verra brûler dans un autre monde. Qu'il parle pour lui seul, les mots retentiront dans un autre monde. Et bien plus tard, et plus tard, bien plus tard, de longues années plus tard, seul, seul toujours, dans sa chambre avec ce livre qu'il a écrit, il le prendra dans ses mains, regardera les lettres noires du titre sur le carton léger, teint de bleu.
Il en séparera quelques pages pour qu'il soit debout sur la table. Puis il en approchera une allumette enflammée, une tâche brune, puis noire va naître de la couleur, s'y élargira, se trouera, un liseré de feu clair en mordra les bords, qu'il écrasera du doigt avant de redresser la brochure pour réinscrire le signe à un autre endroit de la couverture. Voici maintenant que tout un coin de celle-ci est tombé. Le papier glacé, très blanc, de la première page, est apparu au-dessous, atteint lui-même, jaunit par la chaleur.
Il pose le livre, il va garder en esprit, il ne sait encore pourquoi, le mariage des phrases et de la cendre. Yves Bonnefoy, Là où retombe la flèche. Extrait. Et ce qui est paradoxal et étrange c'est que cette voix est là et qu'elle ne dit rien. C'est une voix muette, une voix qui parle en se taisant. Il s'agit d'une voix qui, en quelque sorte, vient de tout ce qui n'est pas dit. C'est une voix qui vient du silence et qui devient audible par moment à travers ce que disent les autres, le narrateur et les personnages d'un roman, par exemple, ou les personnages d'une pièce de théâtre.
Yohann Fossey, Essai Gnostique. Extrait. Chanson de Yohann Fossey. Extrait. Toute lettre doit être ouverte enfin, Chaque question recevoir une réponse, Et quiconque a des yeux et les fronces doit pouvoir suivre le lot en chemin. Les traces que nous laissent les hommes Montrent à chacun où vit son frère, Car personne n'est aussi solitaire qu'il peut le croire au cœur de l'automne. Stig Dagaman, La première neige. Extrait. Traduction du suédois Philippe Bouquet J'ai ramassé le cadavre d'un poème et l'abeille entre les pétales d'une petite fleur.
Je les ai nettoyées d'une goutte d'eau pure. J'ai écrit le chagrin du chant des petits oiseaux. Je veux te le faire parvenir. A la surface de cette conscience solitaire et silencieuse, Les couleurs et les mélodies de tout mon printemps, Pourras-tu les comprendre ? Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Chaine Métalque Les montagnes existent dans plusieurs grandeurs, et quand on les regarde, elles existent d'abord en petites montagnes de plus en plus grandes, avec de plus en plus de choses dedans jusqu'au moment où elles sont complètes, avec des pics et des vallées qu'on ne voyait pas lorsqu'elles étaient petites.
Elles contenaient seulement les petites choses visibles dans les petites montagnes, et plus on approchait, plus les montagnes devenaient grandes, et contenaient beaucoup plus de grandeur dans les petites choses qu'avant. Et lorsqu'on arrivait devant les montagnes, elles étaient terminées, elles n'étaient plus petites à l'intérieur, il y avait de la grandeur partout qui les terminait, et quand on s'en allait, et que la montagne se retournait, elle perdait de sa contenance, de plus en plus, jusqu'au moment où elle arrivait à l'endroit où elle était partie de loin, et on la conservait à cet endroit pour revenir la voir quand on aurait besoin de savoir quelle est la forme des morceaux quand ils sont très hauts, et s'ils sont attachés en bas quand on ne les voit pas.
Vianney-la-Combe, les montagnes.