Cioran's chapter "À l'école des tyrans" discusses the concept of tyranny and its connection to ambition and power. He argues that the desire for power is natural but can become a pathological state that leads to chaos and destruction. He predicts that Europe will experience a rise of tyrants and a return to primitive disorder. Cioran believes that knowledge and ambition ultimately lead to imbalance and that humanity is meant to exist and be indifferent rather than seek power. He also suggests that tyrants themselves live in fear and that the future ruler will be a terrifying figure. Overall, Cioran presents a bleak outlook on the future of humanity and the destructive nature of power.
Lecture du chapitre intitulé à l'école des tyrans, chapitre 3, tiré du livre Histoire et Utopie, écrit par Cioran dans les années 1960, je vous fais la publicité pour ce livre que vous pouvez retrouver dans la collection Folio Essai, il s'agit donc d'un texte écrit par Cioran intitulé à l'école des tyrans dans le livre Histoire et Utopie, très intéressant parce que ça permet de comprendre la notion de tyrannie et puis sur la fin nous allons voir ce qui nous attend en Europe puisque manifestement dès 1960 Cioran nous annonçait ce que nous vivons là aujourd'hui.
A l'école des tyrans, qui n'a pas connu la tentation d'être le premier dans la cité ne comprendra rien aux jeux politiques, à la volonté d'assujettir les autres pour en faire des objets, ne devinera pas les éléments dont se compose l'art du mépris. La soif de puissance, rares sont ceux qui ne l'éprouvaient à un degré quelconque, elle nous est naturelle et cependant à bien la considérer, elle prend tous les caractères d'un état maladif dont nous guérissons seulement par accident ou alors par une maturation intérieure parente de celle qui s'opéra en charlequin lorsque, abdiquant à Bruxelles au fait de sa gloire, il enseigna au monde que l'excès de lassitude pouvait susciter des scènes aussi admirables que l'excès de courage.
Mais, anomalie ou merveille, le renoncement, défi à nos constantes, à notre identité, ne survient qu'à des moments exceptionnels, qu'à limites, qui comblent le philosophe et des arsonnes d'historien. Examinez-vous au moment où l'ambition vous travaille, où vous en subissez la fièvre. Disséquez ensuite vos accès. Vous constaterez qu'ils sont précédés de symptômes curieux, d'une chaleur spéciale qui ne laissera pas de vous entraîner et de vous alarmer. Intoxiqué d'avenir par l'abus de l'espoir, vous vous sentez soudain responsable du présent et du futur au cœur de la durée, chargé de vos frissons avec laquelle, agent d'une anarchie universelle, vous rêvez d'exploser.
Attentif aux événements de votre cerveau et aux vicissitudes de votre sang, tournez vers votre détraquement, vous en guettez et chérissez les signes. Source de troubles, de malaises non pareils, la folie politique, si elle submerge l'intelligence, favorise en revanche les instincts et vous plonge dans un chaos salutaire. L'idée du bien et surtout du mal que vous vous figurez pouvoir accomplir vous réjouira et vous exaltera. Et tel sera le tour de force, le prodige de vos infirmités, qu'elles vous en institueront maître de tous et de tout.
Autour de vous, vous remarquerez un détraquement analogue chez ceux qui rongent la même passion. Tant qu'ils en subiront l'empire, ils seront méconnaissables, en proie à une ivresse différente de toutes les autres. Jusqu'au timbre de leur voix, tout changera en eux. L'ambition est une drogue qui fait de celui qui s'y adonne un dément en puissance. C'est stigmate, c'est air de bête éperdue, c'est très inquiet et comme animé d'une extase sordide qui ne les a pas observées sur soi ni sur autrui, demeurera étranger aux maléfices et aux bienfaits du pouvoir, enfer tonique, synthèse de venin et de panacée.
Imaginez maintenant le processus inverse, la fièvre évanouie, voilà des envoûtés normal à l'excès, plus aucune ambition d'encore, plus aucun moyen d'être quelqu'un ou quelque chose, le rien en personne, le vide incarné, des glandes et des entrailles clairvoyantes, des os détrompés, un corps envahi par la lucidité, pur de lui-même, hors du jeu, hors du temps, suspendu à un moi figé dans un savoir total sans connaissance. À l'instant, enfin, on fuit ou le retrouvez, qui vous le redonnera ? Partout des frénétiques ou des ensorcelés, une foule d'anormaux que la raison a déserté pour prendre refuge auprès de vous, du seul qui est tout compris, spectateur absolu, égaré parmi des dupes à jamais rétif à la farce unanime.
L'intervalle qui vous sépare des autres, ne cessant de s'agrandir, vous en venez à vous demander si vous n'auriez pas perçu quelque réalité qui se déroba à tous. Révélation infime au capital, le contenu vous en restera obscur. L'unique chose dont vous soyez certain, c'est votre accession à un équilibre inouï, promotion d'un esprit soustrait à toute complicité avec autrui. Indûment sensé, plus pondéré que tous les sages, tel vous vous apparaissez. Et si vous ressemblez pourtant aux forcenés qui vous entourent, vous sentez qu'un rien vous en distinguera jamais.
Cette sensation ou cette illusion fait que, si vous exécutez les mêmes actes que, vous n'y mettez pas le même entrain ni la même conviction. Pricher sera pour vous une question d'honneur, et le seul mode de vaincre vos excès ou d'en empêcher le retour. S'il a fallu ni plus ni moins qu'une révélation ou un effondrement, vous en déduirez que ceux qui n'ont point traversé une crise semblable s'enfonceront de plus en plus dans les extravagances inhérentes à notre race.
A-t-on remarqué l'asymétrie ? Pour devenir homme politique, c'est-à-dire pour avoir l'étoffe d'un tyran, un dérangement mental est nécessaire. Pour cesser de l'être, un autre dérangement s'impose dans moi. Ne s'agirait-il pas, au fond, d'une métamorphose de notre délire des grandeurs ? Passer de la volonté d'être le premier dans la cité à celle d'y être le dernier, c'est par une mutation de l'orgueil, substituée à une folie dynamique, une folie statique, un genre insolite d'insanité, aussi insolite que le renoncement qui en procède et qui, relevant de la cesse plutôt que de la politique, n'entre pas dans notre propos.
Depuis des millénaires, l'appétit de puissance s'étant éparpillé en de multiples tyrannies, petites et grandes, qui ont sévi çà et là, le moment semble venu où l'on doive enfin se ramasser, se concentrer, pour culminer en une seule expression de cette soif qui a dévoré et dévore le globe, terme de tous nos rêves de pouvoir, couronnement de nos attentes et de nos aberrations. Le troupeau humain dispersé sera réuni sous la garde d'un berger impitoyable, sorte de monstre planétaire devant lequel les nations se prosterneront dans un effarement voisin de l'extase.
L'univers a genouillé, un chapitre important de l'histoire sera clos, puis commencera la dislocation du nouveau règne et le retour au désordre primitif, à la vieille anarchie. Les haines et les vices étouffés ressurgiront et, avec eux, les tyrans mineurs des cycles expirés. Après le grand esclavage, l'esclavage quelconque, mais au sortir d'une servitude monumentale, ceux qui y auront survécu seront fiers de leur honte et de leur peur, et victimes hors ligne en célébreront le souvenir. Durer est mon prophète, plus je contemple le défilé des siècles, plus je me persuade que l'unique image susceptible d'en relever le sang, c'est celle des cavaliers de l'Apocalypse.
Les temps n'avancent qu'en piétinant, qu'en écrasant les foules. Les faibles périront, non moins que les forts, et même ces cavaliers sauf un. C'est pour lui, pour sa terrible renommée, qu'on pâtit à hurler les âges. Et je le vois grandir à l'horizon, je perçois déjà nos gémissements, j'entends même nos cris. Et la nuit qui descendra dans nos eaux n'y apportera pas la paix, comme elle le fit aux psalmistes, mais l'épouvante. À la juger d'après les tyrans qu'elle a produits, notre époque aura été tout sauf médiocre.
Pour en retrouver de pareil, il faudra ou il faudrait remonter à l'Empire Romain ou aux invasions mongoles. Bien plus qu'à Staline, c'est à Hitler que revient le mérite d'avoir donné le ton au siècle. Il est important, moins par lui-même que par ce qu'il annonce, ébauche de notre avenir, héros d'un sombre avènement et d'une hystérie cosmique, précurseur de ce despote à l'échelle des continents, qui réussira l'unification du monde par la science, destinée non point à nous délivrer, mais à nous asservir.
Cela, on l'a su autrefois, on le saura de nouveau un jour, nous sommes nés pour exister, non pour connaître, pour être, non pour affirmer. Le savoir, ayant irrité et stimulé notre appétit de puissance, il nous conduira inexorablement à notre perte. La Genèse a mieux perçu notre condition que nos faits, nos rêves et nos systèmes. Ce que nous avons appris par nous-mêmes, n'importe quelle connaissance extraite de notre propre fond, nous devrons l'expier par un supplément de déséquilibre, fruit d'un désordre intime, d'une maladie définie ou diffuse, d'un trouble à la racine de notre existence, le savoir altère l'économie d'un être.
Chacun doit payer pour la moindre atteinte qu'il porte à un univers créé pour l'indifférence et la stagnation. Tôt ou tard, il se répentira de ne l'avoir pas laissé intacte. Cela est vrai de la connaissance, cela est plus vrai encore de l'ambition, car empiéter sur autrui entraîne des conséquences plus graves et plus immédiates qu'empiéter sur le mystère ou simplement sur la matière. On commence par faire trembler les autres, mais les autres finissent par vous communiquer leur terreur.
C'est pourquoi les tyrans vivent eux aussi dans l'épouvante. Celle que connaîtra notre maître futur sera sans doute réhaussée d'un bonheur sinistre tel que personne n'en aura éprouvé de semblable, à la mesure du solitaire par excellence dressé en face de toute l'humanité, paré à un Dieu trônant dans la frayeur, dans une panique omnipotente, sans commencement ni fin, cumulant l'acrimonie d'un prometté à l'haute crudence d'un Jéhovah, scandale pour l'imagination et pour la pensée, défi à la mythologie et à la théologie.
Après des monstres cantonnés dans une cité, un royaume ou un empire, il est naturel qu'ils en paraissent de plus puissants à la faveur d'un désastre, de la liquidation des nations et de nos libertés, cadre où nous accomplissons le contraire de nos aspirations, où nous les défigurons sans cesse. L'histoire n'est assurément pas d'essence angélique. À la considérer, nous ne concevons plus qu'un désir, promouvoir l'aigreur à la dignité d'une gnause. Tous les hommes sont plus ou moins envieux, les hommes politiques le sont absolument.
On en devient un que dans la mesure où l'on ne supporte personne à côté ou au-dessus de soi. Se lancer dans une entreprise, n'importe laquelle, même la plus insignifiante, c'est sacrifier à l'envie, prérogative suprême des vivants, lois et ressorts des actes. Quand elle vous quitte, vous n'êtes plus qu'un insecte, un rien, une ombre et un malade. Que si elle vous soutient, elle remédie aux défaillances de l'orgueil, veille sur vos intérêts, triomphe de l'apathie, opère plus d'un miracle.
N'est-ce point étrange qu'aucune thérapeutique ni aucune morale n'en ait préconisé la bienfait, alors que, plus charitable que la providence, elle précède nos pas pour les diriger ? Malheur à celui qui l'ignore, la néglige ou s'y dérobe. Ils se dérobent du même coup aux suites du péché originel, aux besoins d'agir, de créer, de détruire, incapables d'être jaloux des autres, que chercherait-il parmi eux ? Un destin d'épave le guette. Pour le sauver, il faudrait le forcer à se modeler sur les tyrans, à tirer profit de leur outrance et de leurs méfaits.
C'est d'eux, et non des sages, qu'il apprendra comment reprendre goût aux choses, comment vivre, comment se dégrader. Qu'il remonte vers le péché, qu'il réintègre la chute, s'il veut participer lui aussi à l'avenissement général, à cette euphorie de la damnation où sont plongés les créateurs et les créatures. Y parviendra-t-il ? Rien de moins certain, car des tyrans, ils n'imitent que la solitude. Plaignons-le ! Ayant pitié d'un misérable qui, ne dédaignant à entretenir ses vices ni rivaliser avec personne, demeure en deçà de lui-même et en dessous de tous.
Si les actes sont fouillis de l'envie, on comprendra pourquoi la lutte politique, dans son expression ultime, se ramène aux calculs et aux manèges propres à assurer l'élimination de nos émules et de nos ennemis. Voulez-vous frapper juste ? Commencez par liquider ceux qui, pesant selon vos catégories et vos préjugés, ayant parcouru à vos côtés le même chemin, rêvent nécessairement de vous supplanter ou de vous abattre. Ce sont les plus dangereux de vos rivaux, bornez-vous à eux, les autres peuvent en attendre.
M'emparerais-je du pouvoir que mon premier soin serait de faire disparaître tous mes amis ? Précéder autrement, c'est gâcher le métier. C'est discréditer la tyrannie. Hitler, très compétent en la matière, fit montre de sagesse en se débarrassant de Rohem, seul homme qu'il tutoia et d'une bonne partie de ses premiers compagnons. Staline, de son côté, ne fut pas moins à la hauteur, témoins les procès de Moscou. Tant qu'un conquérant réussit, tant qu'il avance, il peut se permettre n'importe quel forfait.
L'opinion l'absout, dès que la fortune l'abandonne, la moindre erreur se tourne contre lui. Tout dépend du moment où l'on tue. Le crime, en pleine gloire, consolide l'autorité par la peur sacrée qu'il inspire, l'art de se faire redouter et respecter équivaut au sens de l'opportunité. Mussolini, le type même du despote malhabile ou malchanceux, devint cruel lorsque son échec était manifeste et son prestige terni. Quelques mois de vengeance inopportune annulairent le labeur de vingt ans. Napoléon fut autrement perspicace, eût-il fait exécuter plus tard le duc d'Anguin, après la campagne de Russie par exemple, qui lui laissait le souvenir d'un bourreau, au lieu que maintenant ce meurtre n'apparaît sur sa mémoire que comme une tâche et rien de plus.
Si à la limite on peut gouverner sans crime, on ne le peut en aucun cas sans sa justice. Il s'agit néanmoins de doser les uns et les autres, de les commettre seulement par à-coups. Pour qu'on vous les pardonne, vous devez savoir feindre la colère ou la folie, donner l'impression d'être sanguinaire par inadvertance, poursuivre des combinaisons affreuses sous des dehors débonnaires. Le pouvoir absolu n'est pas chose aisée. Seul s'y distinguent les cabotins ou les assassins de grand format.
Il n'y a rien de plus admirable, humainement, et de plus lamentable historiquement qu'un tyran démoralisé par ses scrupules. Et le peuple, dira-t-on ? Le penseur ou l'historien qui emploie ce mot sans ironie se disqualifie. Le peuple, on sait trop bien à quoi il est destiné, subir les événements et les fantaisies des gouvernants en se prêtant à des desseins qui l'infirment ou l'accablent. Toute expérience politique, si avancée fut-elle, se déroule à ses dépens, se dirige contre lui.
Il porte les stigmates de l'esclavage par arrêt divin ou diabolique. Inutile de s'apitoyer sur lui. Sa cause est sans ressource. Nation et empire se forment par sa complaisance aux iniquités dont il est l'objet. Point de chef d'État, ni de conquérant qui ne le méprise. Mais il accepte ce mépris et envie. Serait-il d'être veulent ou victime ? Faillerait-il à ses destinées que la société s'évanouirait et, avec elle, l'histoire tout court ? Ne soyons pas trop optimistes. Rien en lui ne permet d'envisager une si belle éventualité.
Tel qu'il est, il représente une invitation au despotisme. Il supporte ses épreuves. Parfois, il les sollicite et ne se révolte contre elles que pour courir vers de nouvelles plus atroces que les anciennes. La révolution étant son seul luxe, il s'y précipite, non pas tant pour en retirer quelques bénéfices ou améliorer son sort que pour acquérir lui aussi le droit d'être insolent. Avantage qu'il le console de ses déconvenus inhabituels, mais qu'il perd aussitôt qu'on abolit les privilèges du désordre.
Aucun régime n'assurant son salut, il s'accommode de tout et d'aucun et, depuis le déluge jusqu'au jugement, tout ce à quoi il peut prétendre, c'est de remplir honnêtement sa mission de vaincu. Pour en revenir à nos amis, outre la raison invoquée pour les faire disparaître, il en existe une autre. Ils connaissent trop nos limites et nos défauts. L'amitié se réduit à cela et rien de plus, pour entretenir la moindre illusion sur nos mérites. Hostile de plus à notre promotion au rang d'idole, à quoi l'opinion, elle, serait toute disposée, préposée à la sauvegarde de notre médiocrité, de nos dimensions réelles, ils dégonflent le mythe que nous aimerions créer à notre propre sujet, nous fixent à notre figure exacte, dénoncent la fausse image que nous avons de nous-mêmes et, quand ils nous dispensent quelques éloges, ils y mettent tant de sous-entendus et de subtilités que leur flatterie, à force de circonspection, équivaut à une insulte.
Ce qu'ils souhaitent en secret, c'est notre affaissement, notre humiliation et notre ruine. Assimilant notre réussite à une usurpation, ils réservent toute leur clairvoyance à l'examen de nos pensées et de nos gestes pour en publier le vide et ne deviennent clément que lorsque nous commençons à descendre la pente. Si vif est leur empressement au spectacle de notre dégringolade, qu'ils nous aiment alors tout de bon, s'attendrissent sur nos misères, fuient les leurs pour partager les nôtres et s'en repaître.
Pendant notre élévation, ils nous scrutaient sans pitié, ils étaient objectifs. Maintenant, ils peuvent se permettre l'élégance de nous voir autres que nous ne sommes et nous pardonner nos anciens succès, persuadés qu'ils sont que nous n'en aurons pas de nouveau. Et telle est leur faiblesse pour nous qu'ils dépensent le plus clair de leur temps à se pencher sur nos difformités et à s'extasier sur nos carences. La grande erreur de César fut de ne pas se méfier des siens, de ceux qui, l'observant de près, ne pouvaient admettre qu'il se réclama d'une ascendance divine.
Ils refusèrent de le déifier. La folie consentit, mais la foule consent à tout. S'il se fut défait d'eux au lieu d'une mort sans faste, il eut connu une apothéose prolongée, superbe déliquescence à la mesure d'un vrai Dieu. Malgré sa sagacité, il avait des naïvetés. Il ignorait que nos intimes sont les pires ennemis de notre statut. Dans une république paradis de la débilité, l'homme politique est un tyranno qui se soumet aux lois, mais une forte personnalité ne le respecte pas, ou plutôt ne respecte que c'est dont elle est l'auteur.
Experte dans l'inqualifiable, elle regarde l'ultimatum comme l'honneur et le sommet de sa carrière. Être à même d'en avouer, d'en envoyer un ou plusieurs, comporte à coup sûr une volonté auprès de laquelle toutes les autres ne sont que si magres. Je ne conçois pas qu'on puisse prétendre à la direction des affaires si l'on n'aspire pas à cette provocation sans parallèle, la plus insolente qui soit et plus exécrable encore que l'agression dont elle est ordinairement suivie. De combien d'ultimatum est-il coupable ? Devrait-être la question qu'on se pose au sujet d'un chef d'État, n'en a-t-il aucun à son actif ? L'histoire le dédaigne, elle qui ne s'anime qu'au chapitre de l'horrible et s'ennuie à celui de la tolérance du libéralisme, régime où les tempéraments s'estiolent et où les plus virilents ont au mieux l'air de conspirateurs édulcorés.
Je plains ceux qui n'ont jamais conçu un rêve de domination démesurée, ni senti en eux tourbillonner les temps. Cette époque où Harriman était mon principe et mon dieu, où, irassasié de barbarie, j'écoutais en moi les hordes déferler et y susciter de douces catastrophes. J'ai beau avoir sombré maintenant dans la modestie, je n'en conserve pas moins un faible pour les tyrans que je préfère toujours aux rédempteurs et aux prophètes. Je les préfère parce qu'ils ne se dissimulent pas sous des formules, parce que leur prestige est équivoque, leur soif autodestructrice, alors que les autres, possédés d'une ambition sans borne, en déguisent les visées sous des préceptes trompeurs, se détournent du citoyen pour régner sur des consciences, pour s'en emparer, s'y implanter, y créer des ravages durables, sans encourir le reproche, pourtant mérité, d'indiscrétion ou de sadisme.
Auprès du pouvoir d'un Bouddha, d'un Jésus ou d'un Mahomet, que vaut celui des conquérants ? Renoncez à l'idée de gloire si vous n'êtes pas tenté de fonder une religion. Quoique, dans le secteur, les places sont prises, et bien prises, les hommes ne se résignent pas si vite. Les chefs de sectes, que sont-ils s'ils n'ont des fondateurs de religion au second degré ? À n'envisager que l'efficacité, un Calvin ou un Luther, pour en avoir déclenché des conflits aujourd'hui encore non résolus, Eclipse, un Charles Quint ou un Philippe II.
Le césarisme spirituel est plus raffiné et plus riche en bouleversements que le césarisme proprement dit. Si vous voulez laisser un nom, attachez-le à une église plutôt qu'à un empire. Vous aurez ainsi des néophytes inféodés à votre sort ou à vos lubies, des fidèles que vous pourrez sauver ou maltraiter à votre guise. Les meneurs d'une secte ne reculent devant rien, car leurs scrupules même font partie de leur pratique. Mais sans aller jusqu'au secte, cas extrême, vouloir simplement instituer un ordre religieux vaut mieux, au niveau de l'ambition, que régenter une cité ou s'assurer des conquêtes par les armes.
S'insinuer dans les esprits, se rendre maître de leurs secrets, les dépouiller en quelque sorte d'eux-mêmes, de leur unicité, leur enlever jusqu'aux privilèges jugés inviolables du fort intérieur, quel tyran, quel conquérant a visé si haut ? Toujours, la stratégie religieuse sera plus subtile et plus suspecte que la stratégie politique, que l'on compare les exercices spirituels si malins sous leur allure détachée à la franchise nue du prince, et on mesurera la distance qui sépare les astuces du confessionnal de celles d'une chancellerie ou d'un trône.
Plus l'appétit de puissance s'exaspère chez les chefs spirituels, plus ils s'emploient, dont sans raison, à les freiner chez autrui. N'importe qui d'entre nous vivra lui-même, occuperait l'espace, l'air même, et s'en estimerait le propriétaire. Une société qui se voudrait parfaite devrait mettre à la mode la camisole de force ou la rendre obligatoire, car l'homme ne bouge que pour faire le mal. Les religions, s'évertuant à le guérir de la hantise du pouvoir et à donner une direction non politique à ses aspirations, rejoignent les régimes d'autorité, puisque, tout comme eux, et bien qu'avec d'autres méthodes, elles veulent le dompter, mater sa nature, sa mégalomanie native.
Ce qui consolida leur crédit, ce par quoi elles triomphèrent jusqu'ici de nos penchants, j'entends l'élément ascétique, c'est précisément ce qui a cessé d'avoir pris sur nous. Un affranchissement périlleux devait en résulter. Ingouvernable dans tous les sens, pleinement émancipé, dégagé de nos chaînes et de nos superstitions, nous sommes mûrs pour les remèdes de la terreur. Qui aspire à la liberté complète n'y parvient que pour retourner à son point de départ, à son asservissement initial. D'où la vulnérabilité des sociétés évoluées, masse amorphe, sans idole ni idéaux, dangereusement démunie de fanatisme, dépourvue de lien organique et si désemparée au milieu de leurs caprices ou de leurs convulsions, qu'elles escomptent, et c'est l'unique rêve dont elles soient encore capables, la sécurité et les dogmes du jour.
Inaptes à assumer plus longtemps la responsabilité de leur destinée, elles conspirent plus encore que les sociétés grossières à l'avènement du despotisme, enfin qui les délivre des derniers restes d'un appétit de puissance surmenée, vide et inutilement obsédant. Un monde sans tyrans serait aussi ennuyeux qu'un jardin zoologique sans hyènes. Le maître que nous attendons dans l'effroi sera justement un amateur de pourriture, en présence duquel nous ferons tous figure de charogne. Qu'ils viennent nous renifler, qu'ils se roulent dans nos exhalations.
Déjà, une nouvelle odeur plane sur l'univers. Pour ne pas céder à la tentation politique, il faut se surveiller à chaque instant. Comment y réussir singulièrement dans un régime démocratique dont le vice essentiel est de permettre aux premiers venus de viser au pouvoir et de donner libre carrière à ses ambitions ? Il en résulte un pullulement de fanfarons, de discutailleurs sans destin fous, que la fatalité refuse de marquer, inhabiles à la vraie frénésie impropre et au triomphe et à l'effondrement.
C'est leur nullité, cependant, qui permet et assure nos libertés, que menacent les personnalités d'exception. Une république qui se respecte devrait s'affoler à l'apparition d'un grand homme, le bannir de son sein, ou du moins empêcher que ne se crée une légende autour de lui. Il n'y aurait plus une telle. C'est qu'ébouillée par son fléau, elle ne croit plus à ses institutions ni à ses raisons d'être. Elle s'embrouille dans ses lois, et ses lois, qui protègent son ennemi, le disposent et l'engagent à la démission.
Succombant sous les excès de sa tolérance, elle ménage l'adversaire qui ne la ménagera pas, autorise les mythes qui la sapent et la détruisent, et se laisse prendre aux suavités de son bourreau. Mérite-t-elle de subsister quand ses principes même l'invitent à disparaître ? Paradoxe tragique de la liberté, les médiocres, qui seuls en rendent l'exercice possible, ne sauraient en garantir la durée. Nous devons tout à leur insignifiance, et nous perdons tout par elles. Ainsi sont-ils toujours au-dessous de leurs tâches.
C'est cette médiocrité que je haïssais au temps où j'aimais sans réserve les tyrans, dont on ne dira jamais assez qu'ils ont, au rebours de leur caricature, un destin trop de destin même. Et si je leur vois un culte, c'est qu'ayant l'instinct du commandement, ils ne s'abaissent pas aux dialogues ni aux arguments. Ils ordonnent, décrètent sans condescendre à justifier leurs actes. D'où leur cynisme, que je mettais au-dessus de toutes les vertus et de tous les vices, marque de supériorité voire de noblesse qui, à mes yeux, les isolait du reste des mortels.
Ne pouvant me rendre digne d'eux par le geste, j'espérais y arriver par le mot, par la pratique du sophisme et de l'énormité, être aussi odieux avec les moyens de l'esprit qu'ils étaient eux avec ceux du pouvoir, dévaster par la parole, faire sauter le verbe et le monde avec lui, éclater avec l'un et l'autre et m'effondrer enfin sous leur débris. Maintenant, frustré de ces extravagances, de tout ce qui recède mes jours, j'en suis arrivé d'une cité, merveille de modération, dirigée par une équipe d'octogénaires un tantinet gâteux, d'une aménité machinale, assez lucide encore pour faire bon usage de leur décrépitude, exempte de désirs, de regrets, de doutes, et si soucieux de l'équilibre général et du bien public, qu'ils regarderaient le sourire lui-même comme un signe de dérèglement ou de subversion.
Et tel est à présent ma déchéance que les démocrates eux-mêmes me semblent trop ambitieux et trop délirants. Je serai néanmoins leur complice si leur haine de la tyrannie était pure, mais ils ne l'abominent que parce qu'elle les relègue dans la vie privée et les accule à leur néant. Le seul ordre de grandeur auquel ils puissent atteindre est celui de l'échec, liquider leur siébien. Ils s'y complaisent et quand ils y excellent, ils méritent notre respect. En ligne générale, pour mener un État à la ruine, il faut un certain entraînement, des dispositions spéciales, voire des talents, mais il peut se faire que les circonstances y prêtent.
La tâche est alors aisée, comme le prouve l'exemple des pays en déclin, dépourvus de ressources intérieures, tombés en proie à l'insoluble, au déchirement, aux jeux d'opinions et de tendances contradictoires. Tel fut le cas de la Grèce antique, puisque, nous venons de parler d'échec, le sien fut parfait. On dirait qu'elle y travailla pour le proposer comme modèle et pour décourager la postérité de s'y essayer. A partir du IIIe siècle avant J.-C., sa substance dilapidée, ses idoles chancelantes, sa vie politique écartelée entre le parti macédonien et le parti romain, elle dut, pour résoudre ses crises, pour remédier à la malédiction de ses libertés, recourir à la domination étrangère, acceptée pendant plus de 500 ans le jou de Rome, y étant poussée par le degré même du raffinement et de gangrène où elle était parvenue.
Le polythéisme réduit un amas de fables, elle allait perdre son génie religieux et, avec lui, son génie politique, deux réalités indissolublement liées. Mettre en cause ses dieux, c'est mettre en cause la cité à laquelle elle préside. Elle ne put leur survivre pas plus que Rome ne devait survivre au sien. Qu'elle ait perdue avec son instinct religieux, son instinct politique, il suffit pour s'en convaincre de regarder ses réactions pendant les guerres civiles, toujours du mauvais côté, se ralliant à Pompée contre César, à Brutus contre Octave, à Antoine contre Octave.
Elle épousa régulièrement la malchance comme si, dans la continuité du fiasco, elle eût trouvé une garantie de stabilité, le réconfort et la commodité de l'irréparable. Les nations, lasses de leurs dieux ou de leurs dieux-mêmes sont lasses, plus elles seront polissées, plus facilement elles risquent de succomber. Le citoyen s'affine aux dépens des institutions, cessant d'y croire, il ne peut plus les défendre. Quand les Romains, au contact des Grecs, finirent par se dégrossir, donc par s'affaiblir, leur jour de la république était compté.
Ils se résignèrent à la dictature, ils l'appelaient peut-être en secret, point de Rubicon sans les complicités d'une fatigue collective. Le principe de mort inhérent à tous les régimes est plus perceptible dans les républiques que dans les dictatures. Les premières les proclament et l'affichent, les secondes le dissimulent et le nient. Il empêche que ces dernières, grâce à leur méthode, parviennent à s'assurer une durée plus longue et surtout plus étoffée. Elles sollicitent, elles cultivent l'événement, tandis que les autres ne s'en passent volontiers.
La liberté étant un état d'absence, absence susceptible de dégénérer lorsque les citoyens épuisés par la courvée d'être-soi, n'inspirent plus qu'à s'humilier, à se démettre, qu'à satisfaire leur nostalgie de la servitude. Rien de plus affligeant que l'exténuation et la déconfiture d'une république. Il faudrait en parler sur le ton de l'élégie ou de l'épigramme, ou bien mieux, sur celui de l'esprit des lois. Quand Sylla voulut rendre à Rome la liberté, elle ne put plus la recevoir. Elle n'avait plus qu'un faible reste de vertu, et comme elle en eut toujours moins, au lieu de se réveiller après César, Tiber, Caïus, Claude, Néron, Domitien, elle fut toujours plus esclave.
Tous les coups portèrent sur les tyrans, aucun sur la tyrannie. C'est que la tyrannie, précisément, on peut y prendre goût, car il arrive à l'homme d'aimer mieux croupir dans la peur que d'affronter l'angoisse d'être lui-même. Le phénomène généralisé, les Césars paressent, comment les incriminer quand ils répondent aux exigences de notre misère et aux implorations de notre coardise ? Ils méritent même qu'on les admire, ils courent vers l'assassinat, ils songent sans arrêt, on accepte l'horreur et l'ignominie, et ils vouent leur penser au point d'en oublier le suicide et l'exil, formule moins spectaculaire mais plus douce et plus agréable.
Ayant opté pour le plus difficile, ils ne peuvent prospérer qu'en des temps incertains, pour y entretenir le chaos ou pour le juguler. L'époque propice à leur essor coïncide avec la fin d'un cycle de civilisation. Cela est évident pour que le monde antique, cela le sera non moins pour le monde moderne qui va en droiture vers une tyrannie autrement considérable que celle qui sévissait au premier siècle de notre ère. La plus élémentaire méditation sur le processus historique dont nous sommes l'aboutissement révèle que le césarisme sera le mode selon lequel s'accomplira le sacrifice de nos libertés.
Si les continents doivent être soudés, unifiés, il pourvoira la force et non la persuasion. Comme l'empire romain, l'empire à venir sera forgé par le glaive et s'établira avec notre concours à tous puisque nos terreurs même le réclament. Si l'on m'opposait que je divague, je répondrais qu'il est possible en effet que j'anticipe hâtivement. Les dates ne comptent guère. Les premiers chrétiens attendaient la fin du monde d'un instant à l'autre. Ils se sont trompés de quelques millénaires seulement.
Dans un tout autre ordre d'attente, je puis me tromper moi aussi. Mais enfin, on ne sous-pèse ni on ne prouve une vision. Celle que j'ai de la tyrannie future s'impose à moi avec une évidence si décisive qu'il me semblerait déshonorant de vouloir en démontrer le bien fondé. C'est une certitude qui participe ensemble du frisson et de l'axiome. J'y adhère avec l'emportement d'un convulsionnaire et l'assurance d'un géomètre. Non, je ne divague pas, ni ne me trompe, et je ne pourrais même pas dire avec aides que le sentiment de l'ombre m'envahit.
Une lumière m'assaille plutôt, précise et intolérable, qu'il ne me fait point envisager la fin du monde, ce serait la divaguer, mais celle d'un style de civilisation et d'un mode d'être. Pour me border à l'immédiat, et plus spécialement à l'Europe, il m'apparaît avec une dernière netteté que l'unité ne s'en formera pas, comme d'aucuns le pensent, par accord et délivration, mais par la violence selon les lois qui régissent la constitution des empires. Ces vieilles nations, empêtrées dans leur jalousie et leur obsession provinciale pour qu'elles y renoncent et ne s'en émancipent pas, il faudra qu'une main de fer les y contraigne, car jamais elles n'y concentreront de leur propre gré.
Une fois asservies, communiant dans l'humiliation et la défaite, elles pourront se vouer à une œuvre supranationale sous l'œil vigilant et ricanant de leur nouveau maître. Leur servitude sera brillante, elles la soigneront avec empressement et délicatesse, non sans y user les derniers restes de leur génie, elles paieront cher l'éclat de leur esclavage. Ainsi l'Europe, devançant les temps, donnera-t-elle comme toujours l'exemple au monde et s'illustrera -t-elle dans son emploi de protagoniste et de victime. Sa mission a consisté à préfigurer les épreuves des autres, à souffrir pour eux et avant eux, à leur offrir ses propres convulsions en modèle, pour qu'ils soient dispensés d'un inventé d'original, de personnel.
Plus elles se dépensaient pour eux, plus elles se tourmentaient et s'agitaient, mieux ils vivaient en parasites de ces affres et en héritiers de ces révoltes. À l'avenir, encore, ils se tourneront vers elles, jusqu'au jour où, épuisées, elles ne pourra plus leur léguer que des déchets. Que conclure sur ce chapitre très intéressant intitulé « A l'école des tyrans » ? C'est que quand on donne la liberté aux hommes, parce qu'ils ont peur de se réaliser et d'être eux-mêmes, ils cherchent naturellement un tyran.
La liberté fait le fruit de la tyrannie, c'est-à-dire que le bordel appelle un dictateur. Il cite quelques exemples, Staline, Hitler, et puis il explique également que les humains ont toujours besoin de maîtres, ça peut être un maître religieux, ça peut être un maître politique. Et en fait, la soumission souhaitée, volontaire, recherchée, conduit finalement à des ruptures. On est là, sur ce siècle, en 2022 notamment, sur cette année, à constater véritablement que Cioran a raison. Ce texte que je viens de lire a été écrit en 1960, Cioran dit que l'Europe va s'effondrer parce qu'elle est libérale, elle va essayer de constituer un continent, une nation, une supranation, mais que pour le faire il faudra une dictature, on a là aujourd'hui une dictature en place.
On a Macron, on a Ursula von der Leyen, on a Michel, le Belge, donc ces trois personnes qui sont armées par l'économie sous-jacente, internationale, sont en train là de mettre en place une tyrannie, une tyrannie qui est appelée par la population qui a besoin de nouveaux dieux. Donc ça c'est très très intéressant et on voit là aussi que pour s'en sortir l'Europe aura besoin d'un supratyran, donc on va chercher notre tyran soit aux Etats-Unis, donc avec Biden qui est un démon tout simplement, mais toute tyrannie est une démence, un tyran est par nature un démon, c'est un mégalo, c'est quelqu'un qui se croit au-dessus de tout à vouloir donner des ordres que lui-même y est perdu, et voilà, donc le tyran n'aime pas la critique, donc l'Europe court après la tyrannie.
Voilà, donc je vous invite fortement à acheter ce livre dans la collection Folio Essai, intitulé Histoire et Utopie de Cioran, livre écrit dans les années 1960, qui nous pousse à réfléchir sur le thème fondamental, pourquoi avons-nous besoin d'un maître ? Pourquoi avons-nous besoin d'un dieu ? Pourquoi demandons-nous à être dirigés ? La réponse est simple c'est la peur de la mort, donc il suffit d'avoir un pervers qui vienne soi-disant vous guider pour survivre, ou vivre, vous donner l'illusion d'une immortalité physique, matérielle que tout de suite les gens ils s'alignent, donc la peur de la mort appelle les maîtres, les pervers si vous voulez, parce que le vrai maître c'est celui qui apprend à marcher et donne à l'autre la confiance de se débrouiller par lui-même, ça s'appelle de la maîtrise, aller vers la maîtrise c'est devenir adulte, c'est laisser ses enfants prendre leur envol par eux-mêmes plutôt que pleurer et qu'ils viennent absolument vous rendre visite parce que vous êtes tout seul dans votre maison, c'est une autre forme d'attachement lié à un manque bien sûr, voilà donc comment pousser l'autre à être libre, indépendant et se prendre en charge c'est très très très difficile, nous vivons en communauté parce que nous sommes incapables de nous libérer et de vivre en tant qu'adulte, donc les maîtres quels qu'ils soient politiques religieux sont là pour combler un grand déficit, tous ceux qui obéissent en fait ont un vide fondamental en eux, qui est un vide d'assurance de connaissances, vide existentiel, ce qui fait que finalement des promesses sont là, mises en place pour combler des désirs de grandeur et on va vers des affrontements, vers des guerres, vers toutes formes de conflits, volonté de puissance et autres, très intéressant Cioran, achetez ce livre histoire et utopie Cioran dans la collection folio, un livre absolument génial, merci.