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2023-05-08-Jean Zay souvenirs et solitude 4 5 Riom 1942

2023-05-08-Jean Zay souvenirs et solitude 4 5 Riom 1942

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Républicain aux avant-postes du combat anti-fasciste, Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts, sera assassiné par la milice après avoir passé quatre ans dans les prisons de Vichy. En 1932, Jean Zay, jeune avocat au barreau d’Orléans, est élu député radical du Loiret. En 1936, à 32 ans, il se voit confier par Léon Blum le ministère de l’Education nationale et des Beaux-Arts. Il démocratise et modernise le système scolaire français. Il crée le CNRS, le musée de l’Homme, le f

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Transcription

The transcript begins with a message about the importance of fighting cancer and supporting cancer research through the Foundation ARC. It then transitions to a discussion about Jean Zay, a politician and minister in France who made significant contributions to education and the arts. The transcript also mentions his persecution by the far right and his imprisonment during World War II. The last part of the transcript describes the experience of being in prison, the challenges faced by prisoners, and the different types of individuals observed in the prison. La lutte contre le cancer est un enjeu de santé publique qui nous concerne tous. Grâce à une stratégie unique en France, la Fondation ARC initie et développe des voies de recherche révolutionnaires sur le cancer. En donnant les moyens aux chercheurs de trouver de nouvelles avancées majeures, nous pouvons sauver plus de vies. Dans ce combat, chaque geste compte. Soutenez la recherche sur le cancer. Faites un don à la Fondation ARC et réduisez votre impôt sur ifi.fondation-arc.org. Bonsoir. 20h30, c'est l'heure du feuilleton. Ce soir, vous pourrez entendre en nouvelle diffusion Jean Zay, Souvenir et Solitude, un feuilleton diffusé en direct sur France Culture au mois de mars 2013. En 1932, Jean Zay, jeune avocat au barreau d'Orléans, est élu député radical du Loiret. En 1936, à 32 ans, il se voit confié par Léon Blum le ministère de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts. Il démocratise et modernise le système scolaire français et est à l'origine de la création du Musée de l'Homme, du Musée d'Art Moderne, du CNRS, de l'ENA et du Festival de Cannes, même si ces deux derniers ne verront le jour qu'après sa mort. Il est sans relâche attaqué par l'extrême droite française comme ministre du Front populaire, anti-municois, juif et franc-maçon. En 1940, hostile à l'armistice, il est l'une des premières cibles du régime de Vichy. Après un simulacre de procès, il est emprisonné. Souvenir et Solitude est l'oeuvre à laquelle, de 1940 à 1944, Jean Zay, malgré la dureté de ses conditions de détention, consacre l'essentiel de ses forces. Il est assassiné par la milice française le 20 juin 1944. Il a 39 ans. C'est dans un cadre populaire que nous fêterons la Révolution française. Le 14 juillet au Champ de Mars, le 21 septembre à Valmy et plus tard à la Nation, notre peuple fêtera l'anniversaire de sa liberté en se retrouvant semblable à lui-même, en se reconnaissant, après un siècle et demi, dans un élan d'invincible espérance. Jean Zay, Souvenir et Solitude. Choix de textes et interprétations, Benoît Girousse et Pierre Beaux. Improvisation musicale, François Couturier. Quatrième épisode, Rion 1942. Samedi 17 janvier 1942. Arrivé ici en pleine nuit, voilà un an, je n'avais jamais vu la place de Zay sur laquelle s'ouvre le porche de la maison d'arrêt, quand ce matin, comme je traversais les couloirs pour me rendre aux douches, le commigréfié qui fumait une cigarette sur le pas de la porte m'a fait signe de le rejoindre, et nous avons bavardé là quelques minutes. C'est-à-dire que pendant ce temps, j'ai avidement contemplé le spectacle de la rue. L'absence d'auto, le nombre de cyclistes, l'aspect même des costumes m'ont surpris, autant que la vue des arbres du boulevard et le panorama entreaperçu dans le lointain. C'est que ma connaissance du monde extérieur en est restée à l'été 1940. Les images familières se sont figées à cette date dans ma mémoire, immobilisées en plein mouvement comme les cartes postales désuètes d'un stéréoscope. À revoir une rue animée, j'ai l'impression d'avoir dormi deux hivers et un été. La prison fossilise les hommes, leur donnant la sensation d'interrompre l'existence, de les empêcher de vieillir, et leur laissant croire que à leur sortie, ce n'est pas seulement leur vie, mais aussi celle des autres, qui reprendra au point exact où ils l'avaient laissée. « Ô prison, lieu où s'arrête le temps, qui continue ailleurs », écrit quelque part Malraux. Il a continué, en effet, sans qu'on s'en doute. Alors qu'il y a quelques jours, le gel et la neige rayaient encore, que nous subissions une tempête glacée, le ciel s'éclaircit soudain. Une tiède heure naît. J'entends un timide chant d'oiseaux par-dessus le mur. Dimanche 1er mars 1942. Une bande de soleil se glisse dans le fond de la cour. Le printemps s'inscrit dans mon rectangle de ciel. Dans les quelques mètres carrés de ma cour, la nature a retrouvé sa souveraineté. Il a étrangement suffi de l'enfermer entre quatre murs, pour lui restituer son immensité, pour la rendre indépendante et libre. La captivité constitue une rude école de discipline et de maîtrise de soi, pour celui qui veut non seulement résister, physiquement et moralement, mais tirer de l'épreuve la part de bienfaits que, comme toute chose humaine, elle peut comporter. Mercredi 11 mars 1942. Dès les premiers jours, on aperçoit quelles précautions défensives seront appliquées. Ce sont les plus urgentes. Elles concerneront les soins du corps, la nécessité de s'imposer chaque matin cette demi-heure de culture physique qui entretiendra à tout point de vue une curieuse euphorie, ou deux fois par jour la promenade la plus longue possible aux pas accélérés dans la cour, pour compenser les interminables heures de claustration. C'est ce qu'on appelle la précaution. Mais bien qu'il faille une certaine volonté pour ne se jamais départir de ses obligations monotones, elles ne seront pas les plus difficiles à accepter. Les plus difficiles sont morales. Le péril grave qui plane sur le cavalier, surtout s'il était habitué aux besognes intellectuelles, c'est la perte de la confiance en soi et du goût au travail. En cellule, on ne peut pas s'épargner de la confiance en soi. C'est la perte de la confiance en soi et du goût au travail. En cellule, sans travail utile, sans occupation obligatoire, la tentation est grande de tuer le temps par l'inertie, de raccourcir la journée en restant au lit. On l'allongerait en réalité, en la plongeant dans le spleen, dans le lent écœurement de tout et de soi-même. Le captif clairvoyant fera l'effort de se lever de bonne heure et de se créer de menus travaux auxquels il donnera le caractère d'une impérieuse obligation. Pas une minute ne devra rester oisive, si l'on ne veut point ouvrir la porte à l'ennui, ce monstre délicat. C'est par là seulement qu'on peut, entre quatre murs, chasser l'ennemi impitoyable qui est la pensée lancinante du sort que l'on subit. Idée insupportable, démoralisante, qu'il faut bannir à tout prix. Dans la vie courante, on peut généralement bannir une pensée courante. Il suffit parfois de changer de cadre, de la dépayser pour la mettre en fuite. Ici tout la rappelle. Les murs et les serrures, les grilles de la fenêtre, la solitude, le silence y ramènent incessamment. Cette idée débilitante, on vit sur elle. Elle est incorporée au lieu et au geste. Il faudrait ne pas ouvrir les yeux pour la perdre de vue. Et encore en restons la nuit. Aucun effort ne devra paraître trop coûteux pour pouvoir se rendre maître de la pensée, comme d'un champ de bataille, où l'on chassera l'ennemi vaincu. La discipline ainsi conquise servira bientôt à un long enrichissement et la siéger, après avoir écarté l'adversaire de ses murailles, pourra aménager sa retraite. Il la rendra habitable, féconde même, et parfois agréable. Malheur à celui sur lequel se referme la porte d'une prison et qui n'a point de vie intérieure, qui ne saura s'en créer. A moins qu'il ne soit une simple brute, toutes les souffrances l'atteindront et se multiplieront à l'envie. Pour lui, ni refuge, ni trêve. Aura-t-il même cette ressource inépuisable, le recours au souvenir ? Durant mes quatre années de bagne, écrivit Dostoyevsky, je me rappelais sans cesse les jours passés et je crois bien que j'aurais vécu ma vie une seconde fois par ces souvenirs. Tout captif sensible aura fait la même expérience. La promiscuité de la prison. Le nivellement brutal qu'elle opère émousse, dans le troupeau des captifs, tout ce qui était habitude sociale, mécanisme acquis, convention. Mercredi 13 mai 1942. Les prisonniers finissent par se ressembler entre eux comme des galets que le flot a longuement roulé les uns contre les autres. Les prisonniers ne sont plus qu'un seul groupe, mais un groupe d'hommes et d'femmes. Le flot a longuement roulé les uns contre les autres. Les anomalies particulières qui les distinguent peu à peu des hommes libres sont surtout une espèce de réserve craintive, d'hésitation sournoise dans les gestes et la parole, une sauvagerie rancunière. Mais en même temps, les ressorts profonds de l'individu se sont révélés, accentués. Ce qu'il y avait de plus original en lui, de plus instinctif, bon ou mauvais, a dominé le reste. Du haut de ma fenêtre qui dominait la cour intérieure de la prison, j'ai pu contempler des journées entières à travers mes barreaux ces échantillons divers d'humanité. J'ai vu le révolté, toujours hargneux, en bataille, dressé contre chaque exigence du règlement, méprisant ceux de ses compagnons qui n'écoutaient pas ses conseils sédicieux, et promenant toute la journée d'un bout à l'autre de la cour, d'un pas fébrile, son corps frémissant, son visage convulsé. J'ai vu l'indifférent, qui au sortir du dortoir, à peine réveillé, allait s'accroupir dans le caniveau ou à l'angle du mur pour continuer d'y dormir, n'émergeant de sa torpeur que pour étendre la main à la distribution des gamelles et en absorber le contenu sans même le considérer. J'ai vu l'adaptable, l'heureux caractère capable de se plier à toutes les situations et d'y aménager sa quiétude. Celui-là organisait des jeux bruyants dans la cour, racontait de joyeuses histoires, remontait les défaillants d'une claque dans le dos. Au bout de quelques semaines, il s'était fait employer à la cuisine ou au greffe, s'était incorporé à la machinerie pénitentiaire, semblait avoir toujours vécu dans ce lieu, en être l'émanation, le produit naturel. J'ai contemplé dans son désespoir, asphyxié comme un poisson sur le sable, l'être délicat qu'une aventure ou une opinion avait jeté en prison et dont chaque pensée, chaque mouvement, se blessait aux angles des couloirs, se heurtait aux barreaux, aux grilles. Visage douloureux, perpétuellement tendu dans une attente anxieuse, tour à tour agité par une espérance ou accablé par une déception, sensitif déchiré à chaque pas, jusqu'au jour où, le temps faisant son œuvre, une sérénité chèrement acquise baignait son visage d'une mélancolique sagesse. A ses côtés, le dévisageant sans fraternité, passait l'habitué, l'hôte périodique de la prison, ce vagabond jeune voyou, prudent, méthodique, qui savait dès son arrivée où s'asseoir, à qui parler, comment obtenir une couverture ou une cuillère, soin essentiel. La nuit est venue, la cour vidée, le troupeau parqué dans les dortoirs, mille bruits étouffés, toujours les mêmes, permettaient à l'imagination de ne point perdre contact avec ses spectacles faisant invisible. Des chants nostalgiques ou cyniques, des propos de partie de carte, des querelles, des discussions passionnées montraient que dans les ténèbres, chacun demeurait fidèle à lui-même. Ce qu'on imaginait aussi, sans rien percevoir, c'était les lourdes insomnies, les corps qui se retournent sur la paillasse, les songes brûlants, toute la vie mystérieuse, pitoyable et menaçante d'une nuit de prison. A la maison d'arrêt de Rillon, qu'en traversant les couloirs, je risque un regard par l'œillet d'une porte, j'aperçois les mêmes visages, les mêmes attitudes qu'à Clermont-Ferrand ou à Marseille. Il semble que ce soient les mêmes hommes qui m'ont accompagné et poursuivent leurs mornes épreuves. Le corps, tête de Christ sur la croix, aux joues creuses envahies par une barbe sans couleur, corps amégris, souple et cassant à la fois, regard traqué, une mobilité étonnante promène sans cesse dans toutes les directions, tunique de burde condamnée frôlant le veston croisé et le col sans cravate du prévenu, agglomération d'êtres dans un coin pour une conversation chuchotante ou solitude dédaigneuse d'un prisonnier accroupi à l'égard. Monde circonscrit, en effet, monde restreint, mais monde véritable où surnagent tous les types d'humanité, où le philosophe puiserait d'intarissables observations. Il y a ici plus d'authentiques drapules que de victimes, je le sais bien, mais j'ai parfois besoin de faire effort pour m'en souvenir. Pentecôte Pentecôte, ciel bleu au-dessus de ma cour, des nuages blancs et bas y passent très vite, comme s'ils ne daignaient pas s'arrêter pour un si petit domaine. Dimanche 24 mai 1942 Pourtant, j'ai tenté à nouveau d'agrémenter mon lieu de promenade. L'an dernier, j'avais planté des légumes qui, au miracle, poussèrent abondamment. Mais cette année, j'ai éprouvé un besoin irrésistible de verdure, de couleurs, au diable les cultures utilitaires. J'ai semé, presque au hasard, toutes les graines que j'ai pu me procurer. Pensée, myosotis, oeillets d'homme, géranium. Et voici que les feuilles ont verdé, et que les premières fleurs s'épanouissent. L'œil sans horizon y trouve un repos, une douceur. J'ai même mis en terre deux petits saules. Jusque vacants, les verrages grandissent. La terre a été dure à trouver, sous la croûte épaisse du sol. Elle est pleine de cailloux. Mais en fait, c'est une pierre vierge d'une fertilité paradoxale. Petit jardin secret que je suis presque seul à voir. Il ne poussera peu pour moi, mais il met autant de zèle que si des milliers de passants devaient le contempler. Le long du mur, du fond, face au barreau de ma fenêtre, six petits rosiers ont accepté de croître. La première rose rouge s'est ouverte ce matin, en signe d'espoir et de printemps. Mercredi 8 juillet 1942 Les prisons sont, avec les monastères, les seuls asiles de l'invincible espérance. Pendant qu'on nettoie et recrépit les murs de ma cellule, à la faveur des travaux de restaurateur, j'habite pour quelques jours une autre chambre située au premier étage. Celle-ci, beaucoup plus petite, possède une porte-fenêtre qui s'ouvre sur une passerelle aérienne, sorte de chemin de ronde, épine dorsale de la prison, dominant de part et d'autre les cours intérieures et destinées à permettre aux gardiens de surveiller efficacement la récréation des détenus. Mercredi 12 août 1942 On me laisse prendre l'air sur cette passerelle, et comme elle est aussi élevée que les murs d'enceinte, j'éprouve l'impression d'être sortie d'un puits, d'émerger au soleil, de rentrer dans le monde. Pour la première fois depuis 19 mois, je vois des maisons. Je n'en contemple, il est vrai, que le premier étage, le rez-de-chaussée, me restera toujours inconnu. Mais quelquefois, un visage féminin, un visage féminin apparaît à une croisée, qu'il a d'humanité. Pourtant il se détourne avec indifférence du spectacle de la prison. Vers 7 heures du soir, on referme en même temps que la porte-fenêtre une épaisse grille qui la double prudemment. Le premier jour, le surveillant de service m'a oublié. Il n'est venu fermer qu'à minuit. J'étais resté toute la soirée sur la passerelle, hypnotisé par un tableau enchanteur. Fenêtre ouverte, une famille dînait paisiblement. Milieu populaire, repas modeste, mais qui égayait deux jeunes enfants. La nuit cernait ce carré de lumière qu'elle détachait comme un écrin ou une toile peinte. Aperçu irréel d'une vie que j'aurais pu croire évolue, mais qui m'est révélé si proche, si accessible en apparence, si permanente et imprescriptible, que je me retire sans amertume derrière ma grille. Je me suis amusé pour tuer le temps à écrire un petit roman policier. Occupation à la mode, fort inoffensive, qui m'a procuré cependant bien des heures d'oubli. Mercredi 30 septembre 1942 Aucune diversion dans les heures d'ennui ne vaut la création pure, fut-elle modeste. Quand on est seul, s'entourer de personnages imaginaires dont chaque mouvement dépend de votre fantaisie, voilà qui peuplerait un désert et suffit à abolir les trop mornes réalités. Si je veux penser au procès de Clermont-Ferrand, dont c'est ce matin le deuxième anniversaire, je dois faire un effort d'imagination. Je l'ai perdu de vue. Dimanche 4 octobre 1942 Je ne sens plus aucun rapport entre ma situation et cette audience d'une journée d'octobre, ce cauchemar lointain devenu irréel dont l'invraisemblance a facilité l'oubli. La prison d'aujourd'hui et le procès de 1940 appartiennent à deux mondes de pensée et de vie complètement différents. D'autres prisonniers politiques, incarcérés comme moi depuis longtemps, éprouvent, je le sais, la même impression. Cependant, un nouvel été vient de s'enfuir. L'Auvergne, pays des saisons prématurées ou tardives qui change en quelques heures la canicule en froid dur ou réciproquement, s'enveloppe dans le brouillard comme dans son manteau préféré. Les heures de pluie l'emportent chaque jour un peu plus sur les heures de soleil. Dans ma cour, les quelques fleurs, si péniblement obtenues, meurent une à une. La nappe de soleil, avec cette indifférence implacable que je connaissais bien maintenant, remonte peu à peu le long de mon mur, gagne la crête, disparaît. Il faudra de longs mois avant de l'ivoire ressurgir. Le froid, messager automne, s'installe et prend ses aises. Fin des couleurs. Retour triomphant des grisailles. Les derniers moustiques, exaspérés, assiègent ma lampe le soir. La saison revient de la patience attaquée. La saison revient de la patience à tâtons du tunnel dont on a perdu la vue, l'orifice lumineux, sans qu'on n'aperçoive encore devant soi la petite clarté tremblotante qui annonce la sortie. Neige de fin d'année. Peu abondante et brève, elle fait décor à bon marché. 31 décembre 1942. L'hiver se décide pour la douceur. La prison s'engourdit. Au premier étage, une cellule a été transformée en local de punition, de sorte que j'entends toute la journée résonner au-dessus de ma tête le pas lourd des punis qui tournent, comme des fauves en cage. Je suis, à beaucoup près, le plus ancien pensionnaire de la maison d'arrêt. Il y a quelques jours, j'ai aperçu dans le couloir une tête classique de récidiviste qu'il m'a semblé reconnaître. Cet homme m'a fait un petit signe. Il était arrivé ici une semaine après moi, pour purger une année de prison. Il a eu le temps d'accomplir sa peine, de sortir, de goûter près d'une année de liberté, puis de commettre un nouveau délit, et il vient d'être écroué de recherche. Il me retrouve au même endroit. Il croit qu'on m'a oublié. Comme il ignore pourquoi je suis là, qui le sait ? Il me considère avec une sorte de respect intrigué. C'était en nouvelle diffusion, Genzay, souvenirs et solitude, un feuilleton réalisé en direct du studio 114 en mars 2013. Choix de texte et interprétation, Benoît Giros et Pierre Beaux, et la voix de Genzay. Improvisation musicale, François Couturier. Équipe de réalisation, Philippe Bredin, Manon Houssin, Guy Péramore, Pauline Ziadé, Marguerite Gâteau. Conseillère littéraire, Emmanuelle Chevrière. Remerciements à Hélène et Catherine Zey. Souvenirs et solitude est publié aux éditions Belin. Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org Abonnez-vous !

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