
Quel est la mentalité de la jeunesse actuelle ?...
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The lecture discusses the book "C'est au jeĂ»ne que je pars" by Pierre Kropotkine. It was published in the early 1900s during a time of industrial revolution and social inequality. Kropotkine, an anarchist and socialist thinker, addresses the youth and their role in fighting against poverty and ignorance. He discusses the importance of education, scientific knowledge, and working towards social revolution. The lecture emphasizes the need for better living conditions, access to food, and protection from exploitation. It also highlights the contrast between the privileged few who benefit from science and the majority who still suffer from superstitions and lack of education. Lecture du livre Ă©crit par Pierre Kropotkine, C'est au jeĂ»ne que je pars, Extrait du livre intitulĂ© Pierre Kropotkine, l'entraide, suivi de C'est au jeĂ»ne que je pars, publiĂ© dans Petite Bibliopayeaux Classique, Un texte situĂ© Ă la fin, en annexe, la lecture dure Ă peu prĂšs 45 minutes, une heure maxi, mĂȘme pas 45 minutes. Ce texte a Ă©tĂ© publiĂ© dans les annĂ©es 1900, il ne faut pas oublier qu'entre 1870 et 1914, on est face Ă une rĂ©volution industrielle qui se met en place, les grandes familles Ă©conomiques se battent, les rĂ©gions, les bourgeoisies se mettent en place, les gouvernements de fonctionnaires essayent de maĂźtriser la population, et les industriels, les grands profiteurs terriens, et il faut se rappeler que la misĂšre existe, les gens ont faim, il n'y a pas de protection sociale, il n'y a pas de salariat, il y a des esclaves qui travaillent dans les mines, des esclaves qui travaillent dans les champs, des esclaves qui travaillent dans les usines de mĂ©tallurgie. C'est Ă ce moment lĂ que le courant socialiste commence par se mettre en place, avec une branche dure, anarchiste, qui a Ă©tĂ© reprise plus ou moins, et qui a donnĂ© naissance au communisme des pays de l'Est, communisme d'Ă©tat, donc finalement au bolchevisme en quelque sorte. Alors donc nous sommes dans ces annĂ©es lĂ , et nous avons Pierre Kropotkin, qui est un penseur anarchiste, socialiste, rĂ©publicain de la mĂȘme façon, qui s'adresse aux jeunes, c'est aux jeunes que je parle, c'est aux jeunes gens que je veux parler aujourd'hui, que les vieux, les vieux de cĆur et d'esprit bien entendu, mettent donc Ă la brochure de cĂŽtĂ©, sans se fatiguer uniquement les yeux Ă une lecture qui ne leur dira rien. Je suppose que vous approchez des 18 ou 20 ans, que vous finissez votre apprentissage ou vos Ă©tudes, que vous allez entrer dans la vie. Vous avez, je le pense, l'esprit dĂ©gagĂ© des superstitions qu'on a cherchĂ© Ă vous inculquer. Vous n'avez pas peur du diable et vous n'allez pas entendre dĂ©blatĂ©rer les curĂ©s et pasteurs. Qui plus est, vous n'ĂȘtes pas un des gommeux, tristes produits d'une sociĂ©tĂ© en dĂ©clin, qui promĂšnent sur les trottoirs leurs pantalons mexicains et leur face de singe et qui, dĂ©jĂ Ă cet Ăąge, n'ont que des appĂ©tits de jouissance Ă tout prix. Je suppose au contraire que vous avez le cĆur bien Ă sa place et c'est Ă cause de cela que je vous parle. Une premiĂšre question, je le sais, se pose devant vous. Que vais-je devenir ? Vous vous demandez maintes fois. En effet, lorsqu'on est jeune, on comprend qu'aprĂšs avoir Ă©tudiĂ© un mĂ©tier ou une science pendant plusieurs annĂ©es, au frais de la sociĂ©tĂ©, notez-le, ce n'est pas pour s'en faire un instrument d'exploitation. Il faudrait ĂȘtre bien dĂ©pravĂ©, bien rongĂ© par le vice pour ne jamais avoir rĂȘvĂ© d'appliquer un jour son intelligence, ses capacitĂ©s, son savoir, Ă aider Ă l'affranchissement de ceux qui grouillent aujourd'hui dans la misĂšre et dans l'ignorance. Vous ĂȘtes de ceux qui l'avez rĂȘvĂ©, n'est-ce pas ? Eh bien, voyons. Qu'est-ce que vous allez faire pour que votre rĂȘve devienne une rĂ©alitĂ© ? Je ne sais dans quelles conditions vous ĂȘtes nĂ©, peut-ĂȘtre favorisĂ© par le sort. Avez-vous fait des Ă©tudes scientifiques ? C'est mĂ©decin, avocat, homme de lettres ou de sciences que vous allez devenir ? Un large champ d'action s'ouvre devant vous. Vous entrez dans la vie avec de vastes connaissances, des aptitudes exercĂ©es. Ou bien, vous ĂȘtes un honnĂȘte artisan dont les connaissances scientifiques se bornent au peu que vous avez appris Ă l'Ă©cole, mais qui avait eu l'avantage de connaĂźtre de prĂšs ce qu'est la vie de rude labeur menĂ©e par le travailleur de nos jours. Je m'arrĂȘte Ă la premiĂšre supposition pour revenir ensuite Ă la seconde. J'admets que vous avez reçu une Ă©ducation scientifique. Supposons que vous allez devenir mĂ©decin. Demain, un homme en blouse viendra vous chercher pour voir une malade. Il vous mĂšnera dans une de ces ruelles oĂč les voisines se touchent presque la main par-dessus la tĂȘte du passant. Vous montez dans un air corrompu, Ă la lumiĂšre vacillante d'un lampion, deux, trois, quatre, cinq Ă©tages couverts d'une crasse glissante. Et dans une chambre sombre et froide, vous trouvez la malade couchĂ©e sur un grabat recouverte de sales haillons. Des enfants pĂąles, livides, grelottants sous leurs guenilles, vous regardent de leurs yeux grands ouverts. Le mari a travaillĂ© toute sa vie, des douze et treize heures Ă n'importe quelle labeur. Maintenant, il chĂŽme depuis trois mois. Le chĂŽmage n'est pas rare dans son mĂ©tier. Il se rĂ©pĂšte pĂ©riodiquement, toutes les annĂ©es. Mais autrefois, quand il chĂŽmait, la femme allait travailler comme journaliĂšre, laver vos chemises peut-ĂȘtre, en gagnant trois trente sous par jour. Mais la voilĂ allitĂ©e depuis deux mois, et la misĂšre se dresse hideuse devant la famille. Que conseillerez-vous Ă la malade, monsieur le docteur ? Vous qui avez devinĂ© que la cause de la maladie, c'est l'anĂ©mie gĂ©nĂ©rale, le manque de bonne nourriture, le manque d'air. Un bon biftec chaque jour ? Un peu de mouvement Ă l'air libre ? Une chambre sĂšche et bien aĂ©rĂ©e ? Quelle ironie ! Si elle le pouvait, elle l'aurait dĂ©jĂ fait, sans entendre vos conseils. Si vous avez le cĆur bon, la parole franche, le regard honnĂȘte, la famille vous comptera bien des choses. Elle vous dira que de l'autre cĂŽtĂ© de la cloison, cette femme qui tousse, d'une toux qui vous fend le cĆur, est la pauvre repasseuse. Qu'un escalier plus bas, tous les enfants la fiĂšvrent. Que la blanchisseuse du rez-de-chaussĂ©e, elle non plus, ne verra pas le printemps. Et que dans la maison Ă cĂŽtĂ©, c'est encore pire. Que diriez-vous Ă tous ces malades ? Bonne nourriture, changement de climat, un travail moins pĂ©nible ? Vous auriez voulu pouvoir le dire, mais vous n'osez pas, et vous sortez le cĆur brisĂ©, la malĂ©diction sur les lĂšvres. Le lendemain, vous rĂ©flĂ©chissez encore aux habitants du Tau-Di. Lorsque votre camarade vous raconte qu'hier, un valet de pied est venu le chercher en carrosse cette fois-ci. C'Ă©tait pour l'habitante d'un riche hĂŽtel, pour une dame Ă©puisĂ©e par des nuits sans sommeil, qui donne toute sa vie aux toilettes, aux visites, Ă la danse et aux querelles avec un mari butor. Votre camarade lui a conseillĂ© une vie moins inepte, une nourriture moins Ă©chauffante, des promenades Ă l'air frais, le calme de l'esprit et un peu de gymnastique de chambre, pour remplacer jusqu'Ă un certain point le travail productif. L'une meurt parce que, toute sa vie durant, elle n'a jamais assez mangĂ©, ne s'est jamais suffisamment reposĂ©. L'autre languit parce que, durant toute sa vie, elle n'a jamais su ce que c'est que le travail. Si vous ĂȘtes une de ces natures molasses, qui se font Ă tout, qui, Ă la vue des faits les plus rĂ©voltants, se soulagent par un lĂ©ger soupir et par une chope, alors vous vous ferez Ă la longue Ă ces contrastes, et, la nature de la bĂȘte aidant, vous n'aurez plus qu'une idĂ©e, celle de vous caser dans les rangs des jouisseurs, pour ne jamais vous trouver parmi les misĂ©rables. Mais si vous ĂȘtes un homme, si chaque sentiment se traduit chez vous par un acte de volontĂ©, si la bĂȘte en vous n'a pas tuĂ© l'ĂȘtre intelligent, alors vous reviendrez un jour chez vous en disant, non, c'est injuste, cela ne doit pas traĂźner ainsi, il ne s'agit pas de guĂ©rir les maladies, il faut les prĂ©venir. Un peu de bien-ĂȘtre et de dĂ©veloppement intellectuel suffiraient pour rayer de nos listes la moitiĂ© des malades et des maladies. Ă diable les drogues, de l'air, de la nourriture, un travail moins abrutissant, c'est par lĂ qu'il faut commencer. Sans cela, tout ce mĂ©tier de mĂ©decin n'est qu'une duperie et un faux semblant. Ce jour-lĂ , vous comprendrez le socialisme, vous voudrez le connaĂźtre de prĂšs, et si l'altruisme n'est pas pour vous un mot vide de sens, si vous appliquez Ă l'Ă©tude de la question sociale la sĂ©vĂšre induction du naturaliste, vous virinirez par vous trouver dans nos rangs, et vous travaillerez comme nous Ă la rĂ©volution sociale. Mais peut-ĂȘtre direz-vous, ĂŽ diable la pratique, comme l'astronome, le physicien, le chimiste, consacrons-nous Ă la science pure. Celle-lĂ apportera toujours ses fruits, ne fĂ»t-ce que pour les gĂ©nĂ©rations futures. TĂąchons d'abord de nous entendre sur ce que vous chercherez dans la science, serait-ce simplement la jouissance, certainement immense, que nous donne l'Ă©tude des mystĂšres de la nature et l'exercice de nos facultĂ©s intellectuelles. Dans ce cas-lĂ , je vous demanderai en quoi le savant qui cultive la science pour passer agrĂ©ablement sa vie derriĂšre diffĂšre-t-il de cet ivrogne qui lui aussi ne cherche dans la vie que la jouissance immĂ©diate et qui la trouve dans le vin. Le savant a certes mieux choisi la source de sa jouissance puisque la sienne lui en procure de plus intense et de plus durable. Mais c'est tout, l'un et l'autre, l'ivrogne et le savant ont le mĂȘme but Ă©goĂŻste, la jouissance personnelle. Mais non, vous ne voudrez pas de cette vie d'Ă©goĂŻste. En travaillant pour la science, vous entendez travailler pour l'humanitĂ© et c'est par cette idĂ©e que vous vous guiderez dans le choix de vos recherches. Belle illusion et qui de nous ne la caressait un moment lorsqu'il se donnait pour la premiĂšre fois la science. Mais alors, si rĂ©ellement vous songez Ă l'humanitĂ©, si c'est elle que vous visez dans vos Ă©tudes, une formidable objection vient se dresser devant vous car pour peu que vous ayez l'esprit juste, vous remarquerez immĂ©diatement que dans la sociĂ©tĂ© actuelle, la science n'est qu'un objet de luxe qui sert Ă rendre la vie plus agrĂ©able Ă quelques-uns et qui reste absolument inaccessible Ă la presque totalitĂ© de l'humanitĂ©. En effet, il y a plus d'un siĂšcle que la science a Ă©tabli de saines notions cosmogoniques, mais Ă combien s'Ă©lĂšve le nombre de ceux qui les possĂšdent ou qui ont acquis un esprit de critique rĂ©ellement scientifique ? Ă quels milliers, Ă peine, qui se perdent au milieu des centaines de millions, partageant encore des prĂ©jugĂ©s et des superstitions dignes de barbares, exposĂ©s en consĂ©quence Ă servir toujours de jouets aux imposteurs religieux ? Ou bien jeter seulement un coup d'Ćil sur ce que la science a fait pour Ă©laborer les bases rationnelles de l'hygiĂšne physique et morale ? Elle nous dit comment nous devons vivre pour conserver la santĂ© de notre corps, comment maintenir en bon Ă©tat nos agglomĂ©rations de population. Elle indique la voie du bonheur intellectuel et moral. Mais tout le travail immense accompli dans ces deux voies ne reste-t-il pas Ă l'Ă©tat de lettres mortes dans nos livres ? Et pourquoi cela ? Parce que la science aujourd'hui n'est faite que pour une poignĂ©e de privilĂ©giĂ©s. Parce que l'inĂ©galitĂ© sociale qui divise la sociĂ©tĂ© en deux classes, celle des salariĂ©s et celle des dĂ©tenteurs du capital, fait de tous les enseignements sur les conditions de la vie rationnelle comme une raillerie pour les 9 dixiĂšmes de l'humanitĂ©. Je pourrais vous citer encore bien des exemples, mais j'abrĂšge. Sortez maintenant seulement du cabinet de Fausta, dont les vitraux noircis de poussiĂšre laissent Ă peine pĂ©nĂ©trer sur les livres la lumiĂšre du grand jour. Regardez autour de vous, et Ă chaque pas, vous trouverez vous-mĂȘme des preuves Ă l'appui de cette idĂ©e. Il ne s'agit plus en ce moment d'accumuler les vĂ©ritĂ©s et les dĂ©couvertes scientifiques. Il importe avant tout de rĂ©pandre les vĂ©ritĂ©s acquises par la science, de les faire entrer dans la vie, d'en faire un domaine commun. Il importe de faire en sorte que tous, l'humanitĂ© entiĂšre, deviennent capables de se les assimiler, de les appliquer. Que la science cesse d'ĂȘtre un luxe, qu'elle soit Ă la base de la vie de tous. La justice le veut ainsi. Je dirais plus. C'est l'intĂ©rĂȘt de la science elle-mĂȘme qu'il impose. La science ne fait de progrĂšs rĂ©el que lorsqu'une vĂ©ritĂ© nouvelle trouve dĂ©jĂ un milieu prĂ©parĂ© Ă l'accepter. La thĂ©orie de l'origine mĂ©canique de la chaleur, Ă©noncĂ©e au siĂšcle passĂ© presque dans les mĂȘmes termes que l'Ă©noncent Hirn et Clausius, resta enfouie dans les mĂ©moires acadĂ©miques jusqu'Ă ce que les connaissances physiques aient Ă©tĂ© suffisamment rĂ©pandues pour crĂ©er un milieu capable de les accepter. Il a fallu que trois gĂ©nĂ©rations se succĂ©dassent pour que les idĂ©es d'Erasmus Darwin sur la variabilitĂ© des espĂšces fussent favorablement accueillies de la bouche de son petit-fils et pour qu'elles fussent admises par les savants acadĂ©miciens non sans pression. Il est vrai, de la part de l'opinion publique, le savant, comme le poĂšte ou l'artiste, est toujours le produit de la sociĂ©tĂ© dans laquelle il se meut et enseigne. Mais si vous vous pĂ©nĂ©trez de ces idĂ©es, vous comprendrez qu'avant tout il importe de produire une modification profonde dans cet Ă©tat de choses qui condamne aujourd'hui le savant Ă regorger de vĂ©ritĂ©s scientifiques et la presque totalitĂ© des ĂȘtres humains Ă rester Ă ce qu'ils Ă©taient il y a cinquante Ă dix siĂšcles, c'est-Ă -dire Ă l'Ă©tat d'esclaves et de machines incapables d'assimiler les vĂ©ritĂ©s Ă©tablies. Et le jour oĂč vous vous pĂ©nĂ©trerez de cette idĂ©e large, humanitaire et profondĂ©ment scientifique, ce jour-lĂ , vous perdrez le goĂ»t de la science pure. Vous vous mettrez Ă la recherche des moyens d'opĂ©rer cette transformation. Et si vous apportez dans vos recherches l'impartialitĂ© qui vous a guidĂ© dans vos investigations scientifiques, vous adopterez nĂ©cessairement la cause du socialisme. Vous couperez court au sophisme et vous viendrez vous ranger parmi nous. L'as de travail Ă procurer des jouissances Ă ce petit groupe qui en a dĂ©jĂ sa large part, vous mettrez vos lumiĂšres et votre dĂ©vouement au service immĂ©diat des opprimĂ©s. Mais soyez sĂ»r qu'alors le sentiment du devoir accompli et un accord rĂ©el s'Ă©tablissant entre vos sentiments et vos actes, vous retrouverez en vous des forces dont vous n'avez pas mĂȘme soupçonnĂ© l'existence. Et lorsque un jour, il n'y a pas loin en tout cas, l'on dĂ©plaise Ă vos professeurs, lorsque un jour, dis-je, la modification pour laquelle vous aurez travaillĂ© s'opĂ©rera, alors puisant des forces nouvelles dans le travail scientifique collectif et dans le concours puissant des armĂ©es de travailleurs qui viendront mettre leurs forces Ă son service, la science prendra un nouvel essor en comparaison duquel les lents progrĂšs d'aujourd'hui paraĂźtront de simples exercices dĂ©colliĂ©s. Alors jouissez de la science, cette jouissance sera pour tous. Fin du premier chapitre, maintenant on aborde le chapitre 2, toujours dans cet eau jaune que je parle. Si vous terminez vos Ă©tudes de droit et si vous vous prĂ©parez pour le barreau, il se peut que vous aussi vous vous fassiez des illusions relativement Ă votre activitĂ© future. J'admets donc que vous ĂȘtes des meilleurs de ceux qui connaissent l'altruisme. Vous pensez peut-ĂȘtre consacrer sa vie Ă une lutte sans trĂȘve ni merci contre toutes les injustices. S'appliquer constamment Ă faire triompher la loi, expression de la justice suprĂȘme. Quelle vocation pourrait ĂȘtre plus belle ? Et vous entrez dans la vie, plein de confiance en vous-mĂȘme, en la vocation que vous avez choisie. Eh bien, ouvrons au hasard la chronique judiciaire et voyons ce que la sociĂ©tĂ© va vous dire. Voici un riche propriĂ©taire. Il demande l'exclusion d'un fermier paysan qui ne paye pas la rente convenue. Au point de vue lĂ©gal, il n'y a pas d'hĂ©sitation possible. Puisque le paysan ne paye pas, il faut qu'il s'en aille. Mais si nous analysons les faits, voici ce que nous apprenons. Le propriĂ©taire a toujours dissipĂ© ses rentes en festin joyeux. Le paysan a toujours travaillĂ©. Le propriĂ©taire n'a rien fait pour amĂ©liorer ses terres. Et nĂ©anmoins, la valeur en a triplĂ© en 50 ans grĂące Ă la plus-value donnĂ©e au sol par le tracĂ© d'une voie ferrĂ©e, par les nouvelles routes vicinales, par le dessĂšchement des marais, par le dĂ©frichage des cĂŽtes incultes. Et le paysan qui a contribuĂ© pour une large part Ă donner cette plus-value Ă la terre s'est ruinĂ©, tombĂ© entre les mains des agents d'affaires, perclus de dettes. Il ne peut plus payer son propriĂ©taire. La loi, toujours du cĂŽtĂ© de la propriĂ©tĂ©, est formelle. Elle donne raison au propriĂ©taire. Mais vous, en qui les fictions juridiques n'ont pas encore tuĂ© le sentiment de la justice, que ferez-vous ? Demanderez-vous qu'on jette le fermier sur la grande route ? C'est la loi qui l'ordonne. Ou bien, demanderez-vous que le propriĂ©taire restitue au fermier toute la part de la plus-value qui est due au travail de celui-ci ? C'est l'Ă©quitĂ© qui vous le dicte. De quel cĂŽtĂ© vous mettrez-vous ? Pour la loi, mais contre la justice. Ou bien, pour la justice, mais alors contre la loi. Et lorsque des ouvriers se seront mis en grĂšve contre leur patron, sans le prĂ©venir qu'un jour Ă l'avance, de quel cĂŽtĂ© vous rangerez-vous ? Du cĂŽtĂ© de la loi, c'est-Ă -dire du cĂŽtĂ© du patron, qui, profitant d'un temps de crise, rĂ©alisait des bĂ©nĂ©fices scandaleux. Lisez les femmes procĂ©deresses. Ou bien, contre la loi, mais pour les ouvriers qui percevaient pendant ce temps-lĂ des salaires de 2,50 francs et voyaient dĂ©pĂ©rir leurs femmes et leurs enfants. DĂ©fendrez-vous cette fiction qui consiste Ă affirmer la libertĂ© des transactions ? Ou bien, soutiendrez-vous l'Ă©quitĂ© en vertu de laquelle un contrat conclut entre celui qui a bien dĂźnĂ© et celui qui vend son travail pour manger entre le fort et le faible n'est pas un contrat ? Voici un autre fait. Un jour, Ă Paris, un homme rĂŽdait prĂšs d'une boucherie. Il saisit un beefsteak et se met Ă courir. On l'arrĂȘte, on le questionne et on en prend que c'est un ouvrier sans travail, que lui et sa famille n'ont rien mangĂ© depuis quatre jours. On supplie le boucher de lĂącher l'homme et le boucher veut le triomphe de la justice. Il la poursuit et l'homme est condamnĂ© Ă six mois de prison. C'est ainsi que le vĆu aveugle tĂ©misse. Et votre conscience ne se rĂ©voltera pas contre la loi et contre la sociĂ©tĂ© en voyant que des condamnations analogues se prononcent chaque jour. Ou bien demanderez-vous l'application de la loi contre cet homme qui, malmenĂ©, bafouĂ© dĂšs son enfance, grandi sans jamais avoir entendu un mot de sympathie, finit par tuer son voisin pour lui prendre Ă cent sous ? Vous demanderez qu'on le guillotine ou qu'il pisĂ©, qu'on l'enferme pour vingt ans dans une prison, parce que vous savez qu'il est plus malade que criminel et qu'en tout cas c'est sur la sociĂ©tĂ© entiĂšre que retombe son crime ? Demanderez-vous qu'on jette dans les cachots ces tisserands qui, dans un moment d'exaspĂ©ration, ont mis le feu Ă la fabrique ? Qu'on envoie au ponton cet homme qui a tirĂ© sur un assassin couronnĂ© ? Qu'on fusille ce peuple insurgĂ© qui plante sur les barricades le drapeau de l'avenir ? Non, mille fois non. Si vous raisonnez, au lieu de rĂ©pĂ©ter ce qu'on vous a enseignĂ©, si vous analysez et dĂ©gagez la loi de ces nuages de fiction dont on l'a entourĂ© pour voiler son origine, qui est le droit du plus fort et sa substance qui a toujours Ă©tĂ© la consĂ©cration de toutes les oppressions lĂ©guĂ©es Ă l'humanitĂ© par sa semblante histoire, vous aurez un mĂ©pris suprĂȘme de cette loi. Vous comprendrez que rester serviteur de la loi Ă©crite, c'est chaque jour se mettre en opposition avec la loi de la conscience et marchander avec elle. Et comme cette lutte ne peut durer, ou bien vous ferez taire votre conscience et deviendrez un coquin, ou bien vous romprez avec la tradition et viendrez travailler avec nous Ă l'abolition de toutes les injustices Ă©conomiques, politiques, sociales. Mais alors vous serez socialiste, vous serez rĂ©volutionnaire. Et vous, jeune ingĂ©nieur qui rĂȘvez d'amĂ©liorer par les applications de la science Ă l'industrie le sort des travailleurs, quel triste dĂ©senchantement, quel dĂ©boire vous attend ! Vous donnez l'Ă©nergie juvĂ©nile de votre intelligence Ă l'Ă©laboration d'un projet de voie ferrĂ© qui, serpentant au bord des prĂ©cipices et perçant le cĆur des gĂ©ants de granit, ira rallier deux pays sĂ©parĂ©s par la nature. Et une fois Ă l'Ćuvre, vous voyez dans ce sombre tunnel des bataillons ouvriers dĂ©cimĂ©s par l'Ă©privation et les maladies, vous en voyez d'autres retourner chez soi en portant Ă peine quelques sous et les germes indubitables de stysis. Vous voyez les cadavres humains, rĂ©sultat d'une crapuleuse avarice, marquer chaque mĂštre d'avancement de votre voie. Et cette voie terminĂ©e, vous voyez enfin qu'elle devient un chemin pour les canons des envahisseurs. Vous avez vouĂ© votre jeunesse Ă une dĂ©couverte qui doit simplifier la production. Et aprĂšs bien des efforts, bien des nuits sans sommeil, vous voilĂ enfin en possession de cette prĂ©cieuse dĂ©couverte. Vous l'appliquez et le rĂ©sultat dĂ©passe vos espĂ©rances. Dix mille, vingt mille ouvriers seront jetĂ©s sur le pavĂ©. Ceux qui restent, des enfants pour la plupart, seront rĂ©duits Ă l'Ă©tat de machine. Trois, quatre, dix patrons feront fortune et boiront le champagne Ă plein verre. Est-ce cela que vous avez rĂȘvĂ© ? Enfin, vous Ă©tudiez les progrĂšs industriels rĂ©cents et vous voyez que la couturiĂšre n'a rien, absolument rien gagnĂ© Ă la dĂ©couverte de la machine Ă coudre. Que l'ouvrier du Gothard meurt d'enchĂ©ostomiase en dĂ©pit des perforatrices Ă couronne de diamant. Que le maçon et le journalier chĂŽment, comme auparavant, Ă cĂŽtĂ© des ascenseurs ou guifards. Et si vous discutez les problĂšmes sociaux avec cet indĂ©pendant esprit qui vous a guidĂ© dans vos problĂšmes techniques, vous arrivez nĂ©cessairement Ă la conclusion que sous les rĂ©gimes de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et du salariat, chaque nouvelle dĂ©couverte, loin d'augmenter le bien-ĂȘtre du travailleur, ne fait que rendre sa servitude plus lourde, le travail plus abrutissant. Le chĂŽmage plus frĂ©quent et les crises plus aiguĂ«s et que celui qui a dĂ©jĂ pour lui toutes les jouissances est le seul qui en profite. Que ferez-vous alors une fois arrivĂ© Ă cette conclusion ? Ou bien vous commencerez par faire taire votre conscience par des sophismes, puis un beau jour vous donnerez congĂ© Ă vos honnĂȘtes rĂȘves de jeunesse et vous chercherez Ă vous emparer, pour vous-mĂȘme, de ce qui doit ĂȘtre aux jouissances. Vous irez alors dans le camp des exploiteurs. Ou bien, si vous avez du cĆur, vous vous direz non, ce n'est pas le temps de faire des dĂ©couvertes. Travaillons d'abord Ă transformer le rĂ©gime de la production. Lorsque la propriĂ©tĂ© individuelle sera abolie, alors chaque nouveau progrĂšs individuel se fera au bĂ©nĂ©fice de toute l'humanitĂ©. Et toute cette masse de travailleurs, machines, aujourd'hui, ĂȘtre pensant Ă l'or, appliquant Ă l'industrie leur intuition soutenue par l'Ă©tude et exercĂ©e par le travail manuel, le progrĂšs technique prendra un essor qui fera en 50 ans ce que nous n'avons mĂȘme pas rĂȘvĂ© aujourd'hui. Et que dire aux maĂźtres d'Ă©cole ? Non pas Ă celui qui considĂšre sa profession comme un ennuyeux mĂ©tier, mais Ă celui qui, entourĂ© d'une bande joyeuse de moutards, se sent Ă son aise sous leur regard animĂ©, au milieu de leur joyeux sourire, et qui cherche Ă rĂ©veiller dans ses petites tĂȘtes les idĂ©es humanitaires qu'il caressait lui-mĂȘme lorsqu'il Ă©tait jeune. Souvent, je vous vois tristes, et je sais ce qui vous fait froncer les sourcils. Aujourd'hui, votre Ă©lĂšve, le plus aimĂ©, qui n'est pas trĂšs avancĂ© en latin, c'est vrai, mais n'en a pas moins bon cĆur, racontait avec tant d'entrain la lĂ©gende de Guillaume Tell. Ses yeux brillaient, il semblait vouloir poignarder sur place tous les tyrans. Il disait avec tant de feu sĂ©vĂšre passionnĂ© de Schiller, «Devant l'esclave, quand il rompt sa chaĂźne, devant l'homme libre, ne tremble pas. » Et rentrĂ© Ă la maison, sa mĂšre, son pĂšre, son oncle, l'ont vertement rĂ©primandĂ© pour le manque d'Ă©gard qu'il a eu envers M. le pasteur ou le garde-champĂȘtre, et lui ont chantĂ© pendant une heure la prudence, le respect aux autoritĂ©s, la soumission. Si bien qu'il a mis Schiller de cĂŽtĂ© pour lire l'art de faire son chemin dans le monde. Et puis hier encore, on vous disait que vos meilleurs Ă©lĂšves ont tous mal tournĂ©. L'un ne fait que rĂȘver Paulette, l'autre, en compagnie de son patron, vole le maigre salaire des ouvriers, et vous, qui aviez mis tant d'espĂ©rance en ces jeunes gens, vous rĂ©flĂ©chissez Ă prĂ©sent sur la triste contradiction qui existe entre la vie et l'idĂ©al. Vous y rĂ©flĂ©chissez encore, mais je prĂ©vois que, dans deux ans, aprĂšs avoir eu des illusions sur des illusions, vous mettrez vos acteurs favoris de cĂŽtĂ©, et vos auteurs favoris de cĂŽtĂ©, et vous finirez par dire que Guillaume Tell Ă©tait certainement un trĂšs honnĂȘte pĂšre, mais sommes toutes un peu fous que la poĂ©sie est une chose excellente au coin du feu, surtout lorsqu'on a enseignĂ© pendant toute une journĂ©e la rĂšgle et les intĂ©rĂȘts composĂ©s. Mais qu'aprĂšs tout, messieurs les poĂštes, planent toujours dans les nuages, et leurs vers n'ont rien Ă faire, ni avec la vie, ni avec la prochaine visite de monsieur l'inspecteur. Ou bien vos rĂȘves de jeunesse deviendront la ferme conviction de l'homme mĂ»r. Vous voudrez l'instruction large, humanitaire pour tous, Ă l'Ă©cole et en dehors de l'Ă©cole, et voyant qu'elle est impossible dans les conditions actuelles, vous vous attaquerez aux bases mĂȘme de la sociĂ©tĂ© bourgeoise. Alors, mis en disponibilitĂ© par le ministĂšre, vous quitterez l'Ă©cole, et vous viendrez parmi nous, avec nous, dire aux hommes ĂągĂ©s, mais moins instruits que vous, ce que le savoir a d'attrayant, ce que l'humanitĂ© doit ĂȘtre, ce qu'elle peut ĂȘtre. Vous viendrez travailler avec les socialistes Ă la transformation complĂšte du rĂ©gime actuel, dans le sens de l'Ă©galitĂ©, de la solidaritĂ©, de la libertĂ©. Et vous, jeunes artistes, sculpteurs, peintres, poĂštes, musiciens, ne remarquez-vous pas que le feu sacrĂ© qui avait inspirĂ© tel de vos prĂ©dĂ©cesseurs vous manque aujourd'hui Ă vous et au vĂŽtre ? Que l'art est banal, que la mĂ©diocritĂ© rĂšgne, et pourrait-il en ĂȘtre autrement ? La joie d'avoir retrouvĂ© le monde antique, de s'ĂȘtre retrempĂ© aux sources de la nature, qui fit les chefs-d'Ćuvre de la Renaissance, n'existe plus pour l'art contemporain. L'idĂ©e rĂ©volutionnaire l'a laissĂ© froid jusqu'Ă prĂ©sent, et en l'absence d'idĂ©es, il croit en avoir trouvĂ© une dans le rĂ©alisme. Lorsqu'il s'est vertu aujourd'hui Ă photographier en couleur la goutte de rosĂ©e sur la feuille d'une plante, Ă imaginer les muscles fissiers d'une vache, ou Ă dĂ©peindre minutieusement, en prose et en verre, la boue suffocante d'un Ă©gout, le boudoir d'une femme galante. Mais s'il n'en est ainsi que faire, direz-vous, si le feu sacrĂ© que vous dites possĂ©der n'est qu'un luminon fumant, alors vous continuerez Ă faire comme vous avez fait, et votre art dĂ©gĂ©nĂšrera bientĂŽt en mĂ©tier de dĂ©corateur des salons de boutiquiers, de pourvoyeur d'hybrides aux bouffes, et de feuilleton Ă M. Girardin. La plupart d'entre vous marchent dĂ©jĂ Ă pleine vapeur sur cette pente inclinĂ©e. Mais si rĂ©ellement votre cĆur bat l'unisson avec celui de l'humanitĂ©, si, en vrai poĂšte, vous avez une oreille pour entendre la vie, alors, en prĂ©sence de cette mer de souffrance dont le flot monte autour de vous, en prĂ©sence de ces peuples mourants de faim, et de ces cadavres entassĂ©s dans les mines, et de ces corps mutilĂ©s visant en monticule au pied des barricades, de ces convois d'exilĂ©s qui vont s'enterrer dans les neiges de la SibĂ©rie et sur les plages des Ăźles tropicales, en prĂ©sence de la lutte suprĂȘme qui s'engage des cris de douleur des vaincus et des orgies des vainqueurs, de l'hĂ©roĂŻsme aux prises avec la lĂąchetĂ©, du noble entrain et de la basse mĂ©chancetĂ©, vous ne pourrez plus rester neutre, vous viendrez vous ranger du cĂŽtĂ© des opprimĂ©s, parce que vous savez que le beau, le sublime, la vie, enfin, sont du cĂŽtĂ© de ceux qui luttent pour la lumiĂšre, pour l'humanitĂ©, pour la justice. Vous m'arrĂȘtez enfin ! Que diable dites-vous ? Mais si la science abstraite est un luxe, et la pratique de la mĂ©decine un faux semblant, si la loi est une injustice et la dĂ©couverte technique un instrument d'exploitation, si l'Ă©cole aux prises avec la sagesse du praticien est sĂ»re d'ĂȘtre vaincue, et l'art sans idĂ©e rĂ©volutionnaire ne peut que dĂ©gĂ©nĂ©rer, que me reste-t-il donc Ă faire ? Eh bien, je vous rĂ©ponds, un travail immense, attrayant au plus haut degrĂ©, un travail dans lequel les actes seront en complet accord avec la conscience, un travail capable d'entraĂźner la nature, les natures les plus nobles, les plus vigoureuses. Quel travail ? Je vais vous le dire. Donc maintenant on va sur le chapitre 3, on va apprendre ce que c'est que le travail. Chapitre 3, c'est au jeĂ»ne que je parle. Ou bien, transiger continuellement avec sa conscience et finir un beau jour par se dire, j'intĂ©resse l'humanitĂ© pourvu que je puisse avoir toutes les jouissances et en profiter tant que je le peux et que le peuple sera assez bĂȘte pour me laisser faire. Ou bien, se ranger avec les socialistes et travailler avec eux Ă la transformation complĂšte de la sociĂ©tĂ©. Telle est la consĂ©quence forcĂ©e de l'analyse que nous avons faite. Telle sera toujours la conclusion logique Ă laquelle devra forcĂ©ment arriver tout ĂȘtre intelligent pourvu qu'il raisonne honnĂȘtement sur ce qui se passe autour de lui, pour peu qu'il sache avoir raison des sophismes que lui soufflent Ă l'oreille son Ă©ducation bourgeoise et l'opinion intĂ©ressĂ©e de ceux qui l'entourent. Cette conclusion une fois acquise, la question que faire est venue naturellement se poser. La rĂ©ponse est facile. Sortez seulement de ce milieu dans lequel vous ĂȘtes placĂ© et oĂč il est d'usage de dire que le peuple n'est qu'un tas de brutes. Venez vers ce peuple et la rĂ©ponse surgira d'elle-mĂȘme. Vous verrez que partout, en France comme en Allemagne, en Italie comme aux Etats-Unis, partout oĂč il y a des privilĂ©giĂ©s et des opprimĂ©s, ils s'opĂšrent au sein de la classe ouvriĂšre, un travail gigantesque dont le but est de briser Ă jamais les servitudes imposĂ©es par la fĂ©odalitĂ© capitaliste et de jeter les fondements d'une sociĂ©tĂ© Ă©tablie sur les bases de la justice et de l'Ă©galitĂ©. Il ne suffit plus au peuple d'aujourd'hui d'exprimer ses plaintes par une de ses chansons dont la mĂ©lodie vous fendait le cĆur et que chantaient les serfs du XVIIIe siĂšcle, que chante encore le paysan slave. Il travaille avec la conscience de ce qu'il a fait et contre tous les obstacles Ă son affranchissement. Sa pensĂ©e s'exerce constamment Ă deviner ce qu'il s'agit de faire pour que la vie, au lieu d'ĂȘtre une malĂ©diction pour les trois quarts de l'humanitĂ©, soit un bonheur pour tous. Il aborde les problĂšmes les plus ardus de la sociologie et cherche Ă les rĂ©soudre avec son bon sens, son esprit d'observation, sa rude expĂ©rience. Pour s'entendre avec d'autres misĂ©rables comme lui, il cherche Ă se grouper, Ă s'organiser. Il se constitue en sociĂ©tĂ© soutenue avec peine par de minces cotisations. Il cherche Ă s'entendre Ă travers les frontiĂšres et mieux que les raiteurs philanthropes, il prĂ©pare le jour oĂč les guerres entre les peuples deviendront impossibles. Pour savoir ce que font ses frĂšres, pour mieux les connaĂźtre, pour Ă©laborer les idĂ©es et les propager, il soutient, mais au prix de quelle privation, de quel effort, sa presse ouvriĂšre. Enfin, l'heure est venue. Il se lĂšve et, rougissant de son sang les pavĂ©s des barricades, il se lance Ă la conquĂȘte de ces libertĂ©s que les riches et les puissants ont su corrompre au privilĂšge pour les tourner ensuite contre lui. Quelle sĂ©rie d'efforts continuels, quelle lutte incessante, quel travail recommencĂ© constamment, tantĂŽt pour combler les vides qui se font par les dĂ©sertions, suite de la lassitude de la corruption des poursuites, tantĂŽt pour reconstituer les rangs Ă©claircis par les fusillades et les mitraillades, tantĂŽt pour reprendre les Ă©tudes brusquement interrompues par les exterminations en bloc. Les journaux sont créés par des hommes qui ont dĂ» voler Ă la sociĂ©tĂ© des bribotes d'instruction en se privant de sommeil et de nourriture. L'agitation est soutenue par des sous, pris sur le strict nĂ©cessaire, souvent sur le pain sec. Et tout cela sous l'apprĂ©hension continuelle de voir bientĂŽt la famille rĂ©duite Ă la plus affreuse des misĂšres, dĂšs que le patron s'apercevra que son ouvrier et son esclave fait du socialisme. VoilĂ ce que vous verrez si vous allez dans le peuple. Et dans cette lutte sans fin, que de fois le travailleur, succombant sous le poids des obstacles, ne sait-il pas demander vraiment, oĂč sont-ils donc ces jeunes gens qui se sont donnĂ©s l'instruction Ă nos frais ? Ces jeunes que nous avons nourris et vĂȘtus pendant qu'ils Ă©tudiaient, pour qui le dos courbĂ© sous le fardeau et le ventre creux, nous avons bĂąti ces maisons, ces acadĂ©mies, ces musĂ©es ? Pour qui le visage blĂȘme, nous avons imprimĂ© ces beaux livres que nous ne pouvons pas mĂȘme lire ? OĂč sont-ils, ces professeurs qui disent possĂ©der la science humanitaire et pour qui l'humanitĂ© ne vaut pas une espĂšce rare de chenille ? Ces hommes qui parlent de libertĂ© et jamais ne dĂ©fendent la nĂŽtre, chaque jour fouler au pied. Ces Ă©crivains, ces poĂštes, ces peintres, toute cette bande d'hypocrites en un mot, qui les larment aux yeux, parlent du peuple et qui jamais ne se sont trouvĂ©s avec nous pour nous aider dans nos travaux. Les uns se plaisent dans leur lĂąche indiffĂ©rence, les autres, le grand nombre, mĂ©prisent la canaille et sont prĂȘts Ă se ruer sur elle si elle ose toucher Ă leurs privilĂšges. De temps en temps, il arrive bien aux jeunes hommes qui rĂȘvent tambour et barricade et qui viennent chercher des scĂšnes en sensation, mais qui dĂ©sertent la cause du peuple dĂšs qu'ils s'aperçoient que la route de la barricade est longue, que le travail est pĂ©nible et que sur cette route, les couronnes de lauriers qu'ils rĂȘvent conquĂ©rir sont mĂȘlĂ©es d'Ă©pines. Le plus souvent, ce sont des ambitieux inassouvis qui, aprĂšs avoir Ă©chouĂ© dans leur premiĂšre tentative, cherchent Ă capter les suffrages du peuple, mais qui plus tard seront les premiers Ă tonner contre lui dĂšs qu'il voudra piquer les principes qu'ils ont eux-mĂȘmes professĂ©s. Peut-ĂȘtre mĂȘme feront braquer les canons contre le prolĂ©taire s'ils osent bouger avant que, eux, le chef de file en ait donnĂ© le signal. Ajoutez la saute injure, le mĂ©pris hautain, la lĂąche calomnie de la part du grand nombre et vous aurez tous ce que le peuple reçoit maintenant de la part de la jeunesse bourgeoise pour l'aider dans son Ă©volution sociale. Et aprĂšs cela, vous vous demanderez encore « Que faire ? » Lorsque tout a Ă©tĂ© fait ou tout est Ă faire, lorsque toute une armĂ©e de jeunes gens trouverait Ă quoi appliquer la force entiĂšre de leurs jeunes Ă©nergies, de leur intelligence, de leur talent pour aider le peuple dans l'immense tĂąche qu'il a entreprise. Vous, amateurs de sciences pures, si vous vous ĂȘtes pĂ©nĂ©trĂ©s des principes du socialisme, si vous avez compris toute la portĂ©e de la rĂ©volution qui s'annonce, ne manquerez-vous pas que toute la science est Ă refaire pour la mettre d'accord avec les principes nouveaux qu'il s'agit d'accomplir dans ce domaine une rĂ©volution dont l'importance se surpassera de beaucoup celle qui s'est accomplie dans les sciences au XVIIIe siĂšcle. Ne comprenez-vous pas que l'histoire aujourd'hui fable convenue sur la grandeur des rois, des grands personnages et des parlements est toute Ă refondre au point de vue populaire, au point de vue du travail accompli par les masses dans les Ă©volutions de l'humanitĂ© ? Que l'Ă©conomie sociale aujourd'hui, consĂ©cration de l'exploitation capitaliste, est toute Ă Ă©laborer de nouveau, aussi bien dans ses principes fondamentaux que dans ses innombrables applications ? Que l'anthropologie, la sociologie, l'Ă©thique sont complĂštement Ă remanier et que les sciences naturelles elles-mĂȘmes, envisagĂ©es Ă un point de vue nouveau, doivent subir une modification profonde quant Ă la maniĂšre de concevoir les phĂ©nomĂšnes naturels et Ă la mĂ©thode d'exploitation ? Eh bien faites-le ! Mettez vos lumiĂšres au service d'une bonne cause, mais surtout venez nous aider, par votre logique serrĂ©e, Ă combattre les prĂ©jugĂ©s sĂ©culaires, Ă Ă©laborer par synthĂšse les bases d'une meilleure organisation. Surtout, enseignez-nous Ă appliquer Ă nos raisonnements la hardiesse de la vĂ©ritable investigation scientifique et, prĂȘchant d'exemples, montrez-nous comment on sacrifie sa vie pour le triomphe de la vĂ©ritĂ©. Vous, mĂ©decins auxquels la rude expĂ©rience a fait comprendre le socialisme, ne vous lassez pas de vous dire aujourd'hui, demain, chaque jour et chaque occasion que l'humanitĂ© marche Ă la dĂ©gĂ©nĂ©rescence si elle reste dans les conditions actuelles d'existence et de travail, que vos drogues resteront impuissantes contre les maladies, tant que les 99 saintiĂšmes de l'humanitĂ© vĂ©gĂ©teront dans des conditions absolument contraires Ă ce que veut la science, que ce sont les causes des maladies qui doivent ĂȘtre Ă©liminĂ©es et dites ce qu'il faut pour Ă©liminer ces causes. Venez avec votre scalpel dissĂ©quer d'une main sur cette sociĂ©tĂ© en voie de dĂ©composition ou dire ce qu'une existence rationnelle devrait et pourrait ĂȘtre. Et en vrai mĂ©decin, nous rĂ©pĂ©tez que l'on ne s'arrĂȘte pas devant la suppression d'un membre gangrĂ©nĂ© lorsqu'il peut infecter tout le corps. Vous, qui avez travaillĂ© aux applications de la science Ă l'industrie, venez donc nous raconter franchement quel a Ă©tĂ© le rĂ©sultat de vos dĂ©couvertes. Faites entrevoir Ă ceux qui n'osent pas encore se lancer ardiment vers l'avenir ce que le savoir dĂ©jĂ qui porte dans ses flancs d'invention nouvelle, ce que pourrait ĂȘtre l'industrie dans de meilleures conditions, ce que l'homme pourrait produire s'il produisait toujours pour augmenter sa production. Apportez donc au peuple le concours de votre intuition, de votre esprit pratique et de votre talent d'organisation au lieu de les mettre au service des exploiteurs. Vous, poĂštes, peintres, sculpteurs, musiciens, vous avez compris votre vraie mission et les intĂ©rĂȘts de l'art lui-mĂȘme. Venez donc mettre votre plume, votre pinceau, votre burin au service de la rĂ©volution. Racontez-nous dans votre style imaginĂ© ou dans vos tableaux saisissants les luttes titaniques des peuples contre les oppresseurs. Enflammez les jeunesses ou les jeunes cĆurs de ce beau souffle rĂ©volutionnaire qui inspirait nos ancĂȘtres. Dites Ă la femme ce que l'activitĂ© de son mari a de vaut s'il donne sa vie Ă la grande cause de l'Ă©mancipation sociale. Montrez au peuple ce que la vie actuelle a de lait et faites-nous toucher du doigt les causes de cette laideur. Dites-nous ce qu'une vie rationnelle serait si elle ne se heurtait Ă chaque pas contre les inepties et les ignominies de l'ordre social actuel. Enfin, vous tous qui possĂ©dez des connaissances, des talents, si vous avez du cĆur, venez donc, vous et vos compagnes, les mettre au service de ceux qui en ont le plus besoin. Et sachez que si vous venez, non pas en maĂźtres, mais en camarades de lutte, non pas pour gouverner, mais pour vous inspirer vous-mĂȘme dans un milieu nouveau qui marche Ă la conquĂȘte de l'avenir, moins pour enseigner que pour concevoir les aspirations des masses, les deviner et les formuler, et puis travailler sans relĂąche continuellement et avec tout l'Ă©lan de la jeunesse, Ă les faire entrer dans la vie. Sachez qu'alors, mais alors seulement, vous vivrez d'une vie complĂšte, d'une vie rationnelle. Vous verrez que chacun de vos efforts faits dans cette voie portent amplement ses fruits. Et ce sentiment d'accord Ă©tabli entre vos actes et les commandements de votre conscience vous donnera des forces que vous ne soupçonnez pas en vous-mĂȘme. La lutte pour la vĂ©ritĂ©, pour la justice, pour l'Ă©galitĂ© au sein du peuple, que trouvez-vous de plus beau dans la vie ? On va maintenant sur le chapitre 5, le dernier chapitre. Il m'a fallu trois longs chapitres pour dĂ©montrer aux jeunes gens des classes aisĂ©es qu'en prĂ©sence du dilemme que leur proposera la vie, ils seront forcĂ©s, s'ils sont courageux et sincĂšres, de venir se ranger avec les socialistes et d'embrasser avec eux la cause de la rĂ©volution sociale. Cette vĂ©ritĂ© est cependant si simple. En parlant Ă ceux qui ont subi l'influence du milieu bourgeois, que de sophismes Ă combattre, que de prĂ©jugĂ©s Ă vaincre, que d'objections intĂ©ressĂ©es Ă Ă©carter. Il m'est facile d'ĂȘtre plus court en vous parlant aujourd'hui, jeunes gens du peuple. La force mĂȘme des choses vous pousse Ă devenir socialiste, pour peu que vous ayez le courage de raisonner et d'agir en consĂ©quence. En effet, le socialisme moderne est sorti des profondeurs mĂȘme du peuple. Si quelques penseurs issus de la bourgeoisie sont venus lui apporter la sanction de la science et l'appui de la philosophie, le fond des idĂ©es qu'ils ont Ă©noncĂ©es n'en est pas moins un produit de l'esprit collectif du peuple travailleur. Ce socialisme rationnel de l'international, qui fait aujourd'hui notre meilleure force, n'a-t-il pas Ă©tĂ© Ă©laborĂ© dans les organisations ouvriĂšres sous l'influence directe des masses ? Et les quelques Ă©crivains qui ont prĂȘtĂ© leur concours Ă ce travail d'Ă©laboration ont-ils fait autre chose que de trouver la formule des aspirations qui, dĂ©jĂ , se faisait jour parmi les ouvriers ? Sortir des rangs du peuple travailleur et ne pas se vouer au triomphe du socialisme, c'est donc mĂ©connaĂźtre ses propres intĂ©rĂȘts, renier sa propre cause et sa mission historique. Vous vous souvenez du temps oĂč, gamin encore, vous descendiez par un jour d'hiver, vous amusiez dans votre sombre ruelle. Le froid vous mordait les Ă©paules Ă travers vos minces vĂȘtements et la boue empissait vos souliers dĂ©chirĂ©s. DĂ©jĂ , lorsque vous voyiez passer de loin ces enfants potelĂ©s et richement vĂȘtus qui vous regardaient d'un air hautain, vous saviez parfaitement que ces marmots tirĂ©s Ă quatre Ă©pingles ne vous valaient, vous et vos camarades, ni par l'intelligence, ni par le bon sens, ni par l'Ă©nergie. Mais plus tard, quand vous avez dĂ» vous enfermer dans un salle-atelier dĂšs cinq ou six heures du matin pour tenir douze heures du rang, prĂšs d'une machine bruyante et machine vous-mĂȘme, suivre jour par jour et pendant des annĂ©es entiĂšres ces mouvements d'une impitoyable cadence, pendant ce temps-lĂ , eux, les autres, allaient tranquillement s'instruire dans les collĂšges, dans les belles Ă©coles, dans les universitĂ©s. Maintenant, ces mĂȘmes enfants, moins intelligents mais plus instruits que vous, et devenus vos chefs, vont jouir de tous les agrĂ©ments de la vie, de tous les bienfaits de la civilisation. Et vous ? Qu'est-ce qui vous attend ? Vous rentrez dans un petit appartement sombre et humide oĂč cinq, six ĂȘtres humains grouillent dans l'espace de quelques mĂštres carrĂ©s. OĂč votre mĂšre, fatiguĂ©e par la vie, plus vieillie par le souci que par l'Ăąge, vous offre, pour toute nourriture, du pain, des pommes de terre et un liquide noirĂątre qualifiĂ© ironiquement de cafĂ©. Ou pour toute distraction, vous avez toujours la mĂȘme question Ă l'heure du jour, celle de savoir comment vous paierez demain le boulanger et aprĂšs demain le propriĂ©taire. Et quoi ? Faudra-t-il traĂźner la mĂȘme existence misĂ©rable que votre pĂšre et votre mĂšre ont traĂźnĂ© pendant trente, quarante ans ? Travailler toute la vie pour procurer Ă quelques-uns toutes les jouissances du bien-ĂȘtre, du savoir, de l'art et garder pour soi le souci continuel du morceau de pain ? Renoncer Ă jamais Ă tout ce qui rend la vie si belle pour se vouer Ă procurer tous les avantages Ă une poignĂ©e d'oisifs ? Suiser au travail et ne connaĂźtre que la gĂȘne, si ce n'est la misĂšre, lorsque le chĂŽmage arrivera ? Est-ce cela que vous convoitez dans la vie ? Peut-ĂȘtre vous rĂ©signerez-vous. N'entrevoyant pas l'issue Ă la situation, il se peut que vous vous disiez « Des gĂ©nĂ©rations entiĂšres ont subi le mĂȘme sort et moi, qui ne puis plus rien y changer, je dois le subir aussi. Donc travaillons et tĂąchons de vivre de notre mieux. » Soit, c'est alors la vie elle-mĂȘme se chargera de vous Ă©clairer. Un jour viendra la crise, une de ces crises, non plus passagĂšres comme jadis, mais qui tue raide toute une industrie, qui rĂ©duise Ă la misĂšre des milliers de travailleurs, qui dĂ©cime les familles. Vous lutterez, comme les autres, contre cette calamitĂ©. Mais vous vous apercevrez bientĂŽt comment votre femme, votre enfant, votre ami succombe peu Ă peu aux privations, faiblissent Ă vue d'Ćil, et faute d'aliments, faute de soins, finissent par s'Ă©teindre sur un grabat, tandis que la vie roule ses flots joyeux dans les rues rayonnantes de soleil de la grande ville, insouciantes de ceux qui pĂ©rissent. Vous comprendrez alors ce que cette sociĂ©tĂ© a de rĂ©voltant. Vous songerez aux causes de la crise, et votre regard sondera toute la profondeur de cette iniquitĂ© qui expose des milliers d'ĂȘtres humains Ă la cupiditĂ© d'une poignĂ©e de feignants. Vous comprendrez que les socialistes ont raison lorsqu'ils disent que la sociĂ©tĂ© actuelle peut ĂȘtre transformĂ©e de fond en comble. Un autre jour, lorsque votre patron cherchera pour une nouvelle rĂ©duction de salaire Ă vous soustraire encore quelques sous pour arrondir d'autant sa fortune, vous protesterez, mais il rĂ©pondra avec arrogance. Allez, broutez l'herbe si vous ne voulez pas travailler pour ce prix-lĂ . Vous comprendrez alors que votre patron non seulement cherche Ă vous tondre comme un mouton, mais qu'il vous considĂšre encore comme de race infĂ©rieure, que, non content de vous tenir dans ses griffes par le salaire, il aspire encore Ă faire de vous un esclave Ă tous Ă©gards. Alors, ou bien vous plierez le dos, vous renoncerez au sentiment de la dignitĂ© humaine, et vous finirez par subir toutes les humilations. Ou bien, le sang vous montera Ă la tĂȘte, vous aurez horreur de la pente sur laquelle vous glissez, vous riposterez et, jetĂ©s sur le pavĂ©, vous comprendrez alors que les socialistes ont raison lorsqu'ils disent « rĂ©volte-toi, rĂ©volte-toi contre l'esclavage Ă©conomique, car celui-ci est la cause de tous les esclavages. » Alors, vous viendrez prendre votre place dans les rangs des socialistes et vous travaillerez avec eux Ă l'abolition de tous les esclavages Ă©conomiques, politiques et sociaux. Quelques jours, vous apprendrez l'histoire de la jeune fille dont autrefois vous aimiez tant le rigueur franc, la dĂ©marche celte et la parole animĂ©e. AprĂšs avoir luttĂ© des annĂ©es contre la musĂšre, elle a quittĂ© son village pour la grande ville. LĂ , elle savait que la lutte pour l'existence sera dure, mais du moins espĂ©rait-elle gagner honnĂȘtement son pain. Et bien, vous savez maintenant le sort qu'elle a eu. CourtisĂ©e par un fils de bourgeois, elle s'est laissĂ©e engluĂ©e par ses belles paroles, elle s'est donnĂ©e Ă lui avec la passion de la jeunesse pour se voir abandonnĂ©e au bout d'un an, un enfant sur les bras. Toujours courageuse, elle n'a cessĂ© de lutter, mais elle a succombĂ© dans cette lutte inĂ©gale contre la faim, le froid, et elle a fini par expirer dans on ne sait quel hĂŽpital. Que ferez-vous alors ? Ou bien vous Ă©carterez tout souvenir gĂȘnant par quelques stupides paroles ? Ce n'est ni la premiĂšre, ni la derniĂšre, direz-vous. Et un soir, on vous entendra dans un cafĂ©, en compagnie d'autres brutes, offenser la mĂ©moire de la jeune femme par de sales propos. Ou bien ce souvenir vous remuera le cĆur, vous chercherez Ă rencontrer le pleutre sĂ©ducteur pour lui jeter son crime Ă la face, vous songerez aux causes de ces faits qui se rĂ©pĂštent tous les jours, et vous comprendrez qu'ils ne cesseront pas tant que la sociĂ©tĂ© sera divisĂ©e en deux camps, les misĂ©rables d'un cĂŽtĂ© et de l'autre les oisifs, les jouisseurs aux belles paroles et aux appĂ©tits brutaux. Vous comprendrez qu'il est bien temps de combler ce gouffre de sĂ©paration, et vous courez vous ranger parmi les socialistes. Et vous femmes du peuple, cette histoire vous laissera-t-elle joine ? En caressant la tĂȘte blonde de cet enfant qui se blottit prĂšs de vous, ne penserez-vous jamais au sort qu'il attend si l'Ă©tat social actuel ne change pas ? Ne penserez-vous jamais Ă l'avenir qui est rĂ©servĂ© Ă votre jeune cĆur, Ă vos enfants ? Voulez-vous que vos fils, eux aussi, vĂ©gĂštent comme votre pĂšre a vĂ©gĂ©tĂ© sans d'autres soucis que celui du pain, sans d'autres joies que celle du cabaret ? Voulez-vous que votre mari, votre garçon, soit toujours Ă la merci du premier venu qui a hĂ©ritĂ© de son pĂšre un capital Ă exploiter ? Voulez-vous qu'il reste toujours les esclaves, du patron, la chair Ă canon, les puissants, le fumier qui sert d'engrais au champ des riches ? Non, mille fois non ! Je sais bien que votre sang bouillonnait lorsque vous avez entendu que vos maris, aprĂšs avoir commencĂ© bruyamment une grĂšve, ont fini par accepter, chapeau bas, les conditions dictĂ©es d'un temps hautain par le gros bourgeois. Je sais que vous avez admirĂ© ces femmes espagnoles qui vont au premier rang prĂ©senter leur poitrine aux baĂŻonnettes des soldats lors d'une Ă©meute populaire. Je sais que vous rĂ©pĂ©tez avec respect le nom de cette femme qui alla loger une balle dans la poitrine du satrape lorsqu'il se permit un jour d'outrager un socialiste dĂ©tenu en prison. Et je sais aussi que votre cĆur battait lorsque vous lisiez comment les femmes du peuple de Paris se rĂ©unissaient sous une pluie d'obus pour encourager leurs hommes Ă l'hĂ©roĂŻsme. Je le sais. Et c'est pourquoi je ne doute pas que vous aussi vous finirez par venir vous joindre Ă ceux qui travaillent Ă la conquĂȘte de l'avenir. Vous tous jeunes gens, sincĂšres, hommes et femmes, paysans, ouvriers, employĂ©s, soldats, vous comprendrez vos droits et vous viendrez travailler avec vos frĂšres Ă prĂ©parer la rĂ©volution qui, abolissant tout esclavage, brisant toutes les chaĂźnes, rompant avec les vieilles traditions et ouvrant Ă l'humanitĂ© entiĂšre de nouveaux horizons, viendra enfin Ă©tablir, dans les sociĂ©tĂ©s humaines, la vraie Ă©galitĂ©, la vraie libertĂ©, le travail pour tous, et pour tous la pleine jouissance des fruits de leurs labeurs, la pleine jouissance de toutes leurs facultĂ©s, la vie rationnelle, humanitaire et heureuse. Qu'on ne vienne pas nous dire que, petite poignĂ©e, nous sommes trop faibles pour atteindre le but grandiose que nous visons. Comptons-nous et voyons combien nous sommes qui souffrons de l'injustice, paysans qui travaillons pour autrui et qui mangeons l'avoine pour laisser le froment aux maĂźtres. Nous sommes des millions d'hommes, nous sommes si nombreux car nous seuls nous formons la masse du peuple, ouvriers qui tissons la soie et le velours pour nous vĂȘtir de haillons. Nous sommes aussi des multitudes et quand les sifflets des usines nous permettent un instant de repos, nous inondons les rues et les places comme une mer mugissante. Soldats qu'on mĂšne Ă la baguette, nous qui recevons les balles pour que les officiers aient les croix et les pompons, nous, pauvres sceaux qui n'avons su jusqu'Ă maintenant que fusiller nos frĂšres, il nous suffira de faire volte-face pour voir pallir ces quelques personnages galonnĂ©s qui nous commandent. Nous tous qui souffrons et qu'on nous trage, nous sommes la foule immense, nous sommes l'ocĂ©an qui peut tout engoutir. DĂšs que nous en aurons la volontĂ©, un moment suffira pour que justice se fasse. VoilĂ , donc c'est la fin de la lecture de l'extrait « C'est aux jeunes que je parle » Ă©crit par Pierre Kropotkin dans le livre « L'entraide » suivi de « C'est aux jeunes que je parle » Alors, je vous conseille d'acheter ce livre trĂšs trĂšs trĂšs facile encore publiĂ© lĂ rĂ©cemment en avril 2023 donc imprimĂ© en Espagne je le trouve trĂšs trĂšs trĂšs bien Alors pourquoi il faut le lire ? Tout simplement parce que dans la premiĂšre partie dans l'entraide chapitres 7 et 8 il explique exactement ce que c'est que l'entraide Qu'est-ce que l'entraide ? Qu'est-ce que les groupes ? Qu'est-ce que les groupes communaux ? Qu'est-ce que les organisations villageoises ? Qu'est-ce que les groupes de spĂ©cialistes, des artisans ? Comment l'Ătat fait tout pour casser les associations ? Parce que tout simplement les fonctionnaires de l'Ătat veulent tirer profit de la force et travail des gens sans qu'il y ait d'intermĂ©diaire Donc, comment l'Ătat fait pour casser les syndicats ? Comment l'Ătat fait pour casser toutes les associations ? Alors, l'Ătat c'est son attitude lĂ durant le 19Ăšme siĂšcle bien sĂ»r, mais on retrouve aujourd'hui ça dans la vie moderne donc au 20Ăšme et 21Ăšme siĂšcle on y est L'Ătat n'aime pas du tout les associations libres donc c'est pour ça que toutes les associations sont rĂ©fĂ©rencĂ©es et elles sont obligĂ©es de faire un bilan qu'elles donnent Ă l'Ătat et l'Ătat valide Alors, aujourd'hui c'est l'Ătat qui est contre les associations tout simplement comme je le dis, dans un but d'empĂȘcher les fonctionnaires de perdre leur place donc l'Ătat mais hier, c'Ă©tait pas l'Ătat c'Ă©tait comment dirais-je l'Ăglise quelle qu'elle soit que ce soit l'Ăglise orthodoxe l'Ăglise romaine que ce soit les protestants que ce soit les organisations musulmanes bref, en Chine toutes les associations Ă©taient mal vues par les religieux tout simplement parce que ils se voyaient en pleine concurrence voilĂ , donc la premiĂšre partie, l'entraide qui dit que les associations, mĂȘme par temps de guerre par temps de grande misĂšre, se font on a des associations de femmes on a des associations d'ornithologie on a des associations d'anciens combattants mais en fait, avec un nom qui est affichĂ© semble un peu dĂ©calĂ©, l'objectif c'est toujours de passer du bon temps et de faire de l'entraide donc il y a aussi question de des coopĂ©rations comment les coopĂ©ratives ont Ă©tĂ© construites et ce qui est aussi trĂšs intĂ©ressant c'est que on voit la notion de coopĂ©rative Ă travers les agriculteurs et Ă la fin des grands propriĂ©taires terriens il y a aussi question de la Russie comment les artels c'est Ă dire des guildes se sont Ă©tendues en Russie donc que ce soit au niveau de l'Oural la chaĂźne de l'Oural que ce soit dans l'Ukraine actuelle ou que ce soit en SibĂ©rie, comment les groupes de spĂ©cialistes ont créé des coopĂ©ratives trĂšs trĂšs intĂ©ressant donc Pierre Prokotkin dit que pour gagner en indĂ©pendance il faut que ce soit la sociĂ©tĂ© soit organisĂ©e de bas vers le haut et non du haut vers le bas concrĂštement, les gens doivent s'organiser Ă la base et se regrouper et faire remonter leurs impressions leurs dĂ©sirs vers des structures rĂ©gionales ou Ă©tats mais il ne faut pas que ce soit dans le sens inverse dans le groupe de personnes plus ou moins Ă©lues qui imposent Ă la masse des attitudes donc trĂšs trĂšs intĂ©ressant et cette derniĂšre partie c'est aux jeunes que je parle oĂč en fait on est sur un sens purement je dirais moral quelque part ou d'humanisme appliquĂ© donc concrĂštement, il faut se mettre Ă plusieurs et essayer de faire en sorte de sortir de la misĂšre de sortir du divisĂ© pour rĂ©gner aujourd'hui en mai 2023 est-ce qu'il est possible de monter des coopĂ©ratives d'entraide au niveau des villes ou dans les villages avec du travail direct, non rĂ©munĂ©rĂ© sur un plan financier concrĂštement, est-ce qu'on peut offrir un service Ă quelqu'un sans faire intervenir l'Ă©tat Ă travers des taxes diverses et variĂ©es quel peut ĂȘtre l'intĂ©rĂȘt de se mettre Ă plusieurs pour constituer des groupes des groupes thĂ©matiques dĂ©jĂ bien sĂ»r comment aller vers une entraide plutĂŽt vitale, plutĂŽt que ce soit des loisirs purs comment mettre en place des organisations qui ont pour objectif d'amĂ©liorer la condition humaine Ă quelque niveau que ce soit essentiellement passer du temps manger bien et en cas de besoin pouvoir profiter d'accĂšs Ă des commoditĂ©s de la vie Pierre Prokotkin a Ă©crit cela dans les annĂ©es 1890 1900 et c'est toujours d'actualitĂ© achetez ce livre trĂšs intĂ©ressant l'entraide de Pierre Prokotkin
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