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C'est aux jeunes que je parle Pierre KROPOTKINE

C'est aux jeunes que je parle Pierre KROPOTKINE

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Quel est la mentalité de la jeunesse actuelle ?...

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The lecture discusses the book "C'est au jeûne que je pars" by Pierre Kropotkine. It was published in the early 1900s during a time of industrial revolution and social inequality. Kropotkine, an anarchist and socialist thinker, addresses the youth and their role in fighting against poverty and ignorance. He discusses the importance of education, scientific knowledge, and working towards social revolution. The lecture emphasizes the need for better living conditions, access to food, and protection from exploitation. It also highlights the contrast between the privileged few who benefit from science and the majority who still suffer from superstitions and lack of education. Lecture du livre écrit par Pierre Kropotkine, C'est au jeûne que je pars, Extrait du livre intitulé Pierre Kropotkine, l'entraide, suivi de C'est au jeûne que je pars, publié dans Petite Bibliopayeaux Classique, Un texte situé à la fin, en annexe, la lecture dure à peu près 45 minutes, une heure maxi, même pas 45 minutes. Ce texte a été publié dans les années 1900, il ne faut pas oublier qu'entre 1870 et 1914, on est face à une révolution industrielle qui se met en place, les grandes familles économiques se battent, les régions, les bourgeoisies se mettent en place, les gouvernements de fonctionnaires essayent de maîtriser la population, et les industriels, les grands profiteurs terriens, et il faut se rappeler que la misère existe, les gens ont faim, il n'y a pas de protection sociale, il n'y a pas de salariat, il y a des esclaves qui travaillent dans les mines, des esclaves qui travaillent dans les champs, des esclaves qui travaillent dans les usines de métallurgie. C'est à ce moment là que le courant socialiste commence par se mettre en place, avec une branche dure, anarchiste, qui a été reprise plus ou moins, et qui a donné naissance au communisme des pays de l'Est, communisme d'état, donc finalement au bolchevisme en quelque sorte. Alors donc nous sommes dans ces années là, et nous avons Pierre Kropotkin, qui est un penseur anarchiste, socialiste, républicain de la même façon, qui s'adresse aux jeunes, c'est aux jeunes que je parle, c'est aux jeunes gens que je veux parler aujourd'hui, que les vieux, les vieux de cœur et d'esprit bien entendu, mettent donc à la brochure de côté, sans se fatiguer uniquement les yeux à une lecture qui ne leur dira rien. Je suppose que vous approchez des 18 ou 20 ans, que vous finissez votre apprentissage ou vos études, que vous allez entrer dans la vie. Vous avez, je le pense, l'esprit dégagé des superstitions qu'on a cherché à vous inculquer. Vous n'avez pas peur du diable et vous n'allez pas entendre déblatérer les curés et pasteurs. Qui plus est, vous n'êtes pas un des gommeux, tristes produits d'une société en déclin, qui promènent sur les trottoirs leurs pantalons mexicains et leur face de singe et qui, déjà à cet âge, n'ont que des appétits de jouissance à tout prix. Je suppose au contraire que vous avez le cœur bien à sa place et c'est à cause de cela que je vous parle. Une première question, je le sais, se pose devant vous. Que vais-je devenir ? Vous vous demandez maintes fois. En effet, lorsqu'on est jeune, on comprend qu'après avoir étudié un métier ou une science pendant plusieurs années, au frais de la société, notez-le, ce n'est pas pour s'en faire un instrument d'exploitation. Il faudrait être bien dépravé, bien rongé par le vice pour ne jamais avoir rêvé d'appliquer un jour son intelligence, ses capacités, son savoir, à aider à l'affranchissement de ceux qui grouillent aujourd'hui dans la misère et dans l'ignorance. Vous êtes de ceux qui l'avez rêvé, n'est-ce pas ? Eh bien, voyons. Qu'est-ce que vous allez faire pour que votre rêve devienne une réalité ? Je ne sais dans quelles conditions vous êtes né, peut-être favorisé par le sort. Avez-vous fait des études scientifiques ? C'est médecin, avocat, homme de lettres ou de sciences que vous allez devenir ? Un large champ d'action s'ouvre devant vous. Vous entrez dans la vie avec de vastes connaissances, des aptitudes exercées. Ou bien, vous êtes un honnête artisan dont les connaissances scientifiques se bornent au peu que vous avez appris à l'école, mais qui avait eu l'avantage de connaître de près ce qu'est la vie de rude labeur menée par le travailleur de nos jours. Je m'arrête à la première supposition pour revenir ensuite à la seconde. J'admets que vous avez reçu une éducation scientifique. Supposons que vous allez devenir médecin. Demain, un homme en blouse viendra vous chercher pour voir une malade. Il vous mènera dans une de ces ruelles où les voisines se touchent presque la main par-dessus la tête du passant. Vous montez dans un air corrompu, à la lumière vacillante d'un lampion, deux, trois, quatre, cinq étages couverts d'une crasse glissante. Et dans une chambre sombre et froide, vous trouvez la malade couchée sur un grabat recouverte de sales haillons. Des enfants pâles, livides, grelottants sous leurs guenilles, vous regardent de leurs yeux grands ouverts. Le mari a travaillé toute sa vie, des douze et treize heures à n'importe quelle labeur. Maintenant, il chôme depuis trois mois. Le chômage n'est pas rare dans son métier. Il se répète périodiquement, toutes les années. Mais autrefois, quand il chômait, la femme allait travailler comme journalière, laver vos chemises peut-être, en gagnant trois trente sous par jour. Mais la voilà allitée depuis deux mois, et la misère se dresse hideuse devant la famille. Que conseillerez-vous à la malade, monsieur le docteur ? Vous qui avez deviné que la cause de la maladie, c'est l'anémie générale, le manque de bonne nourriture, le manque d'air. Un bon biftec chaque jour ? Un peu de mouvement à l'air libre ? Une chambre sèche et bien aérée ? Quelle ironie ! Si elle le pouvait, elle l'aurait déjà fait, sans entendre vos conseils. Si vous avez le cœur bon, la parole franche, le regard honnête, la famille vous comptera bien des choses. Elle vous dira que de l'autre côté de la cloison, cette femme qui tousse, d'une toux qui vous fend le cœur, est la pauvre repasseuse. Qu'un escalier plus bas, tous les enfants la fièvrent. Que la blanchisseuse du rez-de-chaussée, elle non plus, ne verra pas le printemps. Et que dans la maison à côté, c'est encore pire. Que diriez-vous à tous ces malades ? Bonne nourriture, changement de climat, un travail moins pénible ? Vous auriez voulu pouvoir le dire, mais vous n'osez pas, et vous sortez le cœur brisé, la malédiction sur les lèvres. Le lendemain, vous réfléchissez encore aux habitants du Tau-Di. Lorsque votre camarade vous raconte qu'hier, un valet de pied est venu le chercher en carrosse cette fois-ci. C'était pour l'habitante d'un riche hôtel, pour une dame épuisée par des nuits sans sommeil, qui donne toute sa vie aux toilettes, aux visites, à la danse et aux querelles avec un mari butor. Votre camarade lui a conseillé une vie moins inepte, une nourriture moins échauffante, des promenades à l'air frais, le calme de l'esprit et un peu de gymnastique de chambre, pour remplacer jusqu'à un certain point le travail productif. L'une meurt parce que, toute sa vie durant, elle n'a jamais assez mangé, ne s'est jamais suffisamment reposé. L'autre languit parce que, durant toute sa vie, elle n'a jamais su ce que c'est que le travail. Si vous êtes une de ces natures molasses, qui se font à tout, qui, à la vue des faits les plus révoltants, se soulagent par un léger soupir et par une chope, alors vous vous ferez à la longue à ces contrastes, et, la nature de la bête aidant, vous n'aurez plus qu'une idée, celle de vous caser dans les rangs des jouisseurs, pour ne jamais vous trouver parmi les misérables. Mais si vous êtes un homme, si chaque sentiment se traduit chez vous par un acte de volonté, si la bête en vous n'a pas tué l'être intelligent, alors vous reviendrez un jour chez vous en disant, non, c'est injuste, cela ne doit pas traîner ainsi, il ne s'agit pas de guérir les maladies, il faut les prévenir. Un peu de bien-être et de développement intellectuel suffiraient pour rayer de nos listes la moitié des malades et des maladies. Ô diable les drogues, de l'air, de la nourriture, un travail moins abrutissant, c'est par là qu'il faut commencer. Sans cela, tout ce métier de médecin n'est qu'une duperie et un faux semblant. Ce jour-là, vous comprendrez le socialisme, vous voudrez le connaître de près, et si l'altruisme n'est pas pour vous un mot vide de sens, si vous appliquez à l'étude de la question sociale la sévère induction du naturaliste, vous virinirez par vous trouver dans nos rangs, et vous travaillerez comme nous à la révolution sociale. Mais peut-être direz-vous, ô diable la pratique, comme l'astronome, le physicien, le chimiste, consacrons-nous à la science pure. Celle-là apportera toujours ses fruits, ne fût-ce que pour les générations futures. Tâchons d'abord de nous entendre sur ce que vous chercherez dans la science, serait-ce simplement la jouissance, certainement immense, que nous donne l'étude des mystères de la nature et l'exercice de nos facultés intellectuelles. Dans ce cas-là, je vous demanderai en quoi le savant qui cultive la science pour passer agréablement sa vie derrière diffère-t-il de cet ivrogne qui lui aussi ne cherche dans la vie que la jouissance immédiate et qui la trouve dans le vin. Le savant a certes mieux choisi la source de sa jouissance puisque la sienne lui en procure de plus intense et de plus durable. Mais c'est tout, l'un et l'autre, l'ivrogne et le savant ont le même but égoïste, la jouissance personnelle. Mais non, vous ne voudrez pas de cette vie d'égoïste. En travaillant pour la science, vous entendez travailler pour l'humanité et c'est par cette idée que vous vous guiderez dans le choix de vos recherches. Belle illusion et qui de nous ne la caressait un moment lorsqu'il se donnait pour la première fois la science. Mais alors, si réellement vous songez à l'humanité, si c'est elle que vous visez dans vos études, une formidable objection vient se dresser devant vous car pour peu que vous ayez l'esprit juste, vous remarquerez immédiatement que dans la société actuelle, la science n'est qu'un objet de luxe qui sert à rendre la vie plus agréable à quelques-uns et qui reste absolument inaccessible à la presque totalité de l'humanité. En effet, il y a plus d'un siècle que la science a établi de saines notions cosmogoniques, mais à combien s'élève le nombre de ceux qui les possèdent ou qui ont acquis un esprit de critique réellement scientifique ? À quels milliers, à peine, qui se perdent au milieu des centaines de millions, partageant encore des préjugés et des superstitions dignes de barbares, exposés en conséquence à servir toujours de jouets aux imposteurs religieux ? Ou bien jeter seulement un coup d'œil sur ce que la science a fait pour élaborer les bases rationnelles de l'hygiène physique et morale ? Elle nous dit comment nous devons vivre pour conserver la santé de notre corps, comment maintenir en bon état nos agglomérations de population. Elle indique la voie du bonheur intellectuel et moral. Mais tout le travail immense accompli dans ces deux voies ne reste-t-il pas à l'état de lettres mortes dans nos livres ? Et pourquoi cela ? Parce que la science aujourd'hui n'est faite que pour une poignée de privilégiés. Parce que l'inégalité sociale qui divise la société en deux classes, celle des salariés et celle des détenteurs du capital, fait de tous les enseignements sur les conditions de la vie rationnelle comme une raillerie pour les 9 dixièmes de l'humanité. Je pourrais vous citer encore bien des exemples, mais j'abrège. Sortez maintenant seulement du cabinet de Fausta, dont les vitraux noircis de poussière laissent à peine pénétrer sur les livres la lumière du grand jour. Regardez autour de vous, et à chaque pas, vous trouverez vous-même des preuves à l'appui de cette idée. Il ne s'agit plus en ce moment d'accumuler les vérités et les découvertes scientifiques. Il importe avant tout de répandre les vérités acquises par la science, de les faire entrer dans la vie, d'en faire un domaine commun. Il importe de faire en sorte que tous, l'humanité entière, deviennent capables de se les assimiler, de les appliquer. Que la science cesse d'être un luxe, qu'elle soit à la base de la vie de tous. La justice le veut ainsi. Je dirais plus. C'est l'intérêt de la science elle-même qu'il impose. La science ne fait de progrès réel que lorsqu'une vérité nouvelle trouve déjà un milieu préparé à l'accepter. La théorie de l'origine mécanique de la chaleur, énoncée au siècle passé presque dans les mêmes termes que l'énoncent Hirn et Clausius, resta enfouie dans les mémoires académiques jusqu'à ce que les connaissances physiques aient été suffisamment répandues pour créer un milieu capable de les accepter. Il a fallu que trois générations se succédassent pour que les idées d'Erasmus Darwin sur la variabilité des espèces fussent favorablement accueillies de la bouche de son petit-fils et pour qu'elles fussent admises par les savants académiciens non sans pression. Il est vrai, de la part de l'opinion publique, le savant, comme le poète ou l'artiste, est toujours le produit de la société dans laquelle il se meut et enseigne. Mais si vous vous pénétrez de ces idées, vous comprendrez qu'avant tout il importe de produire une modification profonde dans cet état de choses qui condamne aujourd'hui le savant à regorger de vérités scientifiques et la presque totalité des êtres humains à rester à ce qu'ils étaient il y a cinquante à dix siècles, c'est-à-dire à l'état d'esclaves et de machines incapables d'assimiler les vérités établies. Et le jour où vous vous pénétrerez de cette idée large, humanitaire et profondément scientifique, ce jour-là, vous perdrez le goût de la science pure. Vous vous mettrez à la recherche des moyens d'opérer cette transformation. Et si vous apportez dans vos recherches l'impartialité qui vous a guidé dans vos investigations scientifiques, vous adopterez nécessairement la cause du socialisme. Vous couperez court au sophisme et vous viendrez vous ranger parmi nous. L'as de travail à procurer des jouissances à ce petit groupe qui en a déjà sa large part, vous mettrez vos lumières et votre dévouement au service immédiat des opprimés. Mais soyez sûr qu'alors le sentiment du devoir accompli et un accord réel s'établissant entre vos sentiments et vos actes, vous retrouverez en vous des forces dont vous n'avez pas même soupçonné l'existence. Et lorsque un jour, il n'y a pas loin en tout cas, l'on déplaise à vos professeurs, lorsque un jour, dis-je, la modification pour laquelle vous aurez travaillé s'opérera, alors puisant des forces nouvelles dans le travail scientifique collectif et dans le concours puissant des armées de travailleurs qui viendront mettre leurs forces à son service, la science prendra un nouvel essor en comparaison duquel les lents progrès d'aujourd'hui paraîtront de simples exercices décolliés. Alors jouissez de la science, cette jouissance sera pour tous. Fin du premier chapitre, maintenant on aborde le chapitre 2, toujours dans cet eau jaune que je parle. Si vous terminez vos études de droit et si vous vous préparez pour le barreau, il se peut que vous aussi vous vous fassiez des illusions relativement à votre activité future. J'admets donc que vous êtes des meilleurs de ceux qui connaissent l'altruisme. Vous pensez peut-être consacrer sa vie à une lutte sans trêve ni merci contre toutes les injustices. S'appliquer constamment à faire triompher la loi, expression de la justice suprême. Quelle vocation pourrait être plus belle ? Et vous entrez dans la vie, plein de confiance en vous-même, en la vocation que vous avez choisie. Eh bien, ouvrons au hasard la chronique judiciaire et voyons ce que la société va vous dire. Voici un riche propriétaire. Il demande l'exclusion d'un fermier paysan qui ne paye pas la rente convenue. Au point de vue légal, il n'y a pas d'hésitation possible. Puisque le paysan ne paye pas, il faut qu'il s'en aille. Mais si nous analysons les faits, voici ce que nous apprenons. Le propriétaire a toujours dissipé ses rentes en festin joyeux. Le paysan a toujours travaillé. Le propriétaire n'a rien fait pour améliorer ses terres. Et néanmoins, la valeur en a triplé en 50 ans grâce à la plus-value donnée au sol par le tracé d'une voie ferrée, par les nouvelles routes vicinales, par le dessèchement des marais, par le défrichage des côtes incultes. Et le paysan qui a contribué pour une large part à donner cette plus-value à la terre s'est ruiné, tombé entre les mains des agents d'affaires, perclus de dettes. Il ne peut plus payer son propriétaire. La loi, toujours du côté de la propriété, est formelle. Elle donne raison au propriétaire. Mais vous, en qui les fictions juridiques n'ont pas encore tué le sentiment de la justice, que ferez-vous ? Demanderez-vous qu'on jette le fermier sur la grande route ? C'est la loi qui l'ordonne. Ou bien, demanderez-vous que le propriétaire restitue au fermier toute la part de la plus-value qui est due au travail de celui-ci ? C'est l'équité qui vous le dicte. De quel côté vous mettrez-vous ? Pour la loi, mais contre la justice. Ou bien, pour la justice, mais alors contre la loi. Et lorsque des ouvriers se seront mis en grève contre leur patron, sans le prévenir qu'un jour à l'avance, de quel côté vous rangerez-vous ? Du côté de la loi, c'est-à-dire du côté du patron, qui, profitant d'un temps de crise, réalisait des bénéfices scandaleux. Lisez les femmes procéderesses. Ou bien, contre la loi, mais pour les ouvriers qui percevaient pendant ce temps-là des salaires de 2,50 francs et voyaient dépérir leurs femmes et leurs enfants. Défendrez-vous cette fiction qui consiste à affirmer la liberté des transactions ? Ou bien, soutiendrez-vous l'équité en vertu de laquelle un contrat conclut entre celui qui a bien dîné et celui qui vend son travail pour manger entre le fort et le faible n'est pas un contrat ? Voici un autre fait. Un jour, à Paris, un homme rôdait près d'une boucherie. Il saisit un beefsteak et se met à courir. On l'arrête, on le questionne et on en prend que c'est un ouvrier sans travail, que lui et sa famille n'ont rien mangé depuis quatre jours. On supplie le boucher de lâcher l'homme et le boucher veut le triomphe de la justice. Il la poursuit et l'homme est condamné à six mois de prison. C'est ainsi que le vœu aveugle témisse. Et votre conscience ne se révoltera pas contre la loi et contre la société en voyant que des condamnations analogues se prononcent chaque jour. Ou bien demanderez-vous l'application de la loi contre cet homme qui, malmené, bafoué dès son enfance, grandi sans jamais avoir entendu un mot de sympathie, finit par tuer son voisin pour lui prendre à cent sous ? Vous demanderez qu'on le guillotine ou qu'il pisé, qu'on l'enferme pour vingt ans dans une prison, parce que vous savez qu'il est plus malade que criminel et qu'en tout cas c'est sur la société entière que retombe son crime ? Demanderez-vous qu'on jette dans les cachots ces tisserands qui, dans un moment d'exaspération, ont mis le feu à la fabrique ? Qu'on envoie au ponton cet homme qui a tiré sur un assassin couronné ? Qu'on fusille ce peuple insurgé qui plante sur les barricades le drapeau de l'avenir ? Non, mille fois non. Si vous raisonnez, au lieu de répéter ce qu'on vous a enseigné, si vous analysez et dégagez la loi de ces nuages de fiction dont on l'a entouré pour voiler son origine, qui est le droit du plus fort et sa substance qui a toujours été la consécration de toutes les oppressions léguées à l'humanité par sa semblante histoire, vous aurez un mépris suprême de cette loi. Vous comprendrez que rester serviteur de la loi écrite, c'est chaque jour se mettre en opposition avec la loi de la conscience et marchander avec elle. Et comme cette lutte ne peut durer, ou bien vous ferez taire votre conscience et deviendrez un coquin, ou bien vous romprez avec la tradition et viendrez travailler avec nous à l'abolition de toutes les injustices économiques, politiques, sociales. Mais alors vous serez socialiste, vous serez révolutionnaire. Et vous, jeune ingénieur qui rêvez d'améliorer par les applications de la science à l'industrie le sort des travailleurs, quel triste désenchantement, quel déboire vous attend ! Vous donnez l'énergie juvénile de votre intelligence à l'élaboration d'un projet de voie ferré qui, serpentant au bord des précipices et perçant le cœur des géants de granit, ira rallier deux pays séparés par la nature. Et une fois à l'œuvre, vous voyez dans ce sombre tunnel des bataillons ouvriers décimés par l'éprivation et les maladies, vous en voyez d'autres retourner chez soi en portant à peine quelques sous et les germes indubitables de stysis. Vous voyez les cadavres humains, résultat d'une crapuleuse avarice, marquer chaque mètre d'avancement de votre voie. Et cette voie terminée, vous voyez enfin qu'elle devient un chemin pour les canons des envahisseurs. Vous avez voué votre jeunesse à une découverte qui doit simplifier la production. Et après bien des efforts, bien des nuits sans sommeil, vous voilà enfin en possession de cette précieuse découverte. Vous l'appliquez et le résultat dépasse vos espérances. Dix mille, vingt mille ouvriers seront jetés sur le pavé. Ceux qui restent, des enfants pour la plupart, seront réduits à l'état de machine. Trois, quatre, dix patrons feront fortune et boiront le champagne à plein verre. Est-ce cela que vous avez rêvé ? Enfin, vous étudiez les progrès industriels récents et vous voyez que la couturière n'a rien, absolument rien gagné à la découverte de la machine à coudre. Que l'ouvrier du Gothard meurt d'enchéostomiase en dépit des perforatrices à couronne de diamant. Que le maçon et le journalier chôment, comme auparavant, à côté des ascenseurs ou guifards. Et si vous discutez les problèmes sociaux avec cet indépendant esprit qui vous a guidé dans vos problèmes techniques, vous arrivez nécessairement à la conclusion que sous les régimes de la propriété privée et du salariat, chaque nouvelle découverte, loin d'augmenter le bien-être du travailleur, ne fait que rendre sa servitude plus lourde, le travail plus abrutissant. Le chômage plus fréquent et les crises plus aiguës et que celui qui a déjà pour lui toutes les jouissances est le seul qui en profite. Que ferez-vous alors une fois arrivé à cette conclusion ? Ou bien vous commencerez par faire taire votre conscience par des sophismes, puis un beau jour vous donnerez congé à vos honnêtes rêves de jeunesse et vous chercherez à vous emparer, pour vous-même, de ce qui doit être aux jouissances. Vous irez alors dans le camp des exploiteurs. Ou bien, si vous avez du cœur, vous vous direz non, ce n'est pas le temps de faire des découvertes. Travaillons d'abord à transformer le régime de la production. Lorsque la propriété individuelle sera abolie, alors chaque nouveau progrès individuel se fera au bénéfice de toute l'humanité. Et toute cette masse de travailleurs, machines, aujourd'hui, être pensant à l'or, appliquant à l'industrie leur intuition soutenue par l'étude et exercée par le travail manuel, le progrès technique prendra un essor qui fera en 50 ans ce que nous n'avons même pas rêvé aujourd'hui. Et que dire aux maîtres d'école ? Non pas à celui qui considère sa profession comme un ennuyeux métier, mais à celui qui, entouré d'une bande joyeuse de moutards, se sent à son aise sous leur regard animé, au milieu de leur joyeux sourire, et qui cherche à réveiller dans ses petites têtes les idées humanitaires qu'il caressait lui-même lorsqu'il était jeune. Souvent, je vous vois tristes, et je sais ce qui vous fait froncer les sourcils. Aujourd'hui, votre élève, le plus aimé, qui n'est pas très avancé en latin, c'est vrai, mais n'en a pas moins bon cœur, racontait avec tant d'entrain la légende de Guillaume Tell. Ses yeux brillaient, il semblait vouloir poignarder sur place tous les tyrans. Il disait avec tant de feu sévère passionné de Schiller, «Devant l'esclave, quand il rompt sa chaîne, devant l'homme libre, ne tremble pas. » Et rentré à la maison, sa mère, son père, son oncle, l'ont vertement réprimandé pour le manque d'égard qu'il a eu envers M. le pasteur ou le garde-champêtre, et lui ont chanté pendant une heure la prudence, le respect aux autorités, la soumission. Si bien qu'il a mis Schiller de côté pour lire l'art de faire son chemin dans le monde. Et puis hier encore, on vous disait que vos meilleurs élèves ont tous mal tourné. L'un ne fait que rêver Paulette, l'autre, en compagnie de son patron, vole le maigre salaire des ouvriers, et vous, qui aviez mis tant d'espérance en ces jeunes gens, vous réfléchissez à présent sur la triste contradiction qui existe entre la vie et l'idéal. Vous y réfléchissez encore, mais je prévois que, dans deux ans, après avoir eu des illusions sur des illusions, vous mettrez vos acteurs favoris de côté, et vos auteurs favoris de côté, et vous finirez par dire que Guillaume Tell était certainement un très honnête père, mais sommes toutes un peu fous que la poésie est une chose excellente au coin du feu, surtout lorsqu'on a enseigné pendant toute une journée la règle et les intérêts composés. Mais qu'après tout, messieurs les poètes, planent toujours dans les nuages, et leurs vers n'ont rien à faire, ni avec la vie, ni avec la prochaine visite de monsieur l'inspecteur. Ou bien vos rêves de jeunesse deviendront la ferme conviction de l'homme mûr. Vous voudrez l'instruction large, humanitaire pour tous, à l'école et en dehors de l'école, et voyant qu'elle est impossible dans les conditions actuelles, vous vous attaquerez aux bases même de la société bourgeoise. Alors, mis en disponibilité par le ministère, vous quitterez l'école, et vous viendrez parmi nous, avec nous, dire aux hommes âgés, mais moins instruits que vous, ce que le savoir a d'attrayant, ce que l'humanité doit être, ce qu'elle peut être. Vous viendrez travailler avec les socialistes à la transformation complète du régime actuel, dans le sens de l'égalité, de la solidarité, de la liberté. Et vous, jeunes artistes, sculpteurs, peintres, poètes, musiciens, ne remarquez-vous pas que le feu sacré qui avait inspiré tel de vos prédécesseurs vous manque aujourd'hui à vous et au vôtre ? Que l'art est banal, que la médiocrité règne, et pourrait-il en être autrement ? La joie d'avoir retrouvé le monde antique, de s'être retrempé aux sources de la nature, qui fit les chefs-d'œuvre de la Renaissance, n'existe plus pour l'art contemporain. L'idée révolutionnaire l'a laissé froid jusqu'à présent, et en l'absence d'idées, il croit en avoir trouvé une dans le réalisme. Lorsqu'il s'est vertu aujourd'hui à photographier en couleur la goutte de rosée sur la feuille d'une plante, à imaginer les muscles fissiers d'une vache, ou à dépeindre minutieusement, en prose et en verre, la boue suffocante d'un égout, le boudoir d'une femme galante. Mais s'il n'en est ainsi que faire, direz-vous, si le feu sacré que vous dites posséder n'est qu'un luminon fumant, alors vous continuerez à faire comme vous avez fait, et votre art dégénèrera bientôt en métier de décorateur des salons de boutiquiers, de pourvoyeur d'hybrides aux bouffes, et de feuilleton à M. Girardin. La plupart d'entre vous marchent déjà à pleine vapeur sur cette pente inclinée. Mais si réellement votre cœur bat l'unisson avec celui de l'humanité, si, en vrai poète, vous avez une oreille pour entendre la vie, alors, en présence de cette mer de souffrance dont le flot monte autour de vous, en présence de ces peuples mourants de faim, et de ces cadavres entassés dans les mines, et de ces corps mutilés visant en monticule au pied des barricades, de ces convois d'exilés qui vont s'enterrer dans les neiges de la Sibérie et sur les plages des îles tropicales, en présence de la lutte suprême qui s'engage des cris de douleur des vaincus et des orgies des vainqueurs, de l'héroïsme aux prises avec la lâcheté, du noble entrain et de la basse méchanceté, vous ne pourrez plus rester neutre, vous viendrez vous ranger du côté des opprimés, parce que vous savez que le beau, le sublime, la vie, enfin, sont du côté de ceux qui luttent pour la lumière, pour l'humanité, pour la justice. Vous m'arrêtez enfin ! Que diable dites-vous ? Mais si la science abstraite est un luxe, et la pratique de la médecine un faux semblant, si la loi est une injustice et la découverte technique un instrument d'exploitation, si l'école aux prises avec la sagesse du praticien est sûre d'être vaincue, et l'art sans idée révolutionnaire ne peut que dégénérer, que me reste-t-il donc à faire ? Eh bien, je vous réponds, un travail immense, attrayant au plus haut degré, un travail dans lequel les actes seront en complet accord avec la conscience, un travail capable d'entraîner la nature, les natures les plus nobles, les plus vigoureuses. Quel travail ? Je vais vous le dire. Donc maintenant on va sur le chapitre 3, on va apprendre ce que c'est que le travail. Chapitre 3, c'est au jeûne que je parle. Ou bien, transiger continuellement avec sa conscience et finir un beau jour par se dire, j'intéresse l'humanité pourvu que je puisse avoir toutes les jouissances et en profiter tant que je le peux et que le peuple sera assez bête pour me laisser faire. Ou bien, se ranger avec les socialistes et travailler avec eux à la transformation complète de la société. Telle est la conséquence forcée de l'analyse que nous avons faite. Telle sera toujours la conclusion logique à laquelle devra forcément arriver tout être intelligent pourvu qu'il raisonne honnêtement sur ce qui se passe autour de lui, pour peu qu'il sache avoir raison des sophismes que lui soufflent à l'oreille son éducation bourgeoise et l'opinion intéressée de ceux qui l'entourent. Cette conclusion une fois acquise, la question que faire est venue naturellement se poser. La réponse est facile. Sortez seulement de ce milieu dans lequel vous êtes placé et où il est d'usage de dire que le peuple n'est qu'un tas de brutes. Venez vers ce peuple et la réponse surgira d'elle-même. Vous verrez que partout, en France comme en Allemagne, en Italie comme aux Etats-Unis, partout où il y a des privilégiés et des opprimés, ils s'opèrent au sein de la classe ouvrière, un travail gigantesque dont le but est de briser à jamais les servitudes imposées par la féodalité capitaliste et de jeter les fondements d'une société établie sur les bases de la justice et de l'égalité. Il ne suffit plus au peuple d'aujourd'hui d'exprimer ses plaintes par une de ses chansons dont la mélodie vous fendait le cœur et que chantaient les serfs du XVIIIe siècle, que chante encore le paysan slave. Il travaille avec la conscience de ce qu'il a fait et contre tous les obstacles à son affranchissement. Sa pensée s'exerce constamment à deviner ce qu'il s'agit de faire pour que la vie, au lieu d'être une malédiction pour les trois quarts de l'humanité, soit un bonheur pour tous. Il aborde les problèmes les plus ardus de la sociologie et cherche à les résoudre avec son bon sens, son esprit d'observation, sa rude expérience. Pour s'entendre avec d'autres misérables comme lui, il cherche à se grouper, à s'organiser. Il se constitue en société soutenue avec peine par de minces cotisations. Il cherche à s'entendre à travers les frontières et mieux que les raiteurs philanthropes, il prépare le jour où les guerres entre les peuples deviendront impossibles. Pour savoir ce que font ses frères, pour mieux les connaître, pour élaborer les idées et les propager, il soutient, mais au prix de quelle privation, de quel effort, sa presse ouvrière. Enfin, l'heure est venue. Il se lève et, rougissant de son sang les pavés des barricades, il se lance à la conquête de ces libertés que les riches et les puissants ont su corrompre au privilège pour les tourner ensuite contre lui. Quelle série d'efforts continuels, quelle lutte incessante, quel travail recommencé constamment, tantôt pour combler les vides qui se font par les désertions, suite de la lassitude de la corruption des poursuites, tantôt pour reconstituer les rangs éclaircis par les fusillades et les mitraillades, tantôt pour reprendre les études brusquement interrompues par les exterminations en bloc. Les journaux sont créés par des hommes qui ont dû voler à la société des bribotes d'instruction en se privant de sommeil et de nourriture. L'agitation est soutenue par des sous, pris sur le strict nécessaire, souvent sur le pain sec. Et tout cela sous l'appréhension continuelle de voir bientôt la famille réduite à la plus affreuse des misères, dès que le patron s'apercevra que son ouvrier et son esclave fait du socialisme. Voilà ce que vous verrez si vous allez dans le peuple. Et dans cette lutte sans fin, que de fois le travailleur, succombant sous le poids des obstacles, ne sait-il pas demander vraiment, où sont-ils donc ces jeunes gens qui se sont donnés l'instruction à nos frais ? Ces jeunes que nous avons nourris et vêtus pendant qu'ils étudiaient, pour qui le dos courbé sous le fardeau et le ventre creux, nous avons bâti ces maisons, ces académies, ces musées ? Pour qui le visage blême, nous avons imprimé ces beaux livres que nous ne pouvons pas même lire ? Où sont-ils, ces professeurs qui disent posséder la science humanitaire et pour qui l'humanité ne vaut pas une espèce rare de chenille ? Ces hommes qui parlent de liberté et jamais ne défendent la nôtre, chaque jour fouler au pied. Ces écrivains, ces poètes, ces peintres, toute cette bande d'hypocrites en un mot, qui les larment aux yeux, parlent du peuple et qui jamais ne se sont trouvés avec nous pour nous aider dans nos travaux. Les uns se plaisent dans leur lâche indifférence, les autres, le grand nombre, méprisent la canaille et sont prêts à se ruer sur elle si elle ose toucher à leurs privilèges. De temps en temps, il arrive bien aux jeunes hommes qui rêvent tambour et barricade et qui viennent chercher des scènes en sensation, mais qui désertent la cause du peuple dès qu'ils s'aperçoient que la route de la barricade est longue, que le travail est pénible et que sur cette route, les couronnes de lauriers qu'ils rêvent conquérir sont mêlées d'épines. Le plus souvent, ce sont des ambitieux inassouvis qui, après avoir échoué dans leur première tentative, cherchent à capter les suffrages du peuple, mais qui plus tard seront les premiers à tonner contre lui dès qu'il voudra piquer les principes qu'ils ont eux-mêmes professés. Peut-être même feront braquer les canons contre le prolétaire s'ils osent bouger avant que, eux, le chef de file en ait donné le signal. Ajoutez la saute injure, le mépris hautain, la lâche calomnie de la part du grand nombre et vous aurez tous ce que le peuple reçoit maintenant de la part de la jeunesse bourgeoise pour l'aider dans son évolution sociale. Et après cela, vous vous demanderez encore « Que faire ? » Lorsque tout a été fait ou tout est à faire, lorsque toute une armée de jeunes gens trouverait à quoi appliquer la force entière de leurs jeunes énergies, de leur intelligence, de leur talent pour aider le peuple dans l'immense tâche qu'il a entreprise. Vous, amateurs de sciences pures, si vous vous êtes pénétrés des principes du socialisme, si vous avez compris toute la portée de la révolution qui s'annonce, ne manquerez-vous pas que toute la science est à refaire pour la mettre d'accord avec les principes nouveaux qu'il s'agit d'accomplir dans ce domaine une révolution dont l'importance se surpassera de beaucoup celle qui s'est accomplie dans les sciences au XVIIIe siècle. Ne comprenez-vous pas que l'histoire aujourd'hui fable convenue sur la grandeur des rois, des grands personnages et des parlements est toute à refondre au point de vue populaire, au point de vue du travail accompli par les masses dans les évolutions de l'humanité ? Que l'économie sociale aujourd'hui, consécration de l'exploitation capitaliste, est toute à élaborer de nouveau, aussi bien dans ses principes fondamentaux que dans ses innombrables applications ? Que l'anthropologie, la sociologie, l'éthique sont complètement à remanier et que les sciences naturelles elles-mêmes, envisagées à un point de vue nouveau, doivent subir une modification profonde quant à la manière de concevoir les phénomènes naturels et à la méthode d'exploitation ? Eh bien faites-le ! Mettez vos lumières au service d'une bonne cause, mais surtout venez nous aider, par votre logique serrée, à combattre les préjugés séculaires, à élaborer par synthèse les bases d'une meilleure organisation. Surtout, enseignez-nous à appliquer à nos raisonnements la hardiesse de la véritable investigation scientifique et, prêchant d'exemples, montrez-nous comment on sacrifie sa vie pour le triomphe de la vérité. Vous, médecins auxquels la rude expérience a fait comprendre le socialisme, ne vous lassez pas de vous dire aujourd'hui, demain, chaque jour et chaque occasion que l'humanité marche à la dégénérescence si elle reste dans les conditions actuelles d'existence et de travail, que vos drogues resteront impuissantes contre les maladies, tant que les 99 saintièmes de l'humanité végéteront dans des conditions absolument contraires à ce que veut la science, que ce sont les causes des maladies qui doivent être éliminées et dites ce qu'il faut pour éliminer ces causes. Venez avec votre scalpel disséquer d'une main sur cette société en voie de décomposition ou dire ce qu'une existence rationnelle devrait et pourrait être. Et en vrai médecin, nous répétez que l'on ne s'arrête pas devant la suppression d'un membre gangréné lorsqu'il peut infecter tout le corps. Vous, qui avez travaillé aux applications de la science à l'industrie, venez donc nous raconter franchement quel a été le résultat de vos découvertes. Faites entrevoir à ceux qui n'osent pas encore se lancer ardiment vers l'avenir ce que le savoir déjà qui porte dans ses flancs d'invention nouvelle, ce que pourrait être l'industrie dans de meilleures conditions, ce que l'homme pourrait produire s'il produisait toujours pour augmenter sa production. Apportez donc au peuple le concours de votre intuition, de votre esprit pratique et de votre talent d'organisation au lieu de les mettre au service des exploiteurs. Vous, poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, vous avez compris votre vraie mission et les intérêts de l'art lui-même. Venez donc mettre votre plume, votre pinceau, votre burin au service de la révolution. Racontez-nous dans votre style imaginé ou dans vos tableaux saisissants les luttes titaniques des peuples contre les oppresseurs. Enflammez les jeunesses ou les jeunes cœurs de ce beau souffle révolutionnaire qui inspirait nos ancêtres. Dites à la femme ce que l'activité de son mari a de vaut s'il donne sa vie à la grande cause de l'émancipation sociale. Montrez au peuple ce que la vie actuelle a de lait et faites-nous toucher du doigt les causes de cette laideur. Dites-nous ce qu'une vie rationnelle serait si elle ne se heurtait à chaque pas contre les inepties et les ignominies de l'ordre social actuel. Enfin, vous tous qui possédez des connaissances, des talents, si vous avez du cœur, venez donc, vous et vos compagnes, les mettre au service de ceux qui en ont le plus besoin. Et sachez que si vous venez, non pas en maîtres, mais en camarades de lutte, non pas pour gouverner, mais pour vous inspirer vous-même dans un milieu nouveau qui marche à la conquête de l'avenir, moins pour enseigner que pour concevoir les aspirations des masses, les deviner et les formuler, et puis travailler sans relâche continuellement et avec tout l'élan de la jeunesse, à les faire entrer dans la vie. Sachez qu'alors, mais alors seulement, vous vivrez d'une vie complète, d'une vie rationnelle. Vous verrez que chacun de vos efforts faits dans cette voie portent amplement ses fruits. Et ce sentiment d'accord établi entre vos actes et les commandements de votre conscience vous donnera des forces que vous ne soupçonnez pas en vous-même. La lutte pour la vérité, pour la justice, pour l'égalité au sein du peuple, que trouvez-vous de plus beau dans la vie ? On va maintenant sur le chapitre 5, le dernier chapitre. Il m'a fallu trois longs chapitres pour démontrer aux jeunes gens des classes aisées qu'en présence du dilemme que leur proposera la vie, ils seront forcés, s'ils sont courageux et sincères, de venir se ranger avec les socialistes et d'embrasser avec eux la cause de la révolution sociale. Cette vérité est cependant si simple. En parlant à ceux qui ont subi l'influence du milieu bourgeois, que de sophismes à combattre, que de préjugés à vaincre, que d'objections intéressées à écarter. Il m'est facile d'être plus court en vous parlant aujourd'hui, jeunes gens du peuple. La force même des choses vous pousse à devenir socialiste, pour peu que vous ayez le courage de raisonner et d'agir en conséquence. En effet, le socialisme moderne est sorti des profondeurs même du peuple. Si quelques penseurs issus de la bourgeoisie sont venus lui apporter la sanction de la science et l'appui de la philosophie, le fond des idées qu'ils ont énoncées n'en est pas moins un produit de l'esprit collectif du peuple travailleur. Ce socialisme rationnel de l'international, qui fait aujourd'hui notre meilleure force, n'a-t-il pas été élaboré dans les organisations ouvrières sous l'influence directe des masses ? Et les quelques écrivains qui ont prêté leur concours à ce travail d'élaboration ont-ils fait autre chose que de trouver la formule des aspirations qui, déjà, se faisait jour parmi les ouvriers ? Sortir des rangs du peuple travailleur et ne pas se vouer au triomphe du socialisme, c'est donc méconnaître ses propres intérêts, renier sa propre cause et sa mission historique. Vous vous souvenez du temps où, gamin encore, vous descendiez par un jour d'hiver, vous amusiez dans votre sombre ruelle. Le froid vous mordait les épaules à travers vos minces vêtements et la boue empissait vos souliers déchirés. Déjà, lorsque vous voyiez passer de loin ces enfants potelés et richement vêtus qui vous regardaient d'un air hautain, vous saviez parfaitement que ces marmots tirés à quatre épingles ne vous valaient, vous et vos camarades, ni par l'intelligence, ni par le bon sens, ni par l'énergie. Mais plus tard, quand vous avez dû vous enfermer dans un salle-atelier dès cinq ou six heures du matin pour tenir douze heures du rang, près d'une machine bruyante et machine vous-même, suivre jour par jour et pendant des années entières ces mouvements d'une impitoyable cadence, pendant ce temps-là, eux, les autres, allaient tranquillement s'instruire dans les collèges, dans les belles écoles, dans les universités. Maintenant, ces mêmes enfants, moins intelligents mais plus instruits que vous, et devenus vos chefs, vont jouir de tous les agréments de la vie, de tous les bienfaits de la civilisation. Et vous ? Qu'est-ce qui vous attend ? Vous rentrez dans un petit appartement sombre et humide où cinq, six êtres humains grouillent dans l'espace de quelques mètres carrés. Où votre mère, fatiguée par la vie, plus vieillie par le souci que par l'âge, vous offre, pour toute nourriture, du pain, des pommes de terre et un liquide noirâtre qualifié ironiquement de café. Ou pour toute distraction, vous avez toujours la même question à l'heure du jour, celle de savoir comment vous paierez demain le boulanger et après demain le propriétaire. Et quoi ? Faudra-t-il traîner la même existence misérable que votre père et votre mère ont traîné pendant trente, quarante ans ? Travailler toute la vie pour procurer à quelques-uns toutes les jouissances du bien-être, du savoir, de l'art et garder pour soi le souci continuel du morceau de pain ? Renoncer à jamais à tout ce qui rend la vie si belle pour se vouer à procurer tous les avantages à une poignée d'oisifs ? Suiser au travail et ne connaître que la gêne, si ce n'est la misère, lorsque le chômage arrivera ? Est-ce cela que vous convoitez dans la vie ? Peut-être vous résignerez-vous. N'entrevoyant pas l'issue à la situation, il se peut que vous vous disiez « Des générations entières ont subi le même sort et moi, qui ne puis plus rien y changer, je dois le subir aussi. Donc travaillons et tâchons de vivre de notre mieux. » Soit, c'est alors la vie elle-même se chargera de vous éclairer. Un jour viendra la crise, une de ces crises, non plus passagères comme jadis, mais qui tue raide toute une industrie, qui réduise à la misère des milliers de travailleurs, qui décime les familles. Vous lutterez, comme les autres, contre cette calamité. Mais vous vous apercevrez bientôt comment votre femme, votre enfant, votre ami succombe peu à peu aux privations, faiblissent à vue d'œil, et faute d'aliments, faute de soins, finissent par s'éteindre sur un grabat, tandis que la vie roule ses flots joyeux dans les rues rayonnantes de soleil de la grande ville, insouciantes de ceux qui périssent. Vous comprendrez alors ce que cette société a de révoltant. Vous songerez aux causes de la crise, et votre regard sondera toute la profondeur de cette iniquité qui expose des milliers d'êtres humains à la cupidité d'une poignée de feignants. Vous comprendrez que les socialistes ont raison lorsqu'ils disent que la société actuelle peut être transformée de fond en comble. Un autre jour, lorsque votre patron cherchera pour une nouvelle réduction de salaire à vous soustraire encore quelques sous pour arrondir d'autant sa fortune, vous protesterez, mais il répondra avec arrogance. Allez, broutez l'herbe si vous ne voulez pas travailler pour ce prix-là. Vous comprendrez alors que votre patron non seulement cherche à vous tondre comme un mouton, mais qu'il vous considère encore comme de race inférieure, que, non content de vous tenir dans ses griffes par le salaire, il aspire encore à faire de vous un esclave à tous égards. Alors, ou bien vous plierez le dos, vous renoncerez au sentiment de la dignité humaine, et vous finirez par subir toutes les humilations. Ou bien, le sang vous montera à la tête, vous aurez horreur de la pente sur laquelle vous glissez, vous riposterez et, jetés sur le pavé, vous comprendrez alors que les socialistes ont raison lorsqu'ils disent « révolte-toi, révolte-toi contre l'esclavage économique, car celui-ci est la cause de tous les esclavages. » Alors, vous viendrez prendre votre place dans les rangs des socialistes et vous travaillerez avec eux à l'abolition de tous les esclavages économiques, politiques et sociaux. Quelques jours, vous apprendrez l'histoire de la jeune fille dont autrefois vous aimiez tant le rigueur franc, la démarche celte et la parole animée. Après avoir lutté des années contre la musère, elle a quitté son village pour la grande ville. Là, elle savait que la lutte pour l'existence sera dure, mais du moins espérait-elle gagner honnêtement son pain. Et bien, vous savez maintenant le sort qu'elle a eu. Courtisée par un fils de bourgeois, elle s'est laissée engluée par ses belles paroles, elle s'est donnée à lui avec la passion de la jeunesse pour se voir abandonnée au bout d'un an, un enfant sur les bras. Toujours courageuse, elle n'a cessé de lutter, mais elle a succombé dans cette lutte inégale contre la faim, le froid, et elle a fini par expirer dans on ne sait quel hôpital. Que ferez-vous alors ? Ou bien vous écarterez tout souvenir gênant par quelques stupides paroles ? Ce n'est ni la première, ni la dernière, direz-vous. Et un soir, on vous entendra dans un café, en compagnie d'autres brutes, offenser la mémoire de la jeune femme par de sales propos. Ou bien ce souvenir vous remuera le cœur, vous chercherez à rencontrer le pleutre séducteur pour lui jeter son crime à la face, vous songerez aux causes de ces faits qui se répètent tous les jours, et vous comprendrez qu'ils ne cesseront pas tant que la société sera divisée en deux camps, les misérables d'un côté et de l'autre les oisifs, les jouisseurs aux belles paroles et aux appétits brutaux. Vous comprendrez qu'il est bien temps de combler ce gouffre de séparation, et vous courez vous ranger parmi les socialistes. Et vous femmes du peuple, cette histoire vous laissera-t-elle joine ? En caressant la tête blonde de cet enfant qui se blottit près de vous, ne penserez-vous jamais au sort qu'il attend si l'état social actuel ne change pas ? Ne penserez-vous jamais à l'avenir qui est réservé à votre jeune cœur, à vos enfants ? Voulez-vous que vos fils, eux aussi, végètent comme votre père a végété sans d'autres soucis que celui du pain, sans d'autres joies que celle du cabaret ? Voulez-vous que votre mari, votre garçon, soit toujours à la merci du premier venu qui a hérité de son père un capital à exploiter ? Voulez-vous qu'il reste toujours les esclaves, du patron, la chair à canon, les puissants, le fumier qui sert d'engrais au champ des riches ? Non, mille fois non ! Je sais bien que votre sang bouillonnait lorsque vous avez entendu que vos maris, après avoir commencé bruyamment une grève, ont fini par accepter, chapeau bas, les conditions dictées d'un temps hautain par le gros bourgeois. Je sais que vous avez admiré ces femmes espagnoles qui vont au premier rang présenter leur poitrine aux baïonnettes des soldats lors d'une émeute populaire. Je sais que vous répétez avec respect le nom de cette femme qui alla loger une balle dans la poitrine du satrape lorsqu'il se permit un jour d'outrager un socialiste détenu en prison. Et je sais aussi que votre cœur battait lorsque vous lisiez comment les femmes du peuple de Paris se réunissaient sous une pluie d'obus pour encourager leurs hommes à l'héroïsme. Je le sais. Et c'est pourquoi je ne doute pas que vous aussi vous finirez par venir vous joindre à ceux qui travaillent à la conquête de l'avenir. Vous tous jeunes gens, sincères, hommes et femmes, paysans, ouvriers, employés, soldats, vous comprendrez vos droits et vous viendrez travailler avec vos frères à préparer la révolution qui, abolissant tout esclavage, brisant toutes les chaînes, rompant avec les vieilles traditions et ouvrant à l'humanité entière de nouveaux horizons, viendra enfin établir, dans les sociétés humaines, la vraie égalité, la vraie liberté, le travail pour tous, et pour tous la pleine jouissance des fruits de leurs labeurs, la pleine jouissance de toutes leurs facultés, la vie rationnelle, humanitaire et heureuse. Qu'on ne vienne pas nous dire que, petite poignée, nous sommes trop faibles pour atteindre le but grandiose que nous visons. Comptons-nous et voyons combien nous sommes qui souffrons de l'injustice, paysans qui travaillons pour autrui et qui mangeons l'avoine pour laisser le froment aux maîtres. Nous sommes des millions d'hommes, nous sommes si nombreux car nous seuls nous formons la masse du peuple, ouvriers qui tissons la soie et le velours pour nous vêtir de haillons. Nous sommes aussi des multitudes et quand les sifflets des usines nous permettent un instant de repos, nous inondons les rues et les places comme une mer mugissante. Soldats qu'on mène à la baguette, nous qui recevons les balles pour que les officiers aient les croix et les pompons, nous, pauvres sceaux qui n'avons su jusqu'à maintenant que fusiller nos frères, il nous suffira de faire volte-face pour voir pallir ces quelques personnages galonnés qui nous commandent. Nous tous qui souffrons et qu'on nous trage, nous sommes la foule immense, nous sommes l'océan qui peut tout engoutir. Dès que nous en aurons la volonté, un moment suffira pour que justice se fasse. Voilà, donc c'est la fin de la lecture de l'extrait « C'est aux jeunes que je parle » écrit par Pierre Kropotkin dans le livre « L'entraide » suivi de « C'est aux jeunes que je parle » Alors, je vous conseille d'acheter ce livre très très très facile encore publié là récemment en avril 2023 donc imprimé en Espagne je le trouve très très très bien Alors pourquoi il faut le lire ? Tout simplement parce que dans la première partie dans l'entraide chapitres 7 et 8 il explique exactement ce que c'est que l'entraide Qu'est-ce que l'entraide ? Qu'est-ce que les groupes ? Qu'est-ce que les groupes communaux ? Qu'est-ce que les organisations villageoises ? Qu'est-ce que les groupes de spécialistes, des artisans ? Comment l'État fait tout pour casser les associations ? Parce que tout simplement les fonctionnaires de l'État veulent tirer profit de la force et travail des gens sans qu'il y ait d'intermédiaire Donc, comment l'État fait pour casser les syndicats ? Comment l'État fait pour casser toutes les associations ? Alors, l'État c'est son attitude là durant le 19ème siècle bien sûr, mais on retrouve aujourd'hui ça dans la vie moderne donc au 20ème et 21ème siècle on y est L'État n'aime pas du tout les associations libres donc c'est pour ça que toutes les associations sont référencées et elles sont obligées de faire un bilan qu'elles donnent à l'État et l'État valide Alors, aujourd'hui c'est l'État qui est contre les associations tout simplement comme je le dis, dans un but d'empêcher les fonctionnaires de perdre leur place donc l'État mais hier, c'était pas l'État c'était comment dirais-je l'Église quelle qu'elle soit que ce soit l'Église orthodoxe l'Église romaine que ce soit les protestants que ce soit les organisations musulmanes bref, en Chine toutes les associations étaient mal vues par les religieux tout simplement parce que ils se voyaient en pleine concurrence voilà, donc la première partie, l'entraide qui dit que les associations, même par temps de guerre par temps de grande misère, se font on a des associations de femmes on a des associations d'ornithologie on a des associations d'anciens combattants mais en fait, avec un nom qui est affiché semble un peu décalé, l'objectif c'est toujours de passer du bon temps et de faire de l'entraide donc il y a aussi question de des coopérations comment les coopératives ont été construites et ce qui est aussi très intéressant c'est que on voit la notion de coopérative à travers les agriculteurs et à la fin des grands propriétaires terriens il y a aussi question de la Russie comment les artels c'est à dire des guildes se sont étendues en Russie donc que ce soit au niveau de l'Oural la chaîne de l'Oural que ce soit dans l'Ukraine actuelle ou que ce soit en Sibérie, comment les groupes de spécialistes ont créé des coopératives très très intéressant donc Pierre Prokotkin dit que pour gagner en indépendance il faut que ce soit la société soit organisée de bas vers le haut et non du haut vers le bas concrètement, les gens doivent s'organiser à la base et se regrouper et faire remonter leurs impressions leurs désirs vers des structures régionales ou états mais il ne faut pas que ce soit dans le sens inverse dans le groupe de personnes plus ou moins élues qui imposent à la masse des attitudes donc très très intéressant et cette dernière partie c'est aux jeunes que je parle où en fait on est sur un sens purement je dirais moral quelque part ou d'humanisme appliqué donc concrètement, il faut se mettre à plusieurs et essayer de faire en sorte de sortir de la misère de sortir du divisé pour régner aujourd'hui en mai 2023 est-ce qu'il est possible de monter des coopératives d'entraide au niveau des villes ou dans les villages avec du travail direct, non rémunéré sur un plan financier concrètement, est-ce qu'on peut offrir un service à quelqu'un sans faire intervenir l'état à travers des taxes diverses et variées quel peut être l'intérêt de se mettre à plusieurs pour constituer des groupes des groupes thématiques déjà bien sûr comment aller vers une entraide plutôt vitale, plutôt que ce soit des loisirs purs comment mettre en place des organisations qui ont pour objectif d'améliorer la condition humaine à quelque niveau que ce soit essentiellement passer du temps manger bien et en cas de besoin pouvoir profiter d'accès à des commodités de la vie Pierre Prokotkin a écrit cela dans les années 1890 1900 et c'est toujours d'actualité achetez ce livre très intéressant l'entraide de Pierre Prokotkin

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