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Nicolas Tavitian Armenolobby et Tigran Yegavian

Nicolas Tavitian Armenolobby et Tigran Yegavian

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Armenology is a new show hosted by Nicolas Tavitian. They discuss the politics and media in relation to the Karabakh conflict. The International Red Cross and EU representative Youssef Borrell called for the opening of the China corridor in July. The UN also called for the opening of this route in August. Azerbaijan denies the blockade and accuses Armenia of threatening them. Western leaders have been slow to understand Azerbaijan's rhetoric, which has paralyzed their action in the region. Azerbaijan and Turkey have the ability to intimidate their neighbors. The show focuses on the role of France in the Armenian diaspora and its position on the conflict. France was previously neutral but has become more engaged since 2020. However, there are still obstacles to a closer relationship, such as Armenia's membership in the Collective Security Treaty Organization and France not being an official military supplier. France is concerned about Armenia's security and has appointed a new ambassado Armenology, votre nouvelle émission avec Nicolas Tavitian et ses invités, tous les lundis à 15h et les mercredis à 11h. Bonjour, vous êtes bien sur Armenology, l'émission qui s'intéresse au rouage de la politique et des médias. Depuis notre dernière émission, il s'est passé encore bien des choses au Karabakh et à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. En juillet, vous vous en souviendrez, le comité international de la Croix-Rouge ainsi que Youssef Borrell, le haut représentant de l'UE pour la politique extérieure et de sécurité commune, avait dénoncé le blocus et appelé à l'ouverture du corridor de la Chine. Début août, c'est au tour des Nations Unies d'appeler à l'ouverture de cette route d'accès au Karabakh. Pour les distraits, je rappelle que l'Azerbaïdjan continue de nier qu'il est en train d'affamer la population du Haut-Karabakh depuis 7 mois. Et ces dénégations, aussi absurdes soient-elles, semblent avoir longtemps suffi à instiller un doute et une crainte dans l'esprit des dirigeants européens. Un doute parce qu'il est difficile aux responsables opérant en démocratie de croire qu'il est possible de mentir de manière aussi flagrante. En démocratie, on aménage la vérité, les mensonges sont faits d'omissions, de présentations tendancieuses ou imprégnées de préjugés ou d'idéologies. En dictature, par contre, comme disait Goebbels, plus c'est gros, plus ça passe. Alors le régime d'Aliyev affirme tout simplement qu'il n'y a pas de blocus. Il affirme au contraire que c'est l'Arménie qui menace l'Azerbaïdjan. Il prétend que l'Arménie contrôle encore le Karabakh et y envoie même des armes, alors que les deux territoires en réalité ne peuvent même pas communiquer et que le Karabakh est sous contrôle russe. L'origine d'Aliyev toujours prétend qu'on fait bonbons sans Narsa alors que la dizaine menace. Il prétend même encore parfois que l'Arménie aide la Russie dans sa guerre en Ukraine alors que c'est bien l'Azerbaïdjan qui aide à financer cette guerre en revendant les hydrocarbures russes à l'Europe. Et j'en passe. Curieusement, les diplomates et dirigeants occidentaux n'ont toujours pas bien saisi le principe de cette rhétorique. Ils ont longtemps continué à accorder du crédit aux mensonges de Bakou. Ce retard de compréhension a paralysé leur action dans la région et voilà pour le doute. Et puis cette rhétorique suscite aussi des craintes parce qu'elle ne sert pas seulement à créer la confusion, elle sert aussi à intimider. Or, Bakou a une réelle capacité de nuisance dans son voisinage immédiat. Et la Turquie, qui est son alliée inconditionnelle, commençait à amplement démontrer la sienne au Caucase, au Moyen-Orient et même au-delà. Que malgré cette rhétorique, le CICR et Borrel en soient venus à exprimer avec un peu plus de clarté ou un peu moins de langue de bois, qu'ils soient parvenus à s'exprimer avec un peu plus de clarté, tout cela est assez remarquable et montre que nous avons peut-être passé un seuil. Cela ne signifie évidemment pas que l'Europe est prête à passer à l'action. La suite dépendra en grande partie de la capacité de communication de l'armée. Mais elle dépendra aussi de la capacité d'action de la diaspora, c'est-à-dire de la vôtre, chers auditeurs. A propos de diaspora justement, où en sommes-nous ? Eh bien pour cette émission, je vous ai réservé un morceau de choix dont vous mirez des nouvelles. On va enfin parler de la France. Je sais que vous l'attendiez, ne le cachez pas. Nous avons souvent parlé à des dirigeants belges dans l'émission. Mais que peut faire toute seule la petite Belgique pour l'Arménie ? Et puis nous avons parlé de l'Europe. Mais qui va faire bouger l'Europe ? Nous avons parlé de la politique des Pays-Bas, où il se passe aussi des choses, mais ça ne suffit pas. C'est pour cela que nous en venons cette fois-ci à la France. C'est le gros morceau qui peut faire bouger l'Europe, sinon la France. Et avec qui parler de tout cela, sinon avec Tigran Yegavian. Tigran Yegavian, c'est un jeune chercheur arménien de France, un intellectuel de la jeune génération, un passionné d'arménité très demandé. Il est spécialiste entre autres du Caucase et du monde musulman. Il est chercheur au Centre français de recherche de l'enseignement, le CF2R. Et il est membre du comité de rédaction de la revue Conflit. Il a notamment publié Arménie à l'ombre de la montagne sacrée, Mission, Minorité d'Orient, les oubliés de l'histoire, Géopolitique de l'Arménie. Et enfin il a co-édité le livre noir du Haut-Karabakh. Outre les langues arméniennes, françaises et anglaises, Tigran parle aussi le turc, l'arabe et le portugais. C'est dire. Voici l'interview. Tigran Yegavian, bonjour. Bonjour Nicolas. Alors nous sommes ici dans le magnifique cadre de l'opéra de Yegavian. Tigran, vous êtes politologue, vous êtes membre du comité de rédaction de la revue Conflit. Et par ailleurs, vous avez beaucoup de casquettes. Très demandé, je sais, dans la diaspora en France. Vous connaissez très bien l'Arménie, la géopolitique de l'Arménie. Vous connaissez aussi très bien la communauté arménienne de France. Et ça tombe bien parce que c'est notre sujet. Armin Nolobi, depuis des mois, s'est beaucoup intéressé à la politique en Belgique. S'est intéressé à la politique vis-à-vis de l'Arménie en Belgique. Donc au niveau national belge. Au niveau aussi de l'Europe. Nous avons interviewé une organisation arménienne aux Pays-Bas. Parce que les Pays-Bas, nos Pays-Bas, on est très actifs sur ces questions. Et donc peu à peu, on s'est approché de la France qui est quand même le cœur de l'action. Le cœur de l'action vis-à-vis de l'Arménie en Europe. Mais aussi de la présence arménienne en Europe. Il faut bien le reconnaître. Et en Belgique, nous, on le sent bien. Et voilà, on compte un peu sur vous pour nous aider à comprendre ce qui se passe en France. Parce que comme il y a beaucoup d'Arméniens, il se passe beaucoup de choses différentes aussi. Et on peut commencer par parler un petit peu de la position de la France. Par rapport à ce qui se passe, on va dire, depuis la guerre en Arménie. Et particulièrement, évidemment, le blocus de l'AFSA. Toute la question de l'avenir de l'AFSA sur les Arméniens de l'AFSA. Et puis les problèmes, les négociations en cours entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Donc vous pouvez nous aider à comprendre un petit peu la position de la France. Avec plaisir. Donc il faut savoir une chose importante. C'est qu'il y a un avant et un après 2020. Dans l'action politique et diplomatique de la France. Par rapport à la question du conflit de l'AZHTAR. Et plus précisément du différent Arménien azerbaïdjanais. Jusqu'en 2020, c'est-à-dire depuis la première guerre de l'AZHTAR de 91-94. Et la création du groupe de Minsk. La France, il faut le rappeler, est coprésidente avec les Etats-Unis et avec la fédération de Russie. La France avait jusqu'alors maintenu une neutralité absolue. Parce qu'en tant que coprésidence de ce groupe de médiation. Elle estimait qu'elle ne pouvait pas prendre parti au risque de perdre sa crédibilité de médiatrice. Or, il faut savoir une chose. C'est que l'accord tripartite de novembre 2020 a exclu les occidentaux. C'est-à-dire les Américains et les Français du jeu diplomatique. Puisque c'était plutôt un tandem entre la Russie et la Turquie. Qui a permis d'aboutir à l'accord que nous connaissons. Qui est extrêmement défavorable aux Arméniens. Et en cela, la France n'est pas contente. Elle n'est pas satisfaite de s'être fait, entre guillemets, éjecté de cette plateforme diplomatique. Puisque jusque-là, nous étions habitués au format du groupe de Minsk. Alors aujourd'hui, depuis 2020, il y a plusieurs formats. Il y a un format européen, un format américain, une plateforme russe. Il y a des rencontres à Prague, à Bruxelles, etc. Une chose est certaine, c'est que la France a perdu un levier. Donc on considère que le groupe de Minsk est mort ? Il est mort, il bon. Il existe sur le papier. Mais est-ce que vous avez eu connaissance de rencontres à Bakou, à Stepanakert, à Rivain, le groupe des trois autres présidents ? N'oubliez pas que le contexte de la guerre en Ukraine a aussi rabattu les cartes du jeu. Et que la Russie est devenue l'ennemi absolu. Et ce qui motive les Etats-Unis, et en moindre mesure la France, eh bien, soyons clairs, c'est l'affaiblissement, le départ de la Russie, de son précaré caucasien. Donc, en cela, il est plus, je crois, pertinent de parler de neutralité. Lorsqu'on aborde la question des relations franco-arméniennes, la question c'est savoir comment la France peut, de amie traditionnelle de l'Arménie, devenir un allié inconditionnel. Nous en sommes pas tout à fait là. Mais une chose est certaine, c'est que depuis deux ans, on est dans un processus de rapprochement franco-arménien significatif. En témoigne la fréquence des déplacements de hauts responsables français en Arménie, de hauts responsables arméniens en France. Le fait qu'on n'aborde pas uniquement des questions d'ordre culturel, mais aussi militaire, stratégique. C'est là un point central, puisqu'il y a une immense attente de l'Arménie par rapport à la France. Il y a aussi des obstacles à ce rapprochement, puisque l'Arménie est toujours membre de l'OCTS, l'Institut Valant Russe de l'OTAN. La France n'est toujours pas officiellement pourvoyeuse de sécurité, pourvoyeuse de matières militaires. Une chose est certaine, la France est très inquiète pour la sécurité de l'Arménie. La France a, par l'intermédiaire de la nomination d'un nouvel ambassadeur, par la personne d'Olivier Lucotini, qui est un jeune diplomate extrêmement talentueux, qui a fait ses classes en Iran, aux Etats-Unis, qui était l'ancien consul général à Erbil, c'est-à-dire dans la région autonome du Kurdistan irakien, cette nomination n'est pas anodine. Là, on assiste à un referment des relations bilatérales, mais aussi à une nouvelle dimension, puisque depuis un an, nous avons un attaché militaire à l'ambassade de France en Arménie. Jusque-là, l'attaché militaire était itinérant, il était basé à Tbilissi, nous avons nommé un attaché militaire, et il ne vous a pas échappé que lorsque le nouvel ambassadeur de France, Ayrevan, a présenté ses lettres de créance au président de la République d'Arménie, Baratun Khachatryan, il était accompagné de son attaché militaire. C'est un symbole, c'est plus qu'un symbole. C'est un acte de solidarité, comme le président Macron l'a rappelé, la France est aux côtés de l'Arménie. La grande question, c'est que peut faire la France ? Alors, ce qui motive ce changement dans la position de la France, cette plus grande mobilisation de la France depuis la guerre, c'est qu'elle veut garder sa place dans le jeu, dans le coca, une place qu'elle avait perdue avec l'accord du 9 novembre, si je vous ai bien compris. Donc, elle est prête à aller plus loin que dans le passé, maintenant. Alors, l'attaché militaire était là lors de la présentation des lettres de créance de l'ambassadeur, mais est-ce que ça veut dire que des actions ont été prises dans le domaine militaire ? Il est extrêmement sensible et délicat d'aborder ces sujets dans des médias. Nous avons une hystérie de la part de l'Azerbaïdjan, qui est alimentée depuis des mois, même des années, et en gros, pour résumer le positionnement de Bakou, la France, d'après l'Azerbaïdjan, mènerait une guerre par proxy contre l'Azerbaïdjan via les Arméniens. C'est le discours qu'on entend en Bakou, c'est que la relation franco-azerbaïdjanaise est aussi très dégradée, et il y a un climat d'hystérie antifrançaise alimenté par les faiseurs d'opinion azerbaïdjanais à l'encontre du président Macron et de la France en général, et que la France serait complètement déguisée par le lobby arménien. La vérité, c'est que la France n'a pas énormément d'intérêt dans la région. Certes, elle était un partenaire économique important de l'Azerbaïdjan, et pourtant l'Azerbaïdjan, notamment sous la présidence de François Hollande, lui a vendu des matériaux d'observation statistique qui s'est avéré être hostiles aux arméniens, donc il y avait vraiment un contre-sens absolu, parce que le président Hollande était très très ami, très proche de la communauté arménienne, et plus précisément de la Fédération Révolution Arménienne de la Chemin de Strutture, qui est une partie du service arménien. Mais à côté de ça, on a vendu comme un satellite, soit disant civil, enfin civil, oui, mais à quel usage, aux azerbaïdjanais. Il y avait certainement des échanges importants, parce que la France se procurait en quantité modeste, certes, des hydrocarbures. Il y a un commerce bilatéral important avec l'Azerbaïdjan, et le commerce bilatéral franco-arménien est encore très très modeste. On est en dessous des 100 millions d'euros. On est entre 80 et 100 millions d'euros. Alors quels sont les intérêts de la France en Arménie ? La France voit l'Arménie comme une plateforme Est-Ouest. Elle voit l'Arménie comme une voie de passage cruciale eurasiatique. Elle voit l'Arménie aussi comme une plateforme d'un dialogue foucault-iranien qui n'existe pas encore, mais comme un balcon sur l'Iran. Elle voit l'Arménie comme un élément essentiel dans la préservation d'un écosystème menacé. On peut parler des civilisations chrétiennes d'Orient, etc. Mais elle comprend, la France comprend qu'il y a un agresseur et un agressé. Et ça, c'est quelque chose de très significatif, parce que même le pape François, comme amie des Arméniens, ne l'a pas dit. Et ça, Macron l'a dit. Il a nommé l'agresseur et l'agressé. Il n'a pas parlé d'une guerre comme on peut en avoir, comme on peut avoir des conflits dans les Balkans, etc. Il y a vraiment un pays qui est agressé par un autre pays en septembre 2001. Il l'a dit une semaine après le début de la guerre. Absolument. Mais encore toujours est-il que la position de la France est encore à définir, puisque nous sommes maintenant dans une sorte de zone hybride à soutenir l'intégrité territoriale de l'Arménie, mais avec des moyens extrêmement limités, puisque tout ce que le président Macron a pu obtenir, c'est de ses partenaires européens, c'est l'envoi d'une mission d'observation civile déployée le long de la frontière, avec le drapeau de l'Union Européenne, qui défend l'Arménie avec des jumelles et des bloc-notes. Plus aussi le déploiement de plusieurs dizaines d'officiers, de gendarmes qui sont en armée. C'est quelque chose qui n'est quand même pas anodin. Bien sûr, on est très très loin du soutien qu'on accorde à l'Ukraine, mais c'est suffisant pour assister la colère des Azerbaijanais et des Russes. Parce que les Russes voient la très mauvaise œuvre de cette présence française dans une région qu'ils considèrent comme leur précarité. Française et Européenne. Française et Européenne. Mais on sent très bien que la locomotive, c'est la France. Le problème que dit Macron aux défenseurs de la cause arménienne, c'est que lui, tout heure, c'est une difficulté, c'est de ramener des partenaires européens autour d'une action commune et concertée pour la défense de l'intégrité territoriale de l'Arménie. On ne parle pas de l'Alsace, on parle vraiment de l'Arménie. Donc vous êtes passé à l'Europe, je vous en remercie. Donc vous confirmez que la France a eu un rôle moteur, initiateur, dans la mise en place de l'UEM. Bien sûr, c'est pendant que ça s'est passé en octobre à Prague, lors de la réunion du premier sommet de la communauté politique européenne qui a été initiée à la fois par Emmanuel Macron, mais aussi par l'ancien président du conseil d'Italie, l'État. Et c'était effectivement la première fois qu'on avait dans la même enceinte le dirigeant de la Turquie, l'Azerbaïdjan, de l'Arménie. Et Macron a tordu littéralement le coup à ses partenaires européens. Vous savez, il faut faire quelque chose. Dans la foulée de cette attaque offensive militaire de grande échelle contre le territoire souverain de l'Arménie, le boulot des côtés tranglements du Sunni, qui est vraiment un verrou ultra stratégique qui empêche la jonction en Turquie. Et oui, c'est ce que Macron a pu obtenir de ses partenaires. Mais malheureusement, on est encore très loin d'un soutien militaire massif qui permette à l'Arménie d'assurer l'inviolabilité de son territoire souverain. Mais il a pu, je ne sais pas si c'est Macron qui a eu cette idée, le directeur de l'EUMA est un Allemand. Donc on a su impliquer, j'ai l'impression que Macron fait des efforts pour impliquer l'Allemagne. Oui, il fait des efforts, mais les Allemands sont contraints par leur penchant turcophile, par le lobby extrêmement puissant exercé par la Turquie sur l'Allemagne. Et ça, c'est un handicap. Alors le président Macron le rappelle souvent, il fait rencontre avec ses interlocuteurs arméniens ou arménophiles, qu'ils se sont un peu isolés au niveau européen. Si on met de côté la France, qu'est-ce qui reste ? Sur la carte, vous avez la Grèce, vous avez les Chypres, qui sont d'une logique tout à fait cohérente de barrage contre le pan-turquisme. Et puis vous avez peut-être... Il reste la Grèce et le Chypre qui soutiennent Macron. Oui, qui sont un peu en phase avec ce discours qu'il faut protéger l'Arménie. Mais après, il faut convaincre l'Espagne, je ne suis pas sûr que c'est évident, la Pologne, d'autres poids moyens ou des poids lourds de l'Union européenne. Et ça, c'est extrêmement compliqué. Vous savez que quand vous comprenez qu'un pays comme l'Italie a une dépendance accrue aux hydrocarbures azerbaïdjanaises, on est en mesure de se poser les bonnes questions qui motivent les choix de ses partenaires cruciaux de la France. Donc la France est isolée. La France demande des relais. Elle demande aussi aux opinions publiques françaises et européennes de se mobiliser davantage sur la question du blocus, la question de la sécurité de l'Arménie, le blocus de l'Alsace. Mais malheureusement, nous n'avons pas d'agenda clair sur un déplacement prochain du président Macron dans le Sunnic. C'est une proposition qui a été émise par Jean-Christophe Buisson, rédacteur adjoint de la rédaction du Fierro magazine, lors de sa rencontre avec plusieurs intellectuels français à l'Élysée. On attend que Macron vienne dans le Sud, qu'il vienne à Gorée, qu'il vienne même jusqu'aux portes de ce corridor avec un convoi humanitaire. C'est ce que vous imaginez, des soldats azerbaïdjanais tirés sur un convoi présidentiel. Donc c'est ce qu'on attend. Un geste fort. J'ai un souvenir en tête. En 1992, si je ne m'abuse, Bernard-Henri Lévy, un président médiatique, avait obtenu du président Mitterrand un déplacement à Sarajevo, assiégé par les forces serbes. Et effectivement, l'hélicoptère de Mitterrand s'était posé à Sarajevo. Ça n'a pas débouché sur un règlement politique, mais ça a permis au convoi humanitaire de passer. Oui, c'est important. Je ne sais pas quand est-ce qu'on va mettre en ligne ce podcast, mais nous sommes dans une conjoncture actuellement extrêmement dramatique, question de vie ou de mort qui se pose. Le temps qui passe n'est pas en la faveur des arméniens de l'Altar, des al-Tarfouk. Effectivement, nous attendons de la France, je parle au nom de la communauté arménienne et du soutien de l'Arménie, un geste, une action d'envergure politique, mais pas uniquement humanitaire. Effectivement, je doute fort que, malheureusement, Macron soit en mesure de faire ce déplacement, parce que la situation, le contexte ne se prête pas forcément dans cette question de frivillité. Je retiens que la France a besoin de relais ailleurs en Europe, et que son action n'est pas seulement symbolique, que la France avance sur des actions concrètes. Oui, alors qu'elle peut faire, pardon pour interrompre Nicolas, mais ce qu'elle peut faire concrètement, c'est déjà former des officiers arméniens. C'est quelque chose qui n'est pas exclure, elle peut très bien le faire. C'est livrer du matériel non létal, c'est faire des formations. Vous avez des gendarmes qui forment les gens aux premiers secours. Parce que l'armée arménienne aussi, elle accuse un certain retard en termes de formation. L'armée arménienne a des vrais problèmes logistiques, même si elle essaie de se réorganiser. La principale vulnérabilité de cette armée, c'est l'autonomie du commandement inférieur, c'est-à-dire l'autonomie décisionnelle, c'est la coordination inter-armes entre, par exemple, l'artillerie, les blindés, l'infanterie, etc. La France peut apporter vraiment une valeur ajoutée. Parce que c'est très bien d'avoir des armes, il faut d'abord, un, s'en servir, et deux, être rodé aux techniques modernes de la guerre. Le commandement arménien est encore très marqué par le soviétisme, et ce n'est pas forcément un défaut, il est loin de là. Mais la France peut apporter aussi une expertise. La question, c'est de savoir quel sera le timing. Ça prend du temps, une armée, de se reconstituer. Mais il y a effectivement le ministre français des armées, Sébastien Lecornu, qui est extrêmement au fait du dossier arménien. C'est quelque chose qu'il prend très au sérieux. Moi-même, je viens des cours à l'école militaire, et je vois auprès de mes élèves officiers qu'il y a un intérêt croissant pour l'arménie, et ils sont tout à fait au fait qu'on ne peut pas laisser l'arménie toute seule. Je voudrais passer au rôle de la communauté arménienne. En France, tout le monde le sait, il y a une communauté arménienne très importante, avec une présence aussi sensible dans le paysage social, mais dans le paysage politique, c'est aussi le français. Je voudrais que vous nous aidiez à comprendre le rôle qu'a joué la communauté arménienne, aussi bien par sa présence que par son action. On connaît le CCF, qui est l'organisation centrale de la communauté arménienne, qui fonctionne sur le principe d'une coordination des associations, d'une coalition d'associations, on va dire, d'une représentation commune. Parlez-nous du rôle du CCF, d'autres organisations, et de la manière dont ils ont obtenu cette mobilisation. Ce serait-il qu'à l'échelle de la diaspora, la communauté arménienne de France est la plus politisée de la diaspora. C'est son point fort. A l'échelle de la diaspora, la communauté arménienne est la plus fragmentée. La diaspora, c'est son point faible. Fragmentée dans quel sens ? Fragmentée sociologiquement, économiquement un peu moins, mais sociologiquement elle est, parce que vous avez plusieurs traits. Vous avez le noyau dur proposé par les primos arrivants, rescapés du génocide de 1915, donc anatoliens, avec un faible bagage culturel. Puis, une nouvelle vague d'arrivés dans les années 70-80, originaires du Moyen-Orient, fuyant les crises du Moyen-Orient, Syrie, Liban, Istanbul, pour pas les citer. Et puis, les primos, enfin les derniers arrivants d'arménie indépendante, qui ne constituent pas une diaspora au sens classique du terme, car ils n'ont pas le même rapport à l'identité et à la mémoire, mais je dirais plus qu'une communauté transnationale qui est centrée autour de l'idée qu'il y a un Etat qui s'appelle l'Arménie. Et le rapport qu'ont les Arméniens de France, qui suivent l'Empire Ottoman à l'Arménie, comme vous pouvez tout à fait le comprendre, n'a rien à voir avec celui des Arméniens qui ont une attache familiale concrète avec le pays où nous sommes, avec Yerevan. Donc ça, c'est une source de faiblesse, car on n'avait pas de structure communautaire en France, même du Gab, je crois, qui soit capable de fédérer ces clivages et qui soit capable aussi d'apporter une vision. Donc le point faible, c'est que même si nous avons le CCAF, qui est quand même un produit abouti de coordination unitaire, ce qui est très très important, c'est que c'est le fruit d'années, de longues années de labeur, de travail, de négociations, pour permettre que la communauté puisse avoir des représentants légitimes auprès des pouvoirs publics français. Que le président de la République ou des ministres de la République se déplacent au dîner annuel du CCAF. Que nous ayons un vrai relais institutionnel, une vraie relation de travail avec tous les échelons de la politique française, à commencer par bien sûr l'Assemblée Nationale et le Sénat, qui est globalement acquise à la question arménienne. Ça c'est un fait. Mais le point faible, c'est qu'il n'y a pas d'agenda, il n'y a pas de feuille de route, et il n'y a pas de vision de ce que doit être 1. la relation avec l'Arménie, 2. le rôle de la France vis-à-vis de l'Arménie, 3. le rôle de la communauté arménienne en France Mais il y a aussi la France. La France est un pays extrêmement fracturé. La France est un pays qui traverse une large zone de turbulence. Nous avons des crises importantes, des crises sociales, une crise immunisation, les gilets jaunes, et maintenant les émeutes. C'est un pays qui est ingouvernable. Vous avez une vraie fracture identitaire, une vraie tension. Les Arméniens de France, ils sont utiles, ils sont précieux, parce qu'ils sont un ciment fédérateur dans la communauté nationale française. Car les Arméniens de France, ou les Français d'origine arménienne, sont non seulement intégrés, mais sont même plus royalistes que le roi, je dirais. Car ils ont une logique républicaine, patriote, sans la moindre ambiguïté. Sans la moindre ambiguïté. Il n'y a jamais la question d'une double allégeance, fidèle au discours d'Aznavour, 100% français, 100% arménien. Et cela, c'est sens, et on le voit très bien. La panthéonisation de Mesaquanouchian, c'est un exemple symbolique fort. Mais vous avez des relais de sympathie naturelle dans la société française. On l'a vu pendant la guerre des 44 jours. Il y avait même une certaine indifférence. Mais quand même, à l'échelon politique, à l'échelon de la culture, vous avez une arménophilie déjà acquise. Et ça, c'est l'atout, non seulement du CSAF, mais des acteurs d'origine arménienne qui sont dans le monde culturel, dans le monde des affaires, dans le monde économique, qui sont précieux pour consolider cette relation. Alors, votre question, c'était... Comment ces structures de la diaspora arménienne en France ont obtenu une mobilisation au niveau politique, ou comment le font-ils aujourd'hui ? Oui, alors, dans les années 90-2000, il y a eu tout ce combat pour la reconnaissance du génocide. Ça a commencé par le bas. Ça a commencé à l'échelon municipal. Et le noyau dur du combat arménien, ce n'est pas Paris, c'est la région Ronax. C'est autour des agglomérations de Lyon, autour de Valence qu'il y a eu des relais politiques. Marseille aussi ? Oui, mais Marseille, c'est un peu plus radical. Avec son politique, il y a un noyau dur de la cause arménienne. Lyon est historiquement la capitale de la cause arménienne. Avec la rédaction de France-Arménie, avec des figures historiques qui nous ont quittés, comme Jules Mordy-Rossiens, qui était ancien président de la Maison de la Culture Arménienne de Dessines. Ils ont joué un rôle important au sein du comité de défense de la cause arménienne. Il y avait des relais... Vous avez arrêté Coria en 1808 à Paris. Vous avez Zahé Mouradian, l'ancien adjoint à la mairie de Lyon. Georges Tépénékian, l'ancien maire de Lyon. Tous ces gens-là sont des figures importantes pour marquer une génération du combat arménien en France dans les années 1970, politiquement. Après, dans les années 1980, ils ont réussi à gagner des soutiens au niveau européen grâce aux relais aux parlementaires européens qui sont allés solliciter un par un. Et ça a été une tâche extrêmement ardue. Moi, j'ai des témoignages d'amis qui m'ont raconté comment on leur frappait, comment on leur claquait la porte au nez, ou l'indifférence de Simone Veil, c'était douloureux pour une rescapée de la Shoah. Après, elle a fait son chemin, certes, mais c'était extrêmement difficile. Moi, j'appartiens à une génération qui n'a pas connu ça. Ma génération a grandi avec cette idée que le 24 avril est un acquis, est une manifestation dans laquelle les pouvoirs publics, les décideurs, viennent rendre hommage à la mémoire des victimes du génocide. Ce qui n'était absolument pas le cas pour ma génération des parents. Je me rappelle qu'ils m'ont raconté, par exemple, que des manifestations du 24 avril étaient interdites. Les CRS, la police, rentraient dans les églises pour disperser les fidèles qui assistaient. Regardez le film de Robert Villidian, une histoire de fou, il y a des images extrêmement fortes, qui a raconté comment les manifestations à Marseille étaient dispersées au sein même de l'église, un endroit du Prado. C'était important d'avoir ça en tête. Oui, de se souvenir que la situation actuelle est le résultat d'un combat. Je pense à ce qui se passe en Belgique, notamment. J'ai été à Bruxelles, j'ai modéré une conférence au Parlement belge sur la question arménienne, et je me suis rendu compte à quel point nos amis belges accusaient un certain retard dans la mobilisation militante. De mémoire, il n'y avait qu'un seul député belge présent. C'était en 2016, si je ne m'abuse, ou 2017. On avait le président du musée de la Shoah, qui était un soutien convaincu à la question arménienne, qui était là au nom de la solidarité des ébranlés. De mémoire, il n'y avait pratiquement pas de parlementaire belge. Il n'y avait qu'un seul député belge, que vous connaissez sûrement, dont le nom m'échappe. C'était le seul. En France, maintenant, on réunit tous les spectres. De la gauche à la droite. La situation a beaucoup changé. On en a parlé sur Arménie. En Belgique, la situation a beaucoup changé. Maintenant, il y a un consensus. Tous les 9 décembre, on commémore les génocides reconnus par la Belgique. Rwanda... Les représentants de la communauté arménienne. Oui, Rwanda, bien sûr. Holocauste, je crois qu'on y inclut maintenant aussi. Les Arméens, les Assyriens, les Grecs du Pont. L'idée, c'est de savoir qu'on revient de très loin. Mais l'enjeu, maintenant, qui se pose, c'est que, depuis 2 ans, les commémorations des génocides arméniens sont inscrites au calendrier officiel des commémorations de la République. C'est que, d'un côté, il y a une reconnaissance. De l'autre, il y a une sorte d'inertie, voire pire, une tendance à s'endormir sur nos lauriers. Puisque, le 24 avril, a perdu sa dimension de revendication. Elle est devenue juste une commémoration. Alors que, dans les années 90, il y avait une dimension de revendication. Revendiquer à la fois la reconnaissance, donc le respect de la dignité des morts, mais aussi la réparation. Et je ne vois plus, à quelques exceptions, je ne vois plus ce côté revendicatif de demande de réparation. Réparation matérielle, réparation morale, réparation territoriale. Cela dit, il y a d'autres urgences, maintenant, par rapport à la réparation ou la reconnaissance du génocide. Puisqu'on a cette situation terrible et dangereuse, dramatique, ici, dans la région. Dans la région, puisque nous sommes à Yelevan. Et donc, l'action du CCF ou d'autres organisations arméniennes, par la force... L'action du lobbying du CCF, malheureusement, est réduite à sa portion congrue. Car je remarque un déficit de ressources humaines disponibles dans un cadre professionnalisant. C'est-à-dire que ce sont des militants historiques qui sont bénévoles, qui ne sont pas rémunérés pour faire du lobbying, comme on peut le voir aux Etats-Unis, ou même en Belgique. Et ça, c'est un vrai handicap. Cela veut dire qu'on fait avec ce qu'on a. C'est un bricolage institutionnel dans lequel les militants n'ont pas le droit de travailler de façon professionnelle. C'est un exemple très concret. Si vous regardez le compte Twitter du CCF, ce n'est pas un compte Twitter digne de ce nom. Pareil sur les réseaux sociaux. Et ça, c'est un handicap. Et pourtant, la France est le pays en Europe qui défend le plus les Arméniens. Alors, expliquez-nous ce paradoxe. Ce n'est pas vraiment un paradoxe. C'est surtout une histoire d'amour. C'est une histoire humaine. C'est le fait que vous avez quand même une société française d'origine arménienne qui est représentée à tous les échelons. C'est une influence organique. Mais à côté de ça, c'est sûr qu'il y a des actifs. Le CCF, malheureusement, a un potentiel qui est très inexploité. Et qui s'explique aussi par la vécustité de ses structures. Qui s'explique par l'inertie de ses dirigeants. Qui s'explique par l'absence d'agenda et de vision. Et qui est aujourd'hui, malheureusement, en train de payer le prix de cette inertie. Puisque vous avez, à la marge du CCF et en dehors du CCF, des structures qui essaient de prendre sa place. Ou qui essaient d'endosser un rôle de représentativité de la communauté arménienne qu'ils n'ont pas. Et qui agissent au niveau politique à des échelons, on va dire, très inférieurs. C'est-à-dire qu'ils vont rencontrer un député ou qu'ils vont essayer de se prendre en photo alors qu'ils n'ont pas été invités dans des cérémonies. Bon, c'est de la cuisine. Mais ça, ça apporte un coût à la légitimité du CCF. Le CCF est en train de payer un coût, son inertie. Et qui permet, si vous voulez, qui donne aussi le loisir à ses acteurs marginaux d'établir des relations parallèles avec la République d'Arménie, avec les instances officielles de la République d'Arménie, notamment le haut-commissaire Rosassar Ladiospora. Ce qui cause aussi un tort à la légitimité du CCF qui paye à la fois son inertie, son absence de vision, de stratégie inclusive. On peut avoir des différends très profonds avec l'action de ce gouvernement arménien, des relations avec l'Altar ou des relations avec la Turquie. Et c'est tout à fait compréhensible puisqu'on part d'un point de vue diasporique. C'est-à-dire un point de vue irresponsable. Ce qui dit diaspora dit irresponsabilité politique puisque nous ne sommes pas des citoyens de la République d'Arménie. Nous n'avons pas voix au chapitre. Et nous ne vivons pas en Arménie. Donc nous ne subissons pas l'écho de la politique arménienne. Nous sommes des ressortissants français avec une fibre arménienne, avec une passion pour la cause arménienne et pour la justice et les réparations. C'est tout autre chose. C'est pas le même paradigme. C'est l'ambiguïté de la diaspora. C'est le gros problème. Et la question c'est comment faire un État-nation en incluant toutes les ressources humaines. Mais moi ce que je retiens c'est que le CCAS accuse une génération de retard et qu'aujourd'hui le vieillissement de ces structures il est palpable et l'absence de renouvellement, l'absence de relève aussi, même si vous avez une jeune génération qui monte au créneau, est palpable. Parce que cette génération-là n'est pas armée ni politiquement, intellectuellement et encore plus significatif. C'est que cette génération n'a pas la légitimité militante des dirigeants de CCAS actuellement. C'est-à-dire que la coprésidence de CCAS... Oui, mais le passage des générations pose toujours ce problème. Quand une personne expérimentée cède la place à une nouvelle, à un poste de responsabilité dans la communauté, forcément on perd en expérience. C'est évident. Mais là vous avez un fossé assez abyssal car, encore une fois, la légitimité des coprésidents de CCAS c'est leur militantisme. Un militantisme avéré depuis les années 75-85, la lutte armée, les grands combats pour la reconnaissance. Or là nous vivons une génération de rentiers. De rentiers de la mémoire, du travail qui a été accompli par nos aînés. Et moi ce qui m'intéresse c'est comment faire de ces rentiers des stratèges. Comment faire de ces rentiers des bâtisseurs. Et je... Je peux me tromper. Je suis sûr que mon propos devrait être nuancé. Mais c'est un motif d'inquiétude. Je pense que ça mérite d'être souligné. Et je pense qu'on a eu, on a ce problème un peu partout. C'est-à-dire qu'on vit sur un acquis. Une communauté peut avoir tendance à vivre sur un acquis. De devenir, comme vous le dites, des rentiers. Et oublier de penser à l'avenir. Oublier de penser qu'il y a aussi de problèmes concrets. Mais alors justement, la question, comment est-ce que la France a obtenu malgré tout, malgré tous les défauts de ses organisations, les résultats qu'elle a obtenus, vous avez parlé d'une présence culturelle. Une présence sociale. Les Arméniens comptent en France. Ils comptent. Ils comptent. Ils sont très bien intégrés. Mais il y a quand même l'action, sinon d'organisation, au moins d'individus. On a parlé tout à l'heure de Patrick Huiton. C'est fondamental. C'est une action, un travail de fourmi, mené à tous les échelons. C'est-à-dire aux échelons municipaux, aux parlementaires et à l'exécutif, au gouvernement. C'est un travail de fourmi qui a été mené par des militants. Un travail qui peine, par son absence de coordination, il se casse. Et un des exemples les plus flagrants, c'est comment on a géré la guerre de Meuse. La guerre de 44 jours. Alors comment est-ce qu'on l'a gérée ? Ça s'est fait de façon un peu erratique. Parce que chacun, avec son propre réseau, a essayé de pousser, de lancer des messages, de travailler les dirigeants, les faiseurs d'opinion. Mais ça s'est fait de façon complètement désorganisée. Ce qu'a fait le CCF, surtout, c'est un travail de lobbying au niveau de l'opinion publique, en écrivant et en faisant écrire, signer des tribunes. Des tribunes dans des journaux de grand tirage. On a réussi à faire entendre ? Je dirais que c'est limité. Parce que vous avez les élections américaines, vous avez la Covid, la pandémie. Non, on ne peut pas dire que ça a été complètement abouti. Ils ont fait quelque chose, mais encore une fois, ils ont accusé un manque, une impréparation totale, un manque de prospective sur ce scénario-là. Ce scénario-là était possible, mais il n'était pas préparé. Mais il y avait eu pendant la guerre, par exemple, une réunion entre Macron et des représentants de la communauté en France. Cette réunion-là a eu pour objectif de réfléchir à une action humanitaire. La France a envoyé des frais, une aide humanitaire. Mais là, où on aurait été plus efficace, ça aurait été... Ce qui est important, c'est de profiter de cette séquence, lorsque Macron a fait cette déclaration, pour pousser davantage la France à intervenir militairement, en tout cas diplomatiquement, au niveau du Conseil cycloté des Nations Unies, pour empêcher ce nettoyage ethnique, pour empêcher ce scénario du pire. Mais encore une fois, l'idée n'est pas de critiquer le CSAF ou d'attaquer à boulets rouges ses dirigeants, mais de souligner l'impréparation de tous les cas de la Comité arménienne qui n'était même pas en mesure de faire de la pédagogie, parce que nous avons manqué de pédagogie, pour expliquer la complexité. Parce que c'est un conflit extrêmement complexe, entendons-nous bien. C'est pas seulement une histoire d'intégrité territoriale versus autodétermination. La question de l'Assad, elle est compliquée. Et je pense que, en tout cas personnellement, ce que je retiens, c'est que nous avons manqué de cadres capables de porter un discours qui parle au français. C'est pourquoi ça concerne aussi le fait que nous avons manqué d'avoir une vraie coordination, une vraie relation avec l'Arménie, via ses représentations diplomatiques, via son ministère des Affaires étrangères, ou même au commissaire d'Espora, pour coordonner nos actions. Il y a eu des tentatives, il y a eu des rencontres, mais je n'ai pas vu l'ombre, ce n'est beau, c'est juste un travail collectif. C'était plus un échange d'impression, nous avons assisté à une réunion, je crois que vous étiez présent Nicolas, avec le bureau du commissaire d'Espora. Chacun a échangé ses points de vue, a expliqué un peu ses difficultés, mais nous n'avons pas entendu les rêves d'un message. Nous n'avons pas entendu un message. Je crois que ça aussi, malheureusement, c'est un fait qu'il faut souligner, c'est que cette relation-là, elle n'est pas aussi stratégique. On a laissé les acteurs se débrouiller avec leurs propres moyens, leurs propres réseaux, leurs propres initiatives, et pour le coup, nous avons été relativement, on va dire, pas médiocres, on a été assez faibles. Eh bien, cette interview se termine doucement. Je retiens surtout du point de vue un petit peu européen, vu de Belgique. Vous avez souligné les défauts, ce qui reste encore à faire en France, et en particulier un manque de stratégie. Vous avez parlé aussi du fait que le gouvernement arménien lui-même manque de stratégie et de coordination avec les organisations de l'espoir arménienne. Malgré ça, le fait que la France reste plus que jamais la meilleure amie de l'Arménie en Europe, et qu'elle a besoin d'allier en Europe pour aller plus loin. Donc, on doit faire notre travail. Nous, en Belgique, on fait de notre mieux, et dans les autres pays européens. Je pense que, oui, ça va être compliqué d'avoir la relation qu'on a avec l'Allemagne, pour la raison que vous savez, la France est une communauté turque extrêmement forte, organisée, structurée, disciplinée. Mais vous avez des pays qui peuvent compter, qui ne sont pas forcément dans l'UE, mais je pense à la Confédération évétique, à la Suisse, où il y a des relais d'opinion intéressants. Vous avez d'autres pays, bien sûr, la Grèce, Chypre, l'Espagne, le Portugal aussi. Maintenant, nous avons une nouvelle structure de lobbying arménienne au Portugal, l'association d'amitié Arménie-Portugal, qui fonctionne plutôt bien, avec Weimar Gaghan, une veille à la déconnaissance, qui est tout à fait capable et extrêmement prometteuse. Mais moi, ce qui m'intéresse, ce sont aussi les relais dans les opinions publiques. Et ce que ce conflit a montré, c'est que nous avons maintenant un regain d'intérêt pour la question arménienne de la part des communautés chrétiennes, catholiques, ou même protestantes, des ONG comme l'Oeuvre d'Orient, qui a ouvert des antennes en Belgique, en Suisse, en Espagne, et qui fait du lobbying maintenant. Comment on va porter ce message ? Pourquoi est-ce qu'on parle de l'Oeuvre d'Orient ? Parce que l'Oeuvre d'Orient, c'est un acteur institutionnel très ancien en France, depuis le 19ème siècle, depuis 1853, depuis la guerre de Crimée, et qui n'est pas dans une approche confessionnelle. Combien même si c'est une organisation non-NG catholique, mais qui n'est pas dans une approche confessionnelle ou dans un narratif de guerre de civilisation, contrairement à d'autres organisations plutôt marquées à l'extrême droite. Mais qui, à l'origine, est une organisation humanitaire et culturelle. Et qui soutient les réseaux d'écoles chrétiennes, françaises, en Orient. Donc ça, c'est important. Ce sont des relais d'influence, des ressources humaines disponibles, qui vont en appui au lobby arménien. Il faut peut-être dire qu'en deux. Et puis, bien sûr, intellectuellement aussi, il faut qu'on s'arrange plus. Nous devons profiter du fait qu'en France, vous avez des traditions d'intellectuels qui portent cette question sur le débat public. Il n'y a pas que Jean-Christophe et Sylvain Tesson, vous avez d'autres intellectuels aussi, qui sont motivés pour aider l'armée. Mais alors, le travers, c'est d'éviter une droitisation de l'armée. C'est-à-dire, d'éviter une droitisation de la question arménienne, qui soit portée exclusivement par des gens de droite, alors qu'à la base, la question arménienne, la cause arménienne, c'est une question humaniste, transpartisane, qui même était portée par des figures plutôt à gauche au XIXe siècle, avec les gens Réfléquent-Monceau, Anatole France, Péguy, qui était aussi une tradition socialiste, et qui défendait les Arméniens au nom de cet humanisme-là. Je pense que c'est important de construire un nouveau narratif au niveau français, au niveau francophone. L'OIF aussi vient en appui à ça. L'Arménie est membre de l'OIF. L'Arménie a accueilli en grande pompe un certain nombre de musiques, l'Organisation Internationale de la Francophonie, autour du slogan du vivre-ensemble. Mais ce vivre-ensemble-là doit avoir une dimension stratégique, parce qu'on parle de vivre-ensemble, jamais on n'a été aussi menacé. Dans cet écosystème fragile qu'est le Caucase du Sud et le Moyen-Orient, de façon plus générale, vous avez aussi des exceptions culturelles. L'Arménie, la culture arménienne, fait partie de la culture monde. Les Arméniens sont, comme le rappelle Michel Bruno, un des rares peuples monde de la longue durée, avec les Grecs, les Juifs, les Chinois et les Indiens. Ce peuple monde de la longue durée est menacé dans son existence. Je pense qu'en tant que membre de la Francophonie, l'Arménie doit exploiter cette carte de l'exception culturelle, et pas seulement de la religion chrétienne ou de la civilisation chrétienne, en faisant granger des soutiens dans d'autres pays de la Francophonie, afin que la Francophonie s'intéresse à ce patrimoine matériel et immatériel de l'humanité, que ce soit les monastères de la Sarthe qui sont menacés d'un ethnocide, comme l'a prouvé chaque territoire qui est tombé en main des aborigènes systématiquement rasés. Du coup, il faut associer d'autres acteurs, des Libanais, des Égyptiens. Nous avons une importante comité yézidé en Arménie, c'est important, il faut en parler aussi, du patrimoine yézidé d'Arménie. Il y a des Syriennes plus récemplaires, c'est important, il faut en parler, même s'ils ne sont pas très nombreux, on est très fiers d'avoir ces minorités en Arménie. Et bien voilà, ça, ça doit faire partie de l'agenda. Si grand merci infiniment, je crois qu'on a beaucoup avancé aujourd'hui avec cette émission. Je pense qu'on aura l'occasion de se reparler. Merci, au revoir Nicolas. Voilà, c'est la fin de cette émission, et je vous remercie de l'avoir écoutée. Nous allons continuer à la rentrée notre exploration de l'action politique arménienne dans les différents pays d'Europe. Restez donc à l'écoute de Belgarhaï, et rendez-vous très bientôt sur Arméno-Lobby. Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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