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La pharmacienne

La pharmacienne

Sélia Louise Château

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Transcription

The narrator reflects on the similarities between the pharmacist in the neighboring village and the pharmacist from their childhood. They wonder if the passage of time is visible in their own life and reminisce about the places they've lived and the countries they've been to. They question what lies between the prescription and the keyboard, between the page and the first name, and where the memory of time is stored. The narrator contemplates who will betray them first - their voice, skin, mouth, eyes, or a neighbor. They recall a conversation with a friend where they learned a lot but not about life's experiences. They mention a photo of themselves sucking their thumb and feeling unsure if it is truly them. Finally, they express a desire to be left alone, carried to bed without brushing their teeth, and to not be awakened. La pharmacienne du village à côté du village d'à côté a les mêmes grands yeux bleus, les mêmes cheveux blonds, la même voix de femme que la dernière fois. Enfant, je pensais que toutes les femmes passées à un certain âge avaient cette voix-là, cette voix de ver prisée, de vitraux de cathédrale. Je ne l'avais pas revue depuis l'adolescence. J'ai pensé aux cinq appartements dans lesquels j'ai vécu et à mes deux pays. Je me suis demandé si ça se voyait, pas le temps qui passe mais la manière dont il est passé. Qu'est-ce qui se cache entre l'ordonnance et le clavier sur ses doigts vernis, entre le page et le prénom, entre le prénom et le nom de famille ? Où est la mémoire du temps ? Quelle catastrophe ainsi m'as-tu vécu ? Qui te trahira le premier, ta voix, ta peau, ta bouche, tes yeux ou ton voisin ? Il y a deux mois, je revoyais une ancienne amie. Elle m'a dit « Oula, il s'en est passé des choses depuis tout ce temps ! » En deux heures, j'avais tout appris, tout sauf la vie, le corps qui vibre, le bruit, le bateau qui fait demi-tour à mains nues, qui lutte contre le courant. Il y a cette photo où je suce mon pouce et je suis presque sûre que c'est moi, mais pas tout à fait. On me l'a dit mais je me vois autant dans la formation que dans la photo. Déposez-moi dans la Peugeot rouge, laissez-moi dormir, qu'on me porte jusqu'au lit sans me brosser les dents, qu'on me laisse là et surtout qu'on ne me réveille pas.

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