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LBJdel'aventure_12_1997_Asie_et_Tibet

LBJdel'aventure_12_1997_Asie_et_Tibet

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LBJ de l'aventure réalisé par Sylvain Tesson, invités : - Gaëlle de La Brosse : directrice de la revue "Chemin d'étoiles" - Eric Lobo : photographe - Michel Jan : professeur au Collège de France SUJETS : Le voyage inspiré ; le voyage en Asie centrale et au Tibet

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Transcription

The transcription is discussing the concept of travel and pilgrimage. The guests on the show talk about how travel is more than just physical movement and can be a source of spiritual and personal growth. They discuss the importance of ancient pilgrimage routes, such as the Way of Saint James, and the revival of interest in these routes. The guests also mention the importance of preserving and restoring these routes as part of cultural heritage. The conversation touches on the idea that travel can be a form of self-discovery and a way to connect with history and spirituality. The guests emphasize the transformative nature of travel and how it can lead to introspection and personal growth. The host also mentions a recent publication called "Chemin des Toiles" which explores the deeper meaning of travel and pilgrimage. Bonjour, merci d'être fidèle au Libre Journal de l'Aventure. Nous allons vous emmener aujourd'hui vous aventurer dans des voyages en terre lointaine. Des voyages qui demandent à la fois le courage de l'explorateur, la foi du découvreur et l'esprit du pèlerin. Alors pour évoquer ces voyages un peu inspirés, ces voyages qui sont un peu plus que des voyages, j'ai invité trois intervenants. Ursula, voulez-vous les nommer ? Alors, nous recevons aujourd'hui Michel Jean, Éric Lobo et Gaël Delabroche. Je pense qu'ils peuvent en parler mieux que moi. Gaël Delabroche vient de créer une revue qui s'appelle Chemin des Toiles et qui nous parle des voyages, mais sa définition du voyage est intéressante. Nous recevons Éric Lobo qui vient de publier un livre, Résultat de 8 années de voyage et de pérégrination du Tibet à l'Iran Jaya, à la Papouasie, et qui vient donc de publier son regard sur ces 8 années de voyage. Et Michel Jean qui est professeur d'histoire contemporaine de l'Extrême-Orient, dont le thème favori est ces terres lointaines de l'Est, des grandes stèpes au plateau tibétain, et qui a publié entre autres une anthologie du voyage en Asie centrale et au Tibet chez Robert Laffont en 92 et qui vient d'être réédité en 97. Mais nous commençons par Gaël qui vient de publier Chemin des Toiles. Vous êtes Gaël de celles qui pensaient que le voyage n'est pas un simple déplacement d'un point à un autre, un simple parcours dans des espaces géographiques limités. Ça tombe bien parce que les deux invités qui sont à vos côtés non plus n'ont pas cette conception réduite du voyage. Vous voyez dans le voyage un cheminement intérieur, un apprentissage, une source de découverte d'histoire, une découverte de l'histoire, une découverte spirituelle, enfin tout ce que le voyage contient d'inspiration, d'initiation. Et votre revue que nous avons entre les mains n'est pas un livre de recettes, c'est plutôt un livre qui donne des clés et qui répond à la question « Pourquoi voyager ? » parce qu'on est à sommet sous une véritable flopée de revues qui nous disent comment voyager et enfin vous, vous nous dites pourquoi. Alors dites-nous un peu en quoi consiste Chemin des Toiles, votre revue. Dites-nous d'abord pourquoi elle s'appelle Chemin des Toiles. Eh bien ce titre je pense s'intigre dans la mémoire de pas mal d'auditeurs puisque le Chemin des Toiles c'est avant tout le chemin de Saint-Jacques, bien sûr, le chemin que l'apôtre Saint-Jacques désigne en songe à Charlemagne pour aller délivrer son tombeau. Le Chemin des Toiles c'est donc celui qu'on voit quand on lève les yeux au ciel, c'est la voie lactée qui se dirige vers le campus Stellae, vers Compostelle, donc au bout des terres, au bout du Finistère ibérique espagnol. Nous l'avons mis volontairement au pluriel pour montrer que notre inspiration se situe bien sur ces chemins, sur ces vieilles voies antiques de pèlerinage, sur ces voies de spiritualité. Mais pour nous le chemin avec ses majuscules, le chemin de Saint-Jacques et tous les chemins, ce sont les routes plurielles que chacun trace ou chacun suit dans les traces des autres. Cette revue donc en partant de cette inspiration, de cette intuition primitive, voulait s'ouvrir à toutes ces possibilités, voulait mettre en valeur l'aspect unique de tout cheminement humain. Par cette démarche même, nous voulions aussi mettre l'appui sur l'aspect vivant du chemin qui est souvent transformé actuellement en véritable produit touristique et souvent banalisé. Nous n'avons donc pas voulu faire une revue de randonnée, mais plutôt une revue de réflexion sur le thème du voyage et du voyage non seulement physique mais du voyage intérieur. Alors vous parlez beaucoup de pèlerinage, de route, vous venez de parler de Compostelle, vous venez de nous expliquer ce qu'était le chemin d'étoiles. Est-ce que le pèlerinage a encore de l'avenir aujourd'hui en Europe ? Y a-t-il encore des pèlerins ? Y a-t-il encore des routes de pèlerinage ? Et y a-t-il encore des gens qui sont susceptibles d'aller marcher sur les chemins d'étoiles ? Alors il est vrai que moi j'ai travaillé pendant une dizaine d'années sur ces chemins antiques, essentiellement sur les chemins de Saint-Jacques, donc j'ai pu évaluer un peu la progression et la motivation des personnes qui s'y trouvent. Le fait est, et chacun le constate, que cette évolution est progressive, mais va en augmentant et d'une façon très sûre jusqu'à sûrement l'an 2000 qui est un peu perçu par tous comme un renouvellement de la spiritualité actuelle. Je pense en effet que plus les choses iront, plus le monde marchera lui aussi, plus les personnes auront envie de se retrouver sur des chemins qui ne sont pas justement simplement des chemins physiques, mais des chemins qui les portent à faire des rencontres, que ce soit avec l'art roman, que ce soit en déchiffrant les chapiteaux antiques, que ce soit aussi en prenant cette main tendue à l'accueil, que ce soit en passant ce pont qui est un passage aussi vers un au-delà, qui relie l'ici et l'ailleurs. C'est un peu, je crois, la conception actuelle pour tous, en tout cas pour tous ceux qui marchent sur ces chemins de pèlerinage ou d'autres chemins, puisque pour moi et pour ceux qui ont créé cette revue, le voyage c'est aussi celui de l'homo viator. Je pense en effet que chaque étape de la vie est inscrite dans le déplacement du voyageur, de la pierre qui heurte le pas du marcheur, au ciel chargé d'eau, au mirage du désert, à la montagne à gravir. Tous ces éléments de la nature, tous ces éléments du paysage correspondent à des portes que le voyageur franchit. Et chaque fois, quelque nouveauté lui apparaît. Derrière la montagne apparaît l'horizon, derrière la pluie qui tombe du ciel apparaît la pluie qui rafraîchit le marcheur. À la croisée des chemins apparaît également la rencontre, l'échange, le carrefour, l'ouverture, le partage, le partage du pain et le partage du vin. Il m'arrive souvent, et il arrive souvent aux marcheurs sûrement, de vivre cette expérience, de mériter cette route à travers chaque étape qui devient salutaire. Selon les paroles de Saint-Exupéry, il n'est point de fruit s'il n'est point d'écorce. Eh bien c'est cette écorce que chacun essaye de grignoter ou d'ouvrir à chaque pas de sa marche. Et vous-même Gaëlle, vous êtes pèlerine, vous grignotez l'écorce ? Il m'est arrivé souvent de grignoter cette écorce. J'ai beaucoup marché sur ces chemins, à la fois les chemins de Saint-Jacques, à la fois d'autres chemins de pèlerinage, les chemins du Trobrail. Depuis une dizaine d'années, même une douzaine d'années, j'accompagne des jeunes de tous horizons en Europe sur d'autres chemins. Et c'est un grand partage. Vous m'avez dit que vous vous intéressiez aux anciennes routes, aux vieilles voies de pèlerinage. Est-ce qu'il y a en France une politique de patrimoine, de sauvegarde de ces routes ? Il y a fort heureusement une politique de restauration, de revalorisation de ces routes qui est menée par plusieurs organismes très différents, aussi bien politiques, aussi bien des organismes de randonnée, aussi bien des organismes locaux. Tous ces organismes essayent de se tendre la main, de travailler en collaboration. Nous-mêmes, nous travaillons avec eux et nous essayons justement de refléter un peu cette solidarité qui s'instaure sur ces routes. Revenons un peu à Chemin des Toiles, votre revue. Vous avez introduit le sujet dans le premier numéro qui est sorti en novembre dernier. Le premier numéro est introduit par un très bel éditorial, mais qui fait plus office de profession de foi que d'article, de Bernard Ramy, qui est alpiniste, qui vit, je crois, quelque part perché dans le Gévaudan au-dessus du Grenoble, et qui écrit sa passion de la montagne puisqu'il est grimpeur et qui résume très bien votre philosophie, votre conception du voyage, puisque, selon lui, toute ascension est un acte sacré et un chemin vers le sommet. Parlez-nous un peu de cet article et dites-nous en quoi le voyage est avant tout une profession vers Dieu, vers des dieux, enfin en tout cas vers un esprit. Je vous remercie de votre question. Je la relativiserai parce que je crois qu'il ne faut pas idéaliser non plus la démarche du voyageur. Je reprendrai ce mot d'itinérance qui est le sous-titre de la revue Invitation à l'itinérance. Je pense que dans le mot itinérance, du moins poétiquement, il y a le mot errance. C'est-à-dire que quand on part en voyage, c'est souvent l'expression d'une faille, d'une douleur ou d'un doute. Je l'ai souvent vécu en parlant avec des pèlerins de Saint-Jacques ou autres qui me disaient souvent qu'ils partaient parce qu'ils avaient vécu un deuil ou un divorce ou qu'ils étaient au chômage. Et donc ils voulaient avoir cette réflexion, cette méditation au fil de leurs pas. L'itinérance donc, je pense, est aussi une errance. C'est-à-dire que quand on se met en route, c'est parce qu'on accepte de perdre ses repères. Je crois que c'est André Dautel qui disait que plus le pèlerin avance, plus et mieux il accepte de se perdre. Le voyage c'est aussi donc ce labyrinthe, ce vertige, cette route qui tourne. Et j'ai fait lapsus en disant cette route qui tourne. Mais oui, c'est aussi la route qui tourne en labyrinthe et en jeu de lois comme on l'a analysé dans notre dernier numéro. Vous dites qu'il ne faut pas, il faut relativiser, il ne faut pas généraliser cette aspiration mystique à tous les voyageurs. Mais Bernard Ramy très justement dit que finalement tout grimpeur, tout ascensionniste, donc tout marcheur, tout pèlerin, est finalement un mystique malgré lui. C'est amusant, un mystique qui s'ignore et que même les hordes fluorescentes qui envahissent les parois calcaires des alpilles au Calanque sont finalement portées souvent par des motivations plus profondes qu'ils ne le pensent eux-mêmes. C'est assez intéressant et c'est vrai qu'on peut dire que plus on s'élève dans les altitudes, plus on se rapproche de Dieu. C'est même géographique. Il n'y a que Gargarine qui n'a pas vu Dieu en allant dans les étoiles. Je pense en effet, c'était effectivement la seconde partie de ma réflexion, c'est que ce doute, cette faille primitive, est à mon avis le prélude essentiel à cet éveil de la conscience que tout marcheur, tout voyageur, tout nomade, tout transhumant ressent par palier à certains moments de son itinérance, de son voyage. En effet, c'est uniquement, je pense, en acceptant de perdre ses repères que l'on se forge de nouveaux points d'ancrage et ces nouveaux points d'ancrage seront forcément la cime, le sommet, seront ce haut-lieu, cet itinéraire privilégié, ce chemin de mémoire. Je pense qu'on le voit de plus en plus dans la démarche du voyageur actuellement, à travers l'art, à travers la photo, à travers toutes les expressions artistiques. C'est un aspect qui à mon avis est de plus en plus présent dans la démarche du voyageur. De plus en plus, le voyage fait surgir des intuitions créatrices et va de pair avec la gestation d'une création. Pour illustrer votre propos et pour en rester au domaine de la montagne, il suffit de se rappeler des photos de Rébuffat qui mettait véritablement en scène la montagne. Parfois avec son ami violoniste Maurice Baquet, on voyait cet extraordinaire duo d'un violoncellite accroché à une paroi avec un alpiniste qui passe un surplomb en artificiel au dessus de lui, tout ça dans des hauteurs, dans des photos très composées. A tel point, je crois, et ça c'est une phrase que j'ai relevé dans votre revue, que Thérès qualifiait la montagne de Rébuffat d'alpinisme angélique. En effet, Rébuffat lui-même nous disait, en parlant de ce fil qui le reliait à l'alpiniste précédent, il disait un fil entre ciel et terre. Le voyage source de création, c'est un peu ce que Chemin d'étoiles essaie d'exprimer. C'est une des rubriques de cette revue qui s'appelle la rubrique dialogue. Une rubrique importante à mon avis parce qu'il donne la parole à l'autre, à celui qui est en face de nous, à l'hôte, à celui qui accueille, celui qui guide parfois. Celui aussi qui constate ce chemin d'étoiles, puisque pour nous l'étoile ce n'est pas seulement celle qui se réfléchit en chacun de nous, mais c'est aussi celle qui se reflète en l'autre comme un miroir. D'où la parole donnée au cheminement de l'écrivain, de l'artiste, du créateur, de l'éditeur, des métiers au service de l'itinérance. On va parler tout à l'heure du Tibet, mais je crois que le Tibet est vraiment une terre d'étoiles où beaucoup de pèlerins, de voyageurs, de marcheurs ou d'aventuriers qui n'avaient pas forcément de but mystique se sont trouvés confrontés à l'appel du voyage dont vous nous parlez. On en parlera tout à l'heure. Il y a une chose que je veux vous demander, c'est de nous dire où on peut trouver votre revue. C'est une revue qui n'est pas encore en kiosque, nous en assurons donc nous-mêmes la diffusion. Une adresse à vous rappeler. Chemin d'étoiles, 32 rue Pierre-Nicole, N.I.C.O.L.E. 75.005 Paris. Téléphone 01.46.33.97.89. Vous pouvez le trouver également dans une trentaine de villes et à Paris, il est en vente à la procure, au Vieux Campeur et à la Guilde du Raid, 11 rue de Vaugirard, dans le 6ème. J'ai deux messages d'auditeurs, un premier qui note une phrase de Saint-Exupéry, je vais, rameur infatigable, vers où je vais ? Je vous la donne, c'est pour mettre en exergue la une de chemin d'étoiles. Et puis une auditrice, alors ça c'est une petite critique mais je vous la soumets parce que c'est intéressant, vous faites de la psychanalyse ou du récit de voyage ? Merci aussi de ce message. Mais ça visiblement c'est une critique. Alors je pense que c'est effectivement en lisant la revue, c'est un autre message, que cette auditrice pourra le voir. Nous n'avons pas voulu faire une revue de randonnée, il est vrai, cela dit notre revue n'est pas du tout une revue intellectuelle. C'est une revue de cheminement collectif, c'est à dire qu'elle est ouverte à tous ceux qui veulent y laisser leur message. Et donc j'invite bien volontiers ceux qui le veulent à y inscrire leur part. Divers journalistes ont écrit, que ce soit des photographes ou des artistes, et ils ont fait passer eux-mêmes leur propre message. Il y a surtout un cahier très pratique au centre, qui est à chaque fois un cahier en couleur avec de très belles photos, qui est un carnet de route, c'est à dire une invitation au voyage mais d'une façon très pratique. Donc nous avons essayé de mêler un peu tous les aspects. Bon ça c'est un petit guide de randonnée, un mini guide de randonnée à l'intérieur de la revue, mais de randonnée intelligente et inspirée. Merci Gaël, vous nous rappellerez un peu plus tard dans l'émission l'adresse où on peut vous contacter, le numéro de téléphone de Chemin d'Etoiles pour les auditeurs de Radio Courtoisie qui seraient intéressés par cette belle revue. Vous comptez sortir quand le second numéro ? C'est une revue trimestrielle, donc le second numéro sortira coup en février. Merci, et puis je vous rappelle le mot de Saint-Jacques à Charlemagne, laisse-toi guider par le Chemin d'Etoiles. Alors maintenant je me tourne vers Eric Lebeau, bonjour, vous êtes photographe, vous êtes voyageur, c'est vos deux passions, c'est vos deux fonctions on peut dire, et vous les mêlez très bien, puisque vous venez de sortir il y a à peine un mois ? A peine quinze jours. Un livre de photos qui est le résultat de huit ans de périple du Tibet à l'Iran Jaya. C'est un voyage qui démarre en 1989. On va reprendre l'itinéraire tout à l'heure, il est un peu confus parce que comme c'est un voyage qui a duré huit ans avec des interruptions, des retours en France, vous avez croisé vos itinéraires, vous êtes revenu sur des endroits où vous aviez déjà été. J'y suis souvent revenu. Ce n'est pas un tracé d'un point de départ à un point d'arrivée en fonçant tout droit comme un taureau à la Zimut, ça ça plaira à Gaël. Donc ce livre c'est votre regard sur ces années de voyage au cœur de grands ensembles, il y a le Tibet, il y a les ensembles Himalayens, il y a l'ensemble Sud-Est Asiatique, la Birmanie, le Cambodge, le Laos, et à chaque fois, comme vous êtes photographe, vous avez donc réussi avec votre regard à essayer d'extraire l'esprit de ces pays. D'ailleurs c'est le nom de votre livre, ça tombe bien, L'esprit d'Asie. Alors j'aime beaucoup votre sommaire, c'est dans votre sommaire à la deuxième ou troisième page, vous décrivez un peu vos itinéraires. Vous découpez vos voyages en trois grands tronçons géographiques, trois grands ensembles qui correspondent à un esprit des sommets. Voilà, alors le premier c'est le Tibet, le Ladakh, l'esprit des sommets, ensuite deuxième partie, Birmanie, Laos, Cambodge, on descend un peu au Sud-Est, terre des esprits, et puis ensuite on arrive en Papouasie, esprit de jungle. Alors vous allez nous parler de ces trois itinérances dans l'esprit de l'Asie. D'abord dites-nous pourquoi et comment vous avez commencé à voyager avec votre appareil photo. Ça a commencé véritablement en 1989. Nous avons donc fait un premier voyage sur le Ladakh. On avait l'intention de rentrer sur le Tibet par le Ladakh, découvrir un peu tous ces temples bouddhistes, tous ces Gompas, toutes ces choses extraordinaires, très mystiques, qui intéressent tous ceux d'entre nous qui à un moment donné, finissant nos études un peu tard, ont envie de découvrir autre chose que ce que nous donne notre culture livresque. Donc j'ai essayé dans un premier temps de découvrir les sommets du Tibet qui est une sorte de rêve d'enfant que l'on essaie de réaliser à un moment donné. Ça Sylvain, tu connais ça très bien puisque vous avez fait une très belle balade avec Alexandre Poussin. On ne parlera pas de votre bouquin. Non, non, non, on ne parlera pas. Donc ensuite c'est un cheminement qui s'est fait naturellement après avoir découvert tout le côté mystique lié à la fête, lié à l'oppression aussi, lié à plein de choses. On est descendu naturellement le long des fleuves qui mènent donc à la vallée de l'Irrawaddy qui descend donc sur la Birmanie et ensuite par comparaison on s'est intéressé à... Là vous allez vite en besogne parce qu'entre le Ladakh et la Birmanie il s'est passé des choses. Il s'est passé beaucoup de choses. Donc en fait on a fait un premier voyage au Tibet qui était jalonné de la découverte de tous les monastères tibétains ayant un poids assez fort dans cette culture et dans cette civilisation. On a eu beaucoup de mal à rentrer dans ce pays puisque le Tibet a été fermé aux alentours de 1989 à la suite d'événements dans l'Assad qui leur a valu malheureusement 800 moines incarcérés plus tout le massacre qui a suivi. Vous êtes rentré en clandestin ? On est rentré légalement. Ce qui s'est passé, on a commencé par un voyage qui a en fait démarré au Ladakh qui était un voyage plutôt tranquille au départ et qui a été très très vite très mouvementé. Au départ quand nous avons souhaité monter au Ladakh on a eu un premier obstacle qui était tout simplement la destruction des routes à la suite de pluies torrentielles qui avaient éboulé aux alentours de 17 km de voies et par conséquent cette voie un peu impénétrable le devenait encore plus. A la suite de ça, après de bonnes négociations, nous avons réussi à monter jusqu'au Ladakh. Le Ladakh découvert, la capitale de l'Est découverte, on nous a très vite fait comprendre qu'il ne fallait pas qu'on reste parce qu'il y avait un conflit entre les musulmans et les bouddhistes et quand on nous dit effectivement que les bouddhistes sont des gens très portés vers le calme et la religion Oui mais ils sont prêts à la défendre avec quelques violences. Ils sont quand même assez vifs. Donc après avoir découvert très rapidement les monastères du Ladakh que ce soit Emy, Salshi, Lamayuru et tous les grands monastères Ladakhis nous avons été très vite interrompus dans notre découverte et dans notre traversée vers le Tibet. Il a fallu très vite rebrousser chemin et nous avons été... Donc il y a eu une journée d'affrontement très très dure et à la suite de ça, il a fallu vider la totalité de la capitale administrative du Ladakh, de l'Est pour redescendre sur le territoire kashmiri par Kargil. C'était le début d'un voyage qui était censé être un petit peu calme qui s'est ponctué de coups de feu, de morts, de violences terribles et notre retour un peu forcé nous a envoyé directement dans une embuscade qui a quand même fait au sein des touristes puisqu'il y avait à peu près 25 touristes blessés grièvement donc blessés la tête. Nous sommes tombés dans un village qui s'appelait Kalsi. Nous sommes arrivés d'ailleurs au Ladakh. Nous sommes arrivés dans un village où on a découvert la silhouette d'un type carbonisé sur son camion et visiblement il avait été carbonisé avec son camion donc avec des militaires partout en armes face aux villageois pour calmer un peu le jeu. Donc là ça s'est très bien passé. Cet événement, cet épisode, je crois qu'il en est question dans votre livre. On vous voit à un moment porter secours. Ah ça c'est plus tard, ça c'est au Cambodge. On adore porter secours malheureusement. Donc là il y a eu une première altercation assez violente. Là il y a eu quand même beaucoup de blessés. On a été obligés de partir. On est tombés dans une embuscade où là on était dans une petite rue surplombée de maisons où là à coup de pavé de la taille d'un pavé parisien on se faisait arroser très largement. Donc là il y a eu beaucoup de blessés parce qu'on ne pouvait pas s'en sortir. On ne pouvait pas reculer, on ne pouvait pas avancer, on ne pouvait rien faire d'autre. Ça c'était la première... Ça c'était en fait la première quinzaine de ce voyage. Donc ça nous a donné tout de suite envie et la rencontre que l'on a fait avec les visiteurs, une sorte de solidarité autour d'un événement un peu fort, nous ont expliqué qu'effectivement si on voulait visiter le Tibet qui était quand même plus proche, il y avait d'autres moyens et que ce que l'on voyait là qui était assez spectaculaire, il était encore plus au Tibet. Donc il fallait peu de temps ensuite pour faire le tour par l'Inde, pour pouvoir remonter au Tibet et découvrir peut-être des choses un peu plus soft qui étaient visiblement les fêtes tibétaines, les grandes fêtes tibétaines qui se déroulent à la période du milieu de l'été et qui notamment, ce qui nous intéressait le plus, c'est de participer à une fête durant les fêtes du milieu de l'été qui était la fête du déploiement du grand tanka de Drepung qui est un événement assez rare puisque depuis 1959, donc depuis le départ de Tenzin Gyatso, le 14ème Dalai Lama, elle a été sortie deux fois avant d'en fabriquer une nouvelle, celle qui est photographiée dans le livre et qui est un tanka qui fait 3600 m² de soie avec la représentation de Bouddha et de ses disciples autour d'une fête qui normalement se déroule pendant l'aube. L'aube, la toile n'a pas le droit d'être léchée par la lumière donc logiquement, elle est rentrée dès que la lumière sort. Ce qui est très difficile pour un photographe qui est quelque chose de quasiment impossible puisqu'on est entre l'humidité, la fumée de Genévrier et le noir de Drepung. Drepung, c'est un monastère qui se trouve à côté de Lhasa qui historiquement accueillait plus de 10 000 moines qui était une sorte d'université monastique. Et le déploiement de la tanka correspond à quel symbole ? C'est une... C'est-à-dire au niveau du... C'est-à-dire à quelle fête particulière cela correspond ? Ça fait partie d'une des étapes des fêtes du milieu de l'été et qui correspond à une manifestation religieuse qui est normalement sortie une heure tous les 12 ans, par cycle de 12 ans. Et là, on a eu la chance d'assister à cette fête-là et photographier une ambiance aussi forte avec plus de 50 000 Tibétains avec leurs moulins à prière en train de réciter leur Om Mani Padme Hum. Donc des fidèles venus de très loin, venus du fin fond du Tchamtang dans un exercice que vous connaissez assez bien, c'est la circumambulation. On se prosterne sur le sol et on avance pratiquement en rampant. Déjà, on pèlerine avec comme seul étalon la longueur de son corps. La longueur du corps. Donc ça, c'était un des objectifs que nous nous étions fixés. Et puis en même temps, découvrir un peu cette ville inaccessible de Lhasa dont on avait lu beaucoup de choses, d'Alexandra Davini à Henry Scharrer et ce que l'on va retrouver dans le film extraordinaire de Jean-Jacques Annaud. Justement, il y a une question d'un auditeur qui vient de nous arriver. Que pensez-vous du film d'Annaud sur le Tibet qui vient de sortir ? Est-ce que vous l'avez vu ? Oui, je l'ai vu et j'ai eu la chance de le voir en avant-première. J'ai retrouvé beaucoup de choses dans ce film. J'ai retrouvé à travers le voyage de Brad Pitt ce que l'on peut retrouver dans le voyage d'amis présents ici. Donc cette jeunesse et cette folie de traverser d'un pays. Là, la traversée était un peu forcée. Cette traversée vers le Tibet était un petit peu forcée. Mais à la base, il y avait une découverte de la montagne, de la très haute montagne. Donc c'est quelque chose qui démarre très très bien. Et puis on retrouve tout ce que l'on aurait aimé photographier quand on est... Tout ce que l'on aurait aimé photographier, c'est Lhasa à cette époque-là. Aujourd'hui, on peut être un peu triste quand on est photographe de voir ce qu'est devenu Lhasa. Ce nettoyage urbain, ces constructions chinoises épouvantables. Vous avez vu des documents photographiques de Lhasa qui remontent à une... Je suppose que Jean-Jacques Annaud a dû s'appuyer sur tous ces ouvrages. Pour reconstituer très fidèlement tout ce que l'on peut voir. La seule petite différence par rapport à celui qui connaît bien le temple, qui connaît bien visuellement le temple, c'est que ces décors sont un petit peu plus propres que ce qu'est l'intérieur d'un temple qui sointe de beurre de yag, d'huile, de lampes, de fumée. Donc on retrouve beaucoup de belles choses sur le Tibet. On retrouve beaucoup d'émotions. Tous les moments d'émotions sont très bien traités. En tout cas, c'est un film que j'ai pris pratiquement comme un coup de poing. Avec beaucoup d'émotions à la fin. Alors là on s'est arrêté avec vous à la fin. Ensuite vous continuez. Ensuite on continue parce qu'on se fait repérer à la suite d'une fête. Les photographes, journalistes, reporters ne sont pas vraiment très appréciés dans cette partie du monde. Donc le fait d'assister de façon très tôt à toutes ces fêtes, à partir de 4 heures du matin, j'étais présent sur toutes les fêtes. Avec le matériel que j'ai essayé de camoufler sous un poncho en plastique. À un moment donné, il faut bien le soulever pour faire des images. Un touriste tel qu'on essaie de se faire passer est rarement équipé de ce type de matériel. Donc à un moment donné, on finit par se faire repérer. Et après avoir été repéré 2-3 fois justement par les journalistes, photographes chinois qui couvraient cette manifestation. J'ai eu la chance, on ne peut pas dire exactement la chance, j'ai eu la chance de passer à la télévision chinoise pendant que j'assistais à une fête au Norbulinka, qui est le palais d'été du Dalai Lama. La caméra est venue, c'est mes amis qui étaient à l'hôtel qui m'ont raconté, la caméra balayait la foule, s'est arrêtée sur moi une première fois avec mon matériel et est repassée, continue à circuler sur la population et est revenue une deuxième fois. Là ils ont fait une sorte de zoom gros plan et puis ils sont repartis. Donc après avoir été informé de ce type de... On a essayé très très vite de partir, on est parti très très vite vers le lieu de Changtang. Parce qu'on était repéré. Parce qu'on était repéré et on avait vécu une histoire qui était... On avait rencontré un photographe qui devait travailler en correspondance avec l'agence Gamma qui s'appelle Hans Stucke. On avait rencontré cette personne-là. Moi j'avais rencontré, il faisait sa traversée à vélo du monde entier puisqu'il a fait 400 000 km à vélo pendant une trentaine d'années. Il est encore sur les routes. J'avais rencontré Hans qui lui avait été arrêté sur les routes interdites entre Chengdu et Lhasa avec son vélo sans permis, sans rien. Donc il nous avait mis quand même pas mal en garde. Et là le fait d'être vu, alors qu'on essayait de passer de façon assez discrète, nous a envoyé vers le Changtang, vers les grandes plaines du nord sur lesquelles on avait d'autres choses à découvrir, notamment les nomades, les pasteurs nomades dropkins et les autres populations qui sont sur ces parties-là. Et ça c'était vraiment une incursion aller-retour dans le nord, dans le Changtang ? C'était une sorte d'aller-retour. Le retour n'empruntait pas toute la même voie puisqu'on redescendait vers un site qui est important pour le bouddhisme qui est le site de Samye sur lequel on a pu assister l'année suivante parce qu'après il a fallu partir du Tibet. Nous sommes revenus sur les mêmes traces pour revenir à Samye sur lequel nous avons eu la chance d'assister à des fêtes assez extraordinaires, assez rares qui ne sont pas autorisées au tourisme parce qu'il y a des moments, dans ce type de fêtes et de manifestations, il y a des moments qui sont très très forts. Pour vous donner un exemple, pendant la fête du Tangka géant, à un moment donné, une vieille dame accrochée à un morceau de la colline, rien n'est organisé donc tout le monde s'églutine un peu partout, une vieille dame est tombée et il y a eu un moment de hurlement et le premier réflexe du chinois qui était devant nous, c'est que la Kalachnikov, la main, s'est retournée violemment parce qu'effectivement il ne sont qu'une poignée d'hommes pour surveiller une grande manifestation comme ça et quand on connaît les risques et les incidents réguliers, il y a déjà un peu de nervosité sachant qu'en plus la veille, on avait vécu un événement un peu particulier, on était sur la place du Jokhang, on avait remarqué quelques Tibétains qui parlaient un peu fort entre eux, le premier réflexe des chinois qui se trouvent sur le poste de police qui bordent la place du Jokhang, c'était d'armer les fusils pour viser la foule. Donc il aurait suffi d'un mouvement un peu débordant pour que le sang coule encore. Généralement les chinois évitent ce type de manifestation, évitent de mettre des touristes ou des voyageurs dans ce type d'environnement alors que c'est les moments les plus forts, les plus extraordinaires. J'ai eu la chance de pouvoir couvrir la totalité de ces fêtes que l'on retrouve dans le livre, cachées parmi les pèlerins alors que j'ai été accompagné d'Anne-Lise, mon épouse, et de Mireille Elfer, directeur de recherche au CNRS. Les deux étaient proches des policiers, donc j'ai essayé de négocier, d'essayer de me retrouver, et puis en fait, elles ne cherchaient pas vraiment. Et si on poursuit votre voyage pour en arriver à la fin, c'est-à-dire à Yangjiang, là pour l'instant on est dans le Changtang, vous allez redescendre vers le Yunnan pour essayer de gagner le nord de la Birmanie. Voilà, le nord de la Birmanie, on a fait plusieurs tours de la Birmanie, on a fait la partie autorisée. Oui c'est ça, on voit les photos de Pagan, de Mandala, tout ce qu'il doit y avoir, l'incontournable. Vous l'avez fait en plusieurs voyages. On l'a fait en plusieurs voyages, et on l'a fait notamment à des périodes où les visas se sont un petit peu allongés. Et donc la première partie, on a fait tout ce qui était légal pour tâter le pouls du pays. Mais après on voit des photos dans l'état shan et ça, ça me semble la plus suspecte. Et puis ensuite, le deuxième voyage qui était un peu plus long, on a trouvé un correspondant birman assez volontaire, qui nous a permis de faire en fait tout ce qui est interdit. Et tout ce qui est interdit, pas pour le goût du risque, même si le risque, on l'apprécie quand même plutôt pas mal. Et parce que vous n'avez pas le choix. Pour découvrir en fait tout ce qui était très beau, et on a toujours été prêt à prendre des risques pour aller voir tout ce qui est le plus beau. Donc là effectivement, on a découvert des sites qui sont quasiment inconnus, et qui sont des lieux de pèlerinage, des lieux de culte très importants pour les populations birmanes. Notamment à l'extrême nord, dans les terres septentrionales de Birmanie, dans l'état shan. Dans l'état shan, où là effectivement, on a essayé de découvrir les populations. L'intérêt de la Birmanie, c'est qu'on est dans un univers où le brassage ethnique est l'une des grandes caractéristiques avec des couleurs. Alors pour un photographe, c'est le rêve. Il y a de la lumière, il y a de la pierre, il y a de la population très différente, il y a de la vie, les gens sont souriants, les gens sont extraordinaires, on accueille très fort. Et si effectivement, on arrive à braver l'interdiction militaire, on arrive quand même à rencontrer des populations qui sont extraordinaires. Et on peut vivre des moments, un des moments forts que l'on a vécu, c'est, bravant l'interdiction militaire, on est allé dormir dans un village, les montagnes shan, après quelques bonnes heures de marche, voire plus. Nous sommes arrivés dans un village dans lequel nous avions décidé de passer la nuit puisque les moments les plus forts, en fait, dans ces endroits là, c'est la nuit qui se déroule. Donc on arrive à découvrir des scènes qui sont dignes d'un visuel que l'on va retrouver dans les Frères Lenins ou dans les Georges de la Tour. Donc une lumière extraordinaire dans un contexte, tout le monde éclairé à la bougie, avec des couleurs qui font vraiment voyager. C'est le régal de l'objectif. C'est le régal de l'objectif. Alors après, il faut un dieu pour les photographes puisqu'il y a très peu de lumière. C'est qui votre patron, vos autres photographes ? Je ne sais pas. Mon patron, il doit s'appeler Leïka. C'est le seul qui arrive à me sauver des situations terribles. Et là, on a vécu des scènes assez fortes où on ne peut pas dormir dans les maisons, on ne peut pas partager dans les maisons communautaires la vie. On partage et on dort dans les monastères. Dans les monastères, c'est l'endroit où il y a le moins de risques puisqu'on sait que les rebelles shan reviennent s'approvisionner, prendre des nouvelles, prendre le pouls du terrain et repartent dans la nuit. Là, nous avons eu une petite anecdote qui était assez amusante. Nous dormions dans un temple, dans le petit monastère de ce village sans nom. Et là, nous avons vu débarquer des rebelles en armes qui sont venus prier. Et notre guide, notre correspondant, qui était, don't worry, no problem. Il avait l'air très tendu alors que nous, on était épuisés, donc on ne pensait qu'à dormir. Mais c'est vrai que c'est des scènes que l'on ne photographie pas. Mais le lendemain matin, au petit matin, on a vécu un moment assez fort. Les moines, avant de venir prier, vers 4h30-5h du matin, les petits moignons, à la manière d'une lampe, s'enveloppent d'une bougie pour se réchauffer le corps. Et donc, ça crée un parterre de petites lampes, de petits moignons tout rouges. Ça, c'est extraordinaire et ils se mettent tous à chanter, plus faux les uns que les autres. Et là, on est quand même content d'avoir bravé des interdictions pour vivre des moments qui sont aussi forts. Il y a des moments qu'on retrouve en photo dans votre livre Esprit d'Asie. Je rappelle le titre pour les auditeurs de Radio Coursoisie. C'est édité chez Dumais, et ça s'appelle Esprit d'Asie, du Tibet à la Papouasie, par Eric Lobo. On continue votre descente vers le... On passe par le Laos. On passe très vite par le Laos. Dans la traversée, on essaie un exercice de style que je n'avais jamais tenté, puisque je ne suis pas très plongeur. Mais il se trouve qu'il y a un site assez original, qui est le site du lac Nam Goun. C'est une région qui a été inondée. C'est moins qu'une région, mais c'est une zone qui a été inondée, qui fait 17 par 21 kilomètres. Et qui recouvre une forêt de bois précieux, de bois denses. Et par conséquent, on découvre un métier qui est le métier de bûcheron-plongeur. Et on rencontre une population assez spéciale de jeunes gens qui descendent au fond du lac, à plus de 30 mètres, avec dans la bouche un tuyau d'arrosage, un masque, un tuyau d'arrosage pour descendre, couper les arbres. Mais on les rencontre à la surface ou à 30 mètres de profondeur ? Souvent on les rencontre en haut, mais si on veut vraiment les photographier dans leur labeur, il ne faut pas hésiter à aller au fond. Alors effectivement, descendre au fond dans ce type de conditions, c'était un peu nouveau. Moi je ne suis pas un plongeur, donc j'ai essayé de découvrir un peu tout ça. Je suis allé avec un ami plongeur, qui m'a fait une sorte d'initiation à la plongée dans la région parisienne, avant de se rendre sur ce site. Ce qui était assez étonnant, mais on avait peu d'informations, on était déjà passé par ce site, mais on ne savait pas quelles étaient les conditions sous l'eau. On pensait avoir une vue assez importante, on pensait avoir une bonne visibilité. Puisque l'année précédente, on avait chassé le silure à la Kalachnikov, comme ça se fait dans la région. C'est un endroit amusant où on chasse. C'est des endroits qui sont en train d'éterniser, donc les seuls objets... Oui, puis la Kalachnikov a toujours eu des usages polyvalents. C'est quand même plus pratique que d'avoir une canne à pêche, mettre l'hameçon, c'est quand même assez... On pêche bien la dynamique, donc pourquoi pas à la Kalachnikov. Donc ce que l'on a fait là, on ne savait pas trop dans quel contexte. Donc on avait une visibilité d'environ 60 cm, mais ça on l'a découvert sur place. On était très largement plombés, donc on tombait dans les arbres. Donc on tombait dans les arbres à 30 m sous l'eau, c'est quand même impressionnant. Oui, c'est amusant d'être à la cime d'un arbre à 30 m sous l'eau en pleine nuit. Voilà, donc ça fait partie des moments forts, des moments un peu originaux. Donc on tombe dans un arbre, et puis le bûchon qui est face à nous avec une lame qui fait plus d'1,20 m, 1,30 m, démarre sa tronçonneuse pneumatique qui hurle, qui crie, qui déchiquette tout ça sous l'eau. Et puis vous, vous n'avez plus qu'à aller au plus loin, à 60 cm de son visage, si vous voulez photographier son visage. Donc vous êtes dans une zone de risque maximum. Et là, effectivement, il faut... là, ça crée des sensations assez fortes. Et bien alors, je vais vous apprendre quelque chose. Savez-vous, dans ces conditions, qui vous devait prier ? Sainte Véronique. Voilà. C'est un auditeur qui vient de me dire que le saint patron des photographes, c'est Sainte Véronique. Merci. Évidemment, elle a été bien inspirée de vous épauler pendant les 8 années de reportage. Alors là, cette scène sous-marine, c'était au Laos. Au Laos. Vous descendez, vous rejoignez le Cambodge. Le Cambodge, où là, effectivement, on arrive à une période qui n'est pas vraiment la meilleure. On arrive juste après la signature des accords de Paris. Traité qui... une sorte de cessez-le-feu entre les 4 factions en guerre. Les Khmer Rouges sont à la table de la signature de ces accords. On a, effectivement, des personnalités comme Kyu San Pan, ou des personnalités qui ont été quand même les bras droits de Pol Pot, qui signent et qui siègent à la tête de l'ONU. On voit des choses un peu surprenantes. Et on arrive dans une période qui est un peu trouble. L'accord est signé, l'accord de paix est signé, mais les forces de l'ONU ne sont pas encore là. Donc, on est arrivé à une période où l'objectif des Khmer Rouges, à un moment donné, a été de récupérer un certain nombre de villages pour avoir un positionnement plus fort lors du tour de table de négociations avec les forces de l'ONU. Donc, on a visité le site d'Ankor Wat. On trouvait encore des fresques, des morceaux de bas-relief sur le sol. On trouvait des morceaux, puisque c'est des endroits qui étaient quand même encore assez protégés, mais qui étaient assez protégés naturellement par les mines qui jonchent un peu tout le sol. Et on est allé sur un site qui était assez extraordinaire, qui était le site de Ban Tesseret, qui, à l'époque, était vraiment truffé de mines, et sur lesquelles, effectivement, nous prenions beaucoup de risques d'aller dans ce type d'endroits. Et c'est effectivement lors de ces occasions qu'il nous est arrivé un certain nombre de choses, notamment ramener un Khmer loyaliste du gouvernement en place qui, lui, était troué de partout. Donc, il a fallu négocier pendant très longtemps pour essayer de le ramener. C'était très difficile. Ils ne souhaitaient pas qu'on le ramène. Ce n'était pas notre problème. Nous, on ne souhaitait pas le laisser saigner à l'endroit où il était. Donc, il avait pris, entre sa rafale de Kalachnikov, des éclats d'obus et le reste. Donc, il saignait de partout. Il fallait à tout prix le ramener. Donc, il a fallu négocier de longues minutes, menacer, pour pouvoir ramener une personne qui, de toute manière, était là et qui n'avait pas de voie de retour dans un endroit pour l'hospitaliser ou autre. On l'a même refusé dans un hôpital où on l'a conduit. On nous a dit non, non, il est trop blessé. Vous ne pouvez pas le laisser là. Il faut l'amener à l'hôpital militaire. Donc, il se passe... Donc, vous ne faites pas que de la photographie. On essaie de porter secours à certains moments. Après le Cambodge, vous redescendez toujours vers des terres un peu plus australes. On va traverser l'Irian Jaya pour faire une sorte de parcours initiatique et de découverte de la vie de la jungle. Et notamment, cette première initiation, qui était l'initiation la plus facile, s'est faite avec les hommes fleurs de Siberut. Siberut est une île que l'on trouve sur la côte ouest de Sumatra, sur laquelle il y a une douzaine d'heures de rafio à travers ce bras de mer. Et on rentre ensuite dans une jungle qui est extrêmement glissante, extrêmement boueuse, qui nous permet de découvrir, de vivre et de partager beaucoup de temps et d'apprendre la jungle. Et ça, ça a été vos premiers pas dans la touffeur et la moiteur des jungles, avant d'aller plus loin dans l'Iran Jaya, rencontrer des tribus... On avait déjà fait une expédition, une année précédente, sur l'Irian Jaya. On avait traversé une grande partie entre la vallée de Balième et on avait dû marcher une vingtaine de jours, à raison de douze heures par jour, dans les hautes montagnes qui sont à l'est de la vallée de Balième. Donc là, à un moment donné, je tenais à découvrir des populations qui étaient un petit peu différentes. On avait découvert aussi bien le côté mystique des populations tibétaines. On passait du mystique à quelque chose de plus proche de l'origine de l'homme. Et là, on découvre des populations qui sont assez étonnantes. Vous avez des photos extraordinaires de sauvages, au sens littéraire du terme, d'habitants de la forêt, de la selve. Et c'est vrai qu'on voit des choses qui rappellent assez les genèses. Alors là, on a beaucoup parlé de vos itinéraires, on a peu parlé de votre travail de photographe, qu'on peut découvrir dans ce livre « Esprit d'Asie » publié chez Dumais et qui est sorti il y a 15 ans. On peut le trouver facilement dans toutes les bonnes librairies. On l'a trouvé à Lafnac, on l'a trouvé quasiment partout, qui aujourd'hui se commercialise très bien et qui plaît visiblement beaucoup. Alors là, on a posé des questions aux voyageurs. Maintenant, j'ai deux questions à poser aux photographes. La première, c'est qu'il y a énormément de portraits dans votre livre. Vous montrez des paysages, vous montrez des scènes de vies, vous montrez des scènes de meurs, des scènes de rituels. Mais il y a énormément de portraits dans votre travail. Comment est-ce que vous arrivez avec vos appareils photo, qui doivent être impressionnants, à réussir à instaurer un climat de confiance suffisant pour pouvoir prendre plein champ avec un téléobjectif braqué sur un moine qui ne doit pas vraiment apprécier ça ? Comment est-ce que vous faites ? Parce qu'un travail de photographe, c'est un travail de communication avec les sujets. Là, c'est plus un travail de caméléon plus qu'un travail de photographe. En fait, à un moment donné, il faut créer une ambiance qui permet de faire oublier justement ce matériel-là. Et nous-mêmes, nous devons oublier ce matériel-là. Il y a une technique qui doit être forcément assimilée. Et on a cette nécessité d'aller très, très vite à certains moments. Donc, on fait une image comme on va cligner d'un œil. Donc, on va essayer de saisir très, très vite un moment très fort. Et à un moment donné, je pense qu'il y a différentes façons de travailler. Moi, je travaille avec « soit très, très près ». Et là, c'est effectivement une démarche plus agressive. C'est-à-dire que je travaille avec des optiques qui sont très courtes, avec des 15 mm. Donc, je vais travailler à 10 centimètres, 10 centimètres d'un visage comme je vais travailler très, très loin. Il y a des moments où, effectivement, le fait d'avoir cette sorte d'intimité entre… Une promiscuité, oui, même. Même promiscuité permet de faire des images inhabituelles, peut-être plus fortes. Mais ça, après, c'est un rapport humain. Ce n'est plus un travail de fabrication d'une image. Donc, c'est une sorte d'harmonie entre… Vous n'êtes pas peintre, par hasard, parce qu'il y a beaucoup de vos photos qui sont composées comme des tableaux. Alors, à l'origine, effectivement, avant d'être photographe, j'ai un parcours peut-être un peu inhabituel pour un photographe. C'est-à-dire que je suis originaire de Provence, où là, j'ai beaucoup de place, où là, je peux dessiner, je peux peindre. Vous avez de la lumière. J'ai de la lumière, j'ai tout ce qu'il faut. Donc, j'ai toujours une fibre créative, mais dans le dessin et dans la peinture. J'ai dû passer, à un moment donné, à une phase… Bon, je fais une grande école, je fais une prépa HEC, je fais une grande école de commerce. J'arrive à Paris dans un clapier. Donc, à un moment donné, il faut trouver de l'espace. Et je me suis dit, la solution, ça passe peut-être par la photographie, par un support qui est plus… Donc, la composition reste la même. La création et la créativité restent la même. On a un support qui est un petit peu différent. Bon, on a changé, on a transformé un pinceau par une optique. Mais on arrive à créer des ambiances qui sont identiques. Donc, voilà comment on arrive d'un goût au dessin, à la peinture, à un goût à la photographie. Effectivement, on retrouve ça dans les images. Eh bien, si les auditeurs de Radio-Goursoisie veulent savoir comment un peintre sorti d'HEC se retrouve dans la jungle et comment, après une grande école, on peut arriver en Papouasie, il faut se procurer « Esprit d'Asie », édité… Aux éditions du mai. Aux éditions du mai, sorti il y a une quinzaine de jours par Éric Lobo. Et il faut absolument consulter ses pages parce que la dernière partie, notamment du livre, qui concerne donc le voyage en Papouasie, est absolument extraordinaire, avec des photos non seulement composées de façon, on va dire, professionnelle, mais c'est idiot et banal, mais en fait extrêmement originale. Moi, j'ai une question technique, justement, parce qu'il y a beaucoup de photos qui sont prises d'en haut. Donc, est-ce que vous faites de l'escalade ? Est-ce que vous êtes alpiniste ? Non, non. En fait, l'objectif étant toujours de faire une image, une belle image. Quand il faut y aller pour la faire, il faut y aller. Donc… Vous faites votre opérage ? Une toute petite anecdote. Un jour, j'avais envie de faire une photo des… On a visité des populations qui vivent dans les arbres et qui vivent très très haut dans les arbres. Et la prise de vue banale d'en bas présentait pour moi moins d'intérêt. Donc, ce qui est important, c'est d'être au même niveau sur un arbre en face à 30, 40, 50 mètres. La seule chose, c'est qu'il faut un système pour y grimper. Le bois est trempé. Donc, ce n'est pas possible de… Si on n'est pas papou, ce n'est pas possible de grimper là-haut. Donc, la solution était tout simple. J'ai fait un tour aux vieux campeurs. Je leur ai dit « Voilà, je veux monter à 40 mètres sur un arbre. Quel type de matériel il faut que je prenne ? » Donc, là, ils m'ont vu les yeux écarquillés en se disant « Qu'est-ce qu'il nous veut ? » Et ils m'ont installé un armé. Ils m'ont expliqué comment fonctionnait une pédale, un jumar. C'est un peu technique. Un descendeur pédzelle. En me disant « Mais vous savez, il faut au moins trois semaines de formation. On en voit les types dans la nature au bout d'un an en spéléo. Donc, on ne peut pas faire ça tout seul. » J'ai dit « Ça tombe bien, j'ai deux heures. Donc, il faut m'apprendre. » Donc, ils m'ont appris. Pendu à un étrier chez le vieux campeur, ils m'ont réglé un peu tout le matériel. J'ai passé deux ou trois jours chez moi à apprendre. Et puis, quand vous avez marché pendant une vingtaine de jours dans la jungle avec de l'eau entre mi-mollet et sous les aisselles, à un moment donné, vous êtes à 20% de vos capacités intellectuelles. Il faut grimper dans un arbre à 40 mètres suspendu à harnais. C'est quelque chose que vous n'avez jamais fait. Donc, c'est une sensation un peu nouvelle. Et là, après, on ne sait pas. Soit vous avez le vertige. Donc, quand il faut se décrocher, quand il faut faire tout ça, c'est quand même un petit bout d'aventure. C'est des expériences qui sont belles à faire. Surtout, en plus, quand les populations qui sont là, ce sont des populations qui peuvent être hostiles. Pendant laquelle, effectivement, les tribus de porteurs, on avait trois types de tribus différentes. Il y avait des combats, il y avait des corvoées. Il y avait des conflits ethniques. Les déplacements en territoire étranger. Donc, on était dans un secteur qui est assez dur, qui est le secteur qui est à la lisière d'une tribu qui s'appelle les Roya, qui sont des tribus très dures et qui refusent tout contact. En février 1996, il y a quand même un type qui s'est fait manger. Donc, on parle de ça de façon trop facilement anecdotique. Mais quand on est baigné dans cet univers terrible de la jungle, qui se produit un humeur qui ne marche pas justement ce jour-là. Et puis, vous ne connaissez pas la technique. Alors, vous sortez de vos poches le manuel, parce que comme vous n'y voyez plus fière, de toute manière. Alors, comment on détache une corde pour la passer dans un descendeur Petzl à 40 m du sol ? Ça fait de drôles de sensations. Mais on arrive à faire des images différentes que si on avait été posté, même avec du beau matériel en bas. Eh bien, c'est un beau témoignage de voyageurs. C'est une belle leçon de polyvalence. Et ça donne un beau résultat. Esprit d'Asie, du Tibet à la Papouasie, par Eric Lebeau. Je pense que les auditeurs de Radio Courtoisie seront heureux de plonger dans cet esprit d'Asie. Je me tourne maintenant vers Michel Jean. On a beaucoup parlé de votre voyage au Tibet. Donc, ça tombe bien, puisque Michel Jean a écrit une anthologie sur le voyage en Asie centrale et au Tibet. Michel Jean, est-ce qu'Eric Lebeau pourrait figurer dans votre anthologie si elle avait dépassé la première moitié du XXe siècle ? Absolument. Tout ce qui a été dit est passionnant. Et c'est tout à fait à la hauteur de ce qui l'ont précédé. Cette anthologie dépasse très largement le Tibet. Mais justement, c'est peut-être une manière d'introduire la manière d'aborder cette région. Je me permets de faire part de mon expérience personnelle, dans la mesure où j'ai abordé le Tibet par le nord, si j'ose dire, alors que la plupart des personnes, et c'est compréhensible, l'abordent plutôt par l'Inde ou par le Népal. C'est ce qu'on prend du fait que le Tibet est marqué culturellement davantage par l'Inde que par la Chine, par exemple. Mais, compte tenu des circonstances actuelles, le Tibet fait partie de l'ensemble chinois actuellement. Alors, ce qui m'avait intéressé, c'était finalement les pourtours de la Chine. Et pourquoi ? Parce que dans toutes ces régions qui vont de l'extrême-orient russe en passant par la Mongolie jusqu'au Tibet, il y a là une zone de contact entre une grande civilisation, la civilisation chinoise, et d'autres civilisations qui s'appellent, bien sûr, la civilisation européenne par la Russie, la civilisation persane ou méditerranéenne, si on remonte encore plus loin pour la partie d'Asie centrale, bien sûr, le Tibet pour la civilisation indienne. Alors, première remarque que je ferai, c'est que cette approche est finalement assez récente du Tibet. Le Tibet a été pendant longtemps contourné. Jusqu'au début du XVIIe siècle, on contournait le Tibet. On n'osait pas rentrer dans cet immense massif très impressionnant. Enfin, en tout cas, bien sûr, il y avait des pénétrations, mais les récits sont absents. Les grands voyageurs chinois du VIIe siècle, VIe, VIIe siècle, par exemple, contournent le Tibet. Encore, ils font un grand détour par l'Hindoukouche, ils vont jusqu'à l'Auxus, et ils redescendent ensuite par l'Afghanistan actuel. C'est finalement, et là je rejoins les propos du voyage du chemin des étoiles, ce sont les premiers voyageurs, mentionnés en tout cas, sont des missionnaires, des gens qui vont tenter de retrouver dans ces hautes régions, à partir du début du XVIIe siècle, des communautés chrétiennes dont on parle. On ne sait pas très bien ce qu'il en est exactement. Ce sont d'ailleurs des commerçants musulmans qui peuvent aller, à cette époque, jusqu'en Asie centrale, qui rapportent ces informations. Et les jésuites qui sont installés sur la côte sud de l'Inde sont très intéressés par cette histoire et tentent de franchir les zones sud de l'Himalaya pour pénétrer dans ces hautes terres. Et les premiers témoignages datent de 1624, ce sont des jésuites, des pères Antonio de Andrade à Emmanuel Marques, qui se lancent dans cette aventure à pied et passent, pour commencer, des cols à 6000 mètres d'altitude, s'enfoncent dans la neige. C'est vraiment une terre d'épreuves et, en l'occurrence, de missions pour installer une première église dans l'ouest tibétain. Et toute l'époque des premiers voyages est marquée par cette pénétration, notamment des jésuites. L'un des voyages les plus extraordinaires de cette époque, dont il y a très peu de détails d'ailleurs, c'est l'arrivée en 1662 des jésuites Gruber et d'Orville, qui sont les premiers à atteindre Lhasa. Et c'est un exploit d'autant plus extraordinaire qu'ils approchent Lhasa par le nord, c'est-à-dire en venant de la Chine. Et ils s'en redescendent ensuite vers l'actuel Népal. L'autre voyage bien connu, bien évidemment, de tout le monde, c'est celui du père Huck et du père Gravel, qui, beaucoup plus tard, deux siècles plus tard, au milieu du XIXe siècle, font un voyage fantastique, dont la plupart des auditeurs connaissent certainement le récit. Alors, toute cette période est marquée par une découverte, c'est une période des découvertes. Il y a eu même d'ailleurs des redécouvertes, puisque Desideri, l'un des premiers voyageurs, n'a vu ces textes connus qu'à partir du XIXe siècle. Autrement dit, tout son travail fantastique. Il avait passé, par exemple, quinze ou dix-huit ans dans le monastère de Sera, à côté de Lhasa, à apprendre le tibétain et à comprendre la religion des lamas, d'ailleurs pour la critiquer, pour leur montrer qu'ils étaient dans l'erreur. Il n'a pas été très bien accueilli, vous vous en doutez. Et cette histoire continue ensuite au XIXe siècle, mais avec un tour différent. Au début du XIXe ou au milieu du XIXe, les Chinois, et les Tibétains surtout, interdisent l'accès aux Tibais. Et ça va devenir pendant un siècle, ou près d'un siècle, une épreuve et un but pour un grand nombre de personnes, avec des motivations diverses, avec des moyens les plus étonnants pour arriver jusqu'à ce capital qui est devenu un objectif mythique. Après le Père Huc, il y a effectivement toute une période d'interdiction. Alors, je parlais des motivations diverses, il y a les explorateurs purs, Pratchakas, par exemple, les Russes, mais il y a également encore des personnes qui sont motivées par une démarche de mission. Je pense à des missionnaires protestants qui, pendant plusieurs années, se préparent dans ces grandes entreprises, dans les monastères qui sont dans la région chinoise du lac Tsinghai, qui apprennent le Tibétain, qui se mettent en condition et qui partent avec l'ambition de convertir au christianisme le Dalaï-Lama et les Tibétains. Il y a des récits qui sont pathétiques, comme celui de Mme Richard, qui perd en cours de route son fils qui a 18 mois. Avouez qu'il fallait être assez audacieux pour partir avec un enfant de 18 mois à 5000 ou 6000 mètres d'altitude, qui perd ensuite son mari et qui arrive dans une mission du Sichuan après des aventures absolument fantastiques et tragiques. Il y a aussi les autres voyageurs de cette période qui sont parfois assez farfelus et qui prennent des moyens assez étonnants, déguisés. Toutes sortes de déguisements sont valables pour essayer d'arriver jusqu'à Nassar. Il y a également ceux qui essayent de forcer le terrain, qui font des expéditions militaires, mais rien ne fera et les Tibétains refusent cet accès à Nassar. D'ailleurs, dans le film dont on parlait tout à l'heure de Jean Jacquanot, sur le texte d'Henri Charreur, on montre bien également cette difficulté ou cette interdiction d'accès de ces territoires aux étrangers. Et il va falloir attendre l'expédition britannique de 1904 pour arriver enfin à cette capitale de Nassar. Donc c'est une expédition qui va être d'ailleurs très difficile et qui va coûter cher en hommes d'un côté comme de l'autre. C'est cette expédition qui va permettre de découvrir cette capitale dont tout le monde parle, que l'on ne sait pas même très bien où elle est à la limite. Il y a eu, pour en savoir plus sur ce Tibet mystérieux, l'organisation d'un corps d'observateurs indiens par des anglais qui envoyaient sur les pistes des missionnaires des personnes déguisées, parfois avec des chapelets un peu bricolés pour compter leur part, des moulins à prière qui avaient des poussoles camouflées, etc. Enfin tous les gadgets à la James Bond de l'époque et qui rapportaient des commentaires et des rapports extraordinaires. Donc le Tibet est resté pendant très longtemps vraiment une terre mythique, beaucoup plus je pense qu'aucune autre. Vous nous avez fait part et puis à lire votre anthologie on se rend bien compte de cet extraordinaire acharnement, cette ténacité qu'ont mis les voyageurs occidentaux à essayer de percer le bastion, de forcer la citadelle. On compare souvent le Tibet à une citadelle, c'est assez juste, gardée par les immenses remparts himalayens. Parfois c'est un acharnement qui tourne au tragique, qui tourne parfois à l'obsession. On voit en lisant Alexandra David-Nil que sa course vers Lhasa, sa hantise de Lhasa au sens où elle était possédée de l'idée d'arriver, tournait presque à l'obsession. Elle n'aurait pas fait mauvaise figure dans une page de Chemin des Toits, elle était visiblement inspirée, elle avait besoin d'aller à Lhasa. Il y a donc cet acharnement, souvent tragique, des occidentaux à vouloir forcer la barrière tibétaine et il y a toujours cette inaccessibilité. Alors j'imagine que c'est à cause de conditions physiques, j'imagine que c'est sans doute à cause de conditions politiques imposées par les Tibétains. Mais qu'est-ce qu'il fait ? C'est quand même extraordinaire qu'une ville comme Lhasa, qui à vol d'oiseau n'est pas si loin de l'Inde ni du Népal. Comment se fait-il que cette ville, que ce pays, que ce Tibet ait été préservé de tout contact pendant si longtemps ? Eh bien vous avez donné en partie l'essentiel de la réponse, il y a déjà des obstacles physiques. La plupart des passes qui sont autour du Tibet, le Tibet est un plateau qui est entouré de hauts massifs. Et les colles sont à 5000-6000 mètres. Alors lorsque l'on vient de Chine ou de la partie indienne, il y a un effort physique extraordinaire à faire. Il y a tout un ensemble logistique, surtout maintenant, à apporter avec soi. Et donc il y a déjà une sorte de rejet de l'organisme pour les explorateurs venant des plaines. Ce qui, entre parenthèses, est pour les Tibétains actuellement, au moins depuis pas mal d'années, une sorte de garantie. Je ne sais pas combien de temps cette garantie résistera, mais une sorte de garantie à voir peut-être moins de Chinois s'installer. L'autre obstacle, c'est celui de... c'est l'obstacle politique. Alors cet obstacle, ou religieux, puisque les Tibétains ont craint pendant très longtemps que l'on vienne à partir de ces régions limitrophes, en particulier du sud, pour convertir leur population à d'autres religions que la leur. Et ces obstacles, ces interdits, étaient renforcés par une discipline draconienne qui faisait que les personnes qui ne s'opposaient pas, ou même qui n'arrivaient pas à s'opposer à l'arrivée des étrangers, étaient très sévèrement châtiées, c'est-à-dire qu'on leur supprimait la vie. Ce n'était pas des menaces en l'air. De ce fait, les Tibétains étaient extrêmement réticents à voir tous ces étrangers tenter de parvenir jusque chez eux. Et le relief, les paysages, le terrain, de manière générale, se prêtent assez bien à ces arrêts assez loin de la capitale. A plusieurs centaines de kilomètres, des expéditions ou même des voyageurs pouvaient être repérés et on les refoulait le plus loin que l'on pouvait. Pendant la fin du 19e siècle, le record pour approcher l'Assa faisait partie du jeu. Et lorsque l'on va à l'Assa, lorsqu'on va au Tibet, on sent physiquement cette difficulté d'adaptation à l'altitude. A plusieurs raisons, à 5000 mètres, on sent que l'organisme a des difficultés à moins d'y rester longtemps. C'est une question dont je pressens la réponse. Mais comment se fait-il que les Chinois, compte tenu de tout ce que vous décrivez, aient eu autant de facilité à rentrer au Tibet et n'aient pas rencontré la moindre résistance ? On peut s'étonner notamment que les cavaliers du Kham n'aient pas résisté davantage. Il est vrai que c'était un déferlement militaire bien supérieur au potentiel de l'armée tibétaine. Mais comment se fait-il que l'invasion ait été si rapide, si facile, après tous ces efforts individuels, mais quand même motivés par des autorités, l'Empire des Indes, les missions religieuses ? Comment se fait-il que les Chinois aient eu tant de facilité à briser le rempart comme s'il s'était agi d'un château de cartes ? Si vous parlez de 1950, de la rentrée des communistes au Tibet, les moyens des Chinois communistes étaient sans commune mesure supérieurs à ceux que les Tibétains pouvaient mettre en face d'eux. Je crois que de ce côté-là, il n'y a absolument aucune comparaison possible. Il n'y avait aucune préparation. Il y avait, semble-t-il aussi de la part des Tibétains, un espoir de voir intervenir une partie de l'opinion publique internationale, ou en tout cas des organismes internationaux. Mais surtout, il y avait un élan qui était donné par les forces communistes, et un élan qui est allé non seulement vers le Tibet, mais également vers le Xinjiang, bref, qui allait dans toutes les directions pour reconquérir l'ensemble du territoire. Et de ce fait, les unités communistes chinoises sont arrivées à Nassau, sont trouvées réellement d'opposition en face d'elles. Je rappelle le titre de votre livre, Michel Jean, Le voyage en Asie centrale et au Tibet, Anthologie des voyageurs occidentaux du Moyen-Âge à la première moitié du XXe siècle. C'est dans la collection bouquins chez Robert Laffont, édité en 92 et réimprimé cette année en 97. Michel Jean, un auditeur vient juste de nous envoyer une question. Que pensez-vous des livres de L'Obsang Rampa, qui a écrit, entre autres, Le troisième oeil ? Alors, on est dans un autre domaine. Ces livres sont intéressants parce qu'ils font pénétrer la psychologie et la mystique tibétaine. Il s'agit d'un autre voyage. Voilà, il s'agit d'un autre voyage, il ne s'agit pas réellement de... Alors là, c'est une découverte, ça rejoint, a mis davantage la démarche d'Alexandra David-Nayl. Je voudrais simplement vous demander pourquoi, jusqu'à la première moitié du XXe siècle, est-ce que l'exploration au Tibet s'arrête à Henri Carreur ? Quasiment, parce que, eh bien, nous venons de l'évoquer, 1950, avec l'arrivée des communistes au Tibet, c'est la date également de la fermeture du Tibet. Oui, mais vous venez de nous prouver que le Tibet fermé n'avait jamais empêché certaines tentatives de pénétration individuelle et clandestine. A notre connaissance, après 1950, il n'y a pas eu, et jusqu'à une période récente, c'est-à-dire la fin des années 1970, il n'y a pas eu de voyage au sens où nous l'entendons au Tibet. Et puis, ça correspond également pour l'Asie centrale, puisque ces deux régions sont liées, dans cette anthologie, à ce même phénomène de fermeture des frontières, notamment entre la Chine et l'URSS de l'époque. Henri Globo ? Pour compléter les propos de Michel, il faut savoir, à une certaine période, que le Tibet est constitué d'écoles bouddhistes différentes, et à un moment donné, pendant très longtemps, ils ont été incapables de s'en prendre entre eux. Donc, il n'y avait pas vraiment d'unité homogène entre les différentes écoles, différents monastères, souvent en conflit. Par conséquent, c'était très facile, du fait de leur division, de pénétrer dans le Tibet. Oui. Nous avons parlé de la période 1950 et de la période plus récente, mais en d'autres périodes, les Tibétains ont opposé à l'Empire chinois, au contraire, une résistance farouche qui a empêché les Chinois d'aller jusqu'à Lhasa. Et ce sont les Tibétains qui se sont permis, eux-mêmes, des pénétrations, soit en Asie centrale, soit sur les contreforts chinois dans la région du Sichuan ou dans la région du Shaanxi actuel, des percées jusqu'à la capitale de l'époque. Donc, il y a eu également des périodes où les Chinois n'ont pas été les maîtres de cette région. Historiquement, ils ont commencé cette pénétration et ces liens à partir des Tangs, c'est-à-dire à partir du 7e siècle, mais il y a eu beaucoup de pointillés par la suite. Il y a eu d'ailleurs des victoires, des grandes défaites chinoises contre les Tibétains dans la région de Kashgar au nord du Karakoram. Oui, tout à fait. Dans toute cette région d'Asie centrale, il y avait des descentes de Tibétains. D'ailleurs, on trouve des populations tibétaines jusque sur les rebords du Gansu, c'est-à-dire au nord du Tsinghai, le Tsinghai qui appartient également à l'ensemble tibétain. Et les Tibétains ont une tradition historique dans tout cet ensemble qui déborde largement du Tibet à proprement parler. Mais du Bhutan jusqu'à certaines vallées du Karakoram, effectivement, on est dans la sphère culturelle, linguistique et de mentalité tibétaine, qui dépasse bien les frontières civiles et politiques. Et si l'on va encore plus loin, les liens qu'il y a eu entre le Tibet et la Mongolie depuis le XIIIe ou XIVe siècle, et surtout autour du XVIe ou XVIIe siècle, font que la culture tibétaine a largement rayonné dans ces hautes terres d'Asie centrale. On trouve même quelques vestiges de Bouddhas tibétains en Afghanistan. Oui, alors c'est plutôt, effectivement, mais là, c'est plutôt l'inverse qui s'est passé. C'est-à-dire que la progression du bouddhisme s'est faite par le sud et par ensuite l'art du Gandhara notamment, vers la Chine, jusqu'aux grottes de Yunkang et Luoyang et compagnie. Alors vous parlez, enfin vous citez beaucoup de missionnaires dans votre anthologie. Là, j'ai une question que je me pose. Je crois qu'on a retrouvé quelques vieux vestiges dans des grottes, notamment dans la Sérinde. On a retrouvé des croix Nestoriel, on a retrouvé des Jéjuites. Quel a été l'impact de ces essais de mission au Tibet ? Puisqu'en fait, le bouddhisme, qui est aujourd'hui la religion officielle et qui imprègne tant la culture tibétaine, n'est arrivé qu'au VIe ou au VIIe siècle, donc finalement est assez récente à l'échelle de l'histoire. Est-ce que les chrétiens avaient une chance dans leurs essais de mission au Tibet ? Bien, c'est ce que les jésuites ont pensé au début du XVIIe siècle, mais ils ont dû se rendre rapidement à l'évidence. Ils ont même d'ailleurs pensé au début que la religion locale n'était qu'une dégénérescence où il y avait des relations communes avec la religion chrétienne. Mais, puisque vous parlez des Nestoriens, les Nestoriens, eux, ont plutôt étendu leur influence, une très très forte influence d'ailleurs, sur la partie nord à partir du VIe, VIIe siècle, en Asie centrale, en Mongolie et même en Chine du nord, à travers des populations surtout mongoles ou turques. Mais, à notre connaissance, elles n'ont pas essaimé jusqu'au Tibet. Elles ont abordé plutôt la partie qui est plus au nord. Vous nous avez parlé de routes commerciales, vous nous avez parlé des routes des caravanes, l'une des routes de la soie passait par le Tibet ? Pas tout à fait. Le Tibet était contourné par le nord. Il faut voir ce que ça représente. Le Pamir, le Kunlun ou les Nanshan qui sont au nord du Tibet, ce sont des massifs qui sont impressionnants. Donc, on préfère prendre ces couloirs naturels, que sont la ligne des oasis qui sont autour du bassin du Tarim, ensuite le corridor du Kansu, pour arriver jusque dans les parties strictement chinoises ou purement chinoises de la région de Chang'an de l'époque, sur le Xi'an actuel. Et le terrain est tout à fait pratique pour ce genre de cheminement. Alors que pénétrer même le Tsinghai est déjà un exploit. Donc, routes commerciales qui passent au nord, tentatives d'établissement de missions, des routes religieuses. Est-ce que vous vous êtes intéressé, et ça c'est une question que j'avais aussi à Gaël, y a-t-il des routes de pèlerinage, à part évidemment le pèlerinage autour du Mont Kailash, qui est fameux et bien connu, mais qui intéresse plusieurs religions, pas seulement le bouddhisme. Y a-t-il des grandes routes de pèlerinage au Tibet auxquelles vous vous êtes intéressé ? Il y a la route qui part, ou qui aboutit, comme on veut, de Lhasa, et qui remonte par le Tsinghai, qui va dans la région du lac Kokonor, et qui remonte ensuite vers la boucle de l'Ordos pour aller jusqu'à la Mongolie. Je vous ai parlé il y a quelques secondes de ces liens étroits culturels entre la Mongolie et le Tibet. Et ça se raccroche à ces liens religieux qu'il y a entre la Mongolie et le Tibet. Et il y a également pas mal de populations chinoises de ces régions qui sont très attachées à ce genre d'itinéraires. Gaël, vous êtes allé semer quelques étoiles au Tibet déjà ? Pas encore, non, mais il y a une personne qui devrait nous faire effectivement un article sur le pèlerinage du Mont Kailash très prochainement. Il nous reste 4 minutes pour parler de vos projets à tous les 3. Michel-Jean, je crois que vous avez fait en 90, donc il y a 7 ans, une expédition en Mongolie sur les traces d'un moine franciscain qui est parti au XIIIe siècle. C'était un envoyé de Saint-Louis, qui est de 1253 à 1255, qui a fait une mission de diplomatie jusqu'à Karakorum. Vous avez retrouvé ces traces et vous les avez suivies ? Pas tout à fait. Nous avons suivi le texte de ce moine, Guillaume de Rubrouque, magnifiquement traduit par Claire et René Caplaire. Et à la suite de ça, nous avons fait une expédition sur son passage en Mongolie, et une expédition qui s'est faite à cheval. Et le récit, on sortira dans quelques semaines aux éditions Payot. Alors on guette les rayons de récits de voyages des librairies. Éric Lobo, vous avez un second projet de livre ? Un projet qui va parler d'une petite histoire qui se déroule de façon, une sorte de route de la soie qui se déroule depuis des millénaires chez les papous d'Irian Jaya, avec des échanges triangulaires entre le sel, la pierre et le rotin. Un livre qui devrait logiquement sortir pour septembre prochain. Je rappelle le titre de votre livre, Éric. Esprit d'Asie, du Tibet à la Papouasie, par Éric Lobo, aux éditions, j'y arriverai jamais ? Du Mai. Paru en... Il y a 15 jours. Michel Jean, merci d'être venu. Nous vous recevions pour votre anthologie du voyage au Tibet. Le voyage en Asie centrale et au Tibet. Anthologie des voyageurs occidentaux du Moyen-Âge à la première moitié du XXe siècle. Chez Robert Laffont dans la collection bouquins. Et juste avant de vous quitter, je vous conseille un très beau livre, paru également dans la collection bouquins et qui s'appelle Voyages au pays de nulle part. C'est une anthologie des voyages un peu inspirés. Histoire d'un véritable voyage dans la lune vers 200 après Jésus-Christ par Lucien de Samosat. Enfin, vous voyez, c'est quelques sommeurs d'étoiles qui sont partis dans des terres lointaines. Merci beaucoup. Au revoir.

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