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LBJdel'aventure_02_1997_Speleologie_Tintin

LBJdel'aventure_02_1997_Speleologie_Tintin

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LBJ de l'aventure réalisée par Sylvain Tesson, invités : - Stéphanie Billioud : journaliste - Jacques Sautereau de Chaffe : spéléologue et vice-président de la Fédération française de spéléologie - Patrick Kersalé : ethnomusicologue - Jean-Fabien de Sèlve : organisateur de rallyes d 'aventure motorisés SUJETS : Une expédition spéléo en Patagonie ; sur les traces de Tintin

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The main ideas from this information are: - The radio show "Le Libre Journal de l'Aventure" is discussing various expeditions and adventures. - The guests include Stephanie Billiou, who will talk about her recent expedition in Patagonia. - There is also mention of Jean-Fabien Desselves, who has previously undertaken an expedition following the footsteps of Tintin. - Patrick Kersalé, an ethnomusicologist, will also be a guest on the show. - The expedition in Patagonia was led by Richard Maire, a karstologist, and included a team of 10 people. - The team explored the karstic caves in the Magellan channels of Patagonia. - The expedition was successful in discovering caves and formations in the marble mountains of Diego de Almagro. - The members of the expedition were passionate individuals who funded the expedition themselves. Chers auditeurs, bonjour. Merci d'être fidèles au Libre Journal de l'Aventure. Alors aujourd'hui, nous allons beaucoup voyager. D'abord, dans un premier temps, aux Antipodes, et puis ensuite, dans tous les continents, dans pratiquement tous les continents de cette planète, grâce à tous nos invités. Alors nous avons un plateau qui est très fourni aujourd'hui, mais pas complètement inconnu des auditeurs, puisque nous recevons, entre autres, Stéphanie Billiou. Bonjour Stéphanie. Bonjour. Vous êtes venue inaugurer le Libre Journal de l'Aventure en novembre 96, pour raconter votre voyage en Iran. Ensuite, on n'a pas arrêté de parler de vous dans ce studio, notamment en mentionnant les articles de journaux que vous aviez fait paraître dans grands reportages sur ce voyage en Iran. Et aujourd'hui, vous allez nous raconter l'expédition dont vous êtes revenue il n'y a pas longtemps, 3 jours ? Oui, il y a 4-5 jours. Voilà, vous êtes revenue non seulement sauve, mais visiblement saine, de cette expédition en Patagonie. Et vous allez donc nous raconter cette expédition avec Jacques Sautreau de Chaffes, qui est spéléologue, et donc vous étiez membre de cette équipe qui comptait combien de personnes ? 10 personnes. 10 personnes, et qui a donc été explorer les cavernes karstiques, c'est-à-dire les grottes de calcaire du sud de la Patagonie. Vous étiez où exactement ? On était dans les canaux de Magellan, et l'idée c'était d'aller étudier une île qui s'appelle Diego de Almagro, et qui est donc située dans ces canaux de Magellan, qui sont en fait sur 12 degrés de latitude, coincés entre le Pacifique, finalement, et le continent américain. Alors vous allez nous raconter tout ça avec Jacques Sautreau de Chaffes, qui est spéléologue. Nous recevons aujourd'hui Jean-Fabien Desselves, qui n'est malheureusement pas là. Je ne sais pas si c'est une manie des aventuriers et des voyageurs d'être toujours en retard. Toujours est-il que Jean-Fabien doit être dans les embouteillages en train de rejoindre la radio. Il va arriver, et il va être sur ce plateau à deux titres. D'abord, c'est parce qu'il a réalisé il y a quelques années une grande expédition de deux ans sur les traces de Tintin, recherchant dans les albums de Tintin les images significatives qui pouvaient faire l'objet de photos, et parcourant ensuite, sillonnant les pays pour reprendre ces photos, reprend les objets et les personnages qui avaient inspiré Hergé. Et il est ici aussi parce qu'il me remplacera à la tête du Libre Journal à partir de la mi-mars, puisque je pars pour une expédition de six mois en Himalaya. Et donc je ne serai pas capable, une fois toutes les trois semaines, depuis les sommets de l'Himalaya, d'animer cette émission. Et puis nous recevons Patrick Kersalé, qui est ethnomusicologue. Ethnomusicologue, je le prononce bien. Alors sous ce vocable un peu compliqué et universitaire se cache en fait un homme qui va traquer les sons, traquer les musiques traditionnelles dans toutes les jungles, les montagnes du monde, mais particulièrement en Afrique et en Asie, puisque je crois que ce sont vos domaines de spécialité. Alors, on retourne à la Patagonie, on va ouvrir ce chapitre du Libre Journal, ce premier chapitre du Libre Journal de l'Aventure par la Patagonie. Donc, d'abord Stéphanie et Jacques, racontez-nous avec qui vous êtes partis. Combien étiez-vous pour cette expédition ? Donc, on est partis à 10, sachant que la personne qui est à l'origine de cette expédition s'appelle Richard Maire. C'est un docteur en karstologie qui est directeur de laboratoire à Bordeaux au CNRS. Et en fait, il avait trouvé dans une petite notice d'un ouvrage, il avait lu qu'il avait la possibilité de trouver du calcaire dans certaines de ces îles, des canons de Magellan. Je vous interromps une seconde. Est-ce que Jacques, vous pourriez expliquer aux auditeurs de Radio Courtoisie et à moi par la même occasion ce que c'est que le karst ? Alors, c'est un vocable un peu curieux qui a eu une origine yougoslave. En fait, c'est en Slovénie que ce mot est apparu dans son utilisation et dans sa désignation pour désigner des zones calcaires au sein desquelles se forment des cavernes, des gouffres, des rivières souterraines. Parce que la première région où l'on a observé et étudié les phénomènes souterrains se trouvait dans cette région de Slovénie qui s'appelle le karst. Et on en a fait d'autres vocables, la karstologie, les karstologues. Et alors, mes vieux souvenirs d'études de géographie qui me remontent à la mémoire. Je me souviens que je crois, dans le milieu karstique, justement, la dissolution du calcaire par l'eau provoque toute une série de conduits de calcaire et c'est finalement très riche comme région pour les spéléologues. Exactement. Et l'eau profite de toutes les faiblesses qu'il y a au sein de la masse calcaire, les failles, les diaclases et toutes les faiblesses géologiques pour davantage s'infiltrer au sein de la masse calcaire et creuser les galeries. Alors, qui était à l'origine de l'expédition ? Je vais laisser Jacques en parler parce qu'il a fait partie de la première expédition de repérage il y a deux ans dans cette région du globe. Alors, c'est déjà presque une vieille histoire parce que nous sommes une équipe, une équipe d'amis aux âges un peu divers. Mais on a parcouru le monde, le monde karstique, à la recherche toujours d'ozones vierges et de gouffres et de rivières souterraines à découvrir. Et petit à petit, il faut dire que bien que ce soit un des derniers endroits du monde où il y a de l'exploration vierge à faire, ça a tendance à se retrécir quand même de plus en plus. Les cartes blanches sont... Alors, nous avons été notamment en Papouasie-Nouvelle-Guinée où il reste encore énormément à faire. Et puis avec Richard Maire, on s'est penchés sur des cartes et on a dit mais où pourrait-on aller pour jouer encore les explorateurs souterrains ? Et il y a quatre zones dans le monde qui restent encore vierges de toute prospection et de toute exploration. Et la Mongolie, une partie de l'Alaska, certains contreforts du massif de l'Himalaya, notamment au Pakistan et l'archipel de Magellan au Chili. Et puis on a dit bon, on va choisir le plus loin, on se rassure... D'être seul. D'être seul. Et seul, nous l'avons été, ça je peux vous dire. Alors, nous sommes partis en reconnaissance, simplement quatre, Richard Maire, Jean-François Pernette, Michel Le Trône et moi-même, en mars 1995 pour faire déjà une reconnaissance et des repérages afin d'être certain qu'il y avait du calcaire dans cet archipel. Stéphanie m'a gentiment envoyé une carte postale depuis, je ne sais pas où d'ailleurs, depuis... Punta Arenas. Et on voit un tout petit bateau perdu au milieu de chenots en Patagonie. Est-ce que c'était ce petit bateau qui ressemble à un espèce de chalutier un peu approximatif qui vous a servi à faire le repérage ? Un petit chalutier en bois qui avait à peu près une quarantaine d'années, qui était mis par un vieux moteur d'autobus récupéré, qui prenait l'eau tant et plus par le dessous et par le dessus. Et on a navigué comme ça pendant pratiquement une dizaine de jours dans des conditions un peu difficiles mais quand même sympathiques parce que l'équipage qui était trois vieux marins chiliens était vraiment à la hauteur de la situation. Et la photo que vous avez vue a été prise dans une des petites criques de l'île de Diego de Almagro qui était notre premier but pour cette reconnaissance. Car Richard Maire avait repéré à travers quelques rares, très rares écrits qu'il y avait eu sur la géologie de l'archipel des Ultima Esperanza puisque c'est son nom, la dernière espérance, c'était un petit peu la nôtre aussi. Et donc que cette île de Diego de Almagro est en grande partie constituée de marbre. Donc comme chacun le sait évidemment, le marbre c'est du calcaire, un autre genre de calcaire mais c'est du calcaire donc il y a des formations possibles de cavernes à l'intérieur d'une montagne de marbre. Et on n'a pas été déçu du voyage, on a découvert le marbre de Diego de Almagro. Ce qui a motivé la seconde expédition qui vient de se terminer. Donc première expédition repérage, ensuite vous repartez sur les traces de vos anciens relevés et là vous explorez ce que vous aviez approché il y a quelques années. On prospecte surtout au départ parce que toute exploration spéléologique est d'abord précédée d'une prospection sur la montagne pour essayer d'abord de trouver les entrées de cavernes, les sorties d'eau. Donc on a d'abord marché sur les montagnes de Diego de Almagro et puis on a eu le bonheur de trouver assez rapidement une belle caverne qui nous a occupé un bon bout de temps. Alors avant de rentrer dans le vide du sujet, est-ce que vous pouvez nous dire qui sont les membres qui ont formé l'expédition 97 ? Alors déjà moi ce qui m'a frappé parce que je me suis rajoutée à cette expédition complètement au dernier moment, c'est que ce sont que des gens qui sont allés là pour aller au bout de leur passion. Ce ne sont pas des professionnels puisque on n'est pas professionnels spéléologues. C'est Ultima Passionata. C'est vraiment une passion, des gens qui ont financé ça avec leurs propres sous et qui sont partis pour aller au bout de leurs rêves. Donc il y a ce fameux Richard Maire dont on a déjà parlé qui est docteur en cartologie et directeur d'un laboratoire du CNRS à Bordeaux. Il y a Michel Philips qui fait quelque chose qui est assez surprenant parce qu'il fait de la spéléo plongée. Donc déjà la spéléo c'est dangereux, la plongée n'en parlons pas, mais la spéléo plongée je vous laisse imaginer. Donc c'est quelqu'un d'assez exceptionnel qui a fait pas mal d'expéditions un peu partout. Il y avait également Jacques qui est juste à côté de moi et puis Jérôme Tinguy qui était le plus jeune parce qu'il avait 24 ans. Alors lui il a trois passions, la montagne, le vin et la spéléo. Donc il est venu là pour assouvir l'une d'entre elles. Et le vin au Chili c'est pas complètement absurde. Non seulement le vin au Chili c'est pas absurde, mais le vin en spéléo c'est encore moins absurde. On avait tous la passion du vin et on a mis beaucoup de bouteilles dans le bateau. On avait besoin de beaucoup de laisse, donc il y avait 15 tonnes de béton au fond de la cale plus un certain nombre de bouteilles de vin qu'on a dégustées pendant le trajet. Il y avait également Marc Tinturier qui lui est alpiniste et spéléologue également qui est venu sur la spéléo un petit peu sur le tard. Et puis il y avait Luc-Henri Fage qui a réalisé un film qui est réalisateur, photographe et spéléo et qui s'occupe du journal de spéléo, du seul journal indépendant de spéléo. Et puis je n'oublie personne, Jacques. Luc-Henri Fage qui était dans vos lumières. Luc-Henri Fage, on vient de le nommer. S'il y avait Jacques Reynièvre et Jacques Durand qui sont deux médecins, donc un jeune et un vieux, on les avait appelés Baby-Doc et Papy-Doc parce qu'il y en a un qui a 28 ans et l'autre 68 ans. C'était vous là, Stéphanie. La plus jeune de l'expé, mais disons que lui était le jeune docteur et aussi passionné de spéléo. Et donc c'est vrai que c'était assez sympathique parce qu'il y avait des gens entre 24 et 68 ans. Et je vous assure que le Papy-Doc en train de crapahuter sur les lapias ou dans la jungle qui mène aux lapias, il a la forme, il a la pêche et c'est une belle leçon. Mais alors vous êtes en train de me dire Stéphanie qu'en plein milieu de ces chenots des canaux de Magellan, en plein sud de la Patagonie, dans les 50e enregistrements, vous étiez la seule femme qui a revu entre 9 hommes et quelques albatros. Comment vous avez tenu le coup ? C'est formidablement agréable, on est tout à fait foufoutés, il n'y a aucun problème. Alors puisqu'on parle des 50e enregistrements, parlons un peu du climat. L'image mentale, la caricature qu'on a de ces 2-3 de Magellan, de ces pointes de la Terre de Feu, c'est quand même la région la plus épouvantable du globe. On a les images des bateaux fracassés pendant les tempêtes, le Cap Horn, enfin toute la... C'est le plus grand cimetière marin du monde et est-ce que vous savez d'ailleurs pourquoi on appelle ça les 50e rugissants ? Bah parce que ça rugit sans doute. Oui mais tout simplement parce qu'en fait à cet endroit du globe, le vent fait le tour du globe sans être arrêté par aucune terre si ce n'est le bout, l'extrémité de l'Amérique du Sud. Donc finalement il passe, il tourne à une vitesse absolument démoniaque. Donc c'est pour ça qu'on l'appelle comme ça. Et alors vous avez ressenti l'orgissement ? On a ressenti pas mal d'orgissement. Pendant le mois des jours. Il faut dire que l'endroit où nous nous trouvions, c'est-à-dire la zone Ultima Esperanza, c'est l'endroit au monde où il pleut le plus. Il tombe à peu près, les années sèches 8 mètres d'eau, les années très mouillées 12 mètres. Donc entre 8 et 12 mètres d'eau, la pluviométrie est absolument incroyable. Ce qui explique d'ailleurs qu'il y ait autant de cavernes puisque l'eau de pluie qui tombe directement sur les massifs les a ciselées, les a modelées, les a sculptées et ensuite s'évacue à l'intérieur. Mais s'il y a quelque chose de vraiment débilitant, c'est cette pluie continuelle tous les jours. Et ce n'est pas de la petite pluie gentille, ce sont des trombes d'eau, c'est totalement diluvien. Et en l'espace d'une nuit, les rivières qui se forment sur les îles deviennent de véritables torrents furieux. Et ajouté à cela, le vent. Le vent est la composante indispensable au climat des archipels d'Ultima Esperanza. Un vent qui varie entre 50 km heure pour les vitesses les plus faibles jusqu'à 120, 130. Je peux vous dire qu'à 130 km heure, accroché sur une paroi de montagne, il faut vraiment bien s'accrocher pour ne pas être emporté comme un fétu de paille. Donc c'est le côté disons un petit peu embêtant de faire une expédition spéléo dans cette région là, la pluie et le vent. Et surtout la pluie. Et d'ailleurs pour le vent, le capitaine nous disait souvent qu'on a eu parfois des vents entre 150 et 200 km heure. Ah oui, il y a des rafales. Il y a vraiment des rafales, c'est complètement déroutant parce qu'en fait avant d'aller en Patagonie, je crois qu'on ne sait pas ce que c'est que le vent du tout. Et entre nous, on décrivait la Patagonie de trois façons avec un petit peu d'ironie. En fait, c'est tellement le pays de la démesure, c'est le pays où les pierres volent à l'horizontale, c'est le pays où les cascades remontent et se transforment en geysers. Sous l'action du vent. Et c'est le pays où lorsque les hommes essayent tant bien que mal au milieu de la forêt d'uriner en visant leurs pieds, ils se retrouvent trompés au niveau de la tête. Donc c'est un pays, c'est vraiment le pays de la démesure. Et d'ailleurs José Empereur, qui était un ethno-archéologue, qui a fait toute une étude dans les années 50 sur ce coin là, le décrit dans trois phrases que je vais juste lire et qui donne vraiment l'atmosphère avant d'y arriver. L'ambiance des archipels est sinistre. Presque à longueur d'année, nagés dans des torrents de pluie et écrasés par la force agressive de la tempête, ils sont bien ces tristes solitudes où la mort, plus que la vie, semble régner en souveraine. Ainsi que l'écrivait Darwin. Une continuelle cape de nuages bas, un rideau de pluie qui efface tout contour, des ouragans du Pacifique austral, immense glacier austral patagonien, des forêts compactes, des falaises dénudées. Quelques jours par an surgit le soleil, il crée alors un univers complètement nouveau. Et c'est vrai que nous on avait calculé, Jacques, on a eu à peu près trois heures de soleil au total pendant toute cette expédition. Il y a une superbe littérature sur cette région que vous décrivez vraiment comme délicieuse, c'est Qui se souvient des Hommes, de Jean Rappard, avec l'épopée des Alakalouf, qui sont ces peuples-là primitifs qui habitent où exactement ? Dans ces chenots anatomiques. Ils habitaient en fait justement entre les 50e et les 52e parallèles. Oui, mais ils habitaient là, mais ils habitaient très peu à terre, si je peux dire. Ils vivaient sur leurs canots, sur leurs bateaux en écorce, qu'ils confectionnaient eux-mêmes. Vivant du phoque et des... Absolument. C'était des nomades de la mer, comme les appelaient José Ampérer. Ils vivaient de pêche, essentiellement de pêche au phoque, à la baleine. Les femmes ramassaient des fruits de mer, plongeaient dans la misère des fruits de mer. Ils allaient ramasser des fruits de mer, des coquillages, gens en moule, ce qu'on appelle des cholkoas là-bas, des araignées de mer. Mais dans des conditions de survie que Raspail décrit comme véritablement effrayantes. Déjà, ils vivaient nus en s'enduisant le corps de graisse de phoque, parce qu'il faut savoir que lorsqu'on est tout le temps trempé, c'est le meilleur moyen d'attraper le froid, c'est le meilleur moyen de mourir. Donc finalement, en étant nus et enduits de graisse de phoque, c'est la meilleure façon de se protéger de ces éléments complètement démoniaques. Ce que vous avez essayé, vous étiez équipés de Gore-Tex. Alors nous, on a vraiment compris que le Gore-Tex n'avait rien compris. Absolument. Le Gore-Tex n'a jamais compris les notices. Voilà, absolument. Il faut en fait que c'est le vrai, le vrai bon ciré qu'on achète 50 francs dans n'importe quel... Le guicotin des coopératifs de droits menés. Absolument. Oui, mais c'est lourd. Oui, c'est lourd. Oui, c'est lourd. Alors revenons à la spéléologie. Vous décrivez les trompes d'eau qui s'abattent sur le pays. Est-ce que ce n'est pas dangereux, justement, quand on est en train de ramper dans un voyeau, passer un siphon, descendre en rappel un havène, de se prendre un déluge sur la tête ? C'est justement là où on a pris la mesure du problème que pouvait représenter l'exploration de ces rivières souterraines et de ces gouffres. On ne s'est pas tellement rendu compte lors de l'admission de reconnaissance parce qu'on n'a peut-être pas eu le temps. Et on s'est rendu compte quand on a trouvé cette énorme cascade qui dévalait le flanc de la montagne. Le jour où on l'a trouvée, on ne savait pas qu'elle sortait d'une caverne. Et elle débitait à peu près 2 m³ seconde. Vous voyez ce que ça donne. Mais il faut dire qu'il n'y en avait plus pendant 3 jours et 3 nuits sans discontinuer. Alors évidemment, les eaux étaient gonflées au maximum. Et puis, il s'est arrêté de pleuvoir pendant les 2 jours suivants. Et le débit est passé pratiquement à 200 litres par seconde. Vous voyez les grandes variations de débit des rivières. Et c'est là où on s'est rendu compte qu'il fallait vraiment qu'on observe 3 fois plus le ciel en Patagonie quand on va faire de la spélologie dans les archipels que dans les Alpes ou dans les Pyrénées. Mais à part l'observation du ciel, est-ce que vous disposez de moyens d'information météo ? Non, aucun. Il suffisait qu'on... Qu'on lève les yeux. Oui, qu'on lève les yeux. C'est pas très varié de toutes les façons. Le ciel est toujours gris avec des nuages qui roulent sans arrêt. De temps en temps, il se déchire. Il y a un petit coin de ciel bleu. Un rayon de soleil qui apparaît tel un projecteur poursuite qui course sur la montagne. A ce moment-là, elle s'illumine. Il y a les lumières australes qui arrivent. C'est un moment de grâce. Un moment fabuleux. Un moment de grâce. Mais assez fugitif d'après ce que vous dites. Complètement. C'est comme le proverbe islandais qui dit que si on n'aime pas le temps en Islande, on attend 5 minutes. Et puis ça change. Alors, est-ce qu'il existe des cartes d'état-major ? Est-ce qu'il existe déjà des relevés spéléos ? Est-ce que vous étiez les premiers ? Est-ce que vous étiez pionnier dans la région en matière d'exploration spéléologique ? En fait, ma question c'est, y avait-il déjà des topos de cavernes, de grottes, de réseaux connus ? Jamais. Jamais. D'abord, la spéléologie n'existe pas au Chili. Ils ne savent pas ce que c'est parce que ça n'a jamais intéressé personne jusqu'à présent. Ça va peut-être changer. Et si ces îles sont connues sur leurs contours, il y a des cartes marines qui ont été faites, il y a des repérages un peu par avion qui ont été faits il n'y a pas très longtemps d'ailleurs, à partir des années 70. L'intérieur des îles n'est pratiquement pas exploré. Mais même sur le plan géographique, les sommets les plus importants sont connus. On en connaît même l'altitude, puisque c'est facile à déterminer sans avoir besoin de grimper dessus. Mais on a foulé certainement des parties, par exemple de l'île de Diego de Almagro, où aucun être humain n'avait été. Je parle là de la surface. Alors à plus forte raison, évidemment, les cavernes. On était les premiers spéléos à explorer les cavernes sur ces îles. Est-ce que vous avez le chiffre du réseau de galeries que vous avez ouvert ? Alors ça va paraître modeste, surtout si des spéléologues nous écoutent. Mais il faut bien voir les difficultés que l'on a rencontrées. Et encore, on ne va pas parler de la forêt. Vous allez voir, c'est autre chose encore ça. Oui, alors on a découvert essentiellement une série de petites cavités horizontales et verticales, plus une splendide cavité qu'on a appelée la perte de l'avenir. Rien que le mot résume beaucoup de choses. C'est métaphysique. Oui, complètement. Et c'est donc une puissante rivière qui elle-même est alimentée par deux lacs suspendus en altitude. Qui se déversent l'un dans l'autre par des cascades. Et le second lac, lui, est à la limite de deux zones rocheuses. Il y a du schiste qui vient buter sur du marbre. Et à ce moment-là, il y a une faiblesse. Et l'eau a profité de cette faiblesse pour creuser un gouffre de 50 mètres de profondeur dans lequel se jette cette fameuse rivière qui passe entre 2 m3s et 200 ls selon la pluviométrie du jour. Et au fond, un magnifique canyon dans le marbre blanc immaculé qui a été suivi sur à peu près 500 à 600 m. Et l'eau ressort à ce moment-là par une autre cascade et va rejoindre l'eau des canaux au bout de l'île. C'est super, pourquoi vous êtes remonté ? Les descriptions sont tellement belles, on se demande pourquoi vous n'y êtes pas resté. On voudrait bien y retourner. Mais ce n'est qu'un petit point qu'on a découvert qui est absolument extraordinaire. Et des cavernes comme ça, il doit y avoir des centaines et des centaines et des centaines. Alors vous avez cartographié ? On a adressé une topographie de chaque caverne que nous avons explorée. Alors il faut dire aussi qu'il a été découvert un siphon. Une caverne avec une rivière qui sort au bord de la mer. Et au bout de 50 mètres, un gros siphon. Et c'est Michel Philips qui a plongé le siphon. Et on peut dire que c'est le premier siphon austral qui a été plongé. Et la plongée a été réussie puisqu'il est ressorti de l'autre côté du siphon dans une caverne. Évidemment, il était seul. Il a regardé, il a jeté un petit coup d'œil. La caverne continue. Bonjour aux successeurs, pourquoi pas. C'est-à-dire que le potentiel spéléologique de cette région est absolument incommensurable. Ahurissant. Et les plus beaux paysages karstiques du monde, on croyait les connaître, notamment dans les Pyrénées, sur le massif de la pierre Saint-Martin, qui est mon massif chéri et préféré, sur lequel j'ai traîné toutes mes bottes de spéléo. Et bien je crois que là... L'esthétique est supplantée par la Patagonie. Ah oui. Alors la question que je me pose, l'entrée de ces cavités, l'entrée de ces cavernes que vous aviez d'abord relevées et découvertes et commencées à explorer il y a deux ans, c'est ça ? Et que vous êtes retournées explorer cette année. Ces entrées sont-elles près du rivage, près de la rive ? Donc suffit-il d'accoster en bateau pour commencer à planter ses spits et à descendre en rappel dans les gouffres ? Ou alors faut-il marcher ? Faut-il en plus ajouter à la difficulté de la mer, du climat et de la spéléologie, la difficulté des marches d'approche ? Alors là, ça c'est complètement étonnant. Moi j'ai découvert la spéléo que je ne connaissais pas du tout. Et en fait, pour descendre, avant de descendre, il faut déjà monter. C'est-à-dire arriver au haut de la montagne d'où commencent ces cavités, du début de ces cavités. Et il faut savoir qu'à Digaud et à Magro, finalement, vous avez deux parties. Vous avez une première partie qui est une jungle, qui est une jungle australe absolument déroutante, parce qu'elle est à peu près similaire à la jungle qu'on peut trouver à 4000 m d'altitude en Papouasie-Nouvelle-Guinée. C'est une forêt qui se nourrit de sa propre décrépitude. Une forêt avec des amas de troncs coagulés, des lichens extraordinaires, des mousses qui font plusieurs mètres de hauteur. On en est arrivé un jour à avoir à faire une cordée sur vertical végétal, ce qui est quand même plutôt original. Normalement, on fait une cordée sur de la roche. C'est-à-dire que si vous faites un pas travers, c'est assez difficile à décrire. On grimpe en haut des arbres. Il y a des trous. On tombe. On se relève et on ré-escalade un autre arbre. Un jour, comme ça, on marchait. Le papydoke dont on vous a parlé tout à l'heure a disparu dans un trou d'une dizaine de mètres. Un trou végétal. Un trou végétal. C'est complètement déroutant. Au-dessus de vous, vous pouvez avoir 30 m, 40 m. Il y a une petite arène recouverte de végétation. Comment ça se passe ? C'est un peu ça aussi. Par moments, il y a des épaisseurs végétales incroyables qui sont d'une espèce d'accumulation d'éponges, de mousse, de lichens, d'arbustes. Sur les arbustes, il y a de nouveau des lichens qui sont repoussés dessus, une espèce de liane gluante, quelques jolies fleurs qui ressemblent à des digitales de toutes les couleurs. Mais les fleurs sont assez rares. Par-dessus ça, il y a des arbres qui se mettent à pousser et qui tombent. Ils sont très abreuvés en eau. Ils n'ont pas besoin de faire d'efforts pour se construire des racines extrêmement grandes. Du coup, ils sont fragilisés par nature. Avec ces vents absolument délirants et leur propre poids, ils sont très rapidement coupés. D'autres arbres vont rejaillir de là et rejaillir sur leur propre décomposition. C'est une espèce de magma verdâtre qui forme une ceinture autour pratiquement de chaque île et qu'il faut franchir. La zone à franchir peut faire 2, 3, 4 kilomètres, comme elle ne peut faire que 200 mètres de large. Et on progresse à quelle vitesse ? On progresse très lentement en taillant à la machette. Il faut vraiment bien tailler et beaucoup tailler, donc la progression est très, très, très, très lente. D'autant plus qu'il faut porter tout le matériel qui va servir à descendre. Tout le matériel spéléo, etc. Il n'y a pas de forêt. On appelle ça la super moquette. C'est une espèce de tapis qui peut faire entre 30 cm jusqu'à 3 m d'épaisseur, qui est une espèce d'énorme éponge. Et quand on marche dessus, c'est exactement comme quand on marche sur une serpillère ou sur une grosse éponge gorgée d'eau. L'eau remonte autour des bottes, autour des chaussures. On baigne dans l'humidité permanente dans l'archipel Ultima Esperniza. Et il n'y a pas de saison sèche ? Il n'y a pas de saison sèche. On ne peut pas dire qu'il y ait d'été. On ne peut pas dire qu'il y ait d'hiver, bien que quand même les saisons soient un petit peu marquées. Mais l'uniformité dans la constante plus géométrique, c'est ça qui est... C'est le vent et la pluie qui font les 4 saisons à E2. Est-ce que cette luxuriance végétale donne lieu à une luxuriance animale ? Absolument pas. Est-ce que vous avez rencontré de la faune ou est-ce que c'était totalement désert ? C'était presque drôle parce que, je me souviens, au bout de 4-5 jours, on était là, on calculait, on avait trouvé un petit ver de terre, un espèce de lombrique, on avait vu... Quelques petits oiseaux. Oui, quelques petits oiseaux. Alors là, c'est très très charmant parce qu'ils nous suivent. On avait quelques oiseaux. Il y avait évidemment toute la vie faune et tous les mammifères marins. Et pas de faune casernicole ? On n'en a pas trouvé. Même des chauves-souris ? Non. Il n'y a rien, il n'y a rien. Dans le milieu où il y a très peu d'insectes, semble-t-il, il n'y a pas de chauves-souris. Oui, il ne peut pas y avoir la chaîne érompue des premiers maillots. Il y a des oiseaux. Il y a pas mal d'oiseaux. On n'en a pas beaucoup vu mais il semble qu'il y en ait quand même pas mal. Mais ce sont, pour la plupart, des petits oiseaux. Très gros comme des moineaux. Il y en a de toutes les couleurs. Il y en a qui sont marrons, il y en a qui sont gris, il y en a qui sont beiges. Ils ne sont pas du tout farouches parce qu'ils n'ont jamais vu d'être humain. Ils ne savent pas ce que c'est qu'un être humain. Ils viennent à 30 cm. Pas cette fois-là mais la première année, quand on a débarqué sur Diego de Almagro, j'ai un oiseau qui s'est posé sur mon épaule et un autre sur le bout de ma chaussure. Ils commençaient à entamer une conversation. Ils commençaient à chanter. Je trouvais ça très sympathique. Et cette fois-ci, ça ne s'est pas renouvelé. Mais enfin bon. Il y a également des sortes de petits rapaces qui ressemblent un peu à des buses. Et il y a le grand condor. Le grand condor, on en a vu avec 4 mètres d'envergure. Alors là, on se pose des questions. A savoir, qu'est-ce qu'ils font au sud de ces îles ? Comment ils se nourrissent ? Puisqu'il n'y a rien à manger. Alors on pense qu'ils se nourrissent surtout de phoques qui viennent pourrir sur des cailloux, de baleines qui viennent s'échouer. En fait, ils mangent la charogne qui vient de la mer. Et ils attaquent peut-être aussi des oiseaux marins tels que Pétrelle, Albatros, Cormorant. Alors comment vous organisez-vous ? C'est-à-dire, vous étiez donc presque une petite dizaine à bord de ce bateau. Il faut toujours qu'il y ait quelqu'un qui reste sur le bateau. D'autres, une équipe qui part... Il n'y a pas besoin de personne qui reste sur le bateau. Parce qu'en fait, il y a le capitaine et puis il y avait l'équipage. Donc tout le monde peut être disponible. Les forces de vie spéléologiques peuvent être disponibles pour l'exploration. Vous descendiez tous les jours ? Oui. Ah oui, oui. Bon, certains jours, il y en a qui étaient un peu fatigués, qui avaient un peu la flemme, qui avaient envie plutôt de bouquiner ou de boire une bonne bouteille de vin. Alors ils restaient sur le bateau. Parce qu'il faut bien dire qu'il est impossible de faire du camping, de dresser un camp sur ces îles. Il pleut tellement. Le sol est impropre au couchage. Donc c'est le bateau qui est le camp de base. Mais d'ailleurs, on avait une expérience assez drôle au début. On s'était donc scindé en plusieurs équipes de façon improspectée, de façon la plus rationnelle et rapide possible. Il y avait une équipe qui avait décidé de rester sur place pendant deux jours. Et on les a retrouvés. En fait, l'expérience, c'était la tente-piscine, où il y avait même l'un des garçons qui avait pris son bain dans sa tente, tellement il y avait d'eau partout. Donc c'est assez difficile de dormir dans des conditions de ce type et d'être efficace le lendemain pour travailler, craper, huiter et grimper. Mais alors dans ces conditions, en aucun cas, les cavernes n'étaient sèches. Vous étiez sans cesse dans le ruissellement, la roche ponctueuse. De toute façon, même les cavernes les plus sèches sont toujours humides. Puisque de toute façon, l'hygrométrie souterraine, elle est toujours à résilence pratiquement de 100%. Mais on se demande si les cavernes patagones, elles, ça ne dépasse pas les 100%. Bon, c'est vrai que toutes ces cavernes sont ruissellantes. Il y a toujours des écoulements d'eau. Quand ce n'est pas un ruisseau, un ruissellé ou une rivière, voire presque un fleuve, comme j'étais dans le Grand Canyon de la Perte de l'Avenir, il y aura toujours de l'eau qui coule, qui suinte le long des parois et au sol. Mais ça, c'est en conséquence de la pygiométrie. Parce que l'eau tombe directement sur ce sol calcaire qui absorbe tout de suite parce que les fissures sur les lapias, les lapias sont les grandes zones calcaires, c'est le mot pour désigner les grandes zones calcaires de la montagne, elles s'engouffrent immédiatement. Donc aussitôt, les cavernes se mettent en fonctionnement aquatique. Vous êtes descendue, Stéphanie ? Je n'ai pas eu le droit. Si, si, tu as été dans la grotte du siphon. Oui, dans le canyon, j'étais dans la grotte du siphon. Disons que moi, je n'ai pas d'expérience pédologique. Il est vrai qu'il y a quelque chose qui est, moi, maintenu beaucoup à cœur, c'est que comme on était dix, on était une équipe, on était à l'autre bout du monde, c'était dangereux, on ne pouvait pas prendre des risques comme on aurait pu éventuellement faire en France, à proximité d'un hôpital, à proximité de choses de ce type. C'est vrai que ce n'est pas vraiment le lieu pour de l'initiation. Voilà, ce n'est pas forcément le lieu pour de l'initiation. Par contre, ça m'a donné envie de commencer absolument parce que la façon dont ils en parlent, comme d'un sixième continent où il y a encore finalement pratiquement tout à explorer, c'est assez superbe. Et notamment, là, j'ai écouté un petit peu les bilans de Richard Maire, donc le docteur en cartologie, etc. Pour lui, aujourd'hui, les découvertes, Jacques, tu me diras si je me trompe, mais ce qu'on a vu, ce qu'on a découvert dans les canaux de Magellan, c'est comme si pour les alpinistes, d'un point de vue potentiel, ils découvraient aujourd'hui l'Himalaya. Ah oui, c'est un étonnant rapprochement de proportion. Par exemple, sur les archipels patagons, on ne battra pas un record du monde de profondeur, on ne battra pas un record du monde de longueur, très certainement en tout cas, mais on va découvrir des cavernes qui ont un autre faciès, un autre aspect, une autre physionomie que l'on ne connaissait pas jusqu'à présent, compte tenu du type de calcaire, le marbre, en tout cas pour Diego de Almagro, et compte tenu de la pluviométrie, donc qui est la plus forte du monde, compte tenu également, à la surface, de l'action d'érosion du vent sur le calcaire, qui est quelque chose que l'on n'avait pratiquement pas observé ailleurs, et ça c'est extraordinaire. Mais vous qui avez une expérience, si j'en crois ce que m'a dit tout à l'heure Stéphanie, de spéléologie au Mexique, au Chili, enfin déjà au Chili, mais en Afghanistan, en Algérie, enfin à peu près sur tous les continents, vous n'avez jamais vu de constitution karstique pareille ? Non, c'est la première fois, et je me souviens très bien, la première fois quand on a mis le pied sur l'île de Diego de Almagro, il y a deux ans avec Jean-François Pernet, on était les deux premiers, les autres suivaient derrière, ils étaient encore dans le petit bateau, on a dit mais où on est ? Mais c'est vraiment le karst le plus fabuleux du monde qu'on est en train de regarder, et pourtant Dieu sait si on a de l'expérience, Dieu sait si on a vu des montagnes de calcaire, et regarde ça, on dirait de la glace devant nous. Ce sont des glaciers de marbre, c'est extraordinaire. Et blanc à côté du vert, du vert presque fluo de la forêt, et des carillons de soleil là-dessus, et là c'est trop fugace, alors là ça prend des teintes... Moi dans tous mes voyages, je me suis baladé à peu près plus d'une trentaine de pays, je n'ai jamais rien vu de similaire au monde. Il y a toujours dans un pays finalement quelque chose qui nous rappelle quelque chose d'autre. Et là, tout était complètement nouveau. Et puis il y a toujours dans un pays un endroit où on se dit ça y est, on a enfin trouvé le bout du monde, le trou du monde. Ah oui, là c'est définitif, c'est là. Et là vous l'avez trouvé ? Ah oui, là c'est vraiment le bout du monde, c'est pas le Cap Horn le bout du monde, c'est là, un peu au-dessus du Cap Horn. C'est fantastique, et alors je crois que c'est peut-être l'ouverture vers une série d'expéditions qu'on voudrait bien monter, mais ça c'est une autre histoire, parce que c'est loin, ça coûte cher, il faut affrêter un bateau, il faut s'organiser, parce que Diego de Almagro, c'est une chose, c'est tellement beau qu'on voudrait bien qu'il soit classé au patrimoine mondial, au patrimoine de l'humanité, parce que c'est unique au monde. Mais il y a des tas d'autres îles, on a vu l'île de Tarleton, Madre de Dios, qui est grand comme trois départements français, et là, il semble qu'il n'y ait pas la forêt australe d'ailleurs sur Madre de Dios, c'est le désert calcaire qui monte, qui monte, qui monte, et à perte de vue, il y a des générations de spéléologues qui vont explorer ça. Et le bateau partait de Punta Arenas ? Non, le bateau partait de Puerto Natales, qui donne donc dans le Señor Ultima Esperanza. Et combien de temps faut-il pour rejoindre les zones que vous avez explorées ? Tout dépend de la tempête, ça dépense entre 3 et 5 jours. Oui, donc on peut dire que même les conditions d'approche, simplement pour aller en bateau dans la zone, sont déjà difficiles. Et ensuite, les conditions sur place d'exploration sont, d'après ce que vous racontez, pas vraiment de tout repos. Donc vous pensez que l'exploration, avant qu'il n'y ait... Il faut vraiment être motivé. Il faut vraiment être motivé avant qu'il n'y ait un déferlement d'exploration sur ces régions. Il faut être complètement motivé, il faut avoir des sous et du temps. Parce qu'on est parti un mois, et en fait, on a été réellement efficaces que 10 à 12 jours. Tout le temps, tout le reste du temps, je veux dire, a été occupé en déplacement, en voyage, en attente. Alors comment allez-vous exploiter, faire connaître, parler, partager ce voyage ? Déjà, moi je vais faire un article dans le magazine Grands Reportages, donc présentant cette exploration, cette expédition. Vous avez des photos ? Oui, on a bien sûr des photos, il y a les deux photographes. Donc il y a beaucoup de photos. Voilà, de tout. Et puis sinon, Luc Henri Fage a également réalisé un film, qui va monter, il a essayé d'aller vendre à différentes chaînes. Voilà, donc il y a ces deux possibilités-là. Pas de conférence à la Fédération de téléologie ? On va voir, ça, on va voir. Il faut trouver les gens qui soient motivés pour faire la conférence, pour faire une tournée de conférences, qui aient le temps également. Mais, par contre, il y aura des publications dans la presse spécialisée, d'abord dans Spelunka, qui est la revue de la Fédération française de spéléologie, également dans Spéléo, qui est une revue de spéléologie extrêmement vivante et dynamique, que dirige d'ailleurs Luc Henri Fage, des articles dans d'autres presses spéléologiques d'autres pays, et puis surtout, Richard Mayer fera des communications scientifiques par le biais du CNRS, notamment dans Carstologia, qui est une revue dont il s'occupe d'ailleurs, qui est une revue uniquement de Carstologie, une revue française, et puis dans d'autres revues étrangères. Et alors, vous pensez rester en contact tous les dix pour éventuellement, dans quelques mois ou quelques années, repartir ? C'est prévu ? Pourquoi pas ? Pourquoi pas ? Il n'y a encore rien de prévu. Il y a seulement une idée qui flotte dans l'air, comme ça. Il y a un noyau dur, qui sera certainement toujours le même, et puis autour de ce noyau dur, à chaque expédition se greffent des nouvelles individualités. Alors, ça c'est pour vous Stéphanie, puisque vous aimez bien les citations, en guise de conclusion, je vais vous en lire une, devinez de qui c'est ? « Il est probable qu'une descente au centre de la Terre nous révélerait sur la gravitation, noyau de toutes les énigmes, plus de secrets cosmiques qu'un voyage dans la Lune. » Pas du tout Jules Verne. Alors ? Métérlinck. Métérlinck. Joli en tous les cas. C'est joli. Donc voilà, bravo pour ce voyage dans la Lune. Alors, nous allons à présent évoquer avec Jean-Fabien, qui est finalement arrivé, nous allons évoquer un personnage qui est sans doute le plus grand aventurier de tous les temps. Finalement, vous êtes tous des voyageurs, des explorateurs, des aventuriers autour de cette table, c'est votre père, c'est notre père spirituel à tous, absolument incontournable. Alors, on peut essayer en quelques minutes de tracer quelques-uns de ses hauts faits qu'il a accomplis dans toutes les mers et sur tous les continents du monde. Alors, par exemple, je vais vous livrer quelques-unes de ses aventures. Il a découvert des galeries secrètes de pyramides égyptiennes. Il a failli être transformé en cornet de vif dans une usine alimentaire des États-Unis. Il a participé à des guerriers en Amérique du Sud. Mais ce n'est pas Régis Debray. On a voulu lui couper la tête en Chine. Le fugir au Sahara, le noyer en Écosse, le jeter d'un avion dans les Balkans, le torpiller au Moyen-Orient et l'empoisonner en Chine. Il a découvert des trésors, des civilisations précolombiennes oubliées, des puits de pétrole, des astéroïdes perdus. Et il a même eu des contacts avec des vies extraterrestres. Et bien, on peut comme ça en jeter pendant des heures. Et ce qui est le plus étonnant, c'est que cette espèce de nouveau Sven Edin, de nouveau Monfreil de puissance 10, c'est quelqu'un qui avait à peine notre âge, une vingtaine d'années. C'est lui. Et à côté de moi, j'ai son descendant le plus direct, Jean-Fabien, qui est parti... Lourde responsabilité. Lourde descendance à supporter et à irriter. Alors vous êtes parti à 26 ans avec un ami d'école qui s'appelait Laurent Crignet. C'est 23 ans. On est parti à 23 ans, on est revenu... On approche de nos 26 ans. Vous approchez des 26. Donc trois ans d'expédition presque. Deux ans et demi. Donc vous êtes parti sur les traces de Tintin à la recherche de paysages, de pays, d'objets, d'hommes qui avaient côtoyé Tintin, donc qui avaient imaginé Hergé. Alors d'habitude, et c'est un peu la grande mode en ce moment, on part sur les traces d'aventuriers qui ont bien existé en chair et en os. C'est les voyages de Tim Severine qui refait les traversées de Jonas, d'Ulysse, de Saint-Brandon, etc. Vous, vous avez choisi de partir sur les traces de pierriers qui n'existent pas. Oui, non, mais quelqu'un qui n'existe pas, mais quelqu'un qui a vécu des aventures que tout le monde peut vivre. Et en fait, notre but, c'était d'essayer de revivre ces aventures, de rencontrer les personnages qu'il aurait pu rencontrer, de retrouver des objets. Parce qu'en fait, tout est basé, toute l'expédition est basée sur le travail, et un travail très méticuleux d'un homme. Nous, on est parti un peu... C'était une expédition spédélogique dans la documentation d'Hergé, parce que c'était quelqu'un de tellement pointilleux, tellement sérieux dans son travail, qu'il passait, j'allais dire, des années. Mais c'est vrai qu'il y avait une... Il passait six, sept mois avant de commencer simplement un album, et quand on connaît le travail d'Hergé, il travaillait planche par planche, et il avançait sans savoir comment ça allait se terminer. Alors il avait une équipe qui l'aidait ? Au départ, il n'avait pas d'équipe. Il a commencé dans un journal qui s'appelait Le Petit Vingtième, qui était dirigé par un prêtre catholique qui s'appelait Norbert Valaise. Et ensuite, il a... Bien sûr, il a eu autour de lui une équipe qui s'est constituée. Alors pour citer les plus célèbres, il y a Edgar P. Jacob, il y a le père de... Plaque et Mortimer. Plaque et Mortimer. Vous avez des gens comme... Bob Demore. Bob Demore. Et si j'ai bien compris... J.G. Martin aussi, qui n'est pas le présentateur qui... Qui est le dessinateur du journalique. Qui est le dessinateur du journalique. Et alors, Hergé envoyait ses... Ses... Ses sbires ? Non, pas du tout. De tout autour de la planète ? Non, c'était pas ça. Pas du tout. La Belgique avait eu longtemps une histoire colonialiste et très... Très... Très aventureuse. Et ils avaient... Enfin, ils ont ramené toutes les expéditions belges, toutes les colonies belges ont ramené tellement de documentations qu'en fait, ils n'avaient qu'à se plonger dans les archives et dans les papiers un peu poussiéreux du musée de... De Tervurenne, par exemple, qui se trouve à côté de Bruxelles pour essayer de recréer un monde dans lequel ils pouvaient ensuite faire évoluer son petit personnage. On va poser une colle à Stéphanie et à Jacques. Est-ce que vous connaissez l'album de Tintin où il y a une question de spéléologie ? Oui, on a marché sur la Lune. Ah, bravo. Ça c'est... On n'est pas plein dans mes carlinques. À la fois la descente au centre de la Terre et la Lune. Vous n'êtes pas allé sur la Lune ? Non, alors ça c'est la grande question. Tu me poses la question qui faisait le Yéti et Milou. On va couper court à toutes ces discussions. Alors, la Lune, nous on avait... Je ne vais pas commencer par la Lune parce que la Lune ça a été une belle expérience. Mais je vais commencer par Milou. On avait une peluche de 40 cm qui est d'ailleurs restée en Amazonie dans une tribu indienne dans les bras d'une petite fille. On a eu du mal à la décrocher. Le Yéti, on ne l'a pas retrouvé. Et la Lune, donc, on a refait les trois sites qui sont à l'heure actuelle des lanceurs, qui sont des bases spatiales. On a fait Cap Canaveral, où on est monté dans la navette Columbia qui partait un mois après avec deux gros GI derrière nous. On est arrivé à la NASA en leur disant nous on aimerait bien partir sur la Lune. On a tellement incité qu'on les a fait rigoler et qu'ils nous ont dit repasser dans deux jours. On va voir à Washington si on peut vous faire monter dans la navette. Deux jours après, aussi étonnamment que ça puisse paraître, on a eu les autorisations pour monter. On avait deux GI derrière nous, armés, etc. pour pas qu'on touche au bouton. Il y avait quelqu'un de la CIA, etc. Et on s'est retrouvé assis dans les fauteuils qui servent aux astronautes pour partir. Ensuite, on est allé à Kourou, donc en Guyane française, qui est le port spatial européen et qui a pour particularité d'être un jardin d'enfants pour des cerveaux aussi brillants qu'aussi fous d'ailleurs puisque toute la semaine, ils passent leur temps à travailler sur des fusées et le week-end, ils font partir des fusées, des petites fusées. Il y a toute une animation qui tourne autour de tous ces lancements de fusées. A savoir qu'on a rencontré quelqu'un qui s'appelle, qu'on va appeler V2V, qui est le directeur de la base de calcul de Kourou et qui a pour passion Tintin, qui a eu une idée. Après, il nous a raconté un petit peu son histoire et comment est-ce qu'il avait eu cette idée. C'est après un dîner un peu arrosé et avec des amis d'Hergé, c'est un passionné de Tintin. Et il a eu l'idée de construire la fusée Tintin. Et je crois 4 ans, 4-5 ans, pour construire cette fusée. Au bout du 17e essai de lancement, il a eu ras-le-bol. Il s'est dit, c'est pas possible, elle partira jamais, etc. Et puis, à une autre rencontre de tous les tintinophiles éminents, on lui a indiqué une piste pour aller chercher dans le 7e volume d'un... C'était un... Je ne sais plus quel était. C'était Asnafov, qui est un scientifique russe qui avait mis en place, qui avait imaginé, dessiné un moteur rotatif comme celui de la fusée d'Hergé. Dont Hergé s'était inspiré ? Dont Hergé s'était inspiré. Il lui manquait cette pièce pour pouvoir faire voler cette fusée. Et figurez-vous que cette fusée, nous on l'a vu partir. Elle fait 1m60. C'est le projet Hergé 1. Et après, pendant les 17 essais, on n'avait pas pris au sérieux ce projet de fusée. Quand cette fusée est partie, et ça a fait tout un ramdam en Guyane, et elle a été très couverte au niveau médiatique, le directeur de la base de Kourou a dit on va essayer d'en faire quelque chose de beaucoup plus sérieux. Et on en est, je crois, à Hergé 3, qui doit faire environ une vingtaine de mètres maintenant. Et qui inaugure un projet Hergé 5, qui sera une fusée de 60 mètres. Donc un mètre plus grand qu'Ariane, si je ne me trompe. Ariane 4. Et qui devrait être un lanceur de satellites de communication. Alors, avant de partir, vous étiez platonophiles ? Pas du tout. Non, l'idée c'était de faire un bilan entre nos études et le début de notre aventure professionnelle. C'était de faire un break et de se dire on va partir. Qui peut nous emmener à traverser le monde, à faire un tour du monde ? Comment est-ce qu'on peut partir ? Quelle est l'idée géniale qui va nous permettre de partir à la découverte de cultures, de gens, de rencontres ? Et c'est Tintin. Et c'est Tintin parce que comme dans les albums de Tintin, dans les premières versions, vous aviez toutes les couvertures de Tintin. Et quand on regarde cette planche de couverture d'albums, vous avez le Congo, l'Amérique, les Pharaons, la Chine, l'Amazonie. Et puis les éléments aussi. On a la montagne, la mer, l'air, la jungle. On a à peu près tous les milieux. Enfin, Tintin est vraiment allé partout. Il est prodigieusement polyvalent. Il est prodigieusement polyvalent. Alors justement, Jean-Fabien, comment avez-vous décidé la décision des albums pour partir en voyage ? En fait, c'était une décision qui s'avérait logique. C'est comment faire un tour du monde sans être obligé de revenir tout le temps sur ses pas. Parce qu'il faut savoir que beaucoup d'albums de Tintin, et c'est toujours consécutif au travail énergé, beaucoup d'albums de Tintin sont un amalgame d'éléments. Juste un exemple, l'île noire qui a été notre prologue. Il y a eu un an de travail sur cette expédition. Il a fallu ramener un budget qui était assez conséquent parce qu'il y a eu un million d'euros de budget. Et notre premier prologue, c'était l'Ecosse. C'était en fait se dire, on va partir en Ecosse, essayer de retrouver ce château, essayer de retrouver ces faux monnayers, essayer de se balader en kilte et essayer de vivre les mêmes aventures que Tintin dans l'île noire. Et on voulait voir si c'était réalisable et si ce qu'on allait ramener au niveau visuel, au niveau rencontre, au niveau atmosphère, correspondait à ce que Hergé décrit dans ses albums. Et on se rend compte que ça a été notre mise en garde. Beaucoup d'albums d'Hergé sont un amalgame d'éléments et que le château de l'île noire représente deux styles d'architecture. Une anglaise du sud de l'île, du sud de la Grande-Bretagne, et une beaucoup plus écossaise, du nord de la Grande-Bretagne. C'est-à-dire qu'il se servait d'éléments réels, existants, et puis ensuite il faisait une sorte de chimie personnelle qu'il retranscrivait dans ses albums et qui donnait ses dessins avec sa patte et sa touche très particulière. Oui, tout à fait, c'était un amalgame. Le plus difficile, c'était de retrouver ce château avec ses tours carrées et ses tours rondes qui sont deux signes distinctifs de deux architectures différentes. Il faut que vous nous disiez, en quelques mots, quel était exactement votre but ? En fait, vous aviez l'intention de refaire les itinéraires de Tintin ou alors de remettre en scène les images fameuses de ses albums ? Les deux, mon capitaine. On a défini en fait un Tintinéraire qui nous permettait de... Un idéologisme, oui. Oui, mais l'idée, c'était d'enchaîner album sur album, par continent, toutes les aventures de Tintin. C'était un prétexte, bien sûr, pour voyager, pour vivre des aventures. En fait, l'idée de se retrouver dans ces situations d'album, ça nous a mis dans des situations qu'on n'aurait pas pu vivre en tant que petits touristes classiques, je vais dire, c'est-à-dire visitant des sites touristiques, étant entraîné dans un circuit touristique. Et là, on s'est mis dans des situations où, par exemple, la traversée du Congo en four de thé, c'était une situation que je souhaite à beaucoup de gens parce que c'est passionnant de conduire une voiture comme celle-là. Il faut savoir qu'elle bat largement beaucoup de 4x4 à l'heure actuelle et que c'est vraiment... Se remettre dans une situation avec les girafes qui viennent vous manger dans la main et des choses comme ça, c'est vraiment impressionnant. Combien de kilomètres en tout ? Je ne sais pas, on n'a pas calculé. Pour vous donner un exemple, on a fait 4600 kilomètres en Écosse. Mais combien de pays ? On a visité 170 châteaux, je crois, en 25 jours. Oui, mais de pays en tout. Combien avez-vous traversé ? On a traversé environ 39 pays. Alors, ça correspond à combien de recherches d'album ? Combien d'albums en tout avez-vous traité ? Ça correspond à 19 des 23 albums de Tintin. Oui, c'est-à-dire presque les oeuvres complètes. Alors, moi, il y a une question que je me pose. Quand on arrive, parce que j'ai vu des photos, vous m'avez passé quelques photos de vos expéditions, et on voit notamment une photo où vous êtes déguisé en Dupont, en plein milieu de l'Égypte. Quand on arrive dans un pays musulman ou pas, d'ailleurs, et qu'on se déguise en Tintin, en Milou, en Capitaine Haddock ou en Dupont, quelle est la réaction des gens ? Ça dépend, ça dépend. Il y a des réactions où... Il y a quelqu'un qui s'est mis à genoux devant nous et qui s'est mis à pleurer. C'était en Afrique, c'était à la sortie du lac Tanganyika, du lac Tanganyika, qu'on avait traversé en bateau. Elle avait, je crois, une vision, une hallucination. Elle voyait passer un petit colonial, c'était une vieille dame. C'est une vieille dame, c'est dans un petit village à côté du lac Tanganyika. Elle sortait de sa case, elle nous a vus, elle est tombée à genoux et s'est mis à pleurer. Elle est rentrée dans sa case et elle est ressortie habillée tout en blanc. C'était une ancienne infirmière du docteur Schweitzer. C'était des situations comme ça. On a eu des situations bien sûr bien plus extrêmes. On s'est retrouvés par exemple aux marchés aux chameaux du Caire, habillés en Dupont. Je vais vous faire une légère description, une rapide description des déguisements. On était engelabards avec des tarbouches sur la tête, des fausses moustaches et avec des cannes. On se baladait dans le marché aux chameaux du Caire qui est un endroit apocalyptique où il y a du sang, il y a des chameaux dans des états déplorables, etc. On a été obligés de partir en courant parce que les chameaux venaient de Somalie. Comme on le sait, la Somalie est un haut lieu de l'intégrisme musulman. Ils ne comprenaient pas. Ils prenaient ça pour une atteinte à leur religion. Alors qu'on a eu beau leur expliquer avec l'album, notre visa d'approche de toutes ces personnes-là, parce que toutes nos rencontres ont été initiées par cet album. On leur montrait ce qu'on voulait. Et c'était une sorte de passeport. C'est vrai que les auditeurs de Radio-Canadie connaissent bien Tintin, mais il faut dire que Tintin a quand même un crédit absolument universel. De Gaulle disait que c'était son seul concurrent international. Il y a une très belle chaîne dans Intintin, je ne me souviens plus de quel album il s'agit, où on voit un émir arabe sous sa tente, sans doute un pétrolier ou je ne sais quel émir, qui tient un album de Tintin, disant je connais bien. Oui, tout à fait. Et qui a déjà lu les aventures de Tintin. C'est dans Cocomstock, je crois. C'est dans Cocomstock, oui, tout à fait. Est-ce que vous avez prélevé l'émir ? On a retrouvé cette scène-là, on l'a refait dans le désert de Wadi Rum, à la limite de l'Irak, où on est ensuite rentré avec l'émir, parce que les frontières là-bas, c'est chez ces seigneurs arabes, enfin berbères d'ailleurs, Bédouins plus exactement, pour être précis. Oui. Il y a 13 familles importantes en Jordanie, et on a été reçu par un de ces princes jordaniens. Et vous avez, quand on lit Tintin, quand on a fini de lire Tintin, les 23 albums, on a une sorte de sélection de la mémoire qui se fait, et on se souvient de quelques images très caricaturales. Moi je trouve qu'il y a quelques planches de Tintin, quelques images de Tintin en situation, qui restent gravées. Alors, il y a des symboles, il y a la ford de Thé, vous en avez parlé, vous avez retrouvé, vous avez traversé des réserves avec la ford de Thé, avec les girafes, vous avez des photos extraordinaires. Il y a aussi les chameaux dans le désert, dans le crabe aux pinces d'or. Vous avez reconstitué la scène. Oui, bien sûr, mais en fait l'idée c'était, on n'a pas reconstitué la scène, on s'est mis en situation pour voir ce qui pouvait nous arriver. Et qu'est-ce qui s'est arrivé ? Sur les chameaux ? Oui. Rien, rien du tout. Non, le plus difficile c'est que, on faisait partie d'une caravane de nomades, qui remontait je crois, si j'ai bonne mémoire, de Mauritanie, qui avait du sel et des différentes épices, et qui faisait le commerce de ça, à travers les pays qu'ils traversaient. Et on leur a dit, on aimerait partager un instant de votre vie avec vous, et partir avec votre caravane. On leur a montré les albums de Tintin. Alors d'abord ça les a fait un petit peu rigoler, parce que c'est vrai que les traits sont assez simplistes, mais au bout d'un moment, confiance et palabre se faisant, on a réussi à se faire accepter par cette caravane, et on a vécu comme ça deux semaines dans le désert, à revivre ses aventures. Et alors l'idée, le plus difficile en fait, ce qu'on ne se rend pas compte, c'est se mettre dans la situation, faire se faire en compte, convaincre les gens, c'est facile, enfin c'est facile, c'est relativement facile, le plus difficile c'est de retranscrire le dessin d'Hergé. Parce qu'il faut bien, la ligne claire qui fait partie de toute l'école belge, qui a fait d'ailleurs toute la renommée d'Hergé, c'est quelque chose qui est très difficile à rendre en photo. Alors par exemple les photos où on voit la couverture du crabe aux pinces d'or, vous avez les deux chameaux, nous on s'est éloigné de la caravane, et on a fait je crois deux heures de caravane, pour trouver exactement les mêmes dunes, les mêmes sillages, les mêmes traits de dunes, etc. Et moi je n'avais pas du tout une pratique du chameau d'école, familière, et le plus dur c'était, il faut bien vous imaginer, c'était sous 40 degrés, sous 40 degrés il n'y avait pas d'ombre, sous 40 degrés, c'était descendre du chameau, on avait un appareil photo sur un pied, c'était mettre le déclencheur, remonter sur le chameau en faisant un grand tour, pour ne pas laisser de traces sur le sable, en 10 secondes, faire remonter le chameau, le chameau en trois mouvements, il remonte, on a dû recommencer cette photo, je crois une vingtaine de fois pour l'assurer, parce que dans toutes les photos, après quand on revient on regarde les photos, il y en avait où j'étais à moitié déséquilibré, il y en avait où le chameau n'était pas du tout levé, il y en avait où mon camarade Laurent derrière, sur son chameau, n'était pas du tout en place, etc. Le chameau à un moment est parti, moi mon chameau en avait ras le bol, il avait décidé d'arrêter cette séance photo, il est parti au triple galop, moi accroché à la selle comme je pouvais, mais impossible de l'arrêter. Alors continuons un peu les hauts lieux, les hauts moments de Tintin, Moulinsard, vous avez retrouvé le château ? Alors Moulinsard, il faut vous dire que Moulinsard, il y a une petite énigme sur Moulinsard, on pense, et ça s'est avéré, vu les dits allergiques, inspiré par le château de Chauverny. Or, le château de Chauverny, il y a deux espèces de tours, deux espèces d'ailes qui existent et qui font que ça ne ressemble pas à Moulinsard, mais c'est vrai que si on retire ces deux ailes, c'est vrai que c'est Moulinsard dans son architecture la plus précise. Par contre, il y a une anecdote, c'est quand on est arrivé avec, là on avait la fourre de thé du Jean-Pierre Abeltoise, on avait prêté une autre fourre de thé, sa fourre de thé, sa collection personnelle d'ailleurs, on arrivait à Moulinsard et le conservateur du château nous a dit qu'en effet, alors, ça avait été donc l'aspiration de Moulinsard, mais qu'il y avait une énigme, c'est qu'il y avait un numéro dans le village, dont je ne me rappelle plus le nom, mais dans le village, qui correspondait à un chiffre près à la boucherie du village, et que le nombre de fois où ce châtelain recevait le coup de fil d'un client de la boucherie qui voulait 2 kilos de boeuf bien saignant pour faire un steak. Il correspond exactement à l'anecdote. Les coïncidences n'ont pas arrêté. C'est troublant. On s'en est rendu compte à force de voyager à travers ces albums. Toutes les coïncidences étaient là. C'est ce qui nous a le plus marqué. Un autre moment fort. Est-ce que vous avez attendu une éclipse en Amérique du Sud ? On n'a pas attendu une éclipse. Ça fait partie du travail de recherche. Il fallait se retrouver sous une éclipse. C'est un des moments forts des aventures de Tintin. Il fallait qu'elle soit en Amérique du Sud. Coïncidence encore, on s'est retrouvé au Machu Picchu sous cette éclipse, avec une équipe de scientifiques américains qui, comme beaucoup d'ailleurs, ont été convaincus qu'on ne leur ferait pas concurrence et que c'était simplement dans un but ludique et plus comédique que scientifique. Ils nous ont acceptés dans leur expédition. On est partis deux semaines sur les plus hauts sommets des Andes dominicaines. Désert, chaotique, etc. Et puis, éclipse de soleil à 7h21 du matin, avec discussion toute la nuit sur la découverte des airs avec ces scientifiques américains qui, passionnés, on les écoutait comme deux écoliers. On était vraiment deux écoliers face à des gens qui... Et à 7h21, vous étiez prêt ? Vous étiez déguisé ? On était déguisé, robe rouge, les chapeaux qu'on s'était fait faire à Lima en mousse. Donc la photo a été prise. Vous êtes allé en Russie, Tintin, chez les soviets. Est-ce que vous avez botté les fesses de l'officier du GPO ? Non, on n'a pas botté les fesses d'un officier du GPO. Il s'appelle plus comme ça, mais ils sont toujours présents. Mais l'intérêt de Tintin au pays des soviets, c'est plus un intérêt d'actualité. A l'époque, quand RG écrit Tintin au pays des soviets, il s'inspire d'un livre qui a été écrit par un consul belge à l'ambassade de Russie, de l'ambassade de Belgique en Russie, à Moscou, et qui est un pamphlet contre tout ce qui est bolchevisme, etc. Donc l'intérêt de Tintin au pays des soviets, c'est tous les clichés qu'on se faisait sur la Russie avant la perestroïka. C'est un document d'archive. Oui, c'est un document d'archive. Il faut vous dire que Tintin au pays des soviets, ça a été quand même le lancement de toute la saga des albums de Tintin, puisque RG, qui était un fin stratagème, avait organisé un retour en train dans la gare de Bruxelles avec un petit garçon blond avec la houppette déguisé avec les culottes de golf, et c'était Tintin qui revenait de Russie. Et je crois qu'il y avait 30 000 enfants pour accueillir Tintin, l'incarnation de Tintin. C'est impressionnant parce que déjà à l'époque, ça motivait comme nous dirait un de mes amis Zahiroua, ça motivait la jeunesse de l'époque. Mais ce qui prouve aussi qu'il y a quelques années, votre projet d'incarner, de personnifier Tintin avait déjà eu lieu. Je crois qu'on l'a tous su, ce projet de partir sur les traces de Tintin. La découverte de l'aventure, quelque part, pour les jeunes garçons en tout cas, commence dans les bibliothèques et commence dans les albums de Tintin. Entre autres. Il y a une photo que j'ai sous les yeux, on vous voit aux prises avec un condor. Comment avez-vous fait ? Elle s'appelait Lily. C'est dans un zoo ? Non, c'est pas du tout dans un zoo, c'est un Péruvien qui a un couple de condors chez lui, et qu'on a découvert dans les alpages des Andes Dominicaines, et qui après même pas là, parce qu'il nous a quand même raconté que c'était dangereux, nous a quand même dit que c'était relativement dangereux. C'est comme un gros dindon qui doit faire entre 14 et 20 kilos, qui a des cerfs très très aiguisés, et qui n'est pas un animal domestique. Je ne voulais pas me retrouver avec le mâle, parce qu'il était un peu trop pesant, il faisait facilement ses 3 mètres d'envergure. Je me suis retrouvé avec Lily, qui n'a pas été d'ailleurs si docile que ça, puisque moi j'étais obligé de lui tenir le bec, mais j'avais les cerfs sur le ventre, et je peux vous garantir que les cerfs sur le ventre, enfin les cerfs d'un condor sur le ventre, c'est pas du tout agréable. Surtout que c'est un animal sauvage, semi-domestiqué. Attention, dans le Temple du Soleil, le condor attrape la tête de Tintin. Il attrape la tête de Tintin, et je vais vous laisser scalper par le condor. Non, non, non. Vous allez éviter la reconstitution trop fidèle. Elle était plus sur le ventre, voire le bas-ventre, et j'ai beaucoup plus eu peur pour mon ombril que pour ma tête. Alors il y a une superbe planche qui montre aussi le Temple de Petra. Vous avez reconstitué la scène, l'arrivée de Tintin et du Capitaine Haddock sur des chevaux à fond la caisse et au triple galop, le cycle. Le cycle, voilà. Il y a ce couloir qui fait près d'un kilomètre et demi de long, et 2 mètres de large. Et au bout duquel, on débouche 40 mètres d'eau... Non, je ne suis pas... Petra, c'est quelque chose... Ça doit être à peu près, je pense, la même sensation que de rentrer dans un gouffre. Vous arrivez dans un gouffre, vous tombez sur cette caverne et vous rentrez à l'intérieur. Vous passez des siphons, des couloirs, et derrière, vous découvrez une vallée. Vous découvrez une vallée où il y a un temple galoromain. Vous découvrez une vallée où il y a une ville. Il y a complètement une ville. Vous avez les colonnes, vous avez tout. Tout ça taillé dans le stuc. Je ne sais pas... C'est du grès. Je crois que c'est sous cette couleur différente. Rouge, jaune, bleu... Il y a des nuances absolument fantastiques. Est-ce que vous avez trouvé des pirogues pour descendre les fleuves ? Parce qu'il y a beaucoup de fleuves dans lesquels Papin descend dans des pirogues aménagées de façon parfois un peu artisanale. Oui, oui, oui. L'idée, c'était... Je pense que vous parlez de l'Amazonie. On a remonté toute l'Amazonie en pirogue. Allez-y, parlez, racontez-nous. On entend au fond sonore un enregistrement de Patrick Kersalé, pris au Congo, au centre-Afrique. On a remonté toute l'Amazonie en bateau. On est partis de Belém, au Brésil. On est arrivé, on a remonté jusqu'à Laetitia en passant par le Rio Negro en Colombie. On a été une succession de rencontres avec des trafiquants, avec des pêcheurs, avec des gens du cru, etc. Ils nous ont transportés sur des périodes de 3 jours, de 2 semaines, d'une semaine sur un bateau trafiquant pour arriver en Colombie. Trafiquant de bicarbonate de soude, je ne sais pas si je peux le dire. On dormait sur des sacs de cocaïne. On dormait sur des sacs de cocaïne. On avait nos hamacs, mais le sac de cocaïne est quand même beaucoup plus moelleux, plus confortable. Parce qu'il faut bien vous dire que sur l'Amazonie, c'est 98% d'humidité. Le moindre geste, c'est assez difficile. Et donc, on a vécu, oui, on a refait toute l'horrecassée en pirogue avec ces gens-là. Et vous n'avez pas traversé de conflits en Amérique du Sud. Car ça n'a pas dans l'horrecassée participé directement à une guerre de libération. Le général Tapioca. Oui, la guerre du Grand Châcaud, du désert au Paraguay, etc. Non, les seuls conflits qu'on a rencontrés, c'est la lutte anti-narcotique. On a été hébergés à un moment, je crois qu'on est resté 2 semaines avec eux, avec les brigades anti-narcotiques du Pérou. Ils nous ont emmenés dans des balades en hélicoptère au sud de la forêt amazonienne dans le Madre de Dios. On s'est fait tirer dessus à la Kalachnikov et au Bazookar. Ce qui n'est pas très agréable. Mais c'est les seuls conflits qu'on a rencontrés. Les nouveaux dictateurs que Tintin aurait pu rencontrer à l'heure actuelle, ce sont les patrons de cette mafia. Les Escobars. Oui, les Escobars. Les Escobars et le portrait type du nouveau dictateur. C'est un homme politique. Il a siégé à l'Assemblée nationale colombienne. Il a été maire. Il a été élu. En Colombie, c'est un dieu. C'est vraiment un dieu. Alors, il y a une masse ahurissante d'analyses de Tintin sous tous les ordres. Beaucoup se sont complus à essayer d'avoir une lecture psychanalytique plus ou moins palacieuse de Tintin. Voir farfelu, voir frelaté. Est-ce que vous, vous avez eu véritablement une lecture du voyage de Tintin ? En deux mots, est-ce que Tintin apprend à voyager ? Est-ce que à la suite d'un voyage sur des traces de Tintin, on voyage différemment ? Parce que moi, il y a toujours une chose qui m'a un petit peu agacé chez Tintin. C'est qu'il est vraiment trop parfait. Non, pas ça vous pète blonde du tout, mais c'est qu'il est vraiment trop parfait. Il est même plutôt antipathique. Il ne comprend pas le succès de Tintin. C'est assez complexe. Vous avez mis le doigt dessus. C'est qu'il est tellement lisse, il est tellement parfait que tout le monde peut se replonger dans Tintin et croire et se visualiser dans les aventures de Tintin. Il est même un peu suspect parce que son espèce de courage face à la mort, moi, m'a toujours un petit peu déplu. C'est-à-dire que il est en train de se faire assassiner et il est en train de se faire fusiller. Il est devant le poteau d'exécution et la seule chose qu'il trouve à dire, c'est «Sapristi, voilà, qui est embêtant». Donc, il y a une espèce de flègue comme ça extraordinaire face à la mort. Est-ce que vous avez acquis toutes ces qualités de Tintin ? Non, Tintin est belge. On va rester au revoir. C'est le côté belge de Tintin qui est sympa, je trouve. Oui, c'est ça. La sèze. C'est comme cette flègue qu'on attribue toujours aux Britanniques. Je crois qu'en Belgique, il existe aussi. Il est beaucoup plus... Je vais peut-être me faire des ennemis, mais il est beaucoup plus sain que le côté britannique. Il est moins binaire, entre autres, que le côté britannique. Il est beaucoup plus bon enfant. Il faut savoir que ce qui était le plus difficile pour revivre ses aventures, c'était de rester dans le rythme de Tintin. Ça a été un de nos gros regrets parce qu'on n'a pas réussi à rester dans le rythme parce que le voyage ne permet pas l'enchaînement des strips dans les instructions de Tintin. Tintin n'arrête jamais. C'est une boule de ping-pong. Tintin ne dort pas. Tintin ne se nourrit pas. Tintin n'est pas un humain. Voilà, ça, c'est la conclusion de la fin de notre tour du monde. Tintin n'est pas humain. C'est pas possible. Nous, on était fatigués. On était sur les rotules. Quand on a traversé toutes les ondes à pied, le trek qu'on a fait, on était marqué la fin. On l'a fait en courant parce que ça descendait, mais on est arrivé complètement détruit. Justement, moi, il y a une deuxième chose qui me déçoit un tout petit peu dans Tintin, c'est la tournure qu'après Tintin au Tibet a pris les albums d'Hergé et le personnage de Tintin. Il y a eu une véritable image dans le dessin d'Hergé et dans sa conception du Tintin, peut-être sous des pressions de conformisme intellectuel, de politique à lit correct. Enfin, le Tintin des premiers temps avec ses culottes de golf est devenu un Tintin en pantalon d'éléphant, mi-idéaliste, mi-anarchiste, mi-pacifiste, un tiers de chaque, allant davantage porter secours aux guérillas de type guévariste que pendant ses premières incursions en Amérique du Sud. C'est totalement vrai, à tel point... Mais il faut bien reprendre Tintin dans sa chronologie. Chacun des albums de Tintin, si on s'y réfère, ce sont des diapositifs, ce sont des clichés de l'époque dans lesquels disait Hergé, Tintin au Congo est peut-être, paraît peut-être, a toujours été traité de raciste. Enfin, il a été... Ce n'est pas politique à lit correct. Je ne sais pas, je ne sais pas. Moi, quand je pense à Tintin au Congo et quand j'ai quelqu'un en face de moi qui me dit, mais Tintin est un raciste, il va au Congo, il traite le noir comme un petit noir et il parle le petit nègre avec eux, etc. Je me dis qu'on a longtemps accepté qu'il y avait un petit rayeur sénégalais sur le pot de chocolat Banco, Banania, plutôt, et que ça faisait partie de l'époque. C'était un cliché actuel de l'époque. C'est une analyse de l'époque. Et c'est vrai qu'à l'époque de Tintin au Congo, c'était vraiment ça. Et quand on voit les ahirois... Moi, justement, l'ami africain, Jean Koulouma Mpeka, qui nous a raconté un peu ses aventures à travers les aventures de Tintin et sa vie, il nous disait, mais ça fait vivre encore la jeunesse de notre époque. Tintin n'est pas raciste du tout. Tintin n'est pas raciste du tout. C'est une insulte qui court les rues un peu facilement. Jean-Fabien, est-ce que vous allez écrire un livre, est-ce que vous allez exploiter... Je suis en plein dedans. On a mis beaucoup de temps, mais je pense qu'il faut le faire parce que c'est vrai qu'on a des pressions à gauche et à droite. Mais on va pas... On va raconter bien sûr nos aventures, mais on va surtout inciter les gens à partir sur les traces de Tintin. C'est pour ça qu'il y aura 3-4 albums qui seront des parties de notre itinéraire, c'est-à-dire le travail que nous avons fourni, qui pourront être faits en 4 jours, en une quinzaine de jours, par exemple la Chine, par exemple le Tibet, etc. Et qui pourront, si les gens le veulent, leur fournir un thème de voyage et un fil conducteur. Et je trouve que c'est quelque chose... C'est une aventure à vivre. Avant ce livre, vous avez une association sur les traces de Tintin, est-ce qu'on peut vous contacter là-bas ? Bien sûr, oui, mais je ne vends rien du tout. J'ai pas de pull, j'ai pas de chaussettes, comme on me demande souvent. Non, mais un contact, un numéro de téléphone, une adresse... Simplement, éventuellement, des auditeurs de Radio Courtoisie qui seraient tintinophiles, et qui voudraient avoir plus de renseignements sur votre voyage et éventuellement... Et sur la façon peut-être de monter une expédition. Moi, j'arrête pas de donner des conseils sur comment se faire sponsoriser, etc. Parce que c'est vrai qu'on a eu une belle réussite sur cette expédition. Donnez l'adresse. L'adresse, non, le téléphone, je peux le donner et je le laisserai d'ailleurs ici. C'est le 01-42-64-55-26. On peut vous joindre là-bas. C'est perso, il n'y a aucun problème. Tout à fait. Avis aux tintinophiles de Radio Courtoisie. Il faut savoir qu'on a autour de nous beaucoup de gens du style des Gregg, des dessinateurs de Spirou, etc. qui nous soutiennent et qui seront aussi partants pour faire un dessin pour illustrer un dossier d'expédition, par exemple. On attend votre livre. En attendant, je me tourne vers Patrick Carcelet. On a entendu une ébauche du travail de Patrick tout à l'heure quand vous racontiez votre dessin entre Jean-Fabien de l'Amazonie. Vous Patrick, vous êtes ethnomusicologue. D'abord, dites-nous, c'est exactement comme pour le karst, dites-nous ce que ça veut dire. Un ethnomusicologue, c'est quelqu'un qui est déjà musicologue, c'est-à-dire qui étudie la musique et en particulier la musique des minorités ethniques du monde, c'est-à-dire toutes ces musiques qu'on peut appeler parfois traditionnelles ou folkloriques ou ethniques. Il y a plein de terminologies avec des petites différentes et des petites écoles. Il y a une dimension ethnographique, c'est-à-dire qu'on s'intéresse bien sûr à la musique, mais la musique est forcément générée par quelque chose. On ne fait pas de la musique pour de la musique. Dans les minorités du monde, il n'y a pas de musique de concert. Il y en a bien sûr, mais ce n'est pas la majorité de ces musiques. Ce sont des musiques qui sont générées par des actes de la vie, des actes sociaux, des actes rituels. L'ethnomusicologie s'intéresse également à la musique classique extra-européenne comme par exemple la musique de l'Inde. Et vous êtes musicien vous-même ? Je suis musicien, je suis polyinstrumentiste, je suis un ex-accordéoniste reconverti en organiste de jazz classique variété et qui s'est reconverti depuis 12 ans pour la flûte de panjoumène dont je suis un des principaux moteurs en France. Et puis je joue une cinquantaine d'instruments traditionnels. Avec un nom pareil, Kersalé, vous devez être au moins un peu breton, du moins un peu granitique, arboricain. Est-ce que vous ne jouez pas d'instruments celtes ? Je ne joue pas d'instruments celtes. Je joue la guimbarde. Je joue la guimbarde et c'est un instrument d'ailleurs très intéressant la guimbarde. Alors en quoi consiste votre passion et si j'ai bien compris votre métier ? Alors mon métier est un métier en fait assez récent puisque je suis ancien ingénieur en télécommunication. Donc télécommunication va vers communication, communication musique, il n'y a pas tellement loin. J'ai créé il y a 6 ans une association qui s'appelle Cyrynx Academy qui avait dans un premier temps comme objectif de promouvoir et enseigner la flûte de panjoumène. Et puis je suis un grand voyageur depuis 17 ans et j'étais photographe et en fait la photographie est quelque chose qui ne permet pas de pénétrer certains milieux ou alors avec difficulté. Le son était un élément qui permettait de fixer un certain nombre de souvenirs que ne pouvait pas fixer la photographie et qui permettait aussi de pénétrer des endroits de rentrer dans des endroits où on ne rentre pas avec un appareil photo et qui permet aussi lorsque l'on veut faire un enregistrement et bien de rentrer dans une relation beaucoup plus profonde avec les gens. Donc c'est un voyage qui a commencé pour moi en Indonésie où je suis rentré un jour chez un sorcier où je ne serais jamais rentré avec un appareil photo donc je suis rentré avec mon magnétophone on a fait un certain nombre d'enregistrements avec comme fil conducteur comment les religions qui existent en Indonésie avaient influencé la musique et puis après je suis parti chez les Pygmées en Centrafrique alors là musique omniprésente il y a les hommes qui font de la musique mais il y a aussi les oiseaux, les insectes le vent donc on peut également ramener des sons de la nature ça c'est ce qu'on appelle les enregistrements d'ambiance et c'est ce qu'on a entendu tout à l'heure avec le bruit des rames qui frappent contre les flancs de la pirogue et qui viennent cogner l'eau ça c'est pas ma tasse de thé mais disons que là-bas on ne peut pas passer outre et puis ensuite j'ai donc rencontré un éditeur qui s'appelle Sunset France qui a une collection de disques qui s'appelle Playasound et dans Playasound on a publié un premier disque sur l'Indonésie et puis ça m'a donné comme idée à force de côtoyer des gens sur le terrain on s'aperçoit que quand on est ethnomusicologue on travaille dans des ethnies qui sont généralement assez reculées des villes et évidemment des gens avec des tas de problèmes des tas de problèmes humains des tas de problèmes avec la nature, des problèmes politiques souvent avec des problèmes d'argent ou des problèmes structurels donc on essaie d'associer le travail d'enregistrement de la musique avec des projets que l'on met en place des projets culturels ou des projets humanitaires Quelles sont vos spécialisations géographiques ? Alors je travaille essentiellement sur le Burkina Faso actuellement dans plusieurs ethnies, j'ai travaillé un peu sur le Mali qui est une zone équivalente et puis je travaille également sur les minorités du Vietnam Je suis allé pour la première fois en 1993 au nord du Vietnam où j'ai fait une découverte ethnomusicologique importante puisque c'était une zone qui était fermée depuis 1945 c'est à dire grosso modo à peu près au moment de l'invention des magnétophones qui permettaient de faire du travail sur le terrain et c'est donc une minorité qui s'appelle les Noongan et c'est un endroit du monde où on a découvert une forme de polyphonie chantée qui était totalement inconnue jusque là et donc il a fallu que je prouve d'ailleurs au CNRS que c'était pas quelque chose de fallacieux on m'a dit oui ça c'est de la musique qui vient de Bulgarie donc heureusement j'avais quelqu'un avec moi qui avait fait un peu de vidéos on a pu apporter une preuve tangible et aujourd'hui les gens du CNRS partent travailler sur ce terrain comment ces ethnies se prêtent à votre enregistrement ? c'est pas évident d'être sur place et de pouvoir participer à la ville alors en fait c'est relativement facile c'est relativement facile dans le sens où la manière dont je présente les choses c'est à dire qu'on essaye bien entendu de faire un travail de jumelé des projets humanitaires et culturels mais aussi l'objectif premier c'est d'essayer de sauver un certain nombre de ces musiques que l'on explique aux gens qu'ils ont eux aussi une culture parce que quand on arrive dans toutes ces ethnies un petit peu reculées les gens ont tendance à croire qu'eux n'ont pas de culture, que la culture c'est la culture occidentale et lorsque l'on montre aux gens que nous sommes des occidentaux que nous intéressons à leur culture et bien ils découvrent leur culture et ils sont très fiers en fait de pouvoir la partager la question que je me pose qui prolonge la question de Priscilla c'est les enregistrements que vous faites, que vous accomplissez est-ce que vous les faites à la sauvage c'est à dire presque clandestinement ou alors est-ce que les gens que vous enregistrez jouent et chantent pour vous alors il n'y a jamais d'enregistrement sauvage si on fait des enregistrements sauvages par exemple ça va être sur un carnaval ce que je n'ai pas fait encore mais ce que je m'apprête à faire donc là effectivement c'est de l'enregistrement sauvage mais il n'y a jamais d'enregistrement sauvage alors la manière dont je travaille c'est un petit peu particulier parce qu'en fait j'essaye de rapporter des documents qui sont bien entendu des documents mais qui ont aussi une qualité technique qu'on essaye d'être irréprochable donc il est quasiment toujours obligatoire de demander aux gens de se replacer dans les conditions dans des conditions de funérail dans des conditions de fête dans des conditions de certains rituels pour pouvoir rejouer ces musiques pour l'enregistrement alors lorsque on est dans certaines fêtes où les gens ont bu énormément soit en Afrique de l'Ouest par exemple le dolo ou en Asie l'alcool de riz et bien on ne peut absolument pas faire des enregistrements de qualité parce que les gens dansent, ils bousculent les micros donc on recrée des conditions qui sont bien entendu pas complètement les conditions de la fête parce qu'il n'y a pas eu l'alcool mais on recrée des conditions et puis sur un plan ethnomusicologique musicologique permet quand même de donner un document qui se rapproche de la réalité comment procédez-vous ? c'est à dire que j'imagine qu'il faut que vous preniez des contacts au préalable avant de mettre en marche votre magnétophone donc il y a tout un travail de recherche et de documentation et d'ethnologie pure avant de faire les enregistrements alors en fait je ne travaille pas du tout comme les gens du CNRS dans un premier temps j'ai pour moi un gros avantage par rapport à tous ces gens là c'est que j'ai une autonomie financière une autonomie de décision, une autonomie d'action et je n'ai pas de patron donc tout ce que je fais c'est parce que je le décide donc il y a une partie de mon travail qui consiste à partir un peu à l'aventure comme découvrir un siphon sur lequel on n'a pas de cartographie donc il y a un travail un petit peu aventureux qui n'a rien à voir, qui n'a rien de de tintinesque on part dans un endroit on essaie de voir ce qu'il y a dans cette zone nous avons donc des informateurs qui sont des autochtones et nous nous reposons beaucoup sur les autochtones pour obtenir ces informations pour se faire introduire il est évident qu'on n'arrive pas dans un village dans un village africain sans avoir contacté le chef du village sans avoir soumis un certain nombre de protocoles donc là on se repose véritablement sur des gens du cru et quelle est la réaction de gens qui s'entendent sans doute souvent pour la première fois ? alors généralement il y a une chose très amusante quand on arrive, moi je travaille avec du matériel miniaturisé, et lorsqu'on arrive avec ce matériel, les gens ils rigolent doucement donc on commence à enregistrer et puis lorsque les gens, on leur met le casque sur la tête, alors là ils rigolent plus du tout parce qu'effectivement ils ne sont jamais entendus comme ça, et pour eux un enregistrement, un magnétophone c'est un machin qui fait la moitié de la taille d'une voiture, avec des grosses bandes avec des écrous, avec une manivelle voilà, donc quand on leur apporte la clé sur les oreilles ils n'ont qu'une envie, c'est de continuer est-ce que parallèlement vous faites le système et la démarche inverse, c'est-à-dire est-ce que vous apportez des sons de musique occidentale, traditionnelle ou pas, est-ce que vous la faites écouter à ces ethnies, à ces populations pour voir leurs réactions et les connaître ? Alors il m'est arrivé effectivement de faire ça mais ce qu'il faut comprendre c'est que dans les ethnies, je dirais dans les peuples minoritaires traditionnels, ce sont des gens qui sont véritablement à fond dans leur culture, dans leurs coutumes et lorsqu'on leur fait écouter quelque chose d'autre, c'est un petit peu extraterrestre, alors bien entendu ils ont quand même très souvent ils ont entendu la radio, mais les radios qu'ils écoutent généralement chez eux, ce sont des radios qui passent leur propre musique, puisque les radios locales vont aussi enregistrer leur musique ethnique et pour moi j'ai pas découvert un intérêt extraordinaire à faire cette expérience et en plus quand je suis sur le terrain, j'ai pas beaucoup de temps donc je travaille très fort. Je pensais à ça parce que j'ai vu un très beau film que vous avez sans doute peut-être vu, La Vallée perdue de Patrice Francheschi, où on le voit avec un tout petit dictaphone mettre en marche, je ne sais plus quelle manière, de jazz, de Scott Joplin d'un tapou, qu'il prétend avoir découvert pour la première fois et qu'il n'avait jamais vu d'occidentaux auparavant se prendre. Merci beaucoup Patrick Carsalet de nous avoir raconté un peu cette profession d'aller recueillir les sons de la Terre

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