Marie-Cécile Pouliquel is a storyteller, dancer, and yoga teacher who explores various body practices. She discusses the myth of Inanna, an ancient Mesopotamian goddess who descends to the underworld and undergoes a transformation. Inanna must strip away her identity and possessions to reach her sister in the underworld. She dies and is reborn, symbolizing the cycle of death and rebirth. Marie-Cécile relates this myth to her own experiences, including her journey through illness. She emphasizes the power of stories and suggests attending storytelling festivals to reconnect with the art of imagination.
Bonjour à tous, bonjour Marie-Cécile. Bonjour Laurence, bonjour à toutes. Alors aujourd'hui je reçois Marie-Cécile Pouliquel pour une des intervenantes d'Active la magicienne qui va nous parler d'un sujet passionnant, Inanna. Vous en saurez plus dans quelques instants. Je vais d'abord commencer par se présenter Marie-Cécile. Alors Marie-Cécile tu es amoureuse du corps et des mouvements, des mots et de la parole. A la fois conteuse, danseuse et professeure de yoga, tu relis la parole, le souffle et le mouvement, persuadée que le changement commence par nous-mêmes.
Petite, tu grimpais aux arbres, tu organisais des spectacles, tu sauvais les animaux sauvages. Tu voulais prendre soin, tu voulais comprendre le monde et les gens autour de toi. Pour comprendre le monde, tu es partie habiter une terre de légendes, l'Irlande, et tu as été séduite par la poésie de ce pays et ses légendes. Ça a marqué le début de ton cheminement de conteuse que tu as poursuivi au Québec. Tu deviens ensuite infirmière en souhaitant connaître les soins hospitaliers.
Tu t'y es vite sentie à l'étroit et tu as voulu comprendre le corps de manière plus vaste. Ainsi tu es devenue professeure de yoga. Tu explores depuis 25 ans toutes sortes de pratiques corporelles pour apprendre, comprendre, expérimenter. Théâtre, clown d'impro, aikido, danse libre, body-mind-centering, shiatsu, médecine chinoise. Et c'est dans le yoga que tu t'es sentie chez toi. Plusieurs événements ont été initiatiques pour toi. La naissance de tes filles et la parentalité, le décès de ta mère que tu as eu la chance d'accompagner jusqu'au dernier souffle et ta traversée d'une maladie depuis l'été 2021.
Tu en es ressorti à chaque fois transformé. Tu savoures d'autant plus le vivant qui t'entoure et te traverse. Tu es une yogi créative et engagée qui cherche à trouver une bulle de tranquillité chaque jour. Ton intention, créer des espaces de ressourcement et de créativité à travers le yoga, la relaxation et le mouvement conscient poétique. Alors Marie-Cécile, le sujet que tu as choisi pour ton interview est sur les traces d'Inanna, oser descendre pour mieux s'élever. C'est un sujet qui peut sembler très énigmatique et j'aimerais du coup que tu commences par nous expliquer qui est cette Inanna.
Oui alors Inanna c'est une déesse très ancienne qui était localisée en Mésopotamie. Selon les lieux, on l'appelle aussi Ishtar. Donc c'est Ishtar ou Inanna. C'est un peu la même déesse. Parfois Ishtar est plus connue mais moi c'est vraiment Inanna qui me tient à cœur. Et Inanna donc cette déesse Mésopotamienne c'était une déesse du monde d'en haut. Une déesse très solaire, très occupée. Une déesse, une reine même en fait. Une reine du monde d'en haut qui décide à un moment donné d'aller rejoindre sa sœur qui vit dans le monde d'en bas.
Et c'est toute la descente d'Inanna qui pour descendre, rejoindre sa sœur, doit se dépouiller de tous les atours qu'elle a pour la rejoindre. Et puis arrivé en bas, Inanna meurt. Elle meurt à elle-même avant de refaire le trajet pour remonter dans sa vie d'avant. C'est vraiment la symbolique aussi de la mort au symbolique et de la renaissance. Oui et dans les textes en fait on dit que c'est même, enfin cette symbolique de mort et de renaissance se retrouve dans beaucoup de textes et c'est même antérieur à la mort et à la résurrection du Christ en fait.
Donc c'est ce schéma de mort et de renaissance. Et du coup peux-tu nous expliquer justement ton interprétation du mythe d'Inanna ? Eh bien moi ce mythe m'a beaucoup accompagnée et me touche déjà depuis un certain temps parce que c'est cette descente où pour descendre et mourir à elle-même, elle doit se dépouiller. En fait elle a sept, ah il y a quelqu'un qui arrive, elle doit, elle a sept portes à passer pour accéder au monde d'en bas.
Bonjour. Pour accéder au monde d'en bas, elle doit passer sept portes, sept portes à chaque fois avec un gardien de la porte qui lui demande de se dépouiller dans la tour qu'elle a dans sa vie de reine quand elle est à la surface en fait. Donc au départ elle doit déposer sa couronne et elle demande, mais pourquoi tu me demandes de déposer cette couronne, je suis la reine du monde en haut, et le gardien lui dit le monde d'en bas a ses lois que personne ne peut contester donc tu dois déposer ta couronne.
Donc elle dépose sa couronne et puis elle continue, il y a une autre porte où elle doit déposer son collier et au fur et à mesure en fait elle se dépouille de tout ce qui montre qui elle est de l'extérieur en fait. Et c'est ce dépouillement moi qui me touche parce que c'est un dépouillement pour qu'elle arrive finalement nue en bas, dans ce monde d'en bas, en étant juste qui elle est sans tout le décor, sans toutes les représentations en fait qu'on peut avoir de soi dans le monde qui nous entoure.
Mais les personnages finalement qu'on peut adopter selon les circonstances dans nos vies en fait. Oui, il y a des différents rôles qu'on peut jouer en fait, donc le rôle ça peut être le rôle de mère, le rôle de conjointe, le rôle par rapport à la profession et c'est ce dépouillement qui fait qu'au bout du compte en fait c'est une quête pour aller vers qui elle est réellement en fait, quand elle a plus tous ces personnages là qu'elle joue dans la vie ordinaire.
Donc finalement ce qui meurt dans l'histoire c'est pas Inanna elle-même mais c'est plutôt tout ce qui quelque part voilait son être profond. Oui, il y a de ça mais dans l'histoire racontée elle meurt quand même complètement parce que elle meurt et elle est même suspendue à des crochets comme des crochets de boucherie. Mais bon c'est dans le mythe aussi, elle reste trois jours suspendue à ses crochets avant de revivre. Et est-ce qu'il y a un élément déclencheur qui lui permet justement de renaître ? Et bien alors là c'est très intéressant aussi parce que avant de descendre elle a demandé à une de ses amies de monter la garde à la surface en lui disant que si dans, alors je sais plus, je pense qu'elle dit trois jours, si dans trois jours elle n'est pas revenue de lancer l'alerte et pour, parce qu'il y a quelque chose qui s'est mal déroulé pour elle.
Et son amie c'est Ninchibur, elle reste à la surface et effectivement au bout de trois jours elle dit ok il faut que j'aille chercher de l'aide et elle va chercher de l'aide en allant voir les dieux du ciel, enfin les dieux les plus puissants et à chaque fois elle s'est un peu rembarrée en disant bon écoute Inanna est descendue, elle n'avait pas le droit d'y aller, qu'elle se débrouille en gros. Donc elle en voit plusieurs qui lui disent ça et là Ninchibur se dit qu'elle va pas toquer à la bonne porte en fait.
C'est pas en allant demander aux dieux du ciel, aux dieux d'en haut, les super puissants que ça va marcher et elle va voir un autre personnage qui lui l'écoute, il écoute vraiment ce qu'elle a à dire avec beaucoup de compassion et c'est vraiment un texte très ancien et il y a cette compassion qui dit ah mais vraiment Inanna elle est descendue, elle n'est pas remontée, faut vraiment faire quelque chose en fait. Donc c'est un dieu empathique et qui vient gratter sous ses ongles pour récupérer de la poussière et avec cette poussière et ses deux petits êtres qui vont être capables de passer sur tout le chemin pour descendre dans le monde d'en bas et ils vont aller apporter l'eau, enfin déjà ils vont discuter avec la sœur d'Inanna.
Inanna à ce moment là elle est dans une douleur extrême, c'est décrit comme une douleur de l'enfantement en fait et donc elle l'hurle en disant oh mon ventre, en disant oh oui ton ventre, oui tu as mal et oh mes épaules et elle hurle comme ça, Erich Kegels sa sœur et à chaque fois ses petits êtres l'écoutent avec empathie en reformulant et c'est la consigne qu'ils avaient eu d'Enki qui les a envoyés et au bout d'un moment la douleur d'Erich Kegels s'apaise et elle veut remercier les deux petits êtres qui l'ont écouté en leur proposant tous les trésors de la terre qu'elle a et eux ils disent bah non en fait on veut pas tous les trésors de la terre, on voudrait juste récupérer le corps d'Inanna.
Donc elle accepte, les petits êtres y vont autour d'Inanna et il lui donne le souffle de la vie et l'eau de la vie et c'est par le souffle et l'eau qu'elle revit et qu'il la ramène à la surface. Donc il y a un peu de magie et beaucoup d'empathie en fait et puis aussi la présence de son ami qui est resté comme une gardienne à la surface et ça je trouve ça très intéressant aussi à explorer ce cette gardienne qui reste à la surface et qui fait en sorte que l'aide arrive.
Est-ce que cette gardienne justement on peut la comprendre dans un sens je dirais intérieur c'est à dire une facette de nous et dans un sens aussi extérieur c'est à dire d'avoir du soutien aussi d'autres d'éventuellement une amie ou comment est-ce que toi tu vois ça? Eh bien je le vois un peu à double sens effectivement comme soit une thérapeute ou une amie qui a ce regard extérieur et qui sait qu'on peut descendre parce qu'on sait qu'il y a quelqu'un qui est là pour nous et puis c'est aussi cette partie de soi qui reste témoin de ce qui se passe et ça moi je l'ai senti aussi beaucoup dans ma traversée de la maladie en fait d'avoir ce regard extérieur qui était une partie de moi réellement qui faisait ce pôle de gardienne en fait.
Parlons un peu de la remontée ensuite d'Inana, est-ce qu'il y a des éléments caractéristiques en fait, comment est-ce qu'elle remonte et comment elle a été transformée aussi par ses aventures? Alors quand elle remonte il y a quand même les lois du monde d'en bas qui sont irrévocables donc il y a forcément un échange donc si elle remonte il y a quelqu'un qui doit mourir à sa place donc ça rappelle le mythe d'Orphée et d'Eurydice que quand quelqu'un monte quelqu'un doit descendre et donc arriver en haut alors le texte ne dit pas qu'elle récupère tous ses atours en fait donc elle remonte en étant elle-même, ce soi qu'elle a trouvé en descendant complètement dans le monde d'en bas et c'est arrivé en haut donc il y a deux gros gardiens qui sont montés avec elle de chaque côté et ils disent ok la première personne qu'on rencontre on descend avec et la première personne qu'ils rencontrent c'est Ninchibur son ami qui est resté à la surface donc ils disent ok on la prend et c'est elle qui meurt et toi tu remontes et là elle dit non non non pas Ninchibur c'est pas possible c'est grâce à elle que je suis remontée donc elle négocie et ils vont un petit peu plus loin là elle rencontre son fils et là les deux gardiens ils disent ok c'est lui qu'on prend c'est lui qui va mourir à ta place et là il dit non non non pas mon fils pas mon fils c'est pas possible et ils continuent leur chemin et ils arrivent dans la salle du trône donc elle a été la reine de ce royaume là et sur le trône bien installé et totalement confortable il y a son mari qui est en train de boire enfin qui est très très bien installé qui n'était pas du tout inquiet par la disparition d'Inanna et quand elle le voit elle dit bah lui vous pouvez le prendre en fait et donc il redescend avec son mari qui négocie un petit peu et qui dit ok je veux bien descendre mais seulement la moitié de l'année donc il va être dans le monde d'en bas la moitié de l'année et dans le monde d'en haut la moitié de l'année et là ça fait référence aussi au mythe de Déméter et Perséphone mais pareil c'est antérieur au mythe de Déméter et de Perséphone sur l'apparition des saisons donc il y a toute cette remontée cet échange et après ça pose toute la question du aussi du féminin masculin mais et ce qu'on peut en dire c'est que son mari en descendant vient connecter avec sa part féminine et il y a un équilibre qui se recrée dans cette exploration aussi.
D'accord, est-ce que tu peux nous dire quelques mots justement sur parce que peut-être ça nous aidera aussi à comprendre comment ce mythe peut nous inspirer dans certains passages justement dans certaines descentes de notre vie est-ce que tu peux nous dire ce que tu as envie de nous dire de ta propre descente et comment en fait ce mythe t'a accompagné justement dans cette traversée de la maladie que tu as vécu ? Et bien en fait ça a vraiment été très présent dans tout le dépouillement et puis cette descente et de savoir que et bien il y a ce mythe qui existe depuis des millénaires et qu'il y a une remontée en fait après il y a une mort et une remontée et réellement ça a été un support énorme pour moi de voir ma descente la perte de à plein de niveaux différents donc le deuil de beaucoup de parties de moi et à chaque fois je me dis ok ça aussi je le perds mais ça fait quoi mes nanas ? Elle a tout déposé, elle s'est dépouillée de tout et finalement ok elle meurt aussi à elle-même mais mais c'est pas la fin en fait et moi donc la maladie que j'ai traversée c'est une tumeur au cerveau qui était, il y a une mouche qui vient sur la caméra, donc c'est une tumeur au cerveau qui était bénigne donc non cancéreuse et qui a pu être enlevée donc on m'a quand même ouvert le crâne à l'arrière donc c'est une grosse intervention, une grosse intervention du cerveau avec des séquelles parce que ça touchait le nerf facial, le nerf auditif donc le nerf auditif j'ai complètement perdu l'audition et et l'équilibre que parce que l'oreille interne s'occupe de l'équilibre mais ça je l'ai récupéré avec avec la pratique après j'ai eu, c'est quand j'ai eu la complication à l'oeil trois mois après l'opération liée à la paralysie faciale que là c'était là j'étais je pense suspendu au crochet là les trois crochets et là c'est il y avait vraiment ce mythe qui était présent en disant ok en fait c'est pas possible de la roue tourne aussi en fait je suis tout en bas là je vois pas trop comment je pourrais descendre plus en bas que ça donc forcément la roue va tourner et puis il y a cette histoire aussi de descente et de remontée en fait et ça me rappelait c'était un ancrage profond de de la vie cyclique en fait qu'on vit.
Et du coup une confiance aussi dans ces cycles de la vie à laquelle tu as pu te raccrocher. Oui et je me suis rendu compte en traversant que j'avais quand même une confiance assez, enfin une confiance indéfectible dans ces cycles qu'on traverse. Et puis aussi dans cette descente c'était mon expérience de des cycles menstruels et des cycles féminins que c'est comme si je descendais complètement et c'est comme si dans cet hiver dans cet hiver il y avait il y avait j'étais complètement dans dans dans le cycle de l'hiver du cycle mais que je savais que le printemps il revenait en fait.
Parce que je l'avais expérimenté un nombre enfin depuis 30 ans de de vie cyclique aussi et le mythe d'Inanna représente aussi cette vie cyclique. Et bon du coup comme je l'ai dit au début tu es également conteuse Marie-Cécile donc on sent aussi ton amour des histoires, le sens noble du terme et aussi ce souci d'aller chercher la source de ces histoires et tout ce que ça peut avoir de précieux comme enseignement puisque les contes au départ comme les mythes c'est quand même vraiment des enseignements initiatiques.
Comment est-ce que nous qui ne sommes pas conteuses etc nous pouvons quelque part nous appuyer aussi peut-être sur sur ces histoires avec un grand H pour aller puiser de la force, aller puiser peut-être même des clés en fait de compréhension de ce qu'on peut traverser. Est-ce que tu aurais quelques quelques pistes à nous suggérer ? Quelle attitude on peut avoir par rapport à ces histoires pour qu'elles puissent justement nous ouvrir des espaces intérieurs ? Intéressant comme question.
En fait les histoires elles sont partout, les histoires nous entourent que ce soit les contes, les légendes dans les livres mais les livres, les histoires dans les livres elles attendent d'être racontées et les histoires, enfin là dans le monde dans le monde actuel dans lequel on vit, c'est peut-être plus tant les conteurs qu'on entend mais tous les films, tout se retrouve dans toutes les histoires qu'on entend autour de nous et les histoires échangées, les histoires partagées de chacune aussi.
En fait les histoires sont partout, on est des êtres, il y a un livre de lettres fabulateurs de Nancy Houston, oui c'est Nancy Houston, que j'aime beaucoup, c'est qu'on est des êtres d'histoire, c'est fondateur des êtres humains en fait. On a besoin des histoires pour exister. Donc les histoires sont partout et elles nous nourrissent pour moi. Et comment justement dans cette société qui a un peu mis à mal cette transmission aussi orale des histoires, parce que dans les générations antérieures et même depuis très longtemps il y avait cette, les gens se réunissaient pour déveiller etc, il y avait les conteurs, les conteuses, il y avait aussi des transmissions qui se faisaient dans les familles etc, ou par des initiations directement, où c'est vrai qu'on n'est pas baigné là-dedans, dans la société dans laquelle on vit, du moins dans l'Occident, et du coup qu'est-ce qui selon toi pourrait nous aider à retrouver en fait ce chemin-là qui sans doute est quelque part en nous, qu'est-ce qui pourrait nous y aider ? Est-ce que c'est commencer par une histoire en particulier ? Est-ce que c'est se connecter peut-être à son âme d'enfant ? Je ne sais pas.
Et bien en cherchant un petit peu, il y a quand même, surtout l'été, avec l'été qui arrive, là, beaucoup de festivals de conteurs en fait. Et ce que je trouve précieux dans le conte par rapport à des histoires qui sont filmées par rapport à des films, parce que les contes c'est des scénarios, des scénarios qu'on raconte, mais dans le conte, vu que c'est raconté, chacun imagine les paysages qu'il a envie d'imaginer. Et c'est là la richesse du conte, parce qu'en racontant, on évoque des paysages, donc c'est beaucoup sur les sens et sur...
on amène les auditeurs dans un univers où chacun imagine et se fait ses propres représentations. Et par exemple, j'étais dans une école, là, où je racontais une histoire avec un arbre magique qui produisait tous les fruits qu'on souhaitait, une fois qu'on avait le nom de l'arbre magique, et j'avais mis des petits fils de laine très léger sur une branche et je leur ai demandé, j'avais pas prévu de faire comme ça, c'est la première fois que je faisais ça, mais à la fin de venir cueillir un petit fil en me disant quels fruits ils étaient en train de cueillir.
Et je les ai vus attraper leurs fils, sentir le fil et dire qu'ils sentaient l'odeur du fruit qu'ils avaient ramassé. Et c'était vraiment, mais je sens l'odeur de la fraise, je sens l'odeur de la banane, et j'ai trouvé ça magique en fait, d'ailleurs c'est un arbre magique, mais en discutant après avec une amie, elle me dit, mais en fait tu les as amenés dans un état hypnotique, qui sait qu'ils ont été capables de sentir l'odeur du fil, du fil fruit qu'ils ont ramassé.
Et je crois que j'ai perdu le fil de ta question. Je te disais justement comment on pouvait retrouver ce chemin-là dans notre société actuelle. Et bien il y a ces histoires, tous les festivals de contes, si vous cherchez un petit peu, il y en a plein pendant l'été, d'expérimenter cette parole, cet art de la parole en fait, qui permet d'imaginer, d'évoquer et de visualiser des choses avec chacun son paysage. Et finalement moi dans les yoga nidra que je guide, les yoga nidra c'est des relaxations guidées, et j'amène aussi avec le choix des mots, la parole et de la voix, dans cet état en fait, où chacun imagine le paysage qui traverse.
Et c'est ce même art de la parole, et là où je trouve que ça a le plus de valeur, c'est quand je dis aux gens qui sont présents de me donner les mots qu'ils aimeraient voir apparaître dans l'histoire, et je m'arrange pour tisser et pour intégrer tous les mots qu'on m'a donnés. Et c'est finalement en étant sur ce fil d'incertitude que je suis la plus créative, parce que je ne sais pas ce qui va se dérouler.
Une fois je me suis retrouvée avec des ados qui me disaient d'intégrer dans l'histoire une machine à coudre, et là je me disais, oh là, comment je vais amener une machine à coudre dans cette relaxation en fait. Et finalement ça a fait un truc hyper cohérent, mais cohérent parce qu'on est dans un monde imaginaire dans lequel tout peut arriver en fait. Et pour en revenir à Inanna et à ce thème, oser descendre pour mieux s'élever, on en a un peu parlé mais j'aimerais bien que tu puisses expliquer un peu mieux justement comment on peut vraiment intégrer ça je dirais dans notre vie, notamment dans...
en fait comment ça peut amener à changer notre conception de notre vie finalement, d'intégrer ce mythe d'Inanna et de comprendre qu'en fait cette descente permet ensuite de mieux s'élever et donc de ressortir grandie quelque part de l'épreuve, ce qui n'est pas du tout en adéquation non plus avec la vision de notre société. Par exemple je pense à la dépression, qui est quelque chose qui est très médicalisée, qui est très mal vue dans notre société. Bon, il y a des personnes qui sont réellement malades, mais je pense qu'il y a aussi beaucoup d'étiquettes de dépression qui sont posées sur des descentes finalement, des descentes qui pourraient être initiatiques si elles étaient quelque part vécues en conscience ou accompagnées en conscience.
Comment est-ce que justement on peut nous retrouver ce chemin d'oser finalement, se laisser aller à descendre quand c'est nécessaire, ou d'oser peut-être accueillir les épreuves qui nous mettent à terre ? Quel serait pour toi peut-être un pas possible ou un chemin possible ? Ce mythe d'Inanna touche aux deuils, à tous les deuils de la vie en fait. Les deuils, alors en anglais il y a un mot qui je trouve plus adapté que deuil, c'est grief, et grief est plus global parce que c'est cette tristesse, ce chagrin qu'on a quand on perd quelque chose.
Et deuil en français est plus, enfin je le trouve plus difficile à intégrer et à accepter, mais finalement c'est accepter que dans notre vie, que notre vie est une succession de deuils, et accepter qu'il y a de l'impermanence aussi dans notre vie et que rien n'est acquis pour toujours. Et ça moi je l'ai senti très fort en fait au moment du diagnostic, ça a été un diagnostic assez brutal et où dans la même phrase on m'a dit que j'avais une tumeur au cerveau qui fallait l'opérer alors que la veille j'avais rien, enfin même le matin, même j'avais rien quoi.
Et c'était tellement énorme en fait, surtout que j'étais en train de quitter mon compagnon, tout est arrivé en même temps, et c'était tellement énorme que je me suis dit ok là je peux que lâcher. Et je me rends compte que pour avoir été en mesure de faire ça, c'est que j'avais une pratique en fait, mes 25 années de pratique de yoga, de connaissances intérieures et tout ça, que ce chemin de lâcher, de me laisser être porté, je pense que ça m'a vraiment aidé à ce moment là en fait.
Mais c'est sûr, il y a vraiment cette question de l'impermanence et que tout ce qu'on a finalement, à un moment donné on va le perdre pour revenir à qui on est vraiment. Donc c'est une perte de ce qu'on a pour revenir à ce qu'on est je dirais. Oui sans doute que ce dépouillement de ce qu'on a est nécessaire justement pour arriver plus dans l'aspect de l'être, qui lui est une forme aussi de sécurité intérieure qui justement ne se base pas sur, et même de joie intérieure, qui ne se base pas sur finalement de quoi est faite concrètement notre vie quoi.
Ou en tout cas qui se base moins sur de quoi est faite notre vie. Ce n'est pas dire que bon, on a tout à abandonner de l'extérieur mais quelque part il y a une forme, dans cet espace là, il y a une forme de sécurité intérieure et même de joie dans les pires moments qui peuvent arriver, dans les pires événements. Oui, moi ce que j'ai senti aussi très fort c'était la curiosité qui m'a beaucoup porté de garder un regard curieux à tout ce qui m'arrivait en fait.
Même dans la rééducation, dans ce truc de, il y a un moment je ne pouvais pas marcher et tourner la tête en même temps, il fallait que je m'arrête pour regarder à gauche et à droite. Mais de garder une curiosité, de comprendre comment ça marche et c'est une curiosité joyeuse en fait, une curiosité de « oh mais comment ça marche en fait tu vois ? ». Et réellement ça m'a porté, et c'est une attitude dans toutes les méditations bouddhistes et justement sur l'impermanence et toute cette question de l'impermanence, c'est, il y a ce côté de garder de la curiosité et de l'intérêt pour ce qui est là.
Oui, on rejoint quelque part dans ce que tu dis, ce qui a traversé un peu je pense toutes nos interviews là, des cinq intervenants d'Actives magiciennes, Clémentine hier évoquait ça par rapport au jeu et de garder cette forme de recul et de curiosité, mais d'attitude un peu joueuse en fait, face à ce que la vie nous propose. On l'a tout dit quelque part à notre façon, en employant des mots différents. Et c'est vrai que c'est, je pense aussi, moi j'ai le sentiment que c'est une espèce de, alors je dirais pas de combat, mais d'attitude assez révolutionnaire, dans le sens qui va à l'encontre justement de notre société actuelle, notre société matérialiste aussi, puisqu'on a quand même parlé de se dépouiller de ce qu'on a, etc., qui va un peu à contre-courant en fait, de ce qu'on nous apprend de manière générale dans la société dans laquelle on vit.
Et c'est vrai que c'est, il me semble aussi que cette amie là, qui veille sur Inanna, c'est précieux aussi d'avoir des amis qui quelque part veillent sur nous et que, sur qui on peut aussi veiller quand c'est le moment, pour aussi nous rappeler que, parce que cette amie reste à la surface, donc c'est aussi celle qui est là avec la lumière, enfin du côté de la lumière, et qui rappelle à Inanna que, en fait, c'est pas parce qu'elle a l'impression d'être, qu'il n'y a que le noir et les ténèbres qui existent, que la lumière n'existe plus, c'est juste qu'elle a un endroit où elle la voit plus.
Et c'est vrai qu'il me semble que c'est précieux aussi d'avoir ces histoires, d'avoir peut-être d'autres femmes, puisqu'en l'occurrence on parle plutôt des femmes qui ont peut-être, qui sont peut-être juste un pas devant, ou qui ont vécu un événement comme ce qu'on est en train de vivre, et qui peuvent nous dire « rappelle-toi quoi en fait ». Là, ok, t'as l'impression que tu vas mourir et que tu pourras jamais remonter, et que c'est pas possible, tu trouveras jamais la force et qu'il n'y a plus rien de beau qui existe, mais moi je suis là, un peu comme la gardienne qui te dit en fait « je suis là et je t'attends quoi, j'attends que tu remontes ».
Donc c'est aussi, il me semble très précieux cette sororité, c'est un mot qu'on emploie beaucoup maintenant, mais qui peut prendre tout son sens dans ces moments-là. Est-ce que toi justement, tu as vécu ça aussi ? Ah ben oui, vraiment, c'était vraiment, j'ai eu un soutien, un support énorme d'amis, proches et lointaines d'ailleurs, toute une partie dans le monde virtuel de réseaux que j'avais, mais qui ont été d'un support extraordinaire, et puis un support aussi très proche, avec pendant le temps que j'étais à l'hôpital et en centre de rééducation, des amis qui m'amenaient à manger par exemple, parce que vu ce qu'ils servent à l'hôpital, il n'y a aucun moyen de récupérer des forces.
Donc c'était aussi, elles étaient là, et puis j'ai eu la chance de faire toute cette traversée en étant aussi soutenue dans un groupe de formation que je suivais de danse libre en fait, et c'est un groupe de 20 personnes qui ont été là, ils m'ont vu avec le visage tout paralysé, et que d'ailleurs c'est dans la danse où mon équilibre est revenu beaucoup plus rapidement que dans la vie ordinaire, et ça a été d'un support énorme, je ne sais même pas comment j'aurais traversé sans la présence de ces êtres-là qui étaient effectivement à la surface, et qui me voyaient évoluer chaque mois quand on se retrouvait.
Et puis pour revenir à ton truc de contre-courant et d'acte de résistance, moi je trouve que l'acte de résistance, un des actes de résistance le plus fort qu'on puisse avoir actuellement, c'est le choix de se reposer en fait, de prendre le temps de se faire des pauses dans la journée, et d'être dans un état de repos, au moins de temps en temps, de se créer des petits espaces de tranquillité et de repos, où on n'est pas sur sollicité en permanence par tout ce qui se passe autour de nous, et c'est vraiment un choix et un acte de résistance, enfin le choix de se reposer, et des fois je me dis mais qu'est-ce que, enfin comment serait le monde si toutes les personnes qui prenaient des décisions prenaient des décisions à partir d'un endroit reposé et disponible en fait ? Et je me dis mais si je peux apporter moi, tu vois, des bulles de repos et de tranquillité, des bulles où les gens se sentent suffisamment en sécurité pour pouvoir se détendre et se poser et reprendre des forces, waouh ! Et est-ce que justement c'est une des choses fortes que tu souhaites apporter dans la retraite actuelle de la magicienne ? Et bien ouais, c'est vraiment la base de ma pratique en fait, et cette descente dans le monde d'en bas, c'est aussi ce temps en suspens en fait, ce temps de rien avant de remonter, et ce temps où on meurt à soi-même, mais où on reprend des forces, comme dans le cycle menstruel en fait, où il y a ce temps de pause avant de pouvoir remonter, mais on ne peut pas remonter si à la base on n'a pas repris des forces, on n'a pas déposé.
Effectivement, oui, quand tu en parles, je me dis que c'est aussi une belle représentation de cette semaine avec Acti de la magicienne, qu'on peut aussi peut-être le lire dans ce sens-là, dans le sens, voilà, de cette descente en nous pour chacune des participants, de cette descente en elle dans un consécurisant avec des gardiens, là pour le coup il n'y en a pas qu'une, il y en a cinq, qui sont là pour veiller justement, mais là pour le coup d'aller plonger dans un espace de ressourcement pour pouvoir ensuite remonter à la surface, je dirais plus dans le sens de ce que peut évoquer Clarissa Pinkolastès dans Femmes qui courent avec les loups, c'est-à-dire rentrer à la maison, rentrer en soi, pour ensuite pouvoir remonter à la surface dans le monde extérieur, mais nourrie et régénérée par cette exploration intérieure en fait, dans le monde des profondeurs, donc je trouve que c'est une très belle métaphore aussi de ce qui va se passer durant cette semaine en fait.
Ben oui, ça tombe bien, et surtout en octobre je trouve c'est aussi le temps de retour à l'intérieur, donc ça tombe bien avec la saison aussi. Oui, et puis on va être juste avant la fête des morts, etc., donc effectivement, c'est une énergie qui est très spéciale et qui implique à la plonger dans les profondeurs, et faire en même temps avec beaucoup de joie et de fête, je dirais, dans cette semaine. Eh ben merci Marie-Cécile. Pour finir, est-ce que tu aurais une petite formule magique, une ou plusieurs petites phrases qui peut-être te soutiennent, te permettent de rester sur ce fil dans ta vie, dans ton quotidien, quand tu as besoin de reprendre des forces ou de retrouver ton axe ? Oui, alors il y a une phrase d'un poète philosophe irlandais qui s'appelle John O'Donohue qui me touche beaucoup depuis longtemps, et c'est celle-ci, c'est « J'aimerais vivre ma vie comme la rivière s'écoule, portée par la surprise de son propre déroulement ».
Ok, merci beaucoup Marie-Cécile, c'était très intéressant, et puis donc vous pouvez retrouver Marie-Cécile lors de la retraite « Actu de la magicienne » 2023, le 29 octobre 2023 en Ardèche, dans un lieu qui invite aussi, je dirais une plongée en soi, d'ailleurs ça s'appelle « Au fil de soi », ce n'est pas anodin. Merci pour votre écoute, je vous dis à très bientôt. Au revoir Marie-Cécile. Merci Laurent, merci à vous. Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org