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Hegel face à la Prusse ?

Hegel face à la Prusse ?

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L'Europe la nouvelle Prusse ? C'est une question d'actualité...

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During the summer, "Avec Philosophie" takes a break and replays previous episodes. The new season starts on August 28th with a fresh lineup. The current series is about philosophers and power, focusing on the young Hegelians and their criticism of the Prussian state. The episode discusses the authoritarianism of King Frederick William III of Prussia and his opposition to individual liberties. The guests, Frank Fischbach and Jean-Christophe Angot, shed light on this period and Hegel's views on the Prussian state. They argue that Hegel's stance on the state is more complex than commonly thought, as he actually advocated for a rational and constitutional state. The discussion also mentions Hegel's involvement in political circles and his defense of students facing legal troubles. The guests acknowledge that Hegel's position as a prominent figure in Prussian philosophy required him to make some compromises. However, they argue that he did not fully renounce his views and continued to work Pendant l'été, Avec Philosophie marque une pause. Découvrez ou redécouvrez certaines émissions déjà diffusées et que vous avez peut-être manquées. On se retrouve dès le 28 août pour une nouvelle saison d'Avec Philosophie, avec une programmation toute neuve. France Culture, Avec Philosophie, Géraldine Mühlmann Les philosophes et le pouvoir, voici le titre de notre série de cette semaine. Premier épisode aujourd'hui, les jeunes Hegeliens face à l'état prussien. Pour en parler, j'ai le plaisir d'accueillir Franck Fischbach. Bonjour. Bonjour. Vous êtes professeur de philosophie à l'université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, spécialiste de philosophie allemande et notamment du philosophe Hegel, qui a écrit dans la première moitié du XIXe siècle. Vous vous intéressez à tous les prolongements, plus ou moins critiques, de l'Hegelianisme dans la philosophie allemande. Vous venez de publier chez Gallimard, Les jeunes Hegeliens, politique, religion et philosophie, une anthologie. Et bonjour Jean-Christophe Angot. Bonjour. Vous êtes maître de conférence de philosophie à l'école normale supérieure de Lyon. Vous êtes spécialiste de Michael Bakounine, qui a croisé le jeune Hegelianisme dans les années 1840 en Allemagne. Vous qualifiez même explicitement Bakounine de jeune Hegelien, dans le titre d'un de vos ouvrages parus en 2007. Bienvenue à tous les deux, vous allez nous éclairer sur cette période très riche, où quelques années avant les troubles révolutionnaires de 1848 en Europe, des philosophes assez dissidents par rapport à une lecture conservatrice de Hegel, ont critiqué fermement les formes allemandes de l'État, singulièrement l'État prussien. L'État prussien Il s'agit d'un extrait de la 9ème symphonie de Beethoven, composée dans les années 1820 en hommage au roi Frédéric Guillaume III de Prusse. Extraordinaire création musicale, qui ne doit cependant pas faire oublier l'autoritarisme, ce roi prussien, hostile aux libertés individuelles et partisan de la censure la plus ferme. Alors pour que ce décor prussien soit bien planté dans notre début d'émission, je vous propose d'écouter l'universitaire Pierre Bertheau, qui raconte cette fin de règne de Frédéric Guillaume III, mort en 1840. L'admiration pour l'autoritaire chancelier autrichien Metternich est très vive en Prusse, et par exemple en 1837, on y approuve tout à fait la répression, non loin de là, par le roi de Hannover, de certains protestataires jugés bien trop libéraux. Sous cet immobilisme metternichien, qu'il y avait des incidents comme le suivant, en 1837, le souverain de Hannover avait supprimé la constitution, et sept célèbres professeurs, dont les frères Grimm, dont Weber qui était l'un des inventeurs du télégraphe électrique, ces sept professeurs ont signé une protestation contre la suppression de la constitution de Hannover. Le roi les a destitués. Il y a eu des pétitions en leur faveur, pas beaucoup mais quelques-unes, il y a eu un léger mouvement d'opinion, et à une de ces pétitions, présentée en Prusse modestement par quelques bourgeois d'Elbing, un ministre prussien, Rochrau, répondait ceci, il ne convient pas au sujet d'appliquer aux actions des chefs d'État la mesure de leur intelligence bordrée, avec un insolent orgueil jugé de leur décision. C'était sur Radio Sorbonne au RTF, le 10 mai 1965, un cours de Pierre Bertheau, les grandes faves de la civilisation allemande. Frank Fischbach, ça plante bien le décor en effet, l'autoritarisme allemand, pardon prussien, parce qu'on est quand même dans un endroit un peu plus particulier, est tout à fait puissant, impressionnant même, dans ces années 1830 qui suivent juste la mort du philosophe Hegel. Tout à fait, Hegel qui meurt en effet en 1831, cette question qu'on vient de voir dans le cours de Bertheau, la question centrale en fait c'est celle de la constitution, c'est vrai de Hanovre là, mais c'est évidemment vrai aussi en Prusse, et de ce point de vue là, ça permet d'ailleurs cette question de la constitution de modérer peut-être un petit peu l'image qui a été forgée de Hegel comme d'un philosophe partisan de cet état prussien autoritaire dont vous venez à juste titre de parler. Les choses sont plus compliquées que ça, Hegel était quelqu'un qui voulait une constitution pour la Prusse, et ce n'était pas nouveau, il regrettait dès 1800 qu'il n'y ait pas d'état en Allemagne. L'Allemagne n'est pas un état, où les deux mots sont aussi importants l'un que l'autre, l'article et le terme. Elle n'est pas un état parce qu'elle n'est pas une. Donc cette idée qu'il fallait que l'Allemagne s'engage sur la voie indiquée par les pays les plus avancés dans l'Occident, la France et l'Angleterre essentiellement, c'est une idée à laquelle Hegel est très attaché très tôt. Donc ça va un petit peu contre l'image d'un Hegel partisan d'un état prussien autoritaire. Alors, il est indéniable que l'attachement du jeune Hegel, en tout cas à la Révolution française, est clair. Notamment à l'époque où il était nommé à Iéna, où il a écrit la Phénoménologie de l'Esprit, parue en 1807. Il a accueilli les armées napoléoniennes avec une certaine satisfaction à Iéna. La question se pose néanmoins de son comportement, au moins je dirais explicite, lorsqu'il arrivera à Berlin. Enfin, il obtiendra ce magnifique poste en 1818. Et certains, à commencer par certains de ses disciples, trouvent qu'il est devenu un petit peu complaisant à l'égard de l'état prussien, malgré les points de principe que vous venez de rappeler, Frank Fischbach. Tout à fait. Il est certain que la position qu'il occupe à partir de 1818, comme professeur à l'Université de Berlin, et puis d'ailleurs ensuite recteur, c'est-à-dire ce qu'on appellerait aujourd'hui un président d'université, fait de lui un personnage public très important, le philosophe de la Prusse, la figure philosophique quasi-officielle, la forme officielle prise par la philosophie en Prusse, c'est Hegel, c'est le système hegelien. Donc tout cela a évidemment pour conséquence qu'il est obligé de faire quelques compromis, de modérer certains propos, de faire attention à son attitude, de faire attention à certaines de ses attitudes. Mais néanmoins, il continue dans des cercles politiques, il fréquente à Berlin, à essayer de faire avancer les idées allant vers la constitution. Il sait aussi défendre ses étudiants quand certains d'entre eux ont des problèmes qui peuvent aller jusqu'à être mis en prison. Il fait en sorte de les en sortir de la prison. Donc vous voyez, tout cela n'est pas évidemment... ne peut être public compte tenu de la structure de l'État à l'époque, mais je ne crois pas qu'il se soit renié. Jean-Christophe Fongo, vous avez le même point de vue ? Oui, il faut prêter attention au contexte très particulier, en particulier des années... Quel texte de Hegel on incrimine pour cela ? C'est essentiellement ces principes de la philosophie de droit. Oui, il est paru en 1820. La philosophie de droit, je donne juste cette référence. Oui, mais c'est la date importante. Hegel le publie l'année qui suit ce qu'on appelait les décrets de Carlsbad, qui sont une année de rédissement dans toute l'Allemagne, et avec des décrets qui permettent la censure, etc. qui sont pris d'ailleurs de concert entre l'Autriche et la Prusse, qui sont les deux puissances dominantes de la zone germanique à cette époque-là. Et Hegel, assurément, ne peut pas, lorsqu'il publie les principes de la philosophie du droit, faire état éventuellement de ses options politiques. Alors, une des choses dont on se rend compte de ses options politiques, c'est que Hegel, par ailleurs, se sert de ses principes de la philosophie de droit comme d'un manuel pour son enseignement en philosophie de droit. Et on a, à travers les notes de ses auditeurs, les commentaires de Hegel sur son propre manuel, et qui, en général, vont beaucoup plus loin politiquement que ce qu'il écrit. C'est ce qui a fait, d'ailleurs, à l'époque du jeune hegelianisme, émerger l'idée sur laquelle il y avait en fait deux Hegels. Il y avait le Hegel exotérique, comme on disait à l'époque, le Hegel des ouvrages publiés, et puis un Hegel ésotérique, qui aurait été la version réservée à ses étudiants, dans laquelle il prenait beaucoup moins de précautions pour critiquer la situation en place. Mais les principes de la philosophie du droit, de fait, Hegel retient complètement ses coups sur l'aspect, sur l'état prussien, et en revanche, c'est ce qui a aussi troublé beaucoup de lecteurs, ne ménage pas un certain type de contestation du pouvoir prussien, qui se prévaut d'une forme de devoir-être opposé à la réalité. Et ça, en particulier dans la préface, qui a été vue comme une espèce de manifeste du passéisme hégélien à cause de ça. Donc, lorsque Hegel, dans ce livre de 1821, écrit que l'état est l'effectivité de l'idée éthique, au fond, la forme la plus parfaite de la rationalité politique, il ne vise pas clairement l'état prussien, même si sa prudence exotérique lui sera parfois reprochée. L'autre problème étant aussi son étatisme, qui est de plus en plus fort. Par exemple, un philosophe du XXe siècle comme Herbert Marcus, qui a beaucoup travaillé sur lui, dira que le jeune Hegel était beaucoup plus ouvert sur les formes politiques dans l'histoire. Il est devenu quand même un étatiste forcené, Frank Fischbach. Oui, mais là aussi, le fait de réclamer pour la Prusse, et dans les pays allemands à l'époque, un état rationnellement organisé, fondé sur une constitution. Un état qui fonctionne à la loi, qui garantit des libertés. Il en est question dans les principes de la philosophie du droit. Vouloir un état comme cela, en fait, en Prusse à l'époque, ou même en Allemagne de façon générale, c'est être en avance. Ce que Hegel veut mettre au jour, ce sont des tendances. Il pense que les tendances de la modernité vont vers cet état rationnellement organisé, doté d'un corps de fonctionnaires, de fonctionnaires éclairés, formés, ce qu'il appelle les fonctionnaires de l'universel. Tout cela, ce sont des revendications qui sont en quelque sorte en avance. Il tend déjà vers une figure de l'état qui sera celle que décrira beaucoup plus tard quelqu'un comme Max Weber. Et dire dans la Prusse de 1820 que la monarchie doit être une monarchie constitutionnelle, fondée sur une constitution, et que le monarque, le prince, n'a quasiment pas de pouvoir, que simplement il incarne l'état, mais son seul rôle c'est de mettre les points sur les lits, c'est-à-dire de signer en bas des traités, ça ne peut que pas être très bien pris par le pouvoir existant. Alors, il meurt donc en 1831, Hegel, et puis on peut dire que l'université allemande, singulièrement en droit et en philosophie, est vraiment toute acquise à sa pensée. Pour le coup, il y a pas mal de gens qui essayent de faire servir la pensée de Hegel à la gloire de l'état prussien. Il y a quand même une jeunesse qui n'est pas trop d'accord, qui commence à laisser ses études, des jeunes gens comme les frères Bauer, Bruno Edgar, mais aussi le jeune Karl Marx, qui soutiendra sa thèse en 1841. On peut en citer d'autres. Jean-Christophe Angot, disons la critique, au moins d'une lecture conservatrice de Hegel, couvre. Oui, alors elle couvre, et elle va véritablement se manifester à partir de la deuxième moitié des années 1830. Il y a la publication en 1835 d'un ouvrage de David Strauss qui s'appelle « La vie de Jésus », sur lequel les Hegeliens vont se diviser. D'ailleurs, c'est à cette occasion-là que la distinction entre une droite et une gauche, ce n'est pas encore les jeunes et les vieux, mais c'est une droite et une gauche, est formulée par Strauss d'ailleurs lui-même, entre une lecture qui admet à partir de la philosophie une forme de critique des Écritures, et une lecture qui au contraire valide l'intégralité des Écritures au motif que leur contenu philosophique est vrai, et qui va s'autoriser, ou ne pas d'ailleurs s'autoriser, parfois d'Hegel cette lecture. Et puis, dans les conflits qui vont perdurer au sein de l'école hegelienne, on va connaître une phase de radicalisation qui est en partie liée aussi à l'arrivée sur le trône de Frédéric Guillaume IV en 1840, et à la censure derrière, qui est une forme de répression qui s'accroît, alors même qu'on en attendait beaucoup de ce nouveau souverain. Et il y a une radicalisation de cette gauche hegelienne, et c'est à partir de là qu'on va se mettre à parler du jeune hegelianisme. Ce ne sont pas forcément des Hegeliens jeunes, les jeunes Hegeliens. Certains sont, d'un point de vue de génération, plutôt des vieux Hegeliens, des gens qui ont suivi l'enseignement de Hegel directement, mais le fait de leur accoler l'épithète « jeune » tient au fait qu'on les rapproche d'un courant, disons, libéral et patriotique à l'époque, qui est le courant littéraire de la jeune Allemagne. Donc c'est ce rapprochement-là qui fait qu'on va parler de jeune hegelianisme, et qu'on va faire porter une charge subversive beaucoup plus grande à l'idée de jeune hegelianisme qu'à celui de droite et de gauche hegelienne, qui en fait est, paradoxalement, une distinction moins politique. C'est un peu difficile à comprendre, mais en même temps passionnant, cette manière dont les lignes vont bouger à partir du livre de David Strauss en 1835, « Franz Fischbach ». Au départ, ce livre n'a pas tout de suite été classé comme conservateur, et puis tout d'un coup, il y a une gauche hegelienne qui va le critiquer, et je crois que c'est lui-même, n'est-ce pas, qui a dit « Strauss, vous êtes des jeunes hegeliens de gauche », et finalement, il a nommé ce mouvement en le critiquant. Oui, c'est lui qui, en effet, introduit pour la première fois la distinction terminologique, les termes même de « hegelien de droite » et « hegelien de gauche ». C'est Strauss qui introduit cette formule, mais il se trouve qu'il a mis le doigt sur quelque chose de très important à l'intérieur du hegelianisme, et très important aussi dans l'époque. C'est la question du type de validité qu'il convient d'accorder au texte sacré, au texte biblique. La question est de savoir, est-ce que derrière le récit biblique du Nouveau Testament, en l'occurrence, il s'agit de la vie de Jésus, d'Aslim Jésus, est-ce qu'il y a une vérité historique ou pas ? Et surtout, la grande question, c'est, est-ce qu'il peut y avoir quelque chose de philosophiquement vrai dans la religion et donc dans les récits évangéliques, une vérité, Hegel le dit, le vrai habite le récit évangélique sous forme religieuse, mais c'est le même vrai qui s'exprime aussi en philosophie ou sous la forme spéculative de la philosophie. Donc est-ce qu'il peut y avoir une vérité théologico-philosophique dans le récit évangélique, et néanmoins pas de vérité historique ? Et Strauss dit oui, c'est-à-dire que ces récits n'ont pas de valeur historique, mais pour autant ils ont une valeur conceptuelle, philosophique très grande. Donc si je comprends bien, David Strauss va dans le sens de quelque chose de Hegel, qui est de dire qu'il y a une rationalité dans l'histoire, que les textes religieux peuvent exprimer, mais qui les dépassent. Néanmoins, peut-on dire que la jeune génération, jeune Hegelienne de gauche, va aller encore plus loin et apparaître franchement plus athée que Strauss et que Hegel lui-même, qui était en vérité très croyant ? Bien sûr, tout à fait. Alors ça, ça va être un point décisif de l'évolution de l'hégélianisme de gauche vers le jeune hégélianisme, qui est donc une forme de scission à l'intérieur de l'hégélianisme de gauche, scission liée à des formes de radicalisation, comme on dirait aujourd'hui, sur des points très précis. Radicalisation dans le rapport à Hegel, c'est-à-dire qu'on n'est pas obligé d'essayer de réactualiser Hegel, de vouloir à tout prix le sauver, on peut aussi vouloir carrément en sortir. Assumer qu'il y a des différences très grandes à son égard. Et sur le plan politique, c'est une radicalisation qui conduit les jeunes hégéliens au-delà du seul libéralisme politique, qui commence à les amener vers des idées nouvelles venues de France, qui s'appellent socialisme, communisme, voire anarchisme. Donc là, il y a un mouvement progressif de radicalisation politique. Et sur le plan religieux, la radicalisation, c'est le passage à l'athéisme assumé. 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