The transcription discusses two different topics. The first part is about the fight against cancer and the initiatives taken by the ARC Foundation to support cancer research. It emphasizes the importance of every gesture and encourages people to donate to the foundation. The second part is a narrative about Jean Zay, a politician in France who played a significant role in education and the arts. It highlights his achievements and the challenges he faced, including his imprisonment and eventual assassination. The narrative reflects on the experiences and thoughts of Jean Zay during his time in prison.
La lutte contre le cancer est un enjeu de santé publique qui nous concerne tous. Grâce à une stratégie unique en France, la Fondation ARC initie et développe des voies de recherche révolutionnaires sur le cancer. En donnant les moyens aux chercheurs de trouver de nouvelles avancées majeures, nous pouvons sauver plus de vies. Dans ce combat, chaque geste compte. Soutenez la recherche sur le cancer. Faites un don à la Fondation ARC et réduisez votre impôt sur ifi.fondation-arc.org. Bonsoir.
20h30, c'est l'heure du feuilleton. Ce soir, vous pourrez entendre en nouvelle diffusion Jean Zay, Souvenir et Solitude, un feuilleton diffusé en direct sur France Culture au mois de mars 2013. En 1932, Jean Zay, jeune avocat au barreau d'Orléans, est élu député radical du Loiret. En 1936, à 32 ans, il se voit confié par Léon Blum le ministère de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts. Il démocratise et modernise le système scolaire français et est à l'origine de la création du Musée de l'Homme, du Musée d'Art Moderne, du CNRS, de l'ENA et du Festival de Cannes, même si ces deux derniers ne verront le jour qu'après sa mort.
Il est sans relâche attaqué par l'extrême droite française comme ministre du Front populaire, antinomicois, juifs et francs-maçons. En 1940, hostile à l'armistice, il est l'une des premières cibles du régime de Vichy. Après un simulacre de procès, il est emprisonné. Souvenir et Solitude est l'oeuvre à laquelle, de 1940 à 1944, Jean Zay, malgré la dureté de ses conditions de détention, consacre l'essentiel de ses forces. Il est assassiné par la milice française le 20 juin 1944. Il a 39 ans.
C'est un hommage sans réserve que nous devons ce soir à leurs précurseurs, aux Mirabeaux, aux Verniaux, aux Danton et à leurs illustres successeurs. Les accents impérissables qui firent présaillir nos aïeux ont pris pour nous aujourd'hui l'inflexion chère des voix qui se sont eues. Mais les échos profonds qu'ils ont éveillés vibrent encore dans nos cœurs et nous fêtons le 150e anniversaire de la Révolution française pour attester notre volonté de leur rester fidèles. Jean Zay, Souvenir et Solitude.
Choix de texte et interprétation, Benoît Girousse et Pierre Beaux. Improvisation musicale, François Couturier. Deuxième épisode. Rion, 1941. Jeudi 9 janvier 1941. Le froid est intense. J'ai heureusement un peu de feu. Je m'astreins à effectuer matin et soir une promenade d'une heure dans ma petite cour qui mesure une douzaine de mètres sur six. J'ai obtenu une pelle et à ce titre je déglais la cour de son épaisse couche de neige. Je songe à l'histoire du fou qui se frappait le crâne avec un marteau et répondait comme on l'interrogeait curieusement, c'est si bon quand je m'arrête.
Ce personnage incompris n'était pas fou mais philosophe car je m'entraîne à demeurer dehors jusqu'à ce que le froid me morde cruellement afin d'accroître ma béatitude quand je m'assierai tout à l'heure près de mon poêle. L'homme qui forge son malheur en se créant des besoins et des désirs, pourquoi manque-t-il tant d'imagination quand il s'agit de s'inventer des satisfactions ? Un mur de cinq à six mètres de haut ferme de toute part ma petite cour, toujours la boîte sans couvercle.
Mais d'une crête à l'autre je vois le ciel et c'est beaucoup. Un joli ciel au pastel, léger et clair. Il m'arrive de tourner pendant un quart d'heure les yeux au ciel. Lundi 27 janvier 1941. En tournant, je guette les bruits de la vie, évocateur de réalité invisible mais proche car au-delà de mon mur et du chemin de ronde qui le borde c'est, à vingt mètres peut-être, une ruelle populeuse et la place de Zay. Une porte qui se ferme, un pas sur le pavé, une carriole grinçante, les clameurs des gosses au sortir de l'école, autant de rêves indistincts, bruits de coulisses.
La vie est devenue pour moi un bruit de coulisses. Je ressemble au régisseur de Chantecler qui, devant le rideau baissé, épie les rumeurs pour en imaginer le tableau. Ainsi, l'existence continue sans moi, indifférente et machinale. On a pu me retirer de son circuit et rien ne s'est trouvé altéré. Cette sensation est une des plus cruelles pendant les premiers mois de prison. Elle est un avant-goût de la mort puisqu'elle nous révèle le peu de place que nous tenions et que rien ne sera changé sous le soleil quand nous aurons disparu.
Puissante leçon d'humilité. Aussi se transforme-t-elle bientôt en un grand bénéfice moral. La prison nous apprend que nous pouvons nous passer du monde, féconde révélation, et que plus facilement encore, le monde peut se passer de nous. Bien que je sois en principe rigoureusement isolé derrière ma porte blindée, aux deux verrous et à la double serrure, la vie de la prison ne cesse de filtrer jusqu'à moi. Samedi 8 février 1941. Par les bruits que j'entends, par le détenu qui vide mon seau et celui qui bourre mon poil, par le surveillant qui m'apporte les journaux, par les billets qu'on me glisse, je sais ce que la prison fait, pense et espère.
Les détenus de droit commun ne se préoccupent hier d'entrer en contact avec moi. Lorsque le soir gravissent en l'escalier pour gagner leur dortoir, ils m'aperçoivent par la demi-lune vitrée. Ils ne jettent qu'un coup d'œil, hostile et méprisant, à cet homme qui écrit ou qui lit quand il pourrait dormir. Ils vivent recroquevillés sur eux-mêmes, soucieux de combinaisons étranges et de commerces bizarres, d'échanges de gamelles contre des mégots, de boules de pain jouées aux dés et de rivalités inquiétantes qui, conçues pendant le jour, se dénouent la nuit en coups de poing bruyants au-dessus de ma tête.
Mais les détenus politiques, communistes pour la plupart, se tiennent autant qu'ils peuvent à l'écart de ces brebis galeuses et emplissent leur journée du soin émouvant de leur solidarité. C'est paradoxal, c'est surtout avec eux que je peux communiquer malgré notre commune mise au secret, car les condamnés communistes sont en général employés comme cuisiniers ou comptables. Il en est souvent ainsi dans les prisons, quelle hostilité qu'est pour eux la direction, et on le comprend. Ils sont les seuls à savoir lire et écrire, les seuls auxquels on puisse confier sans crainte la clé du magasin au vivre.
On est mieux renseignés ici qu'au-dehors. Peut-être qu'attachant plus d'importance aux nouvelles, on les dépouille avec plus d'esprit critique. On écarte plus scrupuleusement les bruits douteux. Vendredi 14 février 1941. On m'a condamné en somme au supplice de l'incertitude. Cette condamnation à la déportation qui ne comporte pas de limite de temps, comme précisait bizarrement le communiqué officiel donné à la presse après mon procès, ne durera que ce que dureront les puissances du jour. En attendant, je suis privé du viatique de tout prisonnier.
Comptez les jours, calculez l'échéance. En arrivant ici, je ne me suis plus à rappeler à l'aigre directeur de la circonscription pénitentiaire cette question de Louis-Napoléon Bonaparte à son geôlier, lorsque celui-ci l'accueillit au fort de Hames, où il devait purger la peine de la détention perpétuelle prononcée contre lui par la cour des pères. Combien de temps cela dure-t-il ici, la perpétuité ? Le froid le plus vif est revenu. Les dortoirs et les ateliers de cette prison, anciens monastères orientés au nord et dont le dallage est en lave de volviques, sont de véritables glaciers.
Aucun n'est chauffé. Jeudi 20 février 1941. Dimanche 23 février 1941. A côté de tant de souffrances trop réelles et comme pour les compenser secrètement, il y a une volupté de la prison. Il y a de toute façon une volupté secrète dans la réclusion, fut-elle subie injustement. En prison on organise tout pour vous. Un horaire immuable, les repas à porter sans commande, l'électricité qui s'allume et s'éteint seule, composent un endormant mécanisme auquel on s'abandonne. Plus de volonté à faire valoir, plus de choix à effectuer, plus de monotones démarches pour gagner son pain, plus d'efforts incessants pour résoudre ces mille petits problèmes d'où naissent les soucis rongeurs qui abrègent la vie.
Les hommes et la société ont disparu. Leur décevant spectacle s'est évanoui. Il n'est plus besoin de concessions, de transactions pour les obliger à vous faire une place. On perd la pensée peu à peu et n'est-ce pas un grand débarras ? En échange on gagne quelquefois la certitude, on cesse de s'écouter vivre. Étrange vie au ralenti, sans événements ni secousses, il n'arrive plus rien. Curieuse existence enveilleuse qui vous guérit de la fébrilité. Désormais on mangera lentement, on n'aura plus hâte d'avoir fini ce qu'on vient à peine de commencer.
On prolongera les rares conversations, on ne consultera plus un ombre, on découvrira les brins d'herbe et les taches au mur. Les désirs et les besoins, seuls empêchements à un bonheur qu'on a méconnu la guerre, se sont dissipés. En même temps on cesse de vivre, il semble qu'on se soit figé dans son âge, dans son personnage d'hier. La vie suspendue ne recommencera qu'au jour de la libération. On ne songe pas que rien au dehors ait pu changer puisqu'on était absent et que sans vous le monde n'est plus.
En prison on prend conscience de soi-même, on apprend à se connaître, on fait sur soi d'étonnantes découvertes et quel réconfort si on peut se trouver un cœur ferme. Je glane ce que je peux du printemps naissant, quelques rayons de soleil qui commencent à se risquer sur mon mur, des chants lointains d'enfants au retour d'une promenade, une sorte de joie impalpable dans l'éclat d'un soleil bleu et uni. L'hiver est lugubre pour l'emprisonné mais le beau temps accroît la sensation cruelle qu'on vous a oublié, que personne ne se soucie de vous.
La pensée se reporte à tous les jardins qu'on a connus, aux fleurs, aux arbres. Comme on a supporté patiemment l'hiver dans l'attente du printemps, il est dur de le voir arriver et de constater que rien ne change, que ne s'est pas produit l'événement imprévisible qu'il semblait impliquer tout naturellement. Néanmoins finit par l'emporter l'optimisme contenu dans l'air plus léger. Ce matin, un oiseau se pose sur la traite du mur. Il sifflote négligeamment et me regarde avec curiosité.
Revanche de temps de cage ? Je lui jette en vain des miettes de pain. Il ne veut pas descendre dans cet enclos suspect. L'oiseau à la fin s'envole et l'homme reste. Mercredi 19 mars 1941. Comme la vraie souffrance est dans la pensée, que les privations intellectuelles pèsent cent fois plus que les maux corporels, l'homme cultivé et intelligent jeté en prison gravit un calvaire. Il mesure quel rapport étroit unit l'intelligence et la douleur. Il apprend que pour l'être trop cérébral, il existe des possibilités infinies de torture morale.
Dans son cerveau se meut une diabolique mécanique qui le ronge. Le mine l'use lentement, le poursuit le jour dans ses promenades comme dans ses méditations. La nuit dans ses cauchemars comme dans ses insomnies. Elle lui distille les mille façons de souffrir. Découvre avec une imagination perverse tous les aspects de son épreuve, toute son absurdité, toutes ses conséquences et non contente de l'empoisonner de regrets dans l'évocation du passé. Se sert de l'avenir pour le mieux supplicier, pour projeter sur un écran invisible les malheurs encore inconnus, les aggravations possibles, les catastrophes latentes.
Elle lui présente une idée exagérée de la liberté, tente de lui arracher la confiance en soi et le goût du travail. C'est alors que cet homme apprendra à se connaître. Un humoriste a proposé d'inscrire dans le stage des magistrats quinze jours de détention afin qu'ils sachent ce que représentent exactement les peines qu'ils infligeront dans leur carrière. Comment le saurait-il, même à ce prix ? Pour doser sciemment un châtiment comme pour apprécier une culpabilité, il faudrait avoir vécu toute l'existence de l'homme, connaître tous ses ressorts physiques et moraux.
Rendre la justice est la plus insensée de toutes les tâches humaines. Le soleil printanier triomphe peu à peu des derniers sursauts de l'hiver. Mardi 1er avril 1941. Dans un coin de la cour, entre deux dalles, un puissant lit se dresse, frêle et unique fleur de mon petit univers. Il est une expression terrible dont je commence seulement à pénétrer le sens. Tuer le temps. Lundi 21 avril 1941. Besogne absorbante toujours recommencée. Tuer le temps est une tâche vitale quand on est seul face à face avec lui.
Il y faut beaucoup d'imagination et un grand esprit de méthode. C'est, avec le soin de sa santé, l'unique souci du prisonnier. Cet hiver, l'exercice que je me donnais avec une pelle dans la neige de la cour m'a été d'un précieux secours. Demain, j'essaierai de bêcher le sol durci. Le moment le plus difficile à surmonter, c'est celui du crépuscule. La lente et mélancolique soirée. Car c'est d'ordinaire, pour les hommes libres, l'heure du foyer retrouvé. Quand la nuit vient mûrer la fenêtre, que l'électricité s'allume, on pense à l'employé, à l'ouvrier, au paysan qui, la journée de travail achevée, retourne à la tièdeur de sa maison.
Il rejoint la femme, les enfants, sa place à table, les habitudes fidèles. Alors la solitude pèse sur vous de tout son poids. Le livre tombe des mains. La pensée s'envole. C'est l'heure de rester maître de soi et de choisir, pour sa rêverie, les sentiers les moins sombres, ceux où l'on ne côtoie pas trop de précipices. J'ai commencé cette semaine une aventureuse entreprise. Cultiver les quelques mètres carrés de ma cour. Samedi 26 avril 1941. Piétiné depuis un siècle et demi par la lente promenade des détenus, tassé sous les sabots, le sol est devenu d'une incroyable dureté.
Il faudrait une pioche et je n'ai qu'une bêche disjointe. Quand sous la croûte résistante et qui vole en petits éclats, j'ai retrouvé la terre comme un trésor caché, j'en retire une quantité surprenante de cailloux. Je n'ai pas de râteau et j'égalise les plates bandes à la main. Je n'ai pas d'arrosoir et j'arrose avec une bouteille. Mon jardin sera celui de Lilliput mais je frémis à l'idée de faire pousser quelques verdures qui me rafraîchira les yeux. J'ai pu me procurer des graines de balsamine et de reine marguerite.
Je les sème avec émotion dans l'espace minuscule où va se dérouler désormais pour moi un nouveau et enivrant spectacle. Pluie et froid. Dès que la température s'abaisse, la pierre de Volvic devient humide et grasse. L'eau sointe à travers les murs. Je n'ai plus de feu et n'ai pas d'autres ressources pour me défendre contre ce retour hivernal que de rester couché. Sur le mur du couloir, face à ma porte, l'humidité rongeuse a développé des dessins fantastiques. L'un ressemble à un dragon, sorte d'hippocampe géant auquel rien ne manque, ni le nez en marteau, ni la queue en tire-bouchon, ni la chevelure hirsute, ni la petite hélice dans le dos.
Chaque fois qu'on ouvre ma porte, j'aperçois de mon lit ce monstre dérisoire qui a l'air de me surveiller et de me narguer. Hallucinante et exaspérante impression. Je finis par me lever, parbondir dans le couloir et à coup de poing, je fais sauter stupidement les écailles de plâtre. Il faut être toujours ivre, tout est là. C'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi, de vin, de poésie ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous. Et si, quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tous ceux qui fuient, à tous ceux qui gémissent, à tous ceux qui roulent, à tous ceux qui chantent, à tous ceux qui parlent, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge vous répondront, il est l'heure de s'enivrer.
Pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu à votre guise. Pentecôte, ciel rayonnant, j'ai traîné ma table dans la cour et de huit heures du matin à cinq heures du soir, de l'ouverture à la fermeture de la porte, je vis entre ces quatre murs qui, au moins, n'ont pas de plafond. Dimanche 1er juin 1941. Le soleil, que je n'avais pas vu pendant de longs mois, a enfin vaincu les murailles et baigne ce petit espace vide qu'il suffit à remplir d'allégresse.
Le soleil apporte une espèce de liberté intérieure, c'est le seul messager du dehors que rien ne peut arrêter. Chaleur et couleur à la fois, il dissipe le souvenir de l'interminable hiver. S'allongeant ce matin peu à peu sur le sol de la cour, il semble s'excuser d'une trop longue absence et sait bien qu'on lui pardonnera puisqu'il est là. Grâce à lui, un petit miracle transfigure ma cour. J'ai fait pousser quelques fleurs et même des radis et des salades.
Il n'en faut pas plus pour créer un horizon à fleurs de terre. Toute la nature est déjà contenue dans ses humbles pousses. L'imagination fait le reste. Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org Équipe de réalisation Philippe Bredin Manon Houssin Guy Péramore Pauline Ziadé Marguerite Gatteau Conseillère littéraire Emmanuelle Chevrière Remerciements à Hélène et Catherine Zay Souvenir et solitude est publié aux éditions Vela. Abonnez-vous !