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Podcast séminaire migrations

Podcast séminaire migrations

Raphael VELOSO

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In this podcast episode, the hosts discuss the experiences of Afghan migrants in France. They conducted interviews with young Afghan men and women who shared their successes and failures in their journey. The hosts explain that they chose to focus on Afghan migrants who arrived in France less than three years ago, with a particular interest in their education and language acquisition. They conducted interviews with four individuals, exploring their experiences with the French language and its impact on their daily lives. The hosts highlight the dilemma faced by Afghan migrants upon arrival in France, whether to prioritize learning French or finding employment. Some interviewees expressed a strong desire to learn French, seeing it as essential for their integration and success, while others prioritized immediate needs and faced challenges in finding time for language classes. The hosts also discuss different motivations behind these choices, such as long-term plans to stay in France or Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de notre podcast Paroles de Marginaux, le podcast qui donne une voix à ceux qui n'en ont pas. Dans l'épisode du jour, on va s'intéresser à des parcours migratoires authentiques, des portraits de jeunes femmes et d'hommes qui ont quitté l'Afghanistan pour venir en France. Ils nous ont raconté leur expérience dans ce parcours en nous faisant part de leurs réussites et de leurs échecs. Aujourd'hui, je suis accompagnée d'Asia et de Raphaël. Salut à tous les deux, vous allez bien ? Salut, ça va, et toi ? Moi aussi, très bien, ça va. Du coup, Raphaël, est-ce que tu penses que tu pourrais revenir sur qui nous sommes et notre démarche ? Oui, bien sûr. Rapidement, nous, on est six étudiants de Sciences Po et on fait tous le même cours sur un séminaire sur les trajectoires migratoires. C'est quelque chose qui nous a tous intéressés. L'objectif de ce podcast et de cette recherche, c'est vraiment de partir du terrain en faisant des entretiens avec des jeunes Afghans pour ensuite étudier, comprendre leurs situations variées et se rendre compte s'il y avait des lois communes ou des schémas qu'on pouvait répertorier ensuite. Est-ce qu'Asia, peut-être toi, tu veux parler un peu du sujet et de pourquoi on l'a choisi ? Oui, tout à fait. On a choisi de travailler sur des primo-arrivants afghans, tous arrivés il y a moins de trois ans. On a choisi l'éducation d'abord parce qu'il y a plusieurs personnes dans le groupe qui avaient déjà été professeurs bénévoles de français, mais aussi pour des intérêts académiques. On est tous très convaincus du rôle central de la langue dans l'intégration des populations réfugiées et on connaît aussi qu'il y a une vaste littérature qui existe concernant le thème du fleux et qui va nous permettre plutôt d'ancrer cette recherche dans des bases académiques et théoriques. Et pour le choix de la nationalité, on s'est intéressé à l'Afghanistan d'abord parce qu'on voit qu'il n'y a presque pas de lien linguistique entre l'Afghanistan et la France, comparé à certains états du Sahel ou plutôt des états du Maghreb. Et les primo-arrivants ont donc zéro connaissance du français et ils n'ont pas de base avec l'alphabet latin. Aujourd'hui, les Afghans constituent un groupe central dans la population immigrée française. C'est la sixième population la plus représentée dans les populations immigrées en France, selon l'INSEE. Ok, je crois qu'on les a tous vu les chiffres et du coup ça a été un peu facile de se mettre d'accord. C'est pas ce que vous en pensez, mais en vrai c'est un thème qui nous a à peu près tous intéressés. Oui, c'était assez rapide le choix. Juste une précision qu'on voulait faire, c'était que l'idée c'est pas vraiment d'essentialiser la population afghane, de prendre leur nationalité comme un facteur explicatif, mais c'est vraiment juste de se centrer sur une population, par ceci de réduire un peu notre temps d'étude et que ce soit plus simple. Voilà, aucune volonté d'essentialité, c'est ça je pense qu'on voulait le rappeler. Et du coup, on a voulu se poser la question dans quelle mesure l'accès à l'éducation et plus particulièrement l'accès à l'apprentissage du français s'inscrit au coeur du processus d'insertion de la population afghane dans la société française. Et pour ça, on a utilisé une méthodologie assez particulière, je sais pas si Asia tu veux revenir dessus. On a fait quatre entretiens semi-directifs qu'on a eus avec un contact par l'idée d'une association et on rencontrait presque aucune difficulté à trouver les entretiens et ils étaient même très enthousiastes à l'idée d'échanger avec nous. On a donc trois entretiens avec trois hommes, Zaker, Ali et Zahed Karim, et une femme, Adja. Tous les quatre âgés entre 20 à 25 ans. Les enquêtés sont arrivés en France entre 2021 et 2023 et globalement les entretiens ont duré entre 35 et 45 minutes environ. On les a réalisés soit dehors, dans un parc ou au local de l'association. Ils ont grandement porté en général sur le rapport de la personne interrogée avec la langue française, avant tout par rapport à son quotidien et les Afghans ont pu ainsi parler de leur vie de tous les jours et la façon dont leur niveau de langue influe sur leurs rapports sociaux, administratifs ou encore professionnels. Je pense que c'est un bon résumé, je ne sais pas ce que t'en penses. Franchement, parfait. En tout cas, on a vraiment aimé, c'était cool. Et du coup, dans ce podcast, on va présenter les résultats de la recherche qu'on a faite grâce à ces entretiens. On va commencer avec le premier acte de l'analyse qui est celui du fait que les migrants afghans quand ils arrivent en France font face à un dilemme, celui d'apprendre le français ou alors de trouver un travail. Raphaël, est-ce que tu peux commencer en nous expliquant ce qu'on a pu trouver ? Oui, c'est vraiment quelque chose qui a été assez frappant en faisant tous les entretiens et en les compilant. C'est que dès qu'ils sont arrivés en France, on n'a plus parlé de quelle vision ils avaient de l'apprentissage du français et dans quel mindset on peut dire qu'ils sont arrivés en France. Est-ce qu'ils sont venus et qu'ils voulaient vraiment apprendre le français ou est-ce qu'au contraire, ils sont venus et ce n'était pas du tout quelque chose qui était important pour eux. On a vraiment eu pas mal de contrastes entre les entretiens. Certains qui nous ont dit que justement, le but avant même de poser le pied en France, c'était très clair, c'était apprendre le français. Ils étaient convaincus que le français, c'était essentiel pour s'insérer dans la société, s'insérer économiquement, même s'insérer socialement et ça je pense qu'on va y revenir dans le podcast. Donc ça, ça a notamment été le cas de Ajda et de Zakar. Ce sont les deux qui nous ont vraiment dit qu'apprendre le français, en fait, c'était un peu une question quand ils arrivaient. D'ailleurs, on a pu le voir dans leur langage non verbal tout au long de l'entretien puisque dès qu'ils parlaient de langue française, ils étaient très ouverts, très souriants. Et juste un exemple qu'on peut donner pour Ajda. Oui, d'ailleurs, pensez à ce que Zakar nous avait dit dans son entretien. On peut écouter l'extrait de ce qu'il nous avait dit. Comme vous l'avez pu l'entendre, il veut devenir traducteur. Il travaille beaucoup, beaucoup le français et cet apprentissage lui plaît beaucoup. Oui, donc oui, il rentre vraiment dans cette première catégorie qu'ils ont voulu apprendre le français. Et Ajda, c'est un autre exemple de ça puisqu'elle, elle s'est inscrite à des cours de français moins de deux semaines après son arrivée. C'est vraiment une volonté dès le début. Mais par contre, à l'inverse de cette première catégorie, un autre entretien, celui qu'on a fait avec Ali, lui, il est totalement opposé. Lui, il est revenu sur ce dilemme entre justement traiter l'urgence ou se lancer dans un projet un peu plus, il faudra appeler de long terme, l'apprentissage du français. Et ce dont il a parlé, c'est très intéressant. C'était les nombreuses démarches administratives. En fait, il y a beaucoup de rendez-vous, il y a beaucoup de difficultés. Enfin, OK, il a ses faces et donc il a du monnaie de front. C'était compliqué pour lui de monnaie de front, la gestion de tout cet arrivé, toutes ces démarches et notamment apprendre des cours de français. En fait, ça prend trop de temps. Donc au début, Ali, lui, il a pris huit mois avant de s'inscrire à des cours de français officiels dans une association. Pendant huit mois, il a appris en autodidacte. Mais ce qu'il nous a confié, c'est qu'il n'apprenait pas forcément plus que ça ou qu'il n'était pas hyper, hyper assidu. Voilà, en fait, il a vraiment insisté sur ce manque de temps quand on arrive en France avec tout ce qu'on a à gérer, auquel beaucoup d'immigrés font face et qui est parfois un peu à l'opposé des clichés qu'on pourrait avoir concernant le niveau de vie des populations immigrées. Je trouve que la situation d'Ali, elle fait beaucoup écho à celle de Sayed Karim. L'idée est à peu près la même. Il nous a expliqué qu'une fois arrivé, il avait pensé apprendre le français, mais sa femme lui a très rapidement dit qu'il fallait dans un premier temps trouver un travail. Et du coup, quelques semaines après sa venue, il est allé s'inscrire dans une agence d'intérim. Et depuis, il fait beaucoup de missions ponctuelles, ce qui fait qu'il n'a vraiment pas beaucoup de temps pour prendre des cours de français. Et c'est quelque chose qu'il a mis beaucoup de temps à faire. Et donc, comme il a migré avec sa famille et qu'il a besoin de faire beaucoup de démarches administratives, il est vraiment dans un dilemme avec le fait ou non de pouvoir apprendre le français. Donc, on peut vraiment parler d'un dilemme dans ce cas-là. Donc maintenant qu'on a pu voir vraiment qu'il y avait un dilemme et que c'est vraiment le premier reste d'analyse qu'on a voulu mettre en avant, on va essayer de s'interroger un peu, nous, maintenant, sur comment est-ce qu'ils ont justifié, en fait, peut-être plutôt d'un côté ou de l'autre, pourquoi est-ce que nous, dans nos 4 entretiens, on en a 2 qui sont vraiment totalement pour apprendre la langue dès leur arrivée et 2 qui sont au contraire totalement pour faire d'autres choses plus urgentes ? Quelle peut être la première explication ? Asia, tu peux nous la donner. La première explication, c'est plutôt la trajectoire migratoire. Ça dépend vraiment de ce que les migrants envisagent. Par exemple, pour Zakar, il veut rester en France, ce projet. Et donc, la France, c'est un projet plutôt de long terme. C'est donc assez logique. C'est pour ça qu'il est autant investi dans l'apprentissage de sa langue. C'est pas une situation d'urgence sur le court terme pour trouver un travail. En revanche, Zayed Karim, c'est plutôt... La France, c'est plutôt un point pour aller vers l'Angleterre. C'est donc... Il veut migrer vers un autre pays européen. – Oui, c'est assez logique, en fait. – Ouais. – Ouais, OK. – Et une autre des conséquences principales, c'est le fait que nos interrogés peuvent se sentir stigmatisés. – Ah oui, bah là, c'est clairement du Gauffman, en fait. – Totalement. C'est là où je voulais en venir. Donc Gauffman, dans « Stigmat » en 1963, il parle de situations dans lesquelles les individus sont stigmatisés. Et en gros, les individus sont disqualifiés dans des situations d'interaction par rapport au fait qu'il y a un écart entre les attentes normatives des autres et ce que fait l'individu. Et donc ça, c'est totalement exemplifié par la situation d'Ajda. Elle nous a parlé par exemple d'un jour où elle était perdue dans une gare. Et elle a essayé de demander son chemin à des passants. Mais soit ils ne la comprenaient pas parce qu'elle n'avait pas vraiment les mots pour expliquer ce qui lui arrivait, soit ils n'avaient pas la patience de la laisser parler. Et donc certains sont allés jusqu'à se moquer d'elle. Ce qui fait qu'Ajda a fini par pleurer. Ça rejoint à l'idée de la perte de la face qui est évoquée dans les rites d'interaction de Gauffman. Et cette perte de la face, elle provoque un sentiment très désagréable qui peut expliquer pourquoi les personnes qu'on a pu interroger ont une volonté de mieux s'exprimer en français. Ça, c'est sûr. Mais c'est dommage qu'ils ne sachent pas forcément qu'apprendre la langue, ça peut leur permettre d'éviter peut-être ce stigmate. Autre conséquence qui est aussi négative de ça, c'est le cercle vicieux. En fait, ça, l'idée, c'est assez simple, je pense. C'est qu'il y a beaucoup d'opportunités qui sont conditionnées au fait de parler la langue. Le fait, comme l'a dit Ajda, de pouvoir interagir avec les autres. Mais même de trouver un travail, il y a beaucoup de travail ou de bois dans des rimes qui demandent un niveau A2, il me semble. C'est quand même un certain niveau. Ou même pour demander la nationalité ou pour faire d'autres démarches administratives. C'est bien de ne pas avoir à faire appel à un traducteur à chaque fois. En fait, ça fait un petit peu bizarre. Oui, en vrai, c'est ça. Je pense que, oui, c'est ça. Donc voilà. Si on peut peut-être résumer un peu ce premier ras, c'est l'idée qu'il y a un dilemme et qu'il y a des stratégies qu'ils doivent mettre en place qui devraient peut-être être rationnellement expliquées. Mais que, justement, les individus, par leur trajectoire migratoire, ils ne sont pas rationnels. Et ça renvoie aussi à des inégalités d'information. Par exemple, vous savez que Sayed Al-Karim, il nous avait dit que lui, c'est uniquement grâce à un ami qu'il avait découvert l'association pour apprendre des cours de français. Mais il a mis énormément de temps avant de la découvrir. Et donc, au début, en fait, il ne savait pas du tout. C'est pour ça que sa stratégie, elle n'a pas été, on va dire, la meilleure à mettre en place. Je ne sais pas s'il y a d'autres choses à rajouter sur ça. Non, je pense qu'on est bon pour cet axe. On peut maintenant passer au deuxième axe. Il concerne plus particulièrement le fait que l'apprentissage du français est vu comme une nécessité pour faire un facteur d'intégration sociale et professionnelle qui permet de trouver un travail et de créer du lien avec les différentes personnes. Est-ce que tu peux nous parler un peu de cet axe, Gaëlle ? Oui, totalement. Déjà, on en a déjà parlé dans l'axe d'avant, mais l'apprentissage du français, ça peut s'avérer vraiment utile pour trouver un emploi et donc pour l'intégration professionnelle. Évidemment, il y a certains métiers qui ont moins besoin de l'usage de la langue que d'autres. Par exemple, Zakair, il nous parle dans son entretien de certains de ses amis qui ne parlent pas français et qui ont quand même trouvé des boulots avec les mains, comme il dirait. Mais dans d'autres cas, le français reste très utile. Saïed Karim, c'est un super exemple, étant donné qu'au début, dans ses missions d'intérim, il avait plutôt tendance à faire des petits boulots dans le bâtiment. Et puis au fur et à mesure qu'il est devenu plus à l'aise en français, il a pu accéder à des postes mieux rémunérés et mieux vus comme assistant technique, etc. Aussi, dans nos recherches, on a pu se rendre compte que les pouvoirs publics, ils se saisissent un peu du sujet. Donc ça, ça a été notamment expliqué par Joe Arditti, qui est un spécialiste du FLE, du FLE, et qui explicite les liens entre langage et socialisation. Et cet auteur, il a beaucoup étudié le concept de FLE. Donc le FLE, c'est quoi ? C'est le français langue d'insertion. Pour faire simple, ça définit l'enseignement du français à une population qui veut apprendre la langue pour le travail. Et donc, dans son enseignement, elle est davantage centrée sur des compétences professionnelles précises. Les personnes qui apprennent le français apprennent donc les objets techniques plutôt que les objets de la vie de tous les jours. Et donc, en 2011, le ministère de l'Intérieur a instauré le label FLE. Donc ça montre que les pouvoirs publics ont conscience de l'importance de la langue française. Ah oui, mais du coup, l'article de Joe Arditti s'appelle « Interaction et langue étrangère ». Donc ça, ça fait un super écho à la deuxième partie de cet axe, qui est plutôt que d'un facteur de facilitation professionnelle par les Français. En fait, avant tout, c'est un facteur de sociabilisation énorme et de facilité à créer du lien social. Dans plusieurs entretiens, ils ont quasiment tous dit que la volonté d'apprendre le français, elle est avant tout ou aussi motivée par le fait de pouvoir se faire des amis, de pouvoir se sociabiliser pour s'intégrer. C'est Adhkari, il en parle énormément. On peut écouter plusieurs extraits d'entretiens par la suite. Mais aussi Ali, qui lui parle explicitement, je cite, de « se faire des amis ». On pourrait même aller encore plus loin. Plutôt que juste créer du lien social un peu personnel, apprendre une langue, en fait, c'est appartenir à une communauté. Ça va plus loin que juste apprendre la syntaxe ou la grammaire. Il y a une lecture, par exemple, qu'on a trouvée très intéressante dans le cadre de ce podcast, qui s'appelle – le nom est un peu long – c'est « Lâcher crise, oser faire, faire ensemble. Ce qu'apprendre une langue étrangère veut dire dans une classe de débutantes en FLE ». La lecture, elle est faite par Joséphine Staebler, qui est une chercheuse, encore une fois, assez spécialisée dans le FLE. En fait, ce qu'elle explique dans cette lecture, c'est que quand on est en cours de français, notamment dans une classe de débutants, elle parle des afghans, mais ce n'est pas la mission principale. Mais bon, lorsqu'on est dans une classe de débutants en FLE, en fait, on va réussir à dépasser ses propres limites et donc à s'intégrer vraiment à cette communauté. C'est comme si on était un peu tous dans le même bateau. Elle explique vraiment que ça crée, ça participe vraiment de cette identité commune qu'on forge. Un autre genre de nom qu'on peut citer dans l'entretien, c'est « aja », puisqu'elle participe régulièrement à des temps festifs qui sont organisés par l'association française d'accueil dont elle fait partie. Elle explique vraiment que c'est depuis qu'elle utilise les langues françaises qu'elle veut participer à ça. Et juste pour finir, on pourrait même aller encore plus loin en affirmant qu'apprendre le français, en fait, ça participe à créer une nouvelle identité. C'est un livre que je pense qu'on a lu autour de cette table et qui est super intéressant, qui est assez connu. C'est « Un afghan à Paris » et il est écrit par Mahmoud Nassimi, qui parle de son histoire. Il explique qu'après son arrivée dans cette ville mythique, au début, il avait cette vision un peu, comment dire, pas rationnelle, mais un peu calculatrice du français. Le français, c'est vraiment utile. Et en fait, dans cette langue, il a finalement trouvé un moyen de construction de son identité, une identité qu'il a ensuite définie comme plurielle. Et lui, il parle même de « re-territorialisation identitaire », c'est-à-dire cette idée qu'après sa première identité en Afghanistan, il a une nouvelle identité et qu'il a vraiment réussi à se forger par la langue. Donc voilà, c'est quelque chose qui peut parfois être déroutant pour les Afghans, mais qui est vraiment important, le sentiment de communauté, d'identité par la langue française. Et un dernier point que je voulais aborder, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, ce qui ressort de ces entretiens, je vois que l'apprentissage de la langue, elle leur permet aussi de développer une estime de soi. Ils osent plus aborder les autres dans la rue, ils osent plus aussi échanger avec les autres. Il y a plus cette barrière de la langue, ils se sentent moins exclus. C'est typiquement ce que disait Adja avec l'épisode que Garance nous a raconté quand elle était à la gare et qu'elle pleurait. Elle n'a pas osé parler avec les passants et on voit que l'épisode lui a aussi fait perdre un peu confiance en elle à cause de cette barrière de la langue. Mais il y a aussi, dans un entretien, Zakir qui disait « si on veut, on peut ». On voit que le fait d'apprendre la langue, ça lui donne de la force et il a besoin. On va maintenant passer à l'axe 3. On a choisi de le baser sur les obstacles qu'ont pu rencontrer les personnes qu'on a interviewées dans l'apprentissage du français, malgré le fait qu'ils avaient très envie de l'apprendre. Et en fait, on s'est rendu compte que l'apprentissage d'une nouvelle langue, c'est un processus qui est vraiment très complexe et qui est aussi multidimensionnel, étant donné que c'est influencé par des facteurs linguistiques et culturels. Et ces défis, ils sont particulièrement prononcés pour les migrants afghans en France, dont la langue maternelle est vraiment très différente du français sur le plan grammatical et sur le plan phonétique. Par exemple, Zakir et Ali, ils parlent des différents obstacles auxquels ils ont fait face. Et d'un côté, on a Zakir qui souligne les différences phonétiques avec le fait qu'il a beaucoup de mal à prononcer certaines voyelles. Petit extrait. Ou alors, on a Ali qui lui parle plutôt de la complexité grammaticale et du fait que les phrases sont construites complètement différemment du persan. Tout ça, c'est très documenté dans la littérature qui montre que l'acquisition d'une deuxième langue, dans laquelle les différences linguistiques entre la langue maternelle et les langues cibles sont très fortes, elles peuvent vraiment ralentir le processus d'apprentissage. Ça, c'est par exemple le cas d'un texte de Spada qu'elle a publié en 2011. Et en fait, la difficulté que rencontrent nos interrogés, elles s'inscrivent dans un cadre théorique beaucoup plus large qui montre que l'apprentissage des langues, c'est un processus qui est influencé par des facteurs cognitifs, sociaux et culturels. Ça, par exemple, c'est montré par une étude de l'OCDE de 2019 qui montre que les migrants non-européens en France, ils ont un taux de compétence en français inférieur à des migrants originaires d'autres régions européennes. Et donc, ça nous montre bien que les barrières linguistiques, elles sont beaucoup plus fortes pour ceux dont la langue maternelle diffère vraiment du français. Et une autre enquête de l'INSEE montre que 30% des migrants afghans en France rencontrent des difficultés dans leur intégration professionnelle, surtout à cause des obstacles linguistiques. Et c'est dont je parle, ça me fait penser notamment avec l'entretien d'Ajda. Elle disait que depuis qu'elle est arrivée en France, elle voulait travailler depuis un an et demi, mais elle n'a toujours pas de travail. Et on voit bien le rôle important que joue la langue dans cette situation. Elle a donc du mal à s'en sortir avec les entretiens. Et c'est vraiment une difficulté pour elle pour trouver un travail. Oui, du coup, tout ça, c'est hyper intéressant, les difficultés linguistiques. Et je pense que vous pourrez quand même aller plus loin en disant qu'une grosse barrière, c'est une barrière qui est culturelle à l'apprentissage du français. En fait, ça, on le voit avec plusieurs autres entretiens. Il y a Zakir qui, lui, nous a dit justement qu'apprendre le français, c'était s'intégrer, être reconnu dans la société française et y appartenir. Mais à l'inverse, on a Ajda qui, elle, nous a confié que le français, elle le voyait comme une langue élitiste qui est associée à une sorte d'éducation supérieure ou à des carrières prestigieuses. En fait, c'est le haut du panier des réfugiés qui parlent français. Et donc, elles se sont un peu pas forcément intégrées à cette partie-là. Et ça, ça nous fait penser peut-être aux travaux de Bourdieu depuis 1982 où il théorise le fait que la maîtrise de la langue dominante dans une société, donc nous, le français en France, ça participe vraiment d'un renforcement profond des inégalités sociales. En fait, la compétence linguistique, c'est une composante du capital culturel. Et donc, c'est distinctif des classes sociales au sein même de la population à l'immigré afghane. Il y a du coup une autre difficulté qu'on avait soulignée avec les entretiens. C'est notamment les contraintes économiques et la précarité auxquelles les migrants font face. Ils font face notamment à de nombreuses économies qui vont influencer leur accès à l'éducation en général. Et dans le cas qu'on a étudié, c'est leur apprentissage du français qui est impacté à travers les différents entretiens. Ce qui ressort globalement, c'est notamment une limite dans leur accès au logement et au contraire une facilité d'accéder aux emplois manuels parce que ça nécessite notamment moins d'expressions que les autres métiers. Ces deux constats rendent difficile leur intégration linguistique et sociale. Et c'est notamment ce que Zakair témoigne. Il va raconter les difficultés qu'il a rencontrées pour trouver un logement à cause de cette barrière linguistique. Et sa situation montre que l'accès au marché immobilier est plus complexe et elle limite également les interactions quotidiennes en français. Là, ce n'est pas pour te couper, mais ce que tu dis, c'est exactement ce que disait aussi Sayed Karim. Dans son entretien, en fait, il disait qu'il ne comprenait pas forcément grand-chose au système du logement en France. Comprendre les contrats, le droit de le quitter, même se renseigner en fait sur Internet, c'était extrêmement galère parce qu'il n'y a pas de site avant qui parle du logement en France. Donc même les sites font en français. Et il nous a raconté qu'à chaque fois, pour faire des visites ou même des rendez-vous, il a dû faire appel à un ami qui maîtrise le français, parfois par téléphone. Donc c'était un peu galère. C'est un bon exemple. Je crois qu'on peut l'éteindre sur les migrants parce qu'il y a une enquête de l'Agence nationale pour l'information sur le logement de 2018 qui dit que près de 40% des migrants, ils expriment des difficultés à comprendre les documents officiels par rapport au logement. Et donc, ça montre bien que les migrants, ils ont des difficultés pour rentrer sur le marché immobilier parce qu'ils ne comprennent pas la langue. En vrai, 40%, c'est beaucoup quand même. Mais du coup, c'est bien. Je pense que c'est reconnu. D'un point de vue théorique, tout ce que vous avez raconté, ça rappelle aussi la théorie de l'écologie des langues qui a été théorisée par Haugen en 1972 qui suggère que l'environnement socio-économique influence directement la vitalité et l'usage d'une langue au sein d'une communauté. Concrètement, une langue, ce n'est pas apprendre dans un cahier, mais c'est tout l'écosystème qui l'entoure. Ok. Je pense qu'on a bien compris tout ce qui est difficultés linguistiques, culturelles et maintenant difficultés économiques. Juste pour le point de vue économique, on n'a pas besoin de développer plus que ça. On en a déjà parlé que la situation de précarité, elle fait que c'est compliqué et qu'après, c'est un cercle vicieux entre la langue et l'emploi. Il y a juste une étude qu'on a lue et qu'on a trouvé un peu intéressante. C'est une étude de l'INSEE qui révèle en 2020 que 60% des migrants non-européens en France considèrent les barrières linguistiques comme un obstacle majeur à l'emploi. Ce qui suit, c'est l'interconnexion entre maîtrise de la langue, intégration économique et accès à l'emploi. Tout ça, ça montre que d'un point de vue des politiques publiques, en fait, il faudra des politiques intégrées et pas seulement apprendre la langue pour apprendre la langue, comme tu l'as dit, à tirer dans un cahier, mais vraiment dans un contexte global économique. Cet dernier point qu'on a voulu tous évoquer, c'est la force des communautés diasporiques. Plutôt que d'étudier vraiment les migrants un par un, les communautés, elles jouent un rôle crucial dans leur intégration ou dans leur non-intégration et notamment dans leur parcours d'apprentissage linguistique. Il y a deux exemples dans les entretiens qu'on peut prendre pour prouver à quel point la diaspora et la communauté afghane les a aidés pour apprendre le français. C.L. Karim, lui, nous a parlé de la pression immédiate d'apprendre le français qu'il a ressenti. C'est ce qu'on avait déjà dit, mais il y a tout un réseau de soutien, de ressources très précieuses qui lui ont été apportées une fois qu'il arrive en France. Il y a notamment des noms d'associations ou de personnes qui pouvaient l'aider à apprendre le français. Un autre exemple, c'est H.D.A. qui, de son côté, a décrit ces communautés comme, je cite, un filet de sécurité qui facilite l'établissement des migrants sans nécessiter une maîtrise immédiate de français. Ça a un peu le relais à leur arrivée avec la communauté déjà française. Du coup, ces observations s'alignent avec les travaux de Portes et de Rimbaud qui mettent en évidence le rôle des communautés diasporiques dans la fourniture d'un soutien social et économique tout en modulant les expériences d'intégration linguistique et culturelle. Je suis un peu d'accord avec tout ce que vous avez dit jusqu'à présent, mais il y a quand même un aspect négatif, voire en effet inversé, des communautés. La dynamique interne des communautés diasporiques, elle peut aussi exercer une ambivalence sur l'apprentissage du français. C'est notamment ce que mentionne Zakair. Il dit que la pression ou l'encouragement de la communauté peut avoir un impact significatif à la fois positif et négatif sur sa motivation à apprendre la langue. Il y a aussi Zakair Karim qui, dans son témoignage, soulève la question des stéréotypes et des attentes au sein de la communauté qui peuvent décourager son apprentissage du français. Il ne se sent pas assez performant et il n'a donc plus la motivation d'apprendre le français. Les différents entretiens peuvent se rapporter aux conclusions de Zhu et Bankston qui ont observé en 1998 des communautés diasporiques. Ils se sont intéressés au fait que les communautés diasporiques peuvent soutenir l'apprentissage, mais peuvent aussi également limiter l'interaction avec la société d'accueil. Donc, ça va influencer négativement l'apprentissage de la langue et l'intégration culturelle. Au final, on a d'un côté une communauté diasporique qui peut faciliter l'information, mais dans un autre sens, ça peut aussi enfermer des individus dans cette dernière. Pour finir, un point assez intéressant qui est aussi ressorti des entretiens, c'est le fait qu'au-delà des stratégies rationnelles de l'apprentissage, le ressenti vis-à-vis de la langue française est vraiment central dans l'apprentissage de la langue. Par exemple, Ashda nous a dit qu'elle avait parfois le sentiment de trahir son origine, voire son identité quand elle parlait français. Cette réticence à apprendre le français fait écho à un article de Jacqueline Billiez, La langue comme facteur d'identité, où elle expose l'enquête qu'elle a menée. Elle conclut, je cite, « La langue d'origine est donc moins perçue dans sa fonction d'outil de communication que comme composant primordial de l'héritage et comme marqueur d'identité. » Ok, hyper intéressant. Je ne pensais pas du tout que la langue était aussi important comme marqueur d'identité. Peut-être que ça va souligner un peu l'importance de notre soi-tu-l'est, donc c'est plutôt cool. Maintenant qu'on a un peu vu tous les résultats de cette enquête et qu'on a un peu analysé les entretiens sur plusieurs axes, on voulait quand même faire un petit retour réflexif sur cette enquête parce qu'il y a pas mal de limites. Je pense qu'on en a trouvé quelques-unes, donc je pense que c'était important dans ce podcast d'évoquer aussi les limites et les biais de cette enquête. Une première limite qu'on a soulignée, c'est plutôt un biais de représentativité. On a interrogé trois personnes sur quatre qui suivent des cours de français au sein d'une association pour apprendre le français. Toutes ces personnes considèrent de manière assez certaine la langue comme importante voire centrale. Il y a personne qui nous a dit que le français, ce n'était pas important ou qu'elles détestaient la langue française. Mais ça ne va tout de même pas empêcher d'obtenir des points de vue nuancés et nourris sur la question. Une seconde limite qu'on a pu remarquer et qui est assez logique vu notre sujet, c'est la barrière linguistique. Ça a été un frein dans la collecte de données empiriques étant donné qu'on n'a pas voulu faire appel à un traducteur pour que la discussion soit plus fluide. Mais le niveau de français de nos enquêtés se situe entre le A2 et le B1. Parfois, pour exprimer le fond de la pensée, c'était un peu compliqué. Ensuite, une limite qu'on peut donner, qui est aussi un peu importante, c'est qu'on n'a pas du tout creusé leur passé en Afghanistan, leur enfance ou leur situation familiale là-bas. Donc, ça a été un choix clairement délibéré de notre part pour ne pas les mettre mal à l'aise. Mais la contrepartie de ce choix, c'est qu'une partie des facteurs explicatifs, donc ça veut dire leur rapport à l'éducation, à la langue ou au français quand ils étaient dans leur pays, elle n'est pas étudiée. Pour la troisième limite, comme tu le disais, c'était aussi une demande des Afghans qui nous ont dit de ne pas évoquer leur passé, les difficultés de leur demande d'asile et tous les épisodes traumatiques qu'ils auraient pu vivre en Afghanistan. Il nous reste une dernière limite, c'est qu'on a eu quasiment dans les entretiens aucune mention des familles ou des relations à chaque fois. Ce sont des entretiens qui étaient très centrés sur eux, alors qu'on sait que les populations immigrées sont au contraire souvent intégrées dans des communautés ou dans des cercles sociaux. Par exemple, s'ils nous avaient évoqué la seconde génération, le fait de transmettre le français à leurs enfants, on aurait pu comprendre que c'était une autre motivation pour l'apprentissage du français. Maintenant qu'on a fini de coséter toutes ces données empiriques, de les coupler un peu avec la théorie et aussi de revenir sur les limites fondamentales de cette enquête, je pense qu'on peut un peu conclure sur tous ces entretiens, toute cette enquête, tout ce qu'on a fait depuis ce semestre, et notamment revenir un peu sur nos hypothèses. Les filles, je ne sais pas si vous voulez reprendre un peu les hypothèses et en parler ? Pas de souci. Notre première hypothèse, c'était que l'accès à l'éducation, c'était un élément fondamental pour la réalisation des démarches essentielles. Par exemple, l'accès au travail, l'accès au logement, les formalités administratives, etc. Au fil de nos entretiens, on a pu se rendre compte que c'était à la fois oui et à la fois non. Même s'ils avaient accès à des traducteurs, le fait de savoir vraiment parler français, ça permet d'être évidemment beaucoup plus à l'aise. Pour la deuxième hypothèse, on pensait que l'apprentissage du français allait être un vecteur d'autonomisation pour les Afghans en France. C'est totalement ce qu'on a vu à travers les entretiens. Ça leur permet de trouver un travail, de créer du lien social ou de trouver un logement et donc de mieux s'intégrer dans la société. Une autre de nos hypothèses, c'était le fait que les Afghans considéraient la langue comme la principale barrière ou le plus gros frein à leur insertion en France. Ce dont on a pu se rendre compte, c'est que même si ça avait un rôle, c'était souvent le travail qui était évoqué comme un véritable frein. Donc, on peut répondre non dans un certain sens, étant donné que c'est vraiment l'insertion économique qui est la plus importante. On avait aussi une hypothèse sur les habitudes et les expériences en matière d'éducation. On pensait que leurs habitudes d'éducation en Afghanistan déterminaient leur vision et leur façon d'étudier en France. Mais on n'a pas pu réellement répondre à cette hypothèse à travers les entretiens. On n'a pas eu de réponse qui nous ont permis de dire si, oui ou non, elles ont un impact sur leur façon d'étudier en France. Et finalement, notre dernière hypothèse, c'était le fait que l'apprentissage du français, c'était une priorité à l'arrivée des migrants afghans en France. Et ce dont on a pu se rendre compte, c'était que ça dépendait beaucoup des personnes, mais qu'en général, c'était plutôt une réponse à la négative. OK. Donc, pour conclure, certaines hypothèses infirmées, d'autres confirmées et d'autres sur lesquelles on n'a pas trop pu répondre. Pour conclure, globalement, si on rappelle la question de recherche, c'était dans quelle mesure l'accès à l'éducation et plus particulièrement l'apprentissage du français s'inscrit au cœur du processus d'insertion de la population afghane en France. Donc, pour conclure très rapidement, on peut dire que oui, ça s'inscrit bien au cœur même du processus d'insertion de la population afghane en France, même s'il est parfois un frein, mais c'est quand même un vecteur d'intégration assez important, même si, bien sûr, tous les migrants n'utilisent pas la même trajectoire d'apprentissage de la langue française et que les stratégies, les habitudes, tout ce qui développe leur routine d'apprentissage, elles sont presque aussi nombreuses qu'il y a d'Afghans en France, en fait. Écoutez, je pense qu'on est arrivé au bout de ce qu'on pouvait raconter sur le sujet. Merci beaucoup, Raphaël et Asia. C'était super éclairant. Merci à vous. Merci à tous de continuer à nous suivre après tous ces podcasts. À chaque fois, on voit des chiffres qui montent. C'est trop bien. Et du coup, la semaine prochaine, on se retrouve pour un nouvel épisode sur les mineurs non accompagnés qui se retrouvent à la rue. À la semaine prochaine. À la semaine prochaine.

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