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cover of Le tourbillon de la vie de Serge Rezvani 1-2 (30-01-2024, Thierry Georges, Bravo et merci, RCF)
Le tourbillon de la vie de Serge Rezvani 1-2 (30-01-2024, Thierry Georges, Bravo et merci, RCF)

Le tourbillon de la vie de Serge Rezvani 1-2 (30-01-2024, Thierry Georges, Bravo et merci, RCF)

00:00-29:32

Par Thierry Georges, émission Bravo et merci, RCF Radio Jerico Moselle.

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Serge Rezvani is a painter, writer, author, composer, and performer. He was born in Tehran in 1928 and is known for his rich bibliography and discography. One of his songs, "Le tourbillon," sung by Jeanne Moreau in the film "Jules et Jim," is famous worldwide. Rezvani's songs, featured in the album "Chanson pour Lula," are played throughout the interview. Rezvani talks about his life, including his time in Paris and his experiences in boarding schools. He discusses his passion for painting and his critical views on contemporary art. Rezvani also shares his encounter with poet Paul Éluard and their collaboration on a rare book of his engravings. Overall, the interview covers Rezvani's background, artistic pursuits, and personal experiences during difficult times like World War II. Bienvenue à vous Serge Rezvani, peintre, écrivain, auteur, compositeur, interprète. Serge Rezvani est né le 23 mars 1928 à Téhéran. La bibliographie et discographie de Serge Rezvani sont particulièrement riches. L'une de ses chansons, au moins, est connue mondialement, chantée par Jeanne Moreau dans le film de François Truffaut, Jules et Jim en 1962, Le Tourbillon. Suite à une invitation de l'association Ciné-Art à Metz, assortie de projections et de lectures-concerts, Serge Rezvani m'a reçu chez lui à Paris. Les chansons de Serge Rezvani, qui rythment l'émission, sont extraites de l'album Chanson pour Lula, sorti en mars 2023, avec les voix de Vincent Dedienne, Cali, Dominique A, Léopoldine HH, Philippe Katherine, Jeanne Moreau et Serge Rezvani. Je suis venu vous retrouver chez vous Serge Rezvani. On est dans le quartier de Saint-Germain, Saint-Germain-des-Prés à Paris, mais on est à deux pas de Montparnasse. On jouxte Montparnasse, mais c'est plutôt quand même le 6e arrondissement. Il y a Luxembourg. Finalement, on est à deux pas d'un théâtre, à deux pas de Lucernaire. C'est un quartier bien sûr très agréable à Paris, près de la rue Vavin aussi, donc des rues qui résonnent. On pense à Modigliani, on pense à un quartier d'artistes. Oui, et puis il y a la rue de la Grande Chaumière. C'est l'atelier où tout le monde travaillait là-bas, dans le temps. Vous aussi ? Beaucoup, oui. J'y ai quasiment vécu pendant la fin de la guerre. C'est ce que j'allais vous faire comme remarque. Vous n'avez pas toujours vécu à Paris ? Vous avez vécu longtemps hors de Paris. Mais j'ai quitté Paris. Mais c'est vraiment votre quartier à Paris. Ah oui, ça fait deux ans que j'y suis revenu. Vous n'êtes pas né à Paris, Serge Rezvani. Vous êtes né à Téhéran. Par hasard, absolument. Vous n'avez pas vécu à Téhéran. Vous êtes arrivé à Paris à l'âge de un an. Oui, tout bébé. En France plutôt, peut-être pas à Paris encore. Ma mère vivait plus dans le Midi. A l'époque, Saint-Paul-de-Vence était un village italien avec des femmes, avec des fichus noirs. Il n'y avait pas ce tourisme fou. La Côte d'Azur... Proust détestait ce mot, d'ailleurs. La Côte d'Azur n'existait pas encore. C'était autre chose. Y avait-il déjà la Colombe d'Or à Saint-Paul-de-Vence ? Oui, bien sûr. Finalement, vous êtes reparti par là-bas plus tard. Saint-Paul-de-Vence et le Midi. C'est ma vie. J'ai vécu 50 ans dans le Var. Mais quand vous êtes arrivé en France, c'était déjà par là. Ma mère avait une isba sur l'emplacement exact de la Fondation Maeght. Dans la forêt, c'était sublime. C'était très beau. C'était une autre France, je dirais, avant la guerre. Vous êtes arrivé à Paris. Je me disais - ce n'est pas Oliver Twist, mais quand même - vous étiez bébé en exil. Vous avez vécu la solitude, le dépouillement. C'était très Dickens. Vous avez eu faim, quand même. Vous avez raison, c'est très Dickens. C'est très Dickens, à l'époque. Ça a été votre réalité. C'était assez courant que les enfants n'étaient pas choyés, comme aujourd'hui. Et puis, ils n'étaient pas les maîtres du jeu. Les enfants étaient soumis. Parfois très durement. Ce qui était mon cas. J'ai vécu dans les pensionnats de Russes blancs, où il y avait des punaises et des rats. C'est pour ça que je pensais à Oliver Twist, effectivement, parce que vous avez vécu en pensionnat. Alors, votre papa... Je pensais à un titre de film d'Alain Resnais, "Ma vie est un roman", mais votre vie, Serge Rezvani, est un roman. On pourrait en faire une adaptation. On pourrait raconter votre vie au cinéma. Oui, ça pourrait faire plusieurs films, même. Parce que j'ai eu plusieurs vies. Une série, peut-être. Mais votre papa était magicien, et diseur de bonne aventure. Non, c'est un grand magicien, parce qu'il y a encore sur lui, aujourd'hui, des colloques sur sa magie. Non, non, non. C'est très extraordinaire. Les jeunes magiciens connaissent son nom. Il y a longtemps qu'il est mort. Et puis, en effet, il gagnait sa vie aussi en prédisant l'avenir. Il faisait, je suppose, entendre aux gens l'avenir qu'ils souhaitaient avoir. Je ne sais pas. Mais c'est un homme plein de fantaisie. Son prénom, Mejid Khan ? Mejid. Mejid Khan, oui, bien sûr. Mejid Khan. Cela dit, effectivement, vous êtes né à Teheran, mais vous le dites, Serge Rezvani, "Je ne me suis jamais senti iranien". Pas du tout. Pas du tout. J'étais un peu concerné par l'Iran. Donc, je me suis mêlé... De politique ? Politiquement, un petit peu. A cause du Shah qui m'offrait de rentrer, de venir en Iran. Il m'offrait un tapis d'or. Un tapis d'Iran, un tapis iranien alors ? Voilà, exactement. Mais quand j'ai appris ce qui s'est passé, la torture, la Savak, tout ça, je m'en suis un peu mêlé. Mais bon, je me suis beaucoup trompé là-dessus aussi. Sur la révolution iranienne. Comme Foucault. Votre langue maternelle, Serge, c'est le russe ? Ah oui, c'est ma première langue. Votre première langue. Vous avez appris le français à l'âge de 7 ans ? J'ai perdu ma langue russe quand ma mère m'a déposé dans un pensionnat chez des bonnes sœurs. Je ne parlais que le russe. J'avais 7 ans, je ne sais pas, quelque chose comme ça. Et quand elle est revenue me chercher, après une opération très pénible - à l'époque, elle avait un cancer, mais à l'époque, on découpait les gens vivants -. Et donc elle est revenue me chercher, j'avais oublié le russe. Je ne parlais plus que le français. J'ai eu beaucoup de mal à communiquer avec elle, jusqu'à sa mort. ♫ "Est-ce lui, est-ce moi ?" ♫ Si bien que moi, je ne sais plus, Si je suis moi, si je suis lui, Si je suis toi, laquelle je suis. Plus que d'amour, c'est une passion, Dont on n'atteint jamais le fond, Qui nous fondit en tels frissons. Étais-je moi ? Étais-je lui ? Était-il moi ? Lesquels étions ? Je ne sais plus, si je suis moi, Si je suis lui, laquelle je suis. Lesquels étions ? Il y a eu cette période de pensionnats, effectivement, et en Suisse, et finalement, vous êtes doublement évadé. Votre premier mode d'évasion, c'était le dessin, finalement. Et après, il y a eu une véritable évasion. Oui, j'ai sauté le mur, quand j'avais 15 ans, pour venir vivre à Paris. Mais même dans les murs, vous vous évadiez par le dessin. Complètement, oui. J'étais très doué en dessin, et je voulais être peintre. Et donc, en effet, je ne faisais que ça. Et puis, bon, tous mes petits copains admiraient, même les professeurs dans les écoles. Non, j'étais très doué. En tout cas, c'est vraiment un don ? J'étais très doué. Vous avez travaillé après ? J'ai analysé ça dans un livre qui est sorti il n'y a pas longtemps, qui s'appelle "Beauté, j'écris ton nom". C'est une analyse que peu de gens ont faite. Pourquoi on devient peintre ? Qu'est-ce que la peinture ? Et qu'est-ce que l'art contemporain, surtout ? Je suis très, très critique à cet égard. Pourquoi la peinture ? Pourquoi on devient peintre ? Vous avez pu donner une réponse, apporter une réponse à la question, vous concernant ? Disons, j'ai un point de vue qui diverge du point de vue général. Je suis très sévère vis-à-vis du surréalisme, surtout, oui. Ça a été le premier pas vers la régression, la régression je veux dire de civilisation. Le titre de ce livre, c'est ? "Beauté, j'écris ton nom", qui est sorti aux Belles lettres. "Beauté, j'écris ton nom". Ceux qui sont curieux sur l'art contemporain, le pourquoi de la peinture, je crois qu'ils y trouveraient, non pas des réponses, mais en tout cas des questions. C'est des questions qui posent des questions. "J'écris ton nom" : Bien sûr, on pense à Perlet, on pense à Paul Éluard. Et Paul Éluard, pour moi, c'est incroyable de vous rencontrer... Oui, j'ai fait un livre avec lui. Vous l'avez connu très jeune. Vous aviez 17 ans, peut-être ? Oui, j'avais à peine 17 ans, oui. Donc vous l'avez connu. C'est le quartier de Montparnasse, c'est aussi le quartier de Paul Éluard. Oui, mais c'est surtout sur un plan poétique que je l'ai rencontré. J'avais fait des planches gravées. Il les a vues. Il a voulu absolument faire un livre avec moi. J'étais un gamin. C'est un des plus rares des livres rares. Il a été tiré à 16 exemplaires. Mais il n'a jamais été réimprimé ? Si, il a été réimprimé grâce à une libraire merveilleuse qui s'appelle Marie-Rose Guarneri, qui est la libraire des libraires. Avec Gallimard, ils ont réédité le livre en fac-similé à 30 000 exemplaires qu'ils ont distribués gratuitement dans les librairies. C'est un très, très beau livre. À l'époque, c'était en 16 exemplaires. Mais c'est dans la catégorie de ce qu'on appelle les beaux livres. Très beaux livres. Oui, c'est un des livres rares parmi les livres rares. Il est particulièrement coté, un des exemplaires... On ne peut pas le trouver. Il est devenu totalement introuvable ? Moi, je l'avais racheté dans une vente. Il y a eu préemption de l'État. Il a été versé au fond Éluard. Et c'est comme ça que j'ai pu le reproduire, Marie-Rose Guarneri et Gallimard l'ont reproduit à 30 000 exemplaires magnifiques. C'est un très beau livre qui a été distribué pour la fête du livre gratuitement. Comment l'aviez-vous rencontré, vous étiez-vous rencontré avec Paul Éluard ? C'est lui qui m'a rencontré. C'est lui qui est venu vers vous ? Oui, oui. Il a vu mes gravures chez un ami, un ami surréaliste. Et il a dit, ce gamin, je veux faire un livre avec lui. Il a dit, c'est exactement un rêve que je viens de faire avec un poème, un des plus beaux poèmes, d'ailleurs, qu'il a écrit, "Elle se fit élever un palais dans la forêt". Très beau poème. Très dense comme poème. Très beau. Très riche. Et qui correspondait aux gravures que j'avais faites dans une sorte d'innocence. J'étais jeune. Comme je l'ai tiré à la main, avec la paume de ma main, ce n'était pas du tout un tirage. C'est vraiment un livre ludique. Au bout de 16 exemplaires, ce n'était pas possible d'en faire plus. Comment était-il dans les relations d'amitié ou de polémique ? Paul Éluard est un homme merveilleux. Je mourais de faim, lui aussi, tout le monde en France. On dit que la France souffre aujourd'hui, mais retournons un petit peu aux années de la guerre, on comprendra ce que c'est de souffrir de la faim, du froid, du manque de tout. Quand j'arrivais chez lui pour lui montrer les tirages, il me préparait toujours un peu de fromage, un petit peu à manger, gentiment. Parce qu'il voyait que je mourais de faim. Et donc j'ai eu des rapports très adorables, très gentils. C'était un homme très doux, très fin. Après, je l'ai revu par la suite. J'étais déjà un jeune peintre, ça marchait bien. C'est quelqu'un que j'ai beaucoup aimé. Et avez-vous connu, ou était-elle déjà décédée, Nusch ? Non, pas du tout. Pas du tout. Je ne l'ai pas connue, non. Mais quand je tirais mes gravures, bizarrement, j'avais le tableau de Picasso, de Nusch, justement, avec un Italien qui était en train de le reproduire sur des pierres. C'est un très beau tableau de Picasso que j'aimais beaucoup. Nusch, qui était Alsacienne. ♫ "Pour une Marseillaise amie" ♫ Allons enfants de toutes les patries L'intelligence doit triompher Contre nous de la tyrannie Nous nous sommes jadis délivrés Nous nous sommes jadis délivrés Entendez-vous par la planète Gémir tant de peuples opprimés Gronder tant de peuples entravés De leur liberté faire la conquête ? Soyons les citoyens Justement, vous avez vécu plusieurs vies, Serge Rezvani. Après, il y a eu une rupture de vie. Vous repartez dans le Sud. Et là, vous devenez plongeur. Écoutez, pour moi, le Sud, il n'y a que la Méditerranée, c'est vrai. C'est la source de toutes les civilisations qui m'intéressent le plus. La Grèce, évidemment. Quand j'ai été élevé à Saint-Paul-de-Vence dans cette forêt merveilleuse, je n'ai eu qu'une idée, dès que possible, d'y retourner. Et j'ai rencontré une femme pour laquelle j'ai eu un amour absolument... Presque, je m'interroge encore aujourd'hui, comment - je sais très bien pourquoi - mais comment j'ai pu aimer pendant 50 ans exclusivement la même femme, et réciproquement. Donc, j'ai rencontré Lula. Et dès que je l'ai rencontrée, comme elle aussi venait du Midi de la France, nous sommes retournés, vivant très pauvrement au début, dans le Var. Puis, peu à peu, j'ai trouvé une propriété extraordinaire qui est... À La Garde-Freinet. Et nous avons vécu 50 ans dans une bulle de bonheur. Lula ou Loula ? Lula. C'est vrai qu'on peut penser au Brésil. C'est venu après. Mais donc, Lula. Danièle. Et comment son prénom a-t-il glissé de Danièle à Lula ? Je crois que son frère arrivait très difficilement quand il était petit - ils étaient petits - à prononcer Danièle, et c'est devenu Lula. Donc vous avez vécu 50 ans dans le Massif des Maures, dans une bulle, dans ce village de La Garde-Freinet. Pas dans le village, en pleine forêt. Oui, près de La Garde-Freinet. C'était une magnifique propriété italienne, construite au siècle dernier par un Italien enrichi. Et donc, c'était une propriété féérique absolument, avec une source où il y avait de l'eau qui coulait tout le temps, sortait du rocher, des arbres millénaires, mais vraiment millénaires. Une espèce de paradis terrestre. Oui, c'était une sorte de paradis dans lequel nous nous sommes retrouvés tous les deux. Et on s'est arrêté hypnotisés pendant 50 ans, l'un par l'autre. Puis après, j'ai eu une maison à Venise. Après, vous avez partagé votre vie entre le Var et Venise, mais ce que vous avez écrit, Serge Rezvani, c'est vrai que vous n'avez pas un jour, pas une nuit, pas un repas que vous n'ayez pas pris ensemble. Sauf si vous avez été hospitalisé, etc. Disons pour cas de force majeure. Non, il n'y a pas de force majeure. Non, mais si vous étiez hospitalisé, etc. Le seul moment, évidemment, on m'a fait un pontage, et évidemment, on n'a pas pu partager ce pontage. Par ailleurs, nous avons partagé tout pendant 50 ans. C'est vrai. Si on nous avait dit qu'on vivrait 50 ans ensemble au début, on se serait sauvés chacun de notre côté. Horreur, quelle idée d'être coincé pendant 50 ans. Sauf qu'à partir du moment où on s'est rencontré, elle était tellement belle, tellement exceptionnelle, tellement intelligente que j'ai été fasciné par elle, et je pense qu'elle m'a arrêté, et je l'ai regardé vivre pendant 50 ans. Et elle-même ne tenait pas du tout... Pourquoi perdre même une heure loin de l'autre, tellement on s'aimait, et tellement on était heureux ensemble ? D'ailleurs, on n'a même pas voulu avoir d'enfant. On a eu une sorte de voyage de noces. C'est un choix, là, de ne pas avoir d'enfant. C'était peut-être un choix ? Oui, c'est plutôt qu'on n'avait rien à ajouter à notre vie, on était heureux. On permet bien aux jeunes couples qui se retrouvent de partir en voyage de noces. Donc vous, c'est un long... Après, il faut qu'ils reviennent, ils reviennent, et ils veulent être productifs. Nous, nous sommes partis en voyage de noces pendant 50 ans. C'est tout. Ce n'est pas un secret. Et c'est très simple. Mais c'est un amour très, très exclusif. C'est vrai. Mais elle était très, très, très, très exceptionnelle. Quand Orson Welles l'a vue, un jour, il lui a dit, "Comment, vous faites du cinéma ?" Elle a dit "Non, pas du tout." Il lui a dit "Mais comment ?" Elle lui a dit "Pourquoi ?" Il dit... Je me souviens, chez Jeanne Moreau, elle a répondu "Mais j'aime ma vie." ♫ "Le Tourbillon de la vie" ♫ Elle avait des bagues à chaque doigt Des tas de bracelets autour des poignets Et puis elle chantait avec une voix Qui sitôt m'enjôla Elle avait des bagues à chaque doigt Des tas de bracelets autour des poignets Et puis elle chantait avec une voix Qui sitôt m'enjôla Elle avait des yeux, des yeux d'opale Qui me fascinaient, qui me fascinaient Il y avait l'ovale de son visage pâle De femme fatale qui me fut fatale. Suite de ce premier Bravo et merci, Serge Rezvani, un tourbillon de souvenirs et d'histoires racontés à la maison entre Saint-Germain-des-Prés et Montparnasse. Nous parlons de l'album "Chanson pour Lula", sorti en mars 2023. Lula et Serge Rezvani sont en photo sur la pochette de cet album. Bravo et merci. Thierry Georges. Vous êtes en photo sur la couverture de l'album. C'est une sorte d'Ava Gardner, vraiment. Quand j'ai vu cette photo, je me suis d'abord demandé mais qui est cette actrice ? Je trouve que Lula fait penser à des actrices. On se dit mais tiens elle ressemble à... Tout le monde voulait qu'elle tourne, évidemment. On était très amis avec Truffaut, Godard. On a été sans y être, on était par une succession de hasards, on s'est retrouvé dans le milieu du cinéma. Ma chanson "Le Tourbillon", qui continue à faire le tour du monde, toujours, encore aujourd'hui, en sautant les générations, ce qui est assez émouvant, mais ça a été un hasard, ça a été un hasard, je n'ai jamais choisi, on m'a proposé évidemment d'aller même à Hollywood faire de la musique et je n'y tenais pas du tout, et j'ai pris un pseudonyme justement pour rester à l'écart, ce que j'ai réussi. Boris aussi. Vous avez pris votre vrai prénom parfois comme pseudonyme ? Oui ma mère m'a appelé Boris, et je m'appelais Cyrus, et j'ai pris... Mon vrai prénom c'est Cyrus, et ma mère m'a baptisé Boris, et je me suis baptisé Serge. Et pourquoi Serge ? J'étais dans les pensionnats où vraiment Cyrus... Les enfants sont très cruels, vous savez. Donc s'appeler Cyrus au milieu des gamins, c'est épouvantable. Donc Serge... C'est un peu passe-partout, c'est ça ? Voilà exactement. Et alors - c'était bien avant la nuit blanche - mais chez vous, dans votre maison, c'était la journée blanche si j'ai bien compris, parce que vous étiez, paraît-il, je l'ai lu, toujours vêtu de blanc. Oui, paraît-il, non ce n'était pas un choix, on vivait dans le Midi, il faut reconnaître oui oui oui, ça je ne me souviens même pas de quel couleur nous étions vêtus, mais c'est vrai, c'est vrai. Effectivement, je vous le disais hors micro, Serge Rezvani, bien sûr vous avez une vie de peintre, vous avez une vie liée à la chanson, etc., chaque fois que les portes sont sur le point de s'ouvrir en grand pour vous, chaque fois qu'on vous déroule - on n'est pas loin de Cannes - chaque fois qu'on vous déroule le tapis rouge, et bien vous, vous faites demi-tour. Non mais c'est pas une volonté, non c'est pas du tout ça. Non. Encore une fois, ce qu'a répondu Lula à Orson Welles, je peux vous le dire. Nous aimions trop notre vie pour y ajouter et changer quoi que ce soit. Nous avions une vie extraordinaire, entre Venise la moitié de l'année, j'avais une maison merveilleuse là-bas aussi, et La Garde-Freinet où j'avais cette propriété sublime, je vois pas pourquoi on aurait changé quoi que ce soit, et surtout le succès, j'étais entouré de gens qui avaient beaucoup de succès, que je ne voyais que de temps en temps, ce genre de succès ne m'intéressait pas du tout. Voilà. Notre vie était tellement éblouissante, mais intime, que je ne vois pas pourquoi on aurait gâché ça en acceptant d'être à l'avant-poste. Mais le succès vécu par les personnes que vous côtoyiez, peut-être vous disiez-vous que le succès ne les rendait pas plus heureuses ou plus heureux ? Ce n'était pas une question de bonheur. Disons il n'y a pas de recette au bonheur, c'est une question de vie intérieure surtout, et notre vie intérieure était très riche. Et puis bon, Lula était une femme très intelligente, elle écrivait, elle peignait, sur ce plan-là nous étions très très proches, et en plus on s'est connus très jeunes, donc nous avons évolué ensemble. Vous aviez une vingtaine d'années. Donc 50 ans de musique, d'écriture, et même je me suis mis à écrire pour la séduire. En fait, j'ai écrit ces chansons pour la séduire. Toute ma vie - disons de créateur - n'était qu'une vie de séduction, pour moi je ne pensais que la séduire, et elle réciproquement aussi. Et en même temps, vous l'avez peu peinte, non, Lula ? Alors, c'était votre période abstraite... C'est ce que disait Rilke d'une femme qui devait être très belle, quand il voulait la décrire, il la laissait en blanc, parce qu'il arrive un moment, quand la beauté est sublime, quand l'intelligence est sublime, quand tout ce qui se dégage d'une femme est sublime, je pense que c'est irreprésentable, donc c'est indicible. Et en effet pour moi, j'ai écrit autour, autour d'elle, tous mes romans. D'ailleurs, elle est devenue mythique, Lula, justement parce que c'est comme Dieu, on parle de Dieu autour, on n'arrive pas à le toucher. Et bien la beauté c'est pareil. Je pense que la beauté, intérieure je parle de beauté, parce qu'elle avait une beauté physique extraordinaire, mais elle aurait eu une beauté, disons elle aurait été moins belle intérieurement, il y aurait eu sur son visage une écriture qui n'aurait pas parlé de beauté. Et si elle n'avait eu qu'une beauté physique ? Non, c'était pas le problème. Mais en tant que peintre, j'ai été été hypnotisé par sa beauté, c'est vrai, comme tout le monde d'ailleurs, c'est vrai. ♫ "Les vieux amoureux" ♫ (...)

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