Une certaine dose de peau, de peau, et une certaine dose de peau est vite. Léger vent soncent-ce les feuilles qui le pèsent dans les lauriers roses qui s'inclinent dans tous les sens, liberté ou hésitation, je pense au poème qui adopte une forme, s'en libère, se démembre parfois, mais la jouissance du souffle dans les branches, sa musique. Marcel Mingossier, Écaillures dix jours 2, extrait D'abord il en vient une, puis tout un vol devant moi, s'élève en bruissant, s'éparpille ténébreux dans le ciel, je les visionne comme un spectacle de la nature, une seule corneille est une énigme, une foule entière, une angoisse, les humains n'échappent pas à l'histoire, la conscience naît au sein d'une culture, et les corneilles qui volent dans mon esprit sont autant prophéties que sorcellerie ou épistémologie interdite, voilà les limites d'un humain, il croit ce qu'il ne comprend pas, moi aussi, je me fie à ce que je ne crois pas, comme une nation bâtie sur des erreurs qui se forge un ennemi fictif, je regrette la période de l'enfance lorsque la cage d'algues du langage n'était encore complète, ma pensée se nourrissait de rêveries et mon regard de souvenirs, je me rappelle le noir des corneilles, le blanc de la neige formait une unité paradoxale d'où naquit une beauté du monde, disparaître était alors pénétrer l'éternité, ici j'observe les corneilles se muer en fiction, elles ne planent pas au-dessus d'immuables palais d'autrefois, ne se perchent pas sur les hautes gouttières de toiles en verre.
Sun Wumbo, il ne s'agit pas de corneilles, traduction du chinois Jean-René Lassalle. Y a-t-il un proverbe qui dit que ceux qui vivent légèrement meurent légèrement ? Azucena s'était allégée, avait rajeuni, avait bien vécu depuis quatre ans, elle voulait vivre encore, elle avait même peur de la mort, si elle venait frapper à sa porte elle résisterait un peu parce qu'il y avait encore des choses qu'elle voulait faire, qu'elle avait laissées inachevées, qu'elle n'avait pas encore osées, son jour venu elle voulait tomber comme un fruit mûr.
Pinard Selec, Azucena ou les fourmis zinzines, extrait Honnêtement, pour les créatures de la vallée, je me sens coupable de ne pouvoir les regarder dans les yeux où nage une brume violette à cheminées brussantes et une gentillesse logée dans une éternelle interrogation derrière leurs frayeurs. Lorsque le crépuscule me ramène à la maison de pierre, ils émergent de leurs multiples cachettes et me recréent car ils espèrent en place de troncs craquelés, humides, infiables humains messagers. Même si je me tapis dans un de ces livres qui s'ouvrent à moi propicement, ils viendront mes pieds depuis les espaces entre les mots et murmureraient sur leur émulation la boue.
Bien jusqu'à ce que mes dents se déchaussent avec l'âge, je m'en souviendrai dans un sursaut. Avec mon âme, je répondrai à une infinie accumulation d'innocence. Yash les yeux des petits animaux Traduction du chinois Jean-René Lassalle Chargez la poésie comme un fusil La géographie de la guerre est un appel aux armes. L'ennemi n'a pas de signe, de signe par délégation, de couleur, de signaux, de symboles. Chargez les poèmes comme des fusils Chaque instant est chargé de bombes, de balles, d'explosions, de bruits de morts.
La mort et la guerre ne respectent pas de règles. Vous aurez beau transformer mille fois vos pages en drapeaux blancs, ravalez vos mots, ne dites plus rien. Chargez vos poèmes, vos corps, vos pensées comme des fusils. Les écoles de guerre se soulèvent en vous. Peut-être êtes-vous le prochain. Somaïa Ramesh Traduction de l'Afghan Cécile Oumani Je suis debout dans mon jardin à des kilomètres de la capitale. Je retrouve contre la joue du soir l'inclinaison natale, les oiseaux parlent dans la haie, un train sans voyageur passe dans la forêt, et ma femme accueillit les premières fiquères.
Quelques-uns de ceux que j'aime sont assis dans des cafés littéraires. Je ne les envis pas, ni ne les méprise pour autant. Mon chien s'ennuie, et c'est peut-être le printemps, et tout à l'heure je vais jaillir du sol comme une tulipe. Vous achevez vos palabres aux oedemagos ou bien aux lipes, je monte dans ma chambre et prépare les feux. J'apparaîs tout seul vers la face rayonnante de Dieu. Ah ! croyez-moi, je ne suis pour rien dans ce qui m'arrive.
J'ai vingt-neuf ans, et c'est un tournant suffisamment décisif. Je connais vos journaux et vos grands éditeurs, ça ne vaut pas une nichée de larmes dans le cœur. Abattez-moi comme un ormeau domanial au bord de la grande forêt rouge. Vous ne pourrez rien contre ce champ qui est en moi, et qui s'échappe par ma bouche, que m'importe l'interdit des lâches, et que mon lide ne soit jamais enregistré. Il est porté par le bouvreuil et la louette jusqu'à la haute cime des blés.
Buvez quand même, ô fils ingrat, buvez mes larmes, et dans l'instant désaltéré, crachez sur moi, crachez bien droit, comme des hommes, cadou sans moque. René Guicadou, Moineau de l'an 1920 Fragment final L'aïeule taille mes draps dans l'étoffe du ciel, remue mes rêves avec la braise, et met le jour à lever dans la cuisinière. Tôt le matin, elle lave à grand'eau les ombres sur ses photos, en garde la paisible clarté et l'énigme de ses noms que j'aigraine avec des baies de sureau.
Sur son tablier, blotti contre le vieux chat-tigré, le monde ronronne entre ses doigts de lait. Dehors, ivre de silence, la neige boit les collines à perte de vue, et je cherche à mes pieds où pourrait finir demain, je ne sais pas que la neige brûle au bout de ses gants troués. Cécile Oumani, Saison de neige