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Le passeur 1

Le passeur 1

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Xavier Dumayeux used to be a smuggler motivated by money. One day, while transporting migrants, he noticed a child named Amadou who caught his attention. As the journey progressed, Xavier's empathy grew for Amadou and his mother, Fatou. When they reached the border, Fatou entrusted Xavier with Amadou's care, promising to reunite in France. Xavier decided to take responsibility for Amadou and eventually became his foster parent. He no longer participates in smuggling and now runs his own electrical business, advocating for migrant rights alongside his partner. They have not heard from Fatou, but Amadou is happy, playing soccer and surrounded by friends. Bonjour, je m'appelle Xavier Dumayeux, j'ai 32 ans et j'ai été passeur. A cette époque, j'étais seule et l'argent était pour moi une chose essentielle. J'en avais vraiment, vraiment besoin. Un ami m'a parlé de son activité de passeur. Je me suis renseignée et quand j'ai vu les sommes d'argent que vous pouviez me faire, j'ai été convaincue et c'est comme ça que tout a commencé. Le 15 juin 2017, comme à chaque fois, j'arrive en Libye, à Tobrouk, au point de rendez-vous convenu avec le passeur qui lui arrive de Côte d'Ivoire. Ce jour-là, j'étais étonnée de voir une centaine de migrants sur la plage, c'était beaucoup plus que d'habitude. Mais j'ai vu ça comme une opportunité de me faire plus d'argent. Je me mâleur au travail, je charge les migrants dans le bateau, je vois des femmes et des enfants affaiblis, ainsi que des hommes dans un piteux état, mais je n'y prête pas forcément attention. Mon objectif reste le même, les déposer, gagner mon argent et repartir. Le trajet commence. 16 juin 2017, voilà à 24 heures que nous sommes partis. Je vois parmi les migrants un enfant qui semble particulièrement intéressé par ce que je fais. Il s'approche de moi, petit à petit, et au fil des jours, j'essaie d'observer avec qui il voyage. Je pense qu'il s'agit des deux femmes qui semblent très faibles au fond du bateau, mais je n'en suis pas sûre. 18 juin, l'enfant est toujours assis à côté de moi, mais il reste silencieux, il ne fait qu'observer. De mon côté, je vois que beaucoup de migrants semblent très affaiblis par la chaleur et le manque de vivres. Certains sont sur le point de mourir, mais ils luttent tant bien que mal. 19 juin, ça y est, les premiers décès sont constatés. Les migrants jettent les cadavres par-dessus bord. Parmi eux, une des deux femmes qui accompagnait l'enfant. Elle se plaignait de douleur, déjà depuis longtemps, selon elle. Atroces et des crampes que je n'ose pas imaginer. J'entends la femme hurler. « S'il vous plaît, ne jetez pas ma sœur ! » L'enfant reste calmement à côté de moi, et je l'entends me chuchoter. « Qu'est-ce qu'ils font à ma tata Aya ? » « T'as qu'à aller demander à ta maman. » Tata Aya était déjà malade dans le camion, elle pleurait, et maman aussi. C'était étonnant, parce que, pour la première fois, je me suis sentie touchée par un migrant. On arrive en Italie, et je dois emmener un groupe de migrants jusqu'en France. Ça me met un peu mal à l'aise, mais je sens le regard persistant de l'enfant sur moi. Et je me dis comment cet enfant a réussi à me faire changer d'avis. Le 20 juin, ça y est, nous sommes arrivés à Lampedusa. Les groupes se forment, pendant que des migrants s'écroulent au sol, à bout de force. C'est à cause du manque de nourriture, très sûrement. Je prends une décision surprenante, celle d'emmener l'enfant et sa mère en France. On monte dans la voiture, et je commence à rouler. « Merci, monsieur, de nous avoir pris avec vous. Nous en sommes tellement reconnaissants. » « Au fait, monsieur, tu t'appelles comment ? » « Je m'appelle Xavier. Et toi, petit ? » « Moi, je m'appelle Amadou, et ma maman, c'est Fatou. » « J'ai 6 ans, et ma maman m'a dit que quand on arriverait en France, je pourrais jouer au foot autant que je le voudrais. » « Ah, t'aimes le foot ? Ça tombe bien, moi aussi. » « Tu verras, en France, t'auras plein de copains pour jouer au foot. » C'est la première fois que ça m'arrive. Cet enfant me donne envie de le protéger. Mais la mère, par contre, semble cacher quelque chose. Elle est très silencieuse, et son regard est vide. Le trajet se passe. J'y fuite beaucoup avec Amadou, mais très peu avec sa mère. Après plusieurs heures de voiture, on arrive enfin à la frontière. « Sortez de la voiture, on arrive à la frontière. » « On doit la passer à pied et par les montagnes. » « Vous allez devoir y aller sans moi. » « Je me sens tellement faible, je n'y arriverai pas. » « Xavier, je vous confie mon fils. » « Mais promettez-moi d'en prendre soin et de lui offrir la vie que j'aurais dû lui offrir en arrivant en France. » « Je ferai tout pour vous rejoindre, je te le promets. » « Je t'aime, mon fils. » Je suis choqué. Je ne m'attendais pas à devoir assumer une telle responsabilité. Et au début, j'étais très, très hésitant. Mais je me suis rendu compte que je ne pouvais pas refuser ça après avoir noué un certain lien avec eux. « Ne vous en faites pas, Fatou. Je prendrai soin de lui. » Amadou, lui, il ne comprenait pas. Il pensait la retrouver plus tard. En attendant, nous commençons à gradir les Alpes pour retourner en France. Le trajet n'a pas été facile. Il faisait chaud, on manquait d'eau et de nourriture. Mais Amadou m'a fait confiance et je me suis rendu compte que j'étais très attachée à lui après tout. Nous sommes arrivés en France très affaiblis, mais surtout très heureux. Cinq ans plus tard, ce voyage a été pour moi le dernier. Je me suis rendu compte de l'horreur vécue par les migrants et je n'ai plus souhaité y participer. Aujourd'hui, j'ai lancé mon entreprise en tant qu'électricien. Je suis en couple avec une femme formidable avec laquelle je me suis engagée dans une association de protection des migrants. Grâce au lien créé avec Amadou dû à ce voyage et à l'association, je suis fière de l'avoir accueillie chez moi en tant que famille d'accueil. Et ça, c'est juste en attendant de pouvoir l'adopter définitivement. Quant à sa mère, Fatou, nous n'avons jamais reçu de nouvelles. Mais si cela peut te rassurer, Fatou, Amadou joue dans une très très bonne équipe de foot et avec tout plein de copains.

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