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Pain-Jenifer

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Jenifer

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The speaker, who is a piece of bread, reflects on its experiences in an inn. It has witnessed various moments, both positive and negative, as it was used for meals and snacks. The bread talks about the different mouths that have eaten it, some unfamiliar with its taste and texture. It mentions being left abandoned and forgotten, but also appreciates that its presence introduced new flavors from its home country, France. The bread shares an anecdote about seeing a mouse being greeted by an employee, which the bread finds amusing. It expresses gratitude for being able to witness countless conversations and experiences, including moments of joy and love. The bread acknowledges the power of food in bringing people together and expresses appreciation for life's experiences. Croyez-moi, j'en ai vu des choses, mon prénom s'épeint et je figure sur toutes les fiches de commande de l'auberge. D'ailleurs ici, on m'a donné un petit surnom, Baguette, sûrement en rapport avec mon affiliation culturelle. L'auberge, je la connais, j'ai assisté à sa naissance. Elle et moi, c'est depuis toujours. Je n'ai jamais fait défaut quand elle avait besoin de moi, pour tous ses petits déjeuners, toutes ses collations et tous ses autres repas. À ça, on peut dire j'en ai vu et vécu des choses, des moments de solitude, de crise et de tristesse. Mais j'ai aussi vécu avec elle des moments conviviaux, des moments de rencontre et des moments festifs. Des bouches non familières, étonnées, qui ne connaissaient ni ma consistance ni mon goût. Des bouches qui m'avalaient très vite comme des tortillas et d'autres lentement comme des bretzels. Des bouches qui m'avalaient sans s'arrêter, comme un popcorn avant que la séance de cinéma n'ait commencé. Comment vous dire que je n'étais pas très habituée à ça ? Moi, j'ai l'habitude des bouchées douces et agréables, lentes et délicates. Et vous savez quoi ? On m'a même parfois laissé à l'abandon sur le comptoir, moisie ou pire, tout dur. On m'a oublié dans mon four beaucoup trop longtemps. Je suis rentrée blanc et ressortie noire. J'ai cru halluciner. Mais le positif dans tout ça est que ma présence a permis de faire découvrir mes nouvelles saveurs, qui me sont proprement acculturées par mon pays, la France. Pour tout vous dire, en tant que pain, des choses croustillantes j'en ai vues. J'ai même une petite anecdote. Bien sûr, elle reste entre nous. Un jour, comme chaque matin, je me retrouve sur mon comptoir, accompagnée par le balai, un peu jaloux de mon doux parfum. Et au pied de mon comptoir, il y avait ma poche. Vous savez, la poche où tous les pains se retrouvent, trimballée d'un point A à un point B. Cette fameuse poche. Elle bougeait dans tous les sens. Et là, qu'est-ce que je vois ? Une souris alias Usain Bolt. Qui court à 120 km heure et qui se met à freiner. Et devinez pour faire quoi ? Saluer l'un des salariés de l'auberge. J'ai cru halluciner. Le lendemain, j'ai entendu ce fameux salarié raconter cette histoire. « Eh, t'as vu la souris ? Elle m'a saluée, du coup je l'ai re-saluée ». Un humain saluait une souris et croit avoir été saluée ? Mais où va le monde ? Je ne m'en remets toujours pas. Je trouve ça fou. Je vous l'ai dit. J'ai la bonne chance de pouvoir assister à d'innombrables discussions, toutes plus croustillantes les unes que les autres. Croyez-moi, des bruits de bouche, j'en ai entendu. Des bruits de joie par milliers, des bruits d'enfant et d'amour. Je fondais en bouche après un bon plat en sauce. Je servais de lit au beurre qui venait s'installer sur mon duvet. Certains n'en revenaient pas. La bouche pleine, j'entendais « Assombroso, arica, oh my god, ma avariana ». D'autres leur ont même répondu « Eh oui, c'est le pouvoir de notre fabuleuse culture culinaire française ». Et rien que pour ça, je ne changerai pas la douceur de mon prénom et de mon beau surnom. Je tiens à vous dire que je rends hommage à la vie. Je la remercie d'avoir pu m'offrir ces moments de bonheur. Même dans les plus grands malheurs auxquels nous avons dû faire face, face au monde, à la maladie, à la faim, tous ces moments de difficulté m'ont permis de rassembler de nombreuses personnes autour d'un bon plat, de jolies discussions, de cohésion, d'entraide et de bonheur. Ce n'est rien qu'un peu de mie, du blé, de l'épi, mais ça suffit pour changer nos vies. Au revoir papy.

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