Details
Nothing to say, yet
Nothing to say, yet
André Markovitch, a translator and author, discusses his unique background and experiences growing up in both Russian and French cultures. He shares that his mother and grandmothers played a significant role in shaping his love for language and culture. Markovitch also talks about his latest book, "Le soleil d'Alexandre," which focuses on the works of Alexander Pushkin. He reflects on the challenges and rewards of being a translator and author. Additionally, he discusses his early years in Paris, where he initially struggled with the French language but eventually regained fluency in Russian. Markovitch expresses his mixed feelings about Russia, acknowledging the hardships faced by its people and his discomfort with the current political regime. André Markovitch, bonjour. Bonjour. Vous êtes notre invité ce matin venu d'ailleurs, et vous venez en fait d'un territoire très particulier, un pays qui s'appelle la traduction. C'est un vrai pays. Est-ce que vous pouvez nous en parler de ce pays-là ? C'est un pays entre deux. C'est-à-dire, moi j'ai été élevé dans une langue qui est le russe, mais ma langue c'est le français, puisque c'est la langue dans laquelle j'écris, c'est la langue que j'entends. Et la traduction c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour vivre dans les deux pays, mais pas dans les deux pays, puisque je ne suis pas en Russie, mais dans les deux cultures, donc de vivre, oui voilà, avec les deux. Et pourtant vous n'êtes pas né en Russie, vous êtes né à Prague. Oui mais ça c'est un accident de l'histoire, c'est que mon papa est journaliste à Prague et que par les aléas de la vie, ma naissance a eu lieu à Prague. Mais votre maman est russe ? Est russe, c'est-à-dire juive de Pétersbourg. Donc c'est elle qui vous a donné le goût de la langue, de la culture ? C'est ma maman et mes deux grands-mères, c'est-à-dire que j'ai eu deux grand-mères russes, c'est-à-dire j'ai eu ma grand-mère et la sœur de ma grand-mère. D'accord, même la grand-tante ? Ma grand-tante, c'est aussi des barbouchkas. C'est mieux. C'est-à-dire que comme mes parents travaillaient, c'est elle qui me gardait. Et ma grand-mère était absolument persuadée qu'il fallait parler de tout aux enfants et leur parler tout le temps. Et leur parler comme à des adultes, c'est-à-dire ne pas avoir un vocabulaire... Elle était novatrice ? Elle était pédiatre. Vraiment. Elle était novatrice et pédiatre. Les deux ne vont pas toujours ensemble, mais là c'était le cas. Et la première langue que j'ai parlé, c'est pas simplement le russe, c'est Pouchkine comme tout le monde en Russie. Le conte de Pouchkine. On ne peut pas être russe et ne pas aimer, ne pas connaître Pouchkine. Non, ça c'est pas possible. Alors on parlera du livre qui sort aux éditions Actes Sud, Le soleil d'Alexandre. C'est le cercle de Pouchkine, 1802-1841. Vous avez traduit et présenté tous ces textes. Puisque vous êtes traducteur, mais en même temps vous êtes un auteur. C'est bizarre parce que je me suis rendu compte en faisant ce livre que c'est par ce livre que j'entrais au catalogue d'Actes Sud. Alors que j'avais avant traduit les oeuvres complètes de Dostoyevsky. J'entrais au catalogue d'Actes Sud en tant qu'auteur, c'est à dire dans la liste alphabétique des auteurs. Non, j'étais dans la liste alphabétique des traducteurs. Et je me suis tout à coup rendu compte qu'il y avait de fait une différence de perception. Ce qui est très stupide. On parlera de ce livre et de ce statut de traducteur. Je voudrais qu'on revienne à votre parcours. Vous êtes arrivé à Paris à l'âge de 4 ans. Parliez-vous un petit peu français quand vous êtes arrivé à 4 ans ? Pas un mot. Ma maman raconte que je suis resté pendant 3 mois absolument muet. J'ai eu l'honneur d'horreur d'avoir été transporté. Et puis on m'a mis à l'école maternelle et j'ai parlé français. Il n'y a pas eu de soucis. Vous êtes bien malade. A ce moment-là. Et là où je suis éternellement redevable à ma maman, c'est qu'elle a toujours continué de me parler russe. Dans un environnement français alors que je me répondais en français jusqu'à l'âge de 8-9 ans. Et à l'âge de 8-9 ans, il paraît que je me suis remis à lui parler russe. Vous savez pourquoi ? Non. C'est vraiment comme ça. Il vous fallait du temps. Ma mère n'a jamais pu que Dieu soit loué, de parler une autre langue que le russe. Quand on dit la langue maternelle, c'est vraiment ça. C'est vraiment la langue de ma mère. Et aujourd'hui vous avez des souvenirs, même si vous y avez vécu à un petit moment de votre enfance, mais de la Russie, de Moscou. Quelles images vous avez comme ça ? Écoutez, je peux vous raconter une anecdote comme ça. Donc, on faisait les courses avec ma grand-mère. Ma grand-mère avait un code moral, un code éthique très strict. La vie en urse était faite pour rendre les gens méchants, haineux. Et en particulier, vous savez, quand on allait faire les courses dans les magasins, il fallait faire plusieurs queues, mais une des choses importantes, c'était que ce n'étaient pas des portes comme là, dans le studio. C'était des trucs avec des bâtons à bois, sans caoutchouc. Et donc, les portes n'arrêtaient pas de claquer. Et les vendeurs avaient toujours mal à la tête. C'était très lourd et très bruyant. Et ma grand-mère disait, c'est une honte de faire claquer la porte. C'est une honte. Il fallait l'arrêter de venir. Absolument. Et une fois, elle m'a laissé tenir la porte. J'avais quoi ? Trois ans. Je me souviens parfaitement. Je lui ai laissé tomber la porte. Je me souviens encore maintenant du regard de reproche de ma grand-mère. C'est-à-dire que dans un monde qu'elle considérait comme inhumain, ma mère est née en Sibérie, en déportation. Ma grand-mère avait été arrêtée deux fois. Il était absolument capital d'être humain. Et être humain, ça voulait dire ne pas faire claquer la porte. J'avais trois ans, j'ai compris ça. Ça ne vous a pas quitté ? Non. Un minimum de douceur. Un minimum d'égard envers les gens. Oui, je me souviens bien. André Markovitch, retournez-vous physiquement, parce que vous venez tous les jours en Russie avec votre addiction. Mais retournez-vous physiquement à Moscou ? Non, pas à Moscou, à Pétersbourg. Mais pour dire les choses, j'essaie d'y aller le moins possible. Pourquoi ? A chaque fois que je vais dans ce pays, j'ai une double sensation. La première, c'est que je ne suis pas de là, parce que simplement, je n'ai pas de problème matériel, je n'ai pas de... Et puis quand je vois aussi le sort des vieux, c'est tellement terrible. Et la deuxième chose, c'est que ce qui se crée en ce moment, cette espèce de capitalisme faussement à la chinoise, c'est-à-dire de dictature avec... Mais radicalement insupportable. Et donc, à chaque fois que je viens en Russie, c'est une blessure profonde.