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Arménolobby is a show that focuses on politics and media. They usually interview experts and individuals involved in Armenian issues, but today they are exploring the topic of lobbying. They discuss how lobbying is a discipline with many facets and plays a specific role in influencing political institutions. The guest, Sophie Jacobs, works for a lobbying company called Grayling and is responsible for the health, food, and agriculture division. She explains that lobbying involves informing clients about European policies and discussing how they can influence decision-making to benefit their interests. They analyze proposed directives and regulations and engage with key figures in the European institutions such as the European Parliament, Council of the European Union, and European Commission. The main goal is to shape legislation in favor of their clients. ♪ Bonjour et bienvenue sur Arménolobby, l'émission qui s'intéresse à la politique et aux médias. Aujourd'hui, nous allons faire quelque chose d'un peu différent. Pour ceux qui connaissent bien cette émission, ils savent que nous avons parlé souvent, et à de nombreuses reprises, à des experts, à des acteurs impliqués dans les problèmes affectant les Arméniens. Certains étaient des décideurs, belges ou européens, d'autres étaient des responsables dans la diaspora arménienne, d'autres encore étaient des responsables en Arménie ou liés au gouvernement arménien. Nous avons aussi parlé à quelques experts extérieurs, mais tous étaient spécialistes de l'Arménie ou de la diaspora. Aujourd'hui, rien de tout cela. On va s'intéresser à la deuxième partie du nom de l'émission, le lobby d'Arménolobby. Parce que se faire entendre, ce n'est pas seulement connaître son sujet, et ceux qui nous entendent au sein des institutions ne jouent pas tous le même rôle. Les institutions politiques, c'est parfois compliqué, et c'est même parfois confus. C'est pour cela qu'il y a des lobbyistes. Le lobbying, c'est une discipline, un art si vous préférez, une discipline qui a de nombreuses facettes. Elle joue un rôle bien particulier. C'est d'abord ça que nous allons examiner aujourd'hui, explorer à quoi ça sert le lobbying, qui le fait et comment, et comme dans toutes les autres disciplines, on trouve parmi les lobbyistes différents styles, différentes manières de pratiquer. Nous allons donc voir un peu toutes ces choses, et pour nous aider à les explorer, j'ai invité aujourd'hui Sophie Jacobs. Sophie Jacobs, bonjour. Bonjour. Vous travaillez dans une grande société de lobbying, je crois qu'on peut dire une société de lobbying, ou de public affairs, on dit peut-être, qui s'appelle Grayling. Vous êtes responsable de la vice-division santé, alimentation et agriculture, j'ai traduit en français, c'est Health and Agri-Food, en anglais. Vous y êtes depuis quelques années, depuis 2021, mais vous avez derrière vous une longue carrière de consultante en affaires européennes, et dans une vie antérieure, vous avez été diplomate. Vous avez travaillé pour le gouvernement belge, je crois. Oui, j'ai fait mon stage au sein de la représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union européenne, et comme ça, au sein du ministère belge des affaires étrangères, dans la DG Affaires européennes, donc vraiment avec une spécialité toujours sur les affaires européennes. Et toujours dans les institutions publiques. Oui. Et en plus de ça, vous êtes docteur en sciences politiques, c'est ça, à Louvain ? Oui. Et vous avez étudié l'histoire aussi, et les affaires européennes. Oui. Voilà, comme ça, on est complet, j'espère. Donc doctorante en affaires européennes, je n'ai pas encore fini mon doctorat, donc c'est encore doctorant. Ah, vous êtes doctorante. Et donc voilà, pour être précis. Bien, merci. Est-ce qu'il y a des choses à ajouter, que vous voudriez que nous sachions sur vous ? Non, je travaille dans ce qu'on appelle l'Europe in Bubble, donc l'affaire, la bulle européenne à Bruxelles depuis plus de 15 ans maintenant, en étant, comme vous l'avez dit, dans différents bureaux d'affaires européennes, où on fait ce qu'on appelle du conseil en affaires européennes, et aussi du lobby. Même si certains mots, certaines personnes n'aiment pas ce mot lobby, lobbying, voilà, c'est mon boulot principal au quotidien. Et la société Grayling, qu'est-ce qu'elle fait ? Alors Grayling, c'est ce qu'on appelle justement une boîte de consultance en affaires européennes à Bruxelles, mais qui a aussi des bureaux partout en Europe et même dans le monde, qui fait donc du lobby dans différents États aussi. Et donc leurs bureaux de Bruxelles, eux, se centralisent spécifiquement sur les institutions européennes, en partenariat avec tout notre network, tout notre réseau européen et même mondial. Et vous travaillez pour, quels sont vos clients ? Quel genre de clients est-ce que vous avez ? Dans ma practice, donc comme vous l'avez dit, moi je m'occupe de la practice agroalimentaire et santé, et donc dans ma practice, ce sont essentiellement alors des producteurs food producers, donc des producteurs alimentaires de nourriture, mais aussi des, désolé, les mots viennent en anglais, des retailers, donc des distributeurs, et puis aussi des boîtes pharmaceutiques, pour la partie pharma, mais aussi tout ce qu'on appelle trade associations, ce sont des regroupements d'entreprises, des fédérations d'entreprises, voilà. Mais aussi, alors tout à fait nouveau dans le domaine pharma, ce qu'on appelle des groupes de patients, donc patient group, qui sont des patients qui se mettent ensemble pour essayer de défendre leurs intérêts autour d'une maladie spécifique. Ah oui, et qui ont les moyens de se payer les services d'une société professionnelle comme l'agro. Oui, alors pour eux, bien sûr, il y a différents services qu'on peut offrir, et souvent, oui, ils sont parfois sponsorisés aussi par des boîtes pharmaceutiques, ça arrive, ou bien c'est en effet un regroupement de patients qui arrivent à trouver des financements pour faire du lobby au niveau européen, et parfois ils ont des financements même qui viennent de l'Union Européenne aussi, et donc voilà, qui leur permettent de se regrouper, de s'organiser pour essayer de faire entendre leur voix au niveau des institutions européennes et au niveau des institutions nationales. Donc d'une certaine manière, si on veut un peu catégoriser d'une manière différente vos clients, vous avez d'une part les grandes entreprises, qu'elles soient pharmaceutiques, agroalimentaires ou la distribution, je suppose que vous avez aussi des sociétés qui produisent, je ne sais pas moi, qui produisent des yaourts, tout ce qu'on trouve au supermarché, ou même du non alimentaire, d'autre part, les fédérations professionnelles, donc ce serait des petites entreprises mais qui sont réunies à l'intérieur d'une sorte de syndicat. Ou ça peut, non, et parfois les grandes entreprises sont aussi membres des fédérations d'entreprises. Elles-mêmes aussi, voilà. Et puis alors les groupes de patients, qui sont des espèces d'ONG en fait. Oui, ça c'est plus des ONG, mais qui sont parfois soutenus aussi par les entreprises. Voilà. Voilà, ça dépend quels sont les groupes de patients ou les ONG. Bon, et alors donc, pour tous ces gens-là, que ce soit les grosses sociétés ou les petits patients, vous faites du lobbying. Oui. Expliquez-nous ce que c'est que le lobbying, et vous travaillez, on le dit d'emblée, principalement avec les institutions européennes. Oui. Alors qu'est-ce que c'est le lobbying ? Mais en fait, en premier temps, ce que nous on fait essentiellement, c'est d'abord informer. Informer d'abord nos clients sur ce qui se passe au niveau européen et sur cette base-là, décider avec eux l'impact que certaines décisions européennes peuvent avoir sur l'économie européenne, sur certains patients. Nous, on va parler des patients. Des décisions qui vont être prises. Qui vont être prises ou qui sont discutées actuellement, mais qui n'ont pas encore été arrêtées. Et donc, du coup, sur cette base-là, on développe ce qu'on appelle des campagnes de lobby, où on va essayer de voir, OK, qu'est-ce qu'on va essayer de changer dans les discussions actuelles ? Comment on va essayer d'orienter la décision pour qu'elle soit le plus profitable possible, bien sûr, pour mes clients ? Et donc, comment on fait ça ? D'abord, on essaie d'analyser les textes qu'on a devant nous, qui sont souvent les propositions de directives ou de règlements. Je ne vais pas aller dans les détails, mais voilà. Et puis, sur cette base-là, on essaie de voir qu'est-ce qu'on pourrait changer. Et on va voir les institutions européennes. Alors, les trois plus grosses institutions qu'on va voir sont généralement le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne, en fonction, bien sûr, du niveau dans lequel on est. Donc, si on est au niveau du draft, de la rédaction de la proposition, on va d'abord aller auprès de la Commission pour essayer d'influencer la rédaction même de la proposition législative. Oui, parce que les propositions viennent toujours de la Commission. Oui, la Commission est le monopole d'initiatives. Donc, c'est elle qui va proposer la loi. Donc, la proposition législative vient de la Commission qui va la déposer auprès du Parlement et du Conseil de l'Union européenne. Et puis, ces deux institutions, pas pour toutes, mais pour la grande majorité d'ici, vont devoir se mettre d'accord et adopter tous les deux leurs positions sur cette loi. Et c'est enfin, quand ils auront sûrement arrivé à un compromis, qu'on aura le texte adopté. Bon, je simplifie assez fort ici. Oui, mais donc d'abord, vous vous informez. D'abord, on s'informe. C'est un point important. D'abord, on s'informe. Ensuite, on identifie qui sont les personnages, entre guillemets, clés dans ce processus décisionnel. Donc, qui sont les gens de la Commission impliqués. La Commission, c'est quand même très vaste. C'est beaucoup de différentes directions générales. C'est beaucoup d'unités. Donc, il faut découvrir dans la Commission qui est en charge. Il y a normalement un des commissaires qui est responsable de votre dossier. Il y a un des commissaires. Il y a son cabinet. Puis, il y a la DG, donc le directeur général. Et puis, dans la direction générale, il y a un directeur. Il y a un head of unit, son chef d'unité. Et puis, la personne, en fait, le police officer, comment on dit en anglais, qui vit est celui qui… Le stagiaire qui est en charge. C'est pas le stagiaire, mais en tout cas, celui qui rédige. Et puis, ça va repasser. Cette proposition, le droit, bien sûr, va devoir être adopté à tous les niveaux. Donc, on essaie d'identifier à tous les niveaux qui est en charge de quoi. Et on essaie de les rencontrer pour leur expliquer notre position. Et donc, on fait ça de manière très transparente. C'est ça qu'il faut bien clarifier aussi. Le lobby a souvent mauvaise presse. Mais en fait, quand moi, je vais rencontrer quelqu'un à la commission, et puis on parlera du Parlement, du Conseil plus tard, j'y vais en tant que Sophie Jacobs, représentant de… et je dévoile toujours le nom de mon client. Donc, ils savent très bien si je viens les voir au nom d'un producteur alimentaire ou si je viens les voir au nom d'une firme pharmaceutique ou si je viens les voir au nom d'une ONG ou d'un représentant de patient, etc. Donc, tout ça toujours de manière la plus transparente possible. On a un code de conduite qu'on signe en tant que lobbyiste et où on promet de toujours discloser en toute transparence pour qui on fait du lobby. Donc, l'idée, c'est d'aller les rencontrer, de leur expliquer pourquoi cette décision peut avoir un impact négatif ou positif. Parfois, on est très en faveur. Et voilà, ils ont notre point de vue. Et puis, sur cette base-là, ils ne vont pas avoir que le nôtre. On ne va pas être les seuls à les lobbyer, comme on dit. Il va y avoir justement les ONG, les différents acteurs. On appelle ça en anglais les stakeholders, donc toutes les parties prenantes qui vont venir en général les voir. Et puis, c'est à eux, avec leur esprit critique, de prendre une décision. C'est-à-dire, ok, je crois en effet que c'est quand même bien. Oui, ça va peut-être avoir un impact pour l'industrie agroalimentaire, mais quand même, l'impact que ça va avoir sur l'environnement est plus important. Donc, je vais prendre cette décision. Ces gens-là sont des spécialistes. Ils ont aussi la légitimité. C'est eux qui ont été nommés ou élus pour prendre les décisions. Pourquoi est-ce qu'ils vous écouteraient, vous ? Alors, déjà, au niveau de la commission, ils n'ont pas été élus. Ce sont des fonctionnaires européens. Le commissaire a été nommé par son gouvernement. Oui, mais souvent, on parle plus au niveau de l'unité. Et donc, souvent, en fait, on parle beaucoup des fonctionnaires européens. À Bruxelles, on va dire qu'il y a tellement de fonctionnaires européens. Mais en fait, pour toutes les décisions, pour tout ce qu'ils doivent produire comme législation, ils ne sont pas si nombreux. Et donc, ils sont même intéressés par en écouter qu'est-ce que ça va avoir comme impact sur l'industrie, sur l'environnement, sur différentes choses parce que ça leur donne une information. Je pense que la majorité des fonctionnaires européens sont des gens intelligents qui pensent faire bien les choses. Ils ont souvent un idéal qu'ils défendent. Mais parfois, ils ne se rendent pas toujours compte de l'impact que la décision qu'ils ont, qu'ils sont en train de prendre sur la table peut avoir sur l'industrie. Donc, ils sont preneurs de vos conseils ? Oui, et les suivent ou ils ne les suivent pas. C'est justement eux qui doivent faire preuve d'un bon esprit critique pour pouvoir bien comprendre. Pour donner un exemple, le lobby qui vient défendre l'intérêt du secteur agroalimentaire va peut-être soulever certains points que ne va pas soulever une ONG environnementale. Après, il faut voir un peu qu'est-ce qui joue dans la balance et qu'est-ce qui va leur permettre de prendre la meilleure décision. Ils ont des études d'impact qu'ils font aussi. Nous, parfois, récemment, il y a la législation sur le packaging, l'emballage, où on trouve que, par exemple, l'étude d'impact qui a été faite sur la législation est très faible, beaucoup trop faible. Et donc, on essaie de leur dire, mais votre étude n'est pas… C'est une étude d'impact environnementale ? Oui. Maintenant, ils sont obligés, chaque fois qu'ils viennent avec une nouvelle proposition législative, de faire une étude d'impact, de l'impact que cette législation va avoir sur l'économie, sur la société, sur l'environnement, etc. Et donc, voir si c'est faisable ou pas. Donc, c'est l'idée. Maintenant, les études d'impact sont parfois très bien, très bien documentées, très bonnes et parfois un peu plus légères. Par exemple, typiquement, celle-là, l'industrie, parce que là, pour le coup, je défends l'industrie au niveau de… Dans ce domaine-là, l'industrie trouve que l'étude d'impact n'a pas été assez loin et assez dans les détails. Et donc, on essaie de leur dire, bien sûr, l'étude d'impact, il y en a plein qui sont avec de nouvelles études d'impact, et à la fin, la commission est un peu en train de dire, mais voyons, tout le monde fait dire n'importe quoi. C'est un peu le souci. C'est pour ça que je crois qu'il doit vraiment avoir preuve d'un bon esprit critique et je crois que ce n'est pas facile d'être à leur place, parce qu'il y a, en effet, une grosse boîte de fast-food qui est arrivée avec une étude d'impact sur le réemploi, une autre qui arrive, une ONG environnementale qui est avec une étude d'impact qui dit exactement le contraire. Bon, au moins, c'est à eux aussi d'analyser, de regarder, de voir ce qui est le plus crédible. C'est finalement juste un élément de l'argumentation, l'étude d'impact. Exactement. Pour être plus concret, vous nous avez dit, la commission formule une proposition ou se prépare même à formuler une proposition. Vous allez les voir et vous leur dites ce que vous en pensez ou ce que vous voudriez. Une législation, par exemple, sur les emballages. Je ne sais pas si vous pouvez nous parler de cet exemple. Je voudrais que vous nous donniez un exemple. Est-ce que vous pouvez nous parler de votre travail sur la législation sur les emballages ? Donc, que veut la commission ? Quelles sont les principales opinions que vous avez données par rapport à ça ? Des objections ? Quels étaient les problèmes dans la législation ? Dans quelle direction est-ce que vous voudriez que ça aille ? Typiquement, dans cette législation-là. Alors, juste pour encore faire une petite chose. Au moment où la commission décide de draphter et donc d'écrire une nouvelle législation, elle fait aussi une consultation publique. Donc, c'est intéressant de savoir qu'elle est même, elle, à la demande d'informations de la part de tout un chacun. Même un simple citoyen peut participer à la consultation publique. Donc, ça, c'est la première chose. Bon, après, sur cette base, ils font un texte de loi qui a été publié, en tout cas, pour le packaging, pour l'emballage, il y a déjà un petit temps, en novembre 2022. Et donc, ils sont avec un texte. Nous, on n'est pas hyper contents. Là, sur le coup, je fais du lobby pour aujourd'hui une entreprise, même plusieurs entreprises dans l'agroalimentaire. Et en fait, le problème de cette législation-là, c'est qu'il se base sur l'idée de réduire le packaging, ce qui est plutôt bien, c'est pas mal, et aussi d'essayer de minimiser tout ce qui est, ils ont décidé de bannir certaines formes de packaging. Alors, pour un de mes clients, par exemple, c'est très problématique parce que son packaging va être banni, il y a une annexe aux législations qui bannit une sorte de packaging. Et lui, en fait, a investi beaucoup d'argent pour faire un packaging le plus recyclable possible. Et donc, on dit, mais voyons, on va bannir un packaging qui est extrêmement recyclable, maintenant, parce que j'ai investi beaucoup d'argent pour faire quelque chose qui est très recyclable, pour le remplacer alors par quoi ? Quelque chose de réutilisable. Dans le cadre de Tetra Pak, qui est compliqué, mais recyclable. Voilà, Tetra Pak, ça m'a volé un peu pour lui, mais là, par exemple, tout ce qui est, ça va loin, là, par exemple, tous ces petits sachets que vous pouvez avoir pour les sauces ou les sachets, voilà, il y en a qui ne sont pas du tout recyclables parce qu'ils sont multi-layers, donc c'est très compliqué. Mais maintenant, il y a certaines entreprises qui investissent beaucoup d'argent pour faire des sachets qui sont presque dissolvables dans l'eau après. Voilà, mais maintenant, on leur dit, en fait, ça, ça va être banni. Oui, donc il y a des choix techniques à faire. Voilà, et donc, du coup, ils sont là, ben, attendez, vous aurez pu le dire il y a quelques années parce qu'il y a tout l'investissement et puis en même temps, on va remplacer alors par quoi ? Et ils veulent que ce soit remplacé par des packagings réutilisables. Oui. Mais en fait, du coup, ben, certains de mes clients me disent, ben, voilà, en fait, le remplacer par des packagings réutilisables, quelque chose qui est tout à fait recyclable, ben, c'est un coût environnemental aussi. Oui. Et est-ce que cela a été fait en compte par la commission ? Et donc, on comprend très bien l'idée de la commission, dire on veut moins de packaging, moins d'emballage parce que c'est des déchets, mais d'un autre côté, ben, en fait, les remplacer par quelque chose qui est réutilisable et qui va, du coup, devoir être lavé, donc avoir de l'eau ou bien qui est plus lourd au transport, donc plus d'émissions de gaz, parfois n'est pas plus environnemental. Donc, on entre dans des discussions. Et donc, on est dans l'essai très technique en train de dire, vous savez, est-ce que c'est tellement plus vers d'aller vers des réutilisables que vers des packagings complètement recyclables. Oui. Bon, ben, c'est des questions un peu comme ça et ce qui est drôle, c'est que parfois quand on soulève certains points auprès de la commission, ben, ils ne sont pas toujours courants. Non. Et donc, je ne savais pas que c'était très recyclable parce que depuis, ça a évolué. Vous basez sur des packagings des années 2010. On est en 2023, cette pente de packaging là, ça a évolué. Et puis, il y a aussi tout ce qui est alors dans le domaine agroalimentaire. L'emballage est très important pour la sécurité alimentaire. Donc, supprimer certains packagings, on fait comment ? On va mettre, comment on va distribuer ces sauces alors ou par exemple, si on revient sur les sauces, dans des bouteilles qui restent ouvertes sur la table pendant combien de temps ? Oui, l'environnement n'est pas le seul critère. Non, mais alors du coup, là, on va vous dire, ben, cette bouteille est ouverte, refermée, ouverte, fermée, comment on peut garantir la sécurité de ce qu'il y a encore dans la bouteille ? Oui, oui. Donc, c'est des choses comme ça. Ça, c'est vraiment du détail. Oui, oui. Alors, donc, la commission a annoncé qu'elle voulait préparer une législation. Oui. Vous êtes venue donner votre opinion. Qu'est-ce qui se passe après ? Vous rentrez à la maison et vous espérez… Et on croise les doigts. Et vous espérez… Non, non. D'abord, bon, il faut savoir aussi qu'avant de donner notre opinion, on s'est fort réfléchi. Tout ce qu'on met sur papier, on le réfléchit. C'est ce qu'on appelle vraiment le développement du narratif. Donc, vraiment, tout ce qu'on va mettre sur papier, on va l'argumenter pour essayer d'être sûr qu'on ait vraiment une justification derrière tous nos arguments. On ne va pas qu'à la commission. Là, je vous ai parlé de la commission, mais on va aussi, après, évidemment, au Parlement et au Conseil qui vont être les prochains à analyser le texte et à faire des amendements, donc proposer des changements sur le texte. Et donc, ça, c'est… Vous voulez être là avant que le texte arrive ? On veut être là au moment… On veut être là quand leur texte arrive sur le bureau des parlementaires européens ou des représentants permanents des différents États membres au niveau du Conseil. On veut être là et on veut leur proposer des changements qu'on estime adéquats. Alors, on va les voir et on leur propose de nouveau nos changements. Donc, s'ils acceptent de nous voir, tous n'acceptent pas de nous rencontrer. Ça dépend fort des parlementaires. On a certains parlementaires qui décident qu'ils ne parlent pas à l'industrie, par exemple. Ah oui ? Oui, ça arrive. C'est particulier, mais c'est leur droit. Et donc, on leur propose, nous, avec nos arguments, de faire des changements. Et puis, après, on va avoir d'autres… On essaie d'avoir des amendements qui sont tablés… Oui, on dit tablés en français. Qui sont déposés, voilà, déposés, je pense. Oui, on sent qu'on travaille en anglais. Oui, oui, je suis désolée. Et donc, ils sont déposés. Ils sont soumis. Soumis, voilà. Et donc, après, une fois qu'on voit que nos amendements ont été déposés par peut-être certains parlementaires, on essaie bien sûr de convaincre alors les autres parlementaires, par exemple, de voter en faveur de nos amendements. Et donc, pour tout ça, c'est toujours, en fait, des discussions. C'est beaucoup de discussions. C'est beaucoup de relations humaines, en fait, où on va voir les gens, on leur explique. Et bon, il y en a qui sont plus ouverts que d'autres. Il y en a qui comprennent nos arguments. Il y en a qui ne les comprennent pas. Chacun est libre. On est un pays libre, une démocratie. Donc, voilà, on peut tous aller développer nos arguments et on peut tous essayer de convaincre les gens. Ça fait partie du lobby. C'est essayer de convaincre sur base d'arguments quand même assez solides et bien développés, bien sûr. Oui. Alors, et les arguments pour convaincre ? C'est-à-dire, parlez-nous de la panoplie. Donc, au départ, on va voir quelqu'un, on leur explique. Oui. Mais ça va au-delà de… sans aller jusqu'à un versement sur leur compte en Suisse. Non, ça ne s'en fait pas. C'est que vous ne faites pas, bien sûr. Et si vous le faisiez, vous ne nous le diriez pas. Non, non, je suis certain que vous ne le faites pas. Mais je pense que ça existe. On sait très bien que… Il y a eu ça par… En matière de lobbying, oui, nous savons tous que ça existe. Mais évidemment, les sociétés professionnelles comme la vôtre ne peuvent pas se permettre de détruire la réputation avec des choses de ce genre-là. Par contre, il y a d'autres outils que simplement la conversation avec le député ou le fonctionnaire. Il y a d'autres outils. D'abord, il y a déjà, comme vous dites, la discussion, toute l'argumentation qui est créée sur base de chiffres d'études qu'on a pu commander pour montrer l'impact que ça peut avoir. Et puis maintenant, de plus en plus, ce qu'on remarque aussi très fort, c'est vraiment partie de notre boulot maintenant de lobby, ce que je ne faisais pas au début de ma carrière, c'est tout ce qui est réseaux sociaux. On a toute une communication maintenant aussi au niveau des réseaux sociaux, que ce soit LinkedIn ou X. Ça s'utilise aussi pour essayer de faire passer nos arguments au large panel de gens et nécessairement des décideurs. Avec LinkedIn, on peut vraiment faire des campagnes ciblées sur vraiment les décideurs politiques. Donc malgré tout, c'est les médias sociaux, mais ciblés vers les décideurs européens, pas vers le grand public. Non, on peut le faire vers le grand public. Si vous avez un argument qui passe très bien au niveau du grand public, ça peut aider puisque surtout les parlementaires, dans une année comme la nôtre qui est électorale, si le grand public est de votre côté, vous pouvez essayer de jouer avec ça, bien sûr. Mais nous, en général, c'est plus vraiment visé vers les décideurs, donc les campagnes sur les réseaux sociaux. Et puis alors la presse. Donc la presse, c'est de nouveau la presse assez spécifique au niveau européen, dans mon cas, mais qui va être lue en fait par les gens de la Commission, par les parlementaires. Je dis qu'on a plusieurs médias européens qu'on sait qui sont très fort lus par ces personnes-là. On essaie d'avoir ou un contact avec un journaliste qui veut bien écrire un article avec nous ou interviewer notre client sur ce sujet. Ou alors, au niveau européen, ce qu'il y a aussi dans ces médias européens, ce qu'on appelle des op-eds, c'est des open editorials. Et ça, c'est des sections où vous payez, en fait, le journal pour avoir un article qui vous publie, vous en fait. C'est tout à fait disposé de nouveau que c'est écrit par cette société-là ou par cette ONG-là, mais qui explique son point de vue. Et dans quel genre de journal ou de magazine ? Dans Politico, Lefer, Uractive. Donc vraiment des... Les publications spécialisées sur les institutions européennes. Exactement. Oui, parce que, par exemple, c'est quelque chose qui ne se fait pas, on ne le retrouve pas au niveau belge, par exemple. Dans les journaux belges, on n'a pas... Et donc, c'est vraiment un univers européen, la bulle, comme il dit. Oui, et en fait très fort, mais c'est parfois ça où nous, en tant que lobbyistes au niveau européen, on oublie parfois qu'il y a donc... Je vous ai parlé du Parlement et de la Commission, puis il y a le Conseil de l'Union européenne, mais le Conseil de l'Union européenne, qui siège au Conseil de l'Union européenne ? Ce sont les représentants des États membres. Et donc, quand on veut influencer le Conseil, on peut aller auprès des représentants, donc ce qu'on appelle des représentations permanentes des États membres à Bruxelles. C'est les ambassades, en fait, des différents États membres à Bruxelles qui ont leurs personnes qui siègent au Conseil, mais on peut aussi aller au sein des capitales européennes puisque souvent la position d'un État membre va être développée au niveau national, au niveau du ministère. Par exemple, si on parle packaging, au niveau du ministère environnement du pays, c'est là où ils vont développer la position, par exemple, de la Pologne sur ce sujet-là, et puis ils vont l'envoyer à leur ambassade ici, donc à la représentation permanente de la Pologne auprès de l'Union européenne, et puis qu'il va aussi en discuter avec eux. Donc, en fait, pour influencer le Conseil de l'Union européenne, souvent, il faut aussi aller dans les États membres, rencontrer les gens des ministères... Et donc, vous êtes présent dans 27 États membres ? Eh bien, Greling est présent dans la majorité des États membres, donc on peut nous faire appel, alors, aux bureaux nationaux qu'on a sur place, ou bien, voilà, parfois, on va à nos clients sur place aussi, on leur dit, ah, c'est très bien d'aller voir... Et on essaie d'organiser des rendez-vous au niveau national. Alors maintenant, le plus facile pour nous, à Bruxelles, c'est quand même d'aller au niveau des ambassades, comme je dis, ou des représentations permanentes, ça, on essaie de le faire d'office, mais parfois, c'est encore mieux d'aller, en effet, au niveau des capitales, comme on dit. Oui. Donc ça, on fait aussi pas mal. Oui. Et effectivement, cette complémentarité, c'est dans la nature, je souligne, je répète ce que vous avez dit, mais c'est dans la nature du Conseil de l'Union européenne que d'être composé des représentants des États membres, et donc, il faut agir au niveau de chacun des États membres. En fait, les trois institutions européennes, donc la Commission représente l'intérêt de l'Union européenne, donc c'est le fonctionnaire européen, et on a le Parlement qui représente l'intérêt des citoyens, et donc, ce sont nos parlementaires européens qu'on a élus, et le Conseil de l'Union européenne représente l'intérêt des États membres, et donc, ce sont les représentants des États membres qui sont au Conseil. Oui. Il y a les trois institutions, et donc, il faut jouer sur les trois, et alors, bien sûr, les messages qu'on peut passer ne sont pas toujours les mêmes en fonction de à qui on parle. Oui. Parce qu'on sait que quand on parle à un politicien comme quelqu'un représentant un MEP, donc un membre du Parlement européen, on va parler de manière tout à fait différente que quand on parle au fonctionnaire de la Commission européenne qui lui est un fonctionnaire, un technocrate, et puis, bien sûr, alors, quand on va aux représentations parlementaires, c'est plus des diplomates ou des gens des ministères, mais qui sont, en fait, délégués au niveau de Bruxelles, au niveau des représentations permanentes. Oui. Donc, le discours est différent. C'est un peu ça aussi. C'est le but de... C'est notre rôle aussi, en tant que lobbyiste, par rapport à nos clients, c'est de leur expliquer, vous allez voir un tel. Alors, il faut plutôt souligner ceci ou cela. Ça va plus parler à un politicien si on lui parle de l'impact que la gestion va avoir dans sa région reculée d'Italie, par exemple. Oui. Mais ça, je ne vais pas aller dire ça aux gens de la Commission européenne. Ce n'est pas le point le plus important. Alors, vous allez voir un tel. Ça veut dire que vous envoyez vos clients parler aux politiques ? Oui. Avec nous, souvent, oui. On va avec eux. Mais oui, c'est l'idée. C'est d'abord essayer d'avoir des rendez-vous avec les différentes personnes. Comme je vous dis, d'abord, on fait ce qu'on appelle une cartographie, si vous voulez. On identifie qui sont les personnes importantes à rencontrer et puis on essaie d'aller les rencontrer, d'organiser rendez-vous. Comme je vous dis, c'est avec certains, beaucoup de succès, d'autres, pas du tout. Et puis, on essaie... C'est toujours mieux si la personne, notre client, est là que nous. On peut aller nous, juste en son nom, mais on essaie toujours d'avoir quand même le client à nous parce que d'abord, il connaît beaucoup mieux son entreprise, son ONG, que nous. Nous, on est plus le médiateur, c'est-à-dire lui qui va permettre l'entretien et qui est là pour parfois les remettre un peu sur les rails quand on voit que la discussion s'égare ou bien pour soulever un point que le client a oublié de soulever et qui, pour nous, nous paraît essentiel. Donc, vraiment, on les brief avant pour lui dire ce qu'il y a pas mal de soulignés, c'est ça et ça. Mais si tu as une bonne anecdote à raconter à ce sujet-là, n'hésite pas. Ça parle. Ils ont la légitimité. Ils ont la légitimité, exactement. Ils connaissent leur entreprise dix mille fois mieux que moi, donc parfois, la personne va dire quelque chose et directement, eux, ça va leur faire intuire. Vous savez, si on ferait ça et ça, ce n'est pas possible pour nous. Moi, je ne sais pas. Je ne suis pas dans leurs chaussures. J'essaie de m'y mettre en tant que conseiller pour eux, mais ça reste quand même… Moi, je suis l'expert dans ce qu'on appelle le decision-making process, mais pas l'expert dans leur entreprise. Oui, c'est ça. Donc, vous êtes responsable de Health and Agri-Food. Oui. Donc, vous ne faites pas du tout les relations extérieures d'une manière générale, mais ce qui nous a intéressés aussi à cette émission, c'est aussi le lobbying des Etats étrangers qui ont aussi recours à des sociétés comme la vôtre. Oui. J'ai vu d'ailleurs que Grayling a travaillé pour un projet qui n'a jamais été concrétisé, Nabucco, il y a des années, un projet de distribution d'hydrocarbures. Oui. Dans la région du Caucase et de la mer Noire, mais Nabucco n'a jamais été concrétisé. Par contre, il y a eu plusieurs autres pipelines qui ont été construites depuis et qui ont impliqué d'autres cabinets. Oui. Vos concurrents, certainement. Alors, pourquoi est-ce qu'un Etat étranger aurait besoin de lobbyistes auprès des institutions européennes ? Bon, pour Nabucco, ça faisait moi jamais travailler dessus, donc je ne sais pas vous dire ce qu'ils ont dû faire. Oui, je ne vous demande. Je ne suis pas debout de côté de Nabucco. Mais donc voilà, certains Etats font appel en effet à des cabinets de conseil. Là, pour le moment, nous, on n'en a pas, mais ça peut parfois arriver. Mais c'est plus de nouveau parce que, bon, les institutions européennes, c'est complexe. A mon avis, c'est très complexe, surtout pour quelqu'un qui n'a jamais été, qui n'est pas grandi dans l'Union européenne, qui ne comprend pas toujours bien le système. Et donc, avoir un bureau de conseil qui peut leur expliquer d'abord qui aller voir, qui il faut rencontrer, parce qu'ils ne le savent pas eux-mêmes. Et donc, c'est souvent pour ça qu'ils font appel au bureau de conseil. Et en matière de politique étrangère, c'est un sujet en plus très délicat, parce que c'est un sujet qui est encore en grande partie aux mains des Etats membres, donc des capitales, comme on le disait, et où il y a une coopération au niveau de l'Union européenne, mais qui ne peut pas se faire sans l'accord de tous les Etats membres. Il faut l'unanimité. Voilà, il faut l'unanimité. C'est parfois très complexe, et alors, bon, ils font appel, ils essaient d'avoir le soutien parfois du Parlement européen aussi, qui peut aussi faire des résolutions, qui demandent alors d'agir, mais pour avoir vraiment une action concrète, il faudra l'unanimité auprès du Conseil de l'Union européenne. Mais voilà, certains pays aiment bien aller faire appel aux parlementaires pour essayer d'abord d'obtenir leur soutien dans certains sujets qui sont discutés. Il y a tout ce qui est vraiment politique étrangère, et puis il y a tout ce qui est règlement commercial. Ça aussi, c'est un point important. Et là, par contre, c'est une compétence de l'Union européenne. Et donc, bien sûr, que là... Règlement commercial, c'est-à-dire les négociations commerciales entre l'Union européenne... Et les pays tiers. Et les pays tiers, oui. Oui, comme on a parlé beaucoup du Mercosur, c'est d'un étang, ben voilà, ça, c'est une compétence de l'Union européenne, donc ça, c'est vraiment de la commission qui propose, et puis voilà, donc ça va au Parlement. Donc ça, c'est une compétence exclusive, en effet, de la commission, et donc... Pardon, de l'Union européenne. Et donc, du coup, là-dessus, bien sûr, certains états membres qui aimeraient peut-être avoir de bons accords, essaient de faire du lobby auprès des institutions pour avoir un accord. Maintenant, de nouveau, si tout est fait de manière la plus transparente possible, en développant bien qui est-ce que vous représentez, je trouve que c'est... En anglais, on dit c'est fair, c'est honnête. Maintenant, tout ce qui est corruption, ça, bien sûr, ça ne va pas. Et ça, c'est plus du lobby, pour moi, c'est de la corruption. Mais oui, les... Ou bien, nous, on a quand même parfois, on a quand même un état qui fait appel à nous, mais là, c'est plus pour de l'information. Ils veulent essayer de comprendre comment ça fonctionne, quel est... Voilà, on a organisé pour eux un dîner avec des parlementaires européens lors d'une session de Strasbourg, juste d'abord pour discuter des différents sujets qui interpellaient ce pays. Et donc, c'était à fait transparent. C'était avec l'ambassadeur d'un état extérieur, justement, auprès de l'Union européenne, qui était venu à Strasbourg et avait invité certains parlementaires pour discuter de, voilà, comment est-ce qu'il estime que son pays pourrait mieux collaborer avec l'Union européenne. Et puis, voilà, c'est une discussion ouverte. Ça ne mène pas spécialement à quelque chose de concret, mais c'est plus... C'est plus de lobbying soft. Voilà, c'est plus pour... Pour entraîner les relations. Exactement, pour entraîner les relations. C'est beaucoup. Et puis, pourtant, il n'y a pas de sujet vraiment spécifique pour cet état pour le moment sur la table, mais c'est plus... Voilà, et puis d'essayer de comprendre. Il y a beaucoup d'états membres qui essaient aussi de comprendre ce qui se passe au niveau européen, surtout dans les réglementations environnementales, parce qu'on remarque que les législations européennes au niveau environnemental font souvent boule de neige. Et donc, du coup, quand ça passe au niveau européen, souvent, ça va être répliqué dans d'autres états tiers. Et donc, ça intéresse très fort, du coup, aussi, de voir ce qu'il se passe ici et parfois aussi, déjà, d'influencer un peu ce qui se passe ici pour éviter que ça arrive dans leur pays ou, au contraire, pour que ça arrive dans leur pays. Ça peut être dans les deux sens aussi. L'Union européenne sert d'exemple pour pas mal d'autres pays tiers. Il y a, par exemple, des législations environnementales typiquement. Donc, voilà. Oui. Et alors, vous me disiez... Donc, vous n'avez pas eu... Vous n'avez pas eu de contact professionnellement avec des questions qui intéressent en particulier l'Arménie ou les questions arméniennes ou l'adhésion de la Turquie, voilà, toutes ces questions-là. Vous n'êtes pas en mesure de commenter, mais peut-être que vous auriez des conseils à donner à ceux qui s'intéressent au lobbying dans le monde arménien. Oui. Pas forcément le gouvernement arménien, mais on va dire dans la diaspora, sur la meilleure manière d'aborder les institutions européennes, puisque c'est de ça qu'il s'agit. Et alors, je vais quand même vous donner... On va dire de la matière. Peut-être pas... J'allais dire une piste, mais plutôt de la matière. C'est-à-dire, il y a eu... Les institutions européennes étaient foncièrement indifférentes à ce qui se passait dans le Caucase jusqu'au mois de septembre 2022. Oui. Et puis, il y a eu un virage au mois de septembre 2022. Et l'Union européenne a commencé par envoyer une mission de monitoring à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et puis a cru l'importance de cette mission. Et maintenant, on voit que la coopération augmente, y compris en matière de sécurité. Et maintenant, la France a une coopération militaire avec l'Arménie, ce qui n'était jamais arrivé avant. Alors, on peut comprendre que, dans une certaine mesure, c'est l'Arménie qui a sollicité peut-être davantage que dans le passé une relation étroite avec l'Union européenne. Mais je crois que, véritablement, l'Union européenne a changé. Et pour tout le monde, c'est un petit peu un mystère. Chacun a son interprétation, bien sûr. Comment se produit un tournant de ce type-là, et aussi brutal ? Ça, c'est une bonne question. Les tournants peuvent être liés à différentes choses. D'abord, là, dans ce cas-ci, ce ne sera pas le cas, puisque vous dites que c'est 2022. Oui, 2022, six mois après le début de la guerre en Ukraine, par exemple. Ça peut quand même jouer aussi, on est bien d'accord. Il y a parfois des situations géopolitiques qui vont entraîner des changements de décision, ou des changements de perception. Il peut aussi y avoir des changements de personnes, bien sûr. Par exemple, maintenant, on a une année électorale cette année. Il va y avoir un nouveau Parlement européen. Il va y avoir une nouvelle Commission européenne à partir du mois de novembre. Les personnes peuvent aussi jouer. Si vous avez quelqu'un qui est plus sensible à la cause, un manien qui est nommé commissaire d'affaires étrangères, par exemple, ça pourrait. Maintenant, il y a aussi, à mon avis, un lobby assez important qui vient parfois aussi des États membres. On en avait discuté déjà, mais on sait que la France est plus sensible à la question arménienne que d'autres États membres. La France joue quand même un rôle assez important au sein de l'Union européenne et du Conseil de l'Union européenne. Est-ce qu'elle a plus poussé, cette fois-ci, pour avoir une position de l'Union européenne à ce sujet ? C'est difficile à voir. Il y a aussi toute la question, maintenant, en 2023, la plus due au Karabakh. Il y a aussi, maintenant, en septembre, encore plus d'aides humanitaires, parce que c'est un sujet qui a, tout à coup, aussi sensibilisé la population européenne, je pense. On n'en a pas eu dans les médias, donc ça sensibilise la population, et du coup, les dignitaires européens se disent qu'ils doivent faire quelque chose, que les Européens se sentent concernés. Tant que ça passe, entre guillemets, personne n'en parle et que personne ne le voit, l'Union européenne ne va peut-être pas bouger spécialement. N'oublions pas qu'il y a d'abord toute cette question aussi de parlementaires européens qui sont des politiciens, donc il n'y a rien à faire. Il y a toujours cette question de... Mais ça a émergé dans les médias cette année, en 2023. C'est-à-dire un an après ce virage. C'est d'abord les institutions qui ont changé de position. C'est difficile à voir. Je n'étais pas dedans, donc je ne sais pas vous dire ce qui a changé. Par contre, ce que je pourrais vous dire, ce qui est très important, si vous voulez avoir un impact auprès des institutions européennes, c'est quand même relier ce message, en effet, auprès de certains états membres plus sensibles qui vont pousser votre position, puisqu'on parle politique étrangère, mais aussi auprès de certains parlementaires qui pourraient être plus sensibles et mettre, déposer ce qu'ils peuvent faire, c'est déposer une résolution qui peut être votée au Parlement européen. Différentes choses qu'il y a moyen de mettre en place. Pour ça, il faut avoir un message assez uni et qui pousse dans la même direction. Par exemple, on parlait, vous disiez, est-ce que c'est l'Arménie, est-ce que c'est les Arméniens de Belgique ? C'est toujours un peu compliqué, mais en effet, s'il y a, j'allais dire, une cohérence dans le message qui pousse dans la même direction, ça peut faire bouger les choses. Je parlais de cohérence du message. Je n'allais pas du tout vous proposer que c'était les Arméniens de Belgique qui avaient fait bouger la Comité européenne. J'aurais aimé, mais... Ça n'est pas parmi ma liste des explications plausibles, mais je vais vous en proposer une. En réalité, la stratégie de l'Azerbaïdjan, donc la stratégie des Arméniens, a toujours été, c'est une stratégie un peu... une stratégie sans stratégie, ça a été de présenter l'Arménie comme un État en danger, et les Arméniens du Karabakh comme une population en danger. Et la stratégie qui venait de l'autre côté, principalement d'Azerbaïdjan, mais aussi de Turquie, puisqu'il y a ce clivage désormais bien ancré, était de présenter un contre-message, donc un narratif inverse, comme quoi l'Arménie était l'agresseur de l'Azerbaïdjan, occupe l'Azerbaïdjan, comme quoi les Arméniens sont des racistes et fascistes, étaient des alliés des nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il y a toutes sortes de messages qui circulent. Donc vous avez une contre-information, une désinformation très efficacement organisée, qui ne se préoccupe pas particulièrement de cohérence, mais qui réussit, parce qu'il y a de la tactique là-dedans quand même, et parce qu'il y a beaucoup de moyens, qui réussissait à neutraliser le message arménien, au sens où en Occident, on se dit, mais comme c'est compliqué tout ça, qui a tort et qui a raison, allez savoir. Et donc on devait donner à tout le monde le bénéfice du doute ou à personne, et ça, ça a paralysé les Occidentaux. Ça les a paralysés dans la mesure où ils n'avaient par ailleurs pas d'intérêt majeur, ou ils ne pensaient pas avoir d'intérêt majeur, en tout cas du côté arménien. Et puis à partir de septembre 2022, l'Azerbaïdjan a en fait attaqué l'Arménie à ce moment-là, alors que dans le passé, l'argumentaire, c'était l'intégrité territoriale. Donc une fois que l'intégrité territoriale de chacun sera restaurée, tout ira bien. Dès lors qu'ils ont attaqué l'Arménie, ils ont démoli leur propre argumentaire et leur propre crédibilité, et me semble-t-il, en tout cas au niveau des narratifs, c'est l'explication la plus plausible. Et les Occidentaux se sont rendus compte, les uns après les autres, à la commission, au conseil, etc., tous ces gens qui passent rarement 5 minutes à s'intéresser au Caucase, se sont rendus compte qu'ils ont été trompés. Et celle qui a exprimé ça explicitement, c'était Annalina Baerbock, qui a dit « Aliev nous a menti » et qui a fait rire tous les Arméniens qui entendent Aliev mentir tous les jours depuis 20 ans. Donc voilà, ça c'est mon explication et qui montre un petit peu, si elle était justifiée, comment le lobbying peut fonctionner et puis aussi au niveau des narratifs et quels peuvent être ses limites. Je ne sais pas si vous avez une réflexion à faire là-dessus. Par ailleurs, il y a le gaz aussi. Une autre explication, c'est le gaz, oui. Je pense que c'est une grande explication, malheureusement. Que ça joue beaucoup. Mais que la situation du Caucase est compliquée et que c'est vrai que pendant longtemps, l'Union Européenne n'a pas voulu trop s'en mêler, de peur justement de se fâcher avec l'un ou avec l'autre, etc., et que là, en effet, l'invasion par un réserve à gens, bon, il ne peut pas jouer la carte du « on ne sait pas, c'est neutre, on ne veut privilégier personne », donc là, il y a quand même, à mon avis, aussi un réveil. Mais ça reste une situation extrêmement compliquée et je pense quand même que le fait de ce qui est des informations, malheureusement, fonctionne parfois trop bien et que dans des sujets aussi complexes et que du coup, ben voilà, ils ont fait des informations assez fortes qui ont marché. Ça a marché en partie. Je pense que ça marche aussi en grande partie parce que, comme vous le dites, il y a le gaz et toutes les discussions qui sont liées à ça et que l'Arménie, par rapport à un pays comme d'autres, comme le Zimbabwe mais comme d'autres, n'a pas le même pouvoir non plus financier à mettre aussi la langue. — La désinformation, ça marche ? — Ça marche trop bien, malheureusement. — Vous l'avez vu au niveau des institutions européennes ? — Oui, on le voit. Et là, je vous avoue que parfois, c'est amusant de voir qu'on pense parfois que c'est vraiment les... Mais moi, je vois ça au niveau parfois même des ONG qui parfois ont des messages où on les regarde. Mais c'est tellement ahurissant, anti-industrie, parfois. Alors parfois, c'est justifié, mais parfois, c'est tellement ahurissant. — C'est de l'idéologie, pas de l'information. — Oui, mais c'est parce que c'est basé parfois sur des chiffres qui ne sont pas corrects. Donc là, l'idéologie est basée sur des chiffres qui ne sont pas toujours les plus cohérents non plus. Et on se dit « Mais d'où vous sortez vos chiffres ? » Et parfois, il n'y a pas de... Et ça, c'est toujours le problème. On peut parler du lobby en général, mais c'est vrai que nous, quand on arrive pour défendre parfois une ONG, on va être beaucoup mieux accueillis que quand on arrive pour défendre une industrie. Parce que l'industrie, on va directement avoir en train de se dire « Oui, mais eux, ils sont biaisés ». Mais par contre, l'ONG, on va juste se dire « Ah, eux, ce sont les bons, les gentils, ils ne sont pas biaisés ». Parfois, ce n'est pas du tout le cas. Bref, ça, c'est un autre sujet. Mais c'est amusant de voir que parfois, on a des chiffres qui sortent de certaines ONG. On se dit « Mais d'où vous sortez vos chiffres ? » Et qu'on n'arrive pas à avoir... Les informations continuent à... malheureusement, à exister parfois. Mais c'est pour ça que je crois que... Et je reviens sur ce que je disais au début. Je ne crois pas qu'on puisse dire que les ONG sont la principale source de désinformation. Pas du tout. Non, non, non, non. Ce n'est pas du tout ça que je veux dire. Là, je me fais très mal comprendre. Parfois, ce qui est drôle, c'est qu'on pourrait croire que ça ne vient que de... Justement, de lobby. Mais pas spécialement. Mais c'est pour ça que moi, je crois que chacun doit jouer son rôle. Et je pense, et je reste convaincue, et moi, c'est le point principal, que le décideur doit se renseigner par lui-même aussi. Il doit savoir faire la part des choses. Et que ce soit au niveau de deux États qui viennent lui présenter la chose de manière différente. Que ce soit au niveau des industries, des ONG qui viennent lui présenter des choses différentes. C'est très, très important. Le sens critique. Voilà, je crois que c'est essentiel dans notre démocratie aujourd'hui, de tous les décideurs politiques, et décideurs en général, de savoir faire preuve de sens critique. Et de ne pas croire tout ce qu'on leur dit, et de tout ce qui tombe comme ça. Oui, ils ont, en bout de course, la responsabilité de la décision. Mais alors, on va terminer rapidement. J'ai comme une dernière question qui me chatouille. C'est que l'existence même des lobbyistes professionnels, qui ne sont pas donnés, il faut les payer. Ça introduit un biais au niveau de l'accès aux institutions politiques, surtout aux institutions européennes. Il faut avoir les moyens de se les payer. Est-ce que ça, en soi, ça ne biaise pas le type de législation qu'on finit par avoir ? Le type de politique que met en place l'Union européenne ? On parlait à l'instant de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie. L'Azerbaïdjan qui avait les moyens. L'Arménie, non. Je ne sais pas, parce que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de... Là, je vous dis, on fait du travail pour les patients groupes. Il y en a certains, des patients groupes, qui vont faire appel à nous et qui vont peut-être nous payer d'abord un fee beaucoup moindre que ce qu'on demande à l'industrie. Il y en a qui travaillent par eux-mêmes et qui sont parfois beaucoup plus écoutés que des grosses entreprises pharmaceutiques. Si vous allez voir certains parlementaires, vous arrivez en train de dire, je viens vous parler au nom des patients atteints de certaines maladies, tout de suite, ils vont vous recevoir. Vous arrivez, vous dites, je viens vous parler au nom de des patients pharmaceutiques. Non, on ne parle pas à l'industrie. L'argent n'est pas le nerf de la guerre partout. En tout cas, je ne pense pas que ça biaise tellement, parce que je pense que, justement, parfois, il y a un biais dans l'autre sens. Quand l'industrie vient, on dit, c'est assez industrie, on ne va pas l'écouter. Alors que quand c'est des groupes de patientels ou quand ce sont des ONG, on va les écouter, faire un premier abord plus facilement. Maintenant, oui, c'est vrai que l'avantage d'avoir un patient comme nous, on va développer des messages beaucoup plus clairs, beaucoup plus précis, que quelqu'un qui arriverait tout simplement, qui n'a jamais fait ça de sa vie et qui ne sait pas très bien quoi dire. Donc oui, mais ce n'est pas vraiment... Je ne pense pas que c'est tellement l'argent qui va tellement jouer, je pense... C'est le professionnalisme qui concilie. Je pense que quelqu'un qui ne peut faire très bien tout soi-même et organiser son message tout seul, il sait le faire aussi. Mais voilà, il faut le faire correctement, il faut savoir qu'il y a des voies. Et de nouveau, je reviens sur le fait que finalement, à la fin, ce sera le décideur qui doit savoir accueillir tout le monde et écouter tout le monde. On va rester sur ce mot de la fin. Sophie Jacob, merci infiniment de nous avoir aidé. J'espère que j'ai été claire et que je n'ai pas... Vous avez été très claire, mais on sent qu'il y a encore beaucoup de choses à dire. Peut-être qu'on se reverra pour une nouvelle émission, une autre fois. En tout cas, merci beaucoup de nous avoir accompagné pendant toute cette émission, de nous avoir aidé à comprendre le lobbying. Et j'espère surtout que cette émission aura intéressé nos auditeurs. Je leur donne rendez-vous à la prochaine émission pour une nouvelle séance de Armée de lobby. Merci beaucoup. Sous-titrage ST' 501